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4. Exemples et retours d’expériences de dispositifs de certificats blancs

4.2 Le système français

• Le dispositif

Le dispositif français de certificats blancs a été conçu pour viser tout particulièrement les importants gisements d’économies d’énergie diffus des secteurs résidentiel et tertiaire57. Il s’appuie sur les fournisseurs d’énergie pour promouvoir l’efficacité énergétique auprès de leurs clients et repose sur une obligation de réalisation d’économies d’énergie imposée à ces derniers58. Cette obligation qui prend la forme d’un objectif national triennal d’économie de 54 TWh59 (période juillet 2006-juin2009) est répartie entre les différents types d’énergies en raison de leur poids dans la consommation nationale, puis entre les vendeurs au prorata de leur part de marché et en fonction d’un seuil sous lequel ils ne sont pas soumis a un objectif d’économies60. Près de 80% des obligations se concentrent ainsi sur deux entreprises : EDF et GDF-Suez.

Afin de s’acquitter de leur obligation individuelle, les fournisseurs d’énergie doivent faire valoir un nombre de certificat couvrant un volume d’économie d’énergie équivalent à l’objectif qui leur est imposé. Dans le cas contraire, ils s’exposent à une pénalité libératoire de 2 centimes d’euro par kWh manquant (qui détermine le prix plafond des échanges de certificats).

Les certificats sont délivrés pour des actions d’économies d’énergie (a priori pour tous types d’énergie et dans tous secteurs) sous certaines conditions d’éligibilité, notamment liée au principe

54 Adopté par le Conseil fédéral le 20 février 2008.

55 Mesure 9 (OFEN, 2008) : « Promotion de l'efficacité énergétique par des certificats et/ou des bonus d'efficacité dans l'industrie et les services »

56 Proposition soutenue par les Libéraux mais rejetée notamment par les Verts. Ce point indique qu’une étude l’accpetabilité de l’instrument des certificats blancs à Genève (ou en Suisse) pourrait être intéressante à mener.

57 Gisements estimés à 70 TWh pour la consommation d’électricité et 400 TWh pour la consommation d’énergie fossile.

58 Vendeurs d’électricité, de gaz, de fioul domestique, de gaz, de pétrole liquéfié et de chaleur ou de froid par réseaux.

59 Ajusté à 53.9 TWh en raison de la prise en compte de cessations/cessions d’activités.

60 Seuil fixé : vente dépassant 0.4 TWh/an (ou 0.1 TWh/an pour le GPL et pas de seuil pour les vendeurs de fioul domestique qui sont donc assujettis dès le premier litre de fioul livré (hors ventes à la pompe) ; ils sont toutefois autorisés à se regrouper dans une structure collective et deviennent alors solidaires de leur objectif global). Le mode actuel de détermination des obligations (à partir des déclarations de ventes) induit un décalage de 2.5 ans entre les obligations et les ventes doit faire l'objet de propositions d'amélioration.

40 d’additionnalité61 (possibilité de regroupement de mesures similaires pour atteindre ce seuil). Notons à ce titre que les projets couverts par le système des quotas CO2 sont exclu du dispositif, de même que les projets de substitution entre énergies fossiles.

Les certificats attestent d’économie d’énergie comptabilisée en kWh d’énergie finale cumulée sur la durée de vie de la mesure et actualisée avec un taux de 4% (kWh cumac)62. Les demandes d’obtention de certificats peuvent être déposées par les obligés ou d’autres personnes morales et une fois délivrés les certificats peuvent être échangés sans restriction. Par opposition aux actions dites spécifiques, qui peuvent être menées pour autant que certains critères soient respectés (seuil de 1 GWh cumac, temps de retour supérieur à 3 ans, principe d’additionnalité, etc.) et qui sont évaluées sur dossier et validées au cas par cas63, des fiches d’opérations standardisées64 qui définissent les conditions d’éligibilité et des montants forfaitaires d’économies d’énergie sont élaborées pour faciliter les opérations les plus courantes dans différents secteurs (bâtiment résidentiel/tertiaire, industrie, réseaux et transport).

Les certificats sont matérialisés exclusivement par leur inscription sur un compte individuel ouvert dans le registre national des certificats d’économies d’énergie. Ce registre enregistre également l’ensemble des transactions et permet de fournir une information publique régulière sur le prix moyen d'échange des certificats.

• Quelques résultats et chiffres

Concernant la 1ère période d’engagement (juillet 2006-juin2009), 2450 vendeurs d’énergie ont été soumis à des obligations . Outre les 2408 vendeurs de fioul domestique (98% des obligés) totalisant une obligation de 6.7 TWh (12% de l’objectif total), la majorité des obligations ont reposé sur les vendeurs d’électricité (58 % de l’objectif total, pour 18 acteurs) et de gaz naturel (26 % de l’objectif pour 10 acteurs). Au 1er juillet 2009, 65.2 TWh avaient été certifiés, soit 11.2 TWh de plus que l’objectif initial, sur la base de 1’099 décisions délivrées à 251 bénéficiaires. Près de 98% l’ont été par le biais des opérations standardisées (63.7 TWh). Ces économies d’énergie certifiées se répartissaient comme suit par secteurs d’activités : bâtiment résidentiel (86.7 %), industrie (7.3 %) et bâtiment tertiaire (4.3 %)65. Notons également qu’au terme de la période, 375 acteurs ont été mis en demeure de respecter leur engagement et que six mois plus tôt (1er janvier 2009), seulement 36 TWh avaient été certifiés.

Pour la deuxième période triennale (juillet 2009-juin 2012), l’objectif global pour les fournisseurs d’énergie est passé à 255 TWh, auquel s’ajoute cette fois un objectif de 90 TWh d’économie pour les vendeurs de carburants (transport) qui n’était pas inclus dans le dispositif de la période précédente.

L’objectif total passe donc à 345 TWh, auquel il faut toutefois retrancher l’excédent d’économies d’énergie réalisé durant la première période (environ 78 TWh).

Au 31 juillet 2010, 2'764 décisions d’octroi de certificats ont été délivrées à 598 bénéficiaires pour un volume total de 127 TWh. Ces décisions se répartissent comme suit : 45 % des bénéficiaires sont des

61 Par rapport à l’activité habituelle des demandeurs (cf. point 6 ci-après).

62 En d’autres termes, le KWh cumac représente la somme des économies d’énergie annuelles réalisées durant la durée de vie de le mesure, « un taux d’actualisation de 4% est appliqué sur ces économies annuelles afin d’accorder moins d'importance au kWh économisé dans le futur » (Zgraggen, 2010).

63 L’acteur qui réalise cette opération non-standard doit alors apporter la preuve des économies réalisées et les coûts de certification peuvent alors augmenter très vite.

64 Disponibles sous http://www.developpement-durable.gouv.fr/Les-Fiches-d-operations.htm

65 Réseaux (1.3 %) et transports (0.4%).

41 obligés qui totalisent 70 % des décisions, pour 93 % des TWh certifiés, contre 55% de non-obligés qui totalisent donc 30 % des décisions pour 7% des TWh certifiés. Notons que 96 % des TWh certifiés sont issus des opérations standardisées (contre 4 % pour des opérations spécifiques). Ceux-ci sont toujours majoritairement réalisés dans le secteur du bâtiment résidentiel (plus de 80%)66, principalement dans les sous secteurs Thermique (70%) et Enveloppe (15 %). Notons par ailleurs que seulement 30 opérations standardisées représentent 90% des KWh délivrés, sur les 169 fiches disponibles. Six d’entres-elles, toutes comprises dans le secteur du bâtiment résidentiel, représentent d’ailleurs plus de la moitié de ces KWh délivrés67.

Le prix moyen mensuel d'échange au 31 octobre 2010 sur le registre national était de 0.3 c euro HT / KWh cumac, pour un volume moyen mensuel de plus de 105 GWh cumac68.

• Quelques enseignements

Après une mise en place assez tardive (1ère délivrance de certificat en novembre 2008), puis un rythme de délivrance de certificats tout d’abord assez lent (phase d’apprentissage, de mise en place, etc.), celui -ci s’est progressivement accéléré pour atteindre une vitesse qui permet au dispositif d’être maintenant opérationnel et compatible avec l’atteinte des objectifs nationaux fixés.

Notons par ailleurs que :

1. l’objectif national de 54 TWh semble réaliste en proportion du potentiel total de gisement d’économie d’énergie estimé à 470 TWh (environ 10% du potentiel) ;

2. compte tenu de la grande liberté d’action laissée aux obligés, le dispositif aura eu pour effet de transformer les activités des fournisseurs d’énergie vers des prestations de services d’efficacité énergétique et d’introduire la thématique des économies d’énergie en force dans le secteur ;

3. le faible niveau d'échange de certificats durant la 1ère période peut s'expliquer par le nombre relativement limité de demandeurs et le haut niveau d'incertitude concernant les résultats de la première période et les conditions de mise en œuvre de la deuxième période ; aussi, l'existence d'un marché d’échange ne semble pas être un pré requis à l’efficacité (voire l'efficience) du dispositif ;

4. la possibilité laissée à des acteurs non obligés de déposer des demandes tend à augmenter les coûts de transaction, sans nécessairement mener à une meilleure efficacité du système qu’elle pourrait d’ailleurs menacer si elle devait être utilisée de manière plus importante, rendant difficile, voire impossible, une instruction et un contrôle rigoureux des demandes par les services de l’Etat ;

5. si les fiches d’opérations standardisées représentent l’essentiel du dispositif et permettent de d’éviter des coûts de transaction, elles devraient être soumises à une révision afin de permettre « de supprimer les contraintes qui se sont avérées très difficiles à satisfaire par les

66 Suivent : Bâtiment tertiaire (7.1 %), Industrie (6.5%), Réseaux (4.6%) et Transport (0.3%)

67 Chaudière individuelle de type condensation (19.7 %), chaudière individuelle de type Basse température (10%), chaudière collective de type Condensation (7%), isolation des combles ou de toitures (5.8 %), pompe à chaleur de type air/air (5 %) et de type air/eau (5%) ; les 24 autres mesures ne dépassent par le seuil des 5% : Fenêtre ou porte-fenêtre complète avec vitrage isolant (4.2 %), Système de variation électronique de vitesse sur un moteur (4 %), Appareil indépendant de chauffage au bois (3%), etc.

68 L’annexe X renseignent sur le prix et le volume moyen mensuel observé pour les cessionts de certificats sur le registre national (www.emmy.fr)

42 demandeurs ou à vérifier par les services compétents et qui ne contribuent pas significativement à la fiabilité du processus » (MEDD, 2010) ;

6. la notion d’additionnalité par rapport à l’activité habituelle peut paraitre problématique (défavorable aux sociétés de services énergétiques qui œuvraient déjà dans le domaine des économies d’énergie) mais découle de la nécessité de restreindre les acteurs éligibles au dispositif (cas du secteur de la distribution d’équipement par exemple) pour minimiser les coûts d’administration ;

Certaines voix sont toutefois très critiques par rapport aux résultats du dispositif en terme d’économies d’énergie réelles et pensent notamment que les grands fournisseurs d’énergie ont tout simplement bénéficié d’un effet d’aubaine important (et engrangés des certificats induits par le remplacement naturels de systèmes thermiques obsolètes en activant leurs réseaux de partenaires) ; par exemple l’effet du crédit d’impôt pour les énergies renouvelables est bien plus important dans certains domaines (par exemple dans le remplacement des chaudières).

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