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La comarca : nouvel échelon intermédiaire, en Aragon

Communes(et( groupements(

3.2. La réforme territoriale : nouvel âge de la décentralisation

3.2.1. La comarca : nouvel échelon intermédiaire, en Aragon

En Espagne, le nombre de municipes paraît relativement modeste (8116 municipes en mai 2015) par comparaison à la France. Pourtant, de nombreuses initiatives y ont été mises en place pour rationaliser l’administration territoriale et améliorer la prestation de services aux habitants. Ces expériences ont été portées par des régions jouissant, selon la Constitution de 1978, de compétences exclusives en matière d’administration régionale. En effet la Constitution espagnole octroie la possibilité aux régions de mettre en place des « regroupements de municipes distincts de la province » (C.E., art. 141.3). Le texte constitutionnel précise plus loin : « Par le biais du regroupement de municipes limitrophes,

les Statuts (d’autonomie régionale) pourront instaurer des circonscriptions territoriales

spécifiques jouissant d’une pleine personnalité juridique » (C.E., art. 152.3). La loi

organique régissant l’organisation de l’administration locale (Ley 7/1985, Reguladora de las Bases del Régimen Local ou LRBRL) précise la nature de cette structure et les conditions de développement futur des comarcas. La comarca y est définie comme est un regroupement de « plusieurs communes dont les caractéristiques sont soit à l’origine d’intérêts communes

requérant une gestion propre, soit appellent la prestation des services à une telle échelle »

(LRBRL, art. 42). Sur cette base juridique, 12 des 17 régions autonomes se réservent le droit de créer des comarcas. Trois seulement, l’Aragon, la Catalogne et la Galice ont opté pour l’implantation généralisée de comarcas. Ailleurs, quelques expériences de ce type ont été menées mais elles demeurent marginales : au Pays basque, une seule province, l’Alava, a procédé à l’implantation des comarcas (7) ; en Castille et León, une seule comarca a été créée, celle de El Bierzo (León). La Catalogne a été la première région à se doter de comarcas, dès 1987, restaurant de la sorte un maillage territorial éphémère mis en place durant la Seconde République. L’implantation des comarcas catalanes obéit moins à un objectif de rationalisation administrative qu’à la volonté de rétablir un lien symbolique avec le découpage aboli par le franquisme. La comarca se surimpose en effet aux découpages préexistants et n’empêche pas la création d’autres formes d’intercommunalités. Elle contribue davantage à la complexification qu’à la simplification de la carte administrative.

Au début des années 2000, l’Aragon opte, à l’instar de la Catalogne voisine, pour une couverture intégrale de son territoire en « comarcas », maille intermédiaire entre le municipe et la province (figure 9). Structure de coopération intercommunale imposée par l’échelon régional, la comarca a aussi vocation à fédérer les énergies locales pour faire surgir des projets de développement. Conçue comme une alternative à la fusion communale permettant la survie des petites communes — nombreuses dans une région aux très faibles densités de population rurale — (Clarimont, Aldhuy et al., 2006), la création des comarcas fit l’objet d’un assez large consensus, aujourd’hui mis à mal par la crise des finances publiques. Les

comarcas furent mises en place progressivement entre 1993 (approbation d’une loi présentant

les principes généraux de la réforme de l’administration locale aragonaise) et 2001 (loi précisant les compétences des comarcas et les dotations financières afférentes). La mise en place des comarcas obéissait donc à une initiative régionale et correspondait à un processus

de décentralisation interne à la région visant à instaurer un nouveau échelon administratif, intermédiaire entre les communes et la province, doté d’une personnalité juridique propre, d’une réelle autonomie financière et de fonctionnement à travers son conseil communautaire ainsi que de son propre personnel. Afin de limiter la juxtaposition des zonages, toutes les structures de coopération intercommunales antérieures à la comarca (les mancomunidades de

municipios) étaient appelées à disparaître faisant de la comarca le seul échelon intermédiaire.

Dans certains cas, la mancomunidad a cependant constitué l’embryon à partir duquel s’est mise en place la comarca, assumant de façon transitoire les fonctions et les services de la future collectivité locale. Toutes les comarcas pyrénéennes, à l’exception de la Jacetania divisée en quatre mancomunidades, puisent leurs racines dans une ancienne mancomunidad (Ribagorza, Sobrarbe, Alto Gállego, Somontano de Barbastro). L’antériorité de la coopération intercommunale a joué un rôle majeur dans la mise en œuvre de la nouvelle entité comme le montre l’exemple de la comarca de l’Alto Gállego (encadré 2). À l’inverse, dans les zones dépourvues de tradition de travail en commun ou éclatées entre diverses structures intercommunales comme la Jacetania, l’installation des comarcas a été plus problématique.

Figure 9 : Le découpage de l’Aragon en comarcas (d’après la loi 8/1996 du 2 décembre)

Tarazona Calatayud Moncayo Aire de Calatayud Jalón Medio Jaca Boltaña Ejea HUESCA BARBASTRO Graus Tamarite Sariñena Fraga ZARAGOZA Daroca La Almunia Cariñena TERUEL Albarracín Montalbán Mora de Rubielos ALCAÑIZ Caspe Belchite Híjar

Aire de Teruel SudorientalesSierras Viejo Aragón Sobrarbe Ribagorza Cinco Villas Aire de Huesca Cinca Medio Litera Bajo Cinco Los Monegros Aire de Zaragoza Campo de Cariñena Llanos de Belchite Tierras de Híjar y Sástago Tierra de Caspe El Ajea de Alcañiz Serranias de Albarracín Jiloca Medio Serranias Montalbinas L'ESPACE ÉCONOMIQUE DE SARAGOSSE LE BAS ARAGON

LES TERRES DU CINCA L'ESPACE

ÉCONOMIQUE DE HUESCA

LE SYSTÈME IBÉRIQUE DE TERUEL

CINCO VILLA HOYA DE HUESCA/

PLANA DE UESCA SOMONTANO DE BARBASTRO LA LITERA/ LA LLITERA CINCA MEDIO BAJO CINCA/ BAIX CINCA TARAZONA EL MONCAYO LOS MONEGROS SARAGOSSE RIBERA BAJA DEL EBRO CASPE CAMPO DE BORJA RIBERA ALTA DEL EBRO ARANDA COMUNIDAD DE CALATAYUD VAL DE JALÓN CAMPO DE CARIÑENA CAMPO DE DAROCA CALAMOCHA TERUEL ALBARACÍN CUENCAS MINERAS CAMPO DE BELCHITE BAJO MARTÍN BAJO ARAGÓN MATARRAÑA/ MATARRANYA ANDORRA-SIERRA DE ARCOS MAESTRAZGO 0 20km

(Source : C. Royo Villanova, 1978)

HUESCA Graus

Limite d'espace économique Limite d''aire

Pôle de centralité pour un espace économique Pôle de centralité pour une aire d'influence

Infographie : Monique Morales, UPPA-ICL Labo. SET

Limite de province Limite de comarca Dénomination de la comarca MONEGROS JACETANIA ALTO GÁLLEGO SOBRARBE GUDAR-JAVALAMBRE

Infographie : Monique Morales, UPPA-ICL Labo. SET

0 20km

Créées simultanément, les comarcas présentent un territoire continu. Elles sont toutes pourvues d’une relative homogénéité géographique, économique et/ou culturelle et correspondent, selon le schéma christallérien appliqué pour la définition de leurs contours, à l’aire de chalandise d’un bourg centre à qui a été reconnu le rang de chef lieu ou « capitale

comarcale ». Les limites et la dénomination des 33 comarcas de même que la liste des

compétences transférables par la région à ces nouvelles collectivités, ont été définies par le législateur régional. Elles sont assez larges permettant à ces structures d’intervenir à la fois comme intercommunalité de service et comme intercommunalité de projet (Clarimont, 2005). Formes hybrides, les comarcas ont été conçues en période d’expansion économique et sont aujourd’hui confrontées à la crise et au tarissement des finances publiques. Elles subissent les effets de restrictions budgétaires importantes (- 5 % en 2012, - 11% en 2011) bien que plus modérées que dans d’autres secteurs189. Le coût et l’efficacité de cette décentralisation interne à l’Aragon sont, de plus en plus fréquemment, mis en cause190. La crise provoque un débat autour du découpage territorial susceptible de menacer, à terme, la survie des comarcas (Clarimont, 2014).

Encadré 2 : L’Alto Gállego, une comarca héritière d’une mancomunidad aux compétences larges

La comarca pyrénéenne de l’Alto Gállego regroupe huit communes pour une superficie totale de 1 360 km2. Structurée autour du pôle industriel en crise de Sabiñánigo, elle compte 10 345 habitants en 2011 (INE) dont près de 70 % vivent dans le chef-lieu. En dépit de ses très faibles densités de population et du caractère très dispersé de sa population rurale, la comarca s’est mise en place aisément et avec célérité, car elle bénéficiait de l’antériorité d’une mancomunidad aux larges compétences. Ses limites coïncident en effet avec celles de la

mancomunidad éponyme qui s’était créée en 1988 autour de missions assez larges : action sociale et éducative

(aide à domicile, assistance aux personnes handicapées, aide aux ménages défavorisés, animation socio-culturelle, formation pour adultes, accès aux vacances pour la jeunesse) ; collecte d’ordures ménagères et de déchets ; culture et promotion touristique (mise en œuvre d’une campagne de valorisation du territoire sous le slogan : « Alto Gállego, en todas las estaciones » jouant sur le jeu de mots « saison »/« station touristique ») ; sports ; transports scolaires ; promotion de l’emploi et développement économique ; etc. Le passage à la

comarca s’est fait en douceur sans bouleverser fondamentalement les modes de fonctionnement d’un territoire

rompu à la coopération intercommunale. Il a simplement signifié un élargissement des compétences prises en charge par la mancomundidad depuis plus de vingt ans. Jusque dans la dénomination, la comarca de l’Alto Gállego se veut l’héritière de la mancomunidad dissoute. Le nom historique de Serrablo, initialement prévu pour elle a été rejeté. La permanence du nom traduit la continuité entre mancomunidad et comarca.

189 Heraldo de Aragón, 12/09/2012, « El presupuesto de las comarcas descenderá un 5% más »

190Heraldo de Aragón, 12/09/2012, « Silva rechaza las críticas a las comarcas y pide para elles “un impulso

3.2.2. Des structures territoriales inadaptées : trop nombreuses, trop

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