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6. Certificats et démarches volontaires

6.2 La compensation volontaire

Dans le sens ou nous l’entendons, la compensation volontaire consiste en la possibilité pour un acteur de choisir de compenser ses émissions (ou sa consommation d’électricité par exemple) en achetant des certificats sur un marché sans être sujet à une quelconque contrainte ou obligation (ce qui n’est pas le cas des systèmes cités auparavant).

Aussi, le mécanisme de compensation repose sur des raisons qui sont propres à l’acteur et d’une nature plutôt psychologique comme nous allons pouvoir le constater.

Le système de compensation volontaire qui s’est peu à peu mis en place concernant le CO2 est un bon exemple (le seul à notre connaissance d’ailleurs) pour explorer les principes de fonctionnement de cette démarche totalement volontaire. Nous nous basons ici sur une étude effectuée par la mission climat de la caisse des dépôts française76 (Bellassen et Leguet, 2007).

Parallèlement à la mise en œuvre du protocole de Kyoto, un nombre croissant d’entreprises, de particuliers et d’acteurs publics s’engagent volontairement à compenser les gaz à effet de serre qu’ils émettent. Ce marché de la compensation volontaire se développe rapidement : on y échange déjà plus de 10 millions de tonnes de CO2 qui résultent de projets de réduction d’émissions. Il permet de financer des projets non soumis au cadre méthodologique de « Kyoto », souvent plus petits, divers et parfois innovants. Cette diversité est une richesse. Mais le flou des règles méthodologiques et la faible traçabilité des produits autorisent la présence de projets de mauvaise qualité et ne procurent pas une information sécurisée à l’acheteur. Il en résulte une troublante hétérogénéité des prix. Les différents labels de qualité et les démarches de bonne

76 La caisse des dépôts est un établissement public mixte (public/privé).

55 conduite devraient permettre de progresser vers une meilleure standardisation des produits et l’émergence d’un véritable marché. (Bellassen et Leguet, 2007. p.1)

Selon Bellassen et Leguet (2007), la compensation volontaire dans le domaine du CO2 constitue un phénomène qui tend à se multiplier et qui reflète la prise de conscience du risque climatique. Les estimations du volume du marché de la compensation volontaire tablent entre 10 et 1000 MtCO2 équivalent en 2010 (chiffré en 2007).

Il est intéressant de noter que près de la moitié de la demande en compensation volontaire a pour origine les entreprises. Ensuite viennent les particuliers (via l’achat direct d’une prestation de compensation (17%) ou l’achat d’un produit ou d’un service intégrant une compensation (13%)).

Suivent enfin les organisateurs d’évènement (8%), puis les associations (3%) et autres opérateurs (2%, principalement des collectivités territoriales).

Concernant les motivations qui poussent ces acteurs à compenser de manière volontaire leurs émissions, elles sont multiples et diversifiées. Les auteurs les ont réparties en quatre principaux moteurs :

• impératif citoyen ou éthique (cas des particuliers et des associations notamment) ;

• communication et réputation (cas des organisateurs d’événements et des entreprises) ;

• création de valeur ajoutée (cad développement de produits « neutres en carbone » pour se positionner sur un marché) ;

• apprentissage proactif du fonctionnement du système (cad acquisition d’expérience pour les entreprises non encore soumises au système du marché du CO2 par obligation, exemple du secteur de l’aviation en Europe).

Les critères de choix des projets sont également intéressant à relever (cf. annexe 13). Notons ici que les critères du prix (transparent et raisonnable) et de la réputation du prestataire se détachent significativement. Le second critère s’explique principalement pour pallier à un certain défaut de confiance dans le système de la compensation volontaire de la part des acteurs de manière générale.

Par ailleurs, les auteurs soulignent que l’émergence de ce marché est parallèle à celui du Protocole de Kyoto (et de l’UE) et qu’il existe ainsi une complémentarité entre ces deux segments. Ainsi on peut se poser la question de savoir un marché de compensation volontaire peut se mettre en place sans l’existence d’un homologue « obligatoire » qui permet en quelque sorte de « supporter » une partie du système.

La filière de la compensation volontaire peut ainsi se décliner en cinq chaînes d’approvisionnement qui soulignent notamment le type de crédit (certificat) qui est utilisé pour la compensation, son niveau de vérification et son niveau de couplage au système Kyoto (cf. annexe 14) :

• type ER (emission reduction) : porteurs de projet sans vérification externe

• type VER (verified emission reduction) : porteurs de projet avec une vérification des méthodes et des calculs de certification par un tiers

• type VER labellisé : idem mais avec une méthodologie définie par une autorité privée (CCX par exemple)

• type ERU (emission reduction unit - MOC), CER (certified emission reduction - CDM) et certificats produits dans le cadre de systèmes régionaux (AUS, USA) : vérification par des autorités publiques

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• type AAU (assigned amount unit - quotas) cédés aux entreprises par les Etats (CHU en Suisse, EUA dans le cadre du système européen) : droits d’émissions qui peuvent être retirés du marché

Au sein des ces différentes chaînes d’approvisionnement, nous pouvons identifier les acteurs de la compensation volontaire, à savoir les porteurs de projets, les consultants & courtiers, les fonds et grossistes, les prestataires spécialisés (action carbone, Climate Mundi,…), les entreprises et les clients finaux.

• Retour sur les notions de vérification et d’additionnalité

Tout comme c’est le cas dans le cadre des systèmes de certificats blancs (contraignants), la mesure et vérification est l’un des points cruciaux de la compensation volontaire.

Dans un système fondé sur la confiance et des considérations d’ordre psychologique (valeurs, actes citoyens, etc.), ce point pourrait d’ailleurs revêtir une importance encore plus grande que dans le cas des systèmes contraignants.

Dans le cadre des la compensation volontaire, qui peut également ne pas être sujette à vérification externe (cas du type ER), l’organe de vérification joue donc un grand rôle pour la crédibilité du système : elle peut être une autorité privée de labellisation (autorités de marché ou acteurs privés) ou de vérification, une autorité internationale ou locales. Aussi, la vérification peut être effectuée selon un protocole (type bilan carbone de l’ADEME) qui donne un cadre méthodologique pour quantifié les émissions ou par des labels qui soumette la certification à une grille de critères77 (cf. annexe 15). Certains labels obtiennent d’ailleurs une caution morale avec le soutien d’associations de défense de l’environnement

Ainsi, l’étude de Bellassen et Leguet (2007) conclut sur les intérêts et les risques du marché volontaire en soulignant d’une part la rentabilité à plus petite échelle d’une telle démarche et son potentiel innovateur et d’autre part certaines dérives pouvant remettre en jeux la crédibilité et l’intégrité de ce marché (cas de certificats bidons, absence de système de traçabilité (hormis systèmes internes) et possibilités de vente multiple de la même réduction, etc.).

Aussi, pour les auteurs, l’enjeu essentiel est bien la mesure de la réduction des émissions générées par les projets dont la pierre angulaire est celle de l’additionnalité qui est le point le plus souvent mis en avant par les critiques des démarches volontaires. Si théoriquement l’additionnalité est simple à définir, pratiquement elle est beaucoup plus complexe à appréhender et à évaluer.

Est additionnel un projet qui ne peut avoir lieu sans valorisation des réductions d'émissions sur les marchés du carbone. Corollaire immédiat, un projet non additionnel ne génère pas de réductions d'émissions supplémentaires, et un acteur qui chercherait à compenser ses émissions via un tel projet ne participerait pas in fine à la lutte contre le changement climatique. (p.27)

Aussi l’additionnalité des certificats revêt toute son importance dans un système basé sur le volontariat et sur une démarche de type éthique. Cependant, une mesure de l’additionnalité idéale, au même titre d’ailleurs qu’une vérification idéale, impliquerait des coûts de transaction important qui ne pourrait être supportés par les « petits » acteurs qui dominent le marché de la compensation volontaire. Les auteurs notent d’ailleurs à ce titre que « le test d’additionnalité est d’autant plus

77Labels projets type CDM, CCX, VGS, VCS de IETA/ClimateGroup/WBCSD/ForumEconomiqueMondial /VER+ de Tüv-Süd et ECIS de banques et institutions financières VS label démarche du type Climate Cool de Climate Neutral Network)

57 important que la demande est faible : les premiers projets financés sont préférentiellement des faux positifs puisque par définition, ceux-ci ne nécessitent pas un prix élevé pour entrer sur le marché » (p.27).

Bellassen et Leguet (2007) concluent ainsi sur l’utilité du marché de la compensation volontaire

« pour la finance carbone dans son ensemble puisque son rôle de terrain d’apprentissage et de vivier de méthodes de réductions d’émissions pour les marchés obligatoires est reconnu par l’ensemble des acteurs. Certains voient même dans les labels et la communication des entreprises sur leurs démarches de neutralité carbone un outil de sensibilisation privilégié à l’attention du grand public : un terrain d’apprentissage pour les particuliers en quelque sorte, qui les prépare à faire face à des dispositifs les touchant plus directement. » (p. 31)

6.3 Conclusions et perspectives de recherche

A priori, un système de compensation volontaire ou un marché volontairement contraignant dans le domaine des certificats blancs (et dans le domaine de l’électricité) est une possibilité envisageable si l’on considère l’exemple du CO2. En effet, du moment où il existe une offre et une demande en économie d’énergie, il suffit que celles-ci se rencontrent pour qu’un marché puisse se construire.

Il serait donc intéressant d’évaluer si une telle offre et demande existe dans un territoire donné (local, régional, national, etc.) et notamment à quel coûts pourraient être proposées les économies d’énergie et à quelle prix elle pourrait être achetées. Cette perspective implique des études économiques sur l’offre, notamment l’évaluation du coût du kWh économisés, ainsi que sur la demande, dans le cas de la compensation totalement volontaire, une évaluation du consentement à payer par exemple. Dans ce derniers cas, deux types de méthodes pourraient être envisagées : une évaluation basée sur les préférences exprimées des acteurs (méthode d’évaluation contingente : enquêtes) ou une méthode basée sur les préférences révélées (technique hédoniste : méthode statistiques) qui ont toutes deux leurs avantages et inconvénients.

Néanmoins, il convient ici de souligner certains aspects compte tenu de la dimension

« psychologique » importante d’un tel mécanisme (confiance, intégrité, valeurs, etc. ) et qui poussent à ne pas considérer cet aspect sous son seul angle économique :

6. la démarche de compenser volontairement ses émissions (ou sa consommation d’électricité par exemple) relève de motivations qui dépassent la simple rationalité économique des acteurs : conscience écologique, théorie de la bonne action, image, réputation, communication de valeurs, etc. sont des éléments clés qu’il faudrait intégrer à une étude de faisabilité d’un système de compensation volontaire (intégration d’une approche de psychologie environnementale par exemple) ;

7. la médiatisation et « l’effet de mode » de la problématique du changement climatique, de ses conséquences, etc. doit jouer un rôle non négligeable dans l’attrait des acteurs pour ce type de mécanisme, ce qui n’est pas forcément le cas de la thématique des économies d’énergie, bien que nous ayons constaté que les systèmes contraignants de certificats blancs tendent à diffuser cette thématique ; néanmoins, les ordres de grandeurs sont selon nous pas comparable, pour le moment du moins ;

8. dans le même ordre d’idée, la compensation volontaire semble bénéficier de l’effet (médiatique) et du support du Protocole de Kyoto ; la thématique des certificats blancs ne

58 semblent pas encore être porteuse dans les mêmes proportions (notamment au niveau du citoyen lambda) ;

9. la dimension « expérience acquises » et notamment dans la perspective d’une anticipation de norme futur peut être un élément supplémentaire à évaluer ;

10. la dimension crédibilité, intégrité du système (principalement liée aux processus d’évaluation, de vérification et au principe de l’additionnalité) revêt une importance stratégique, la confiance dans le système en dépend.

Ainsi, ces considérations poussent à étudier la possibilité d’un dispositif volontaire d’échange de certificats blancs d’un point de vue économique mais également moins rationnel (point de vue psychologique par exemple) qui pourrait être appréhendé à l’aide d’études d’acceptabilité (enquêtes d’opinions par exemple). Ce champ d’investigation n’est aujourd’hui pas exploré et l’opportunité de créer un marché volontaire de certificats blancs sera d’ailleurs abordée dans le cadre d’un workshop organisé par le centre commun de recherche de la commission européenne à la fin janvier 2011 en Italie.

7. Conclusions : potentiels pour une recherche académique de nature

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