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L’influence croissante de l’Europe sur les politiques environnementales

territoire pour l’UE

1.3. L’influence croissante de l’Europe sur les politiques environnementales

l’intégration européenne, mais également la principale source de contentieux entre l’UE et les États-membres (Berny, 2011).

La politique environnementale européenne se met progressivement en place à partir des années1970 alors que le Traité instituant la Communauté économique européenne (CEE) de 1957 (ou Traité de Rome) n’attribue aucun pouvoir explicite à l’union douanière pour légiférer sur la protection de l’environnement. Comme pour la politique régionale, l’Europe intervient donc dans le domaine de l’environnement aux marges de ses compétences en se

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La comarca est une structure de coopération intercommunale existant dans certaines régions espagnoles ; elle est intermédiaire entre le municipe et la province. Nous reviendrons ultérieurement sur cet échelon sur lequel nous avons eu l’occasion de travailler.

1.3. L’influence croissante de l’Europe sur les politiques

environnementales

fondant sur deux articles du Traité de Rome : l’un relatif au rapprochement des dispositions législatives des États-membres (article 100), l’autre portant sur l’extension des compétences de la CEE en matière de marché commun (article 235) visant l’élimination des entraves commerciales et des distorsions de concurrence entre des pays dont les exigences en matière de protection de l’environnement s’avéraient différentes (Elola Calderón, 2010). Avec la signature, en février 1986, de l’Acte unique européen, la CEE se voit octroyer, pour la première fois, des prérogatives dans le domaine de l’environnement. L’article 130R (alinéa 1) lui confie trois objectifs : « préserver, protéger et améliorer la qualité de l’environnement ;

contribuer à la protection de la santé des personnes ; assurer une utilisation prudente et rationnelle des ressources naturelles. »99. L’action environnementale de la CEE est guidée par plusieurs principes : « les principes de l’action préventive, de la correction par priorité à la

source, des atteintes à l’environnement et du pollueur-payeur » (Acte unique européen, 1986,

article 130R, alinéa 2). Ces principes se retrouvent dans les législations nationales sur l’environnement.

1.3.1. L’environnement : un domaine de prédilection d’intervention de l’UE

L’engagement de l’Europe dans le domaine environnemental naît en 1973, à la suite de la conférence des Nations Unies sur l’environnement (Stockholm, 1972), sous la forme d’un premier Programme d’action des Communautés européennes en matière d’environnement. La mise à l’agenda politique européen de l’environnement se produit au moment où certains États membres commencent également à investir cette question : les premiers ministères de l’Environnement sont créés au Royaume-Uni, en 1970 et, en France, en 1971 tandis que l’Allemagne de l’ouest se dote d’un programme environnemental en 1971. Hors d’Europe, les États-Unis se dotent, en 1972, d’une loi fédérale relative à la protection de l’environnement et créent l’Agence de protection de l’environnement. La prise en compte de la dimension environnementale par l’Europe est donc à la croisée de deux mouvements émergents : l’un international, l’autre national. L’européanisation de la politique environnementale est finalement acceptée par les États membres – y compris les pays initialement réticents comme la France – pour éviter que l’adoption de règles environnementales nationales ne provoque des distorsions de concurrence au sein du marché commun (Meyer, 2011). L’argument économique a eu raison des velléités de résistance nationales.

Depuis 1973, l’Europe a adopté sept programmes d’action successifs qu’il est possible toutefois de regrouper en trois grandes périodes (Aggeri, 2000 ; Lascoumes, 2012). Dans ses deux premiers programmes d’action (1973-1981), l’Europe s’attache à résoudre les problèmes

99 Acte unique européen signé à Luxembourg le 17 février et à La Haye, le 28 février 1986 et entré en vigueur le 1er

juillet 1987. Journal Officiel des Communautés européennes (JOCE), 29/06/1986, n°L169. En ligne :

http://www.cvce.eu/content/publication/1999/1/1/972ccc77-f4b8-4b24-85b8-e43ce3e754bf/publishable_fr.pdf [consulté le 9/06/2014]

les plus urgents et visibles de pollution de l’eau, de l’air et des sols. Dans les programmes d’action couvrant la période 1981-1993, l’environnement commence à être abordé de façon plus globale et des principes généraux d’action — intégrés dans l’Acte unique de 1986 — sont formulés. Ces années sont aussi celles des prémices d’un « verdissement » de la politique agricole commune (PAC), inventé au Royaume-Uni et diffusé ensuite, sur le mode du volontariat, aux autres pays européens (Deverre et Sainte-Marie, 2008). Depuis 1993, les programmes européens sont centrés autour du développement durable. Les instruments de régulation sont diversifiés et aux outils juridiques s’ajoutent les mesures contractuelles et incitatives. Dans le domaine agricole, celles-ci prennent la forme de MAE (Mesures agri - environnementales) instituées pour accompagner la première réforme de la PAC (1993) ; les États membres ont l’obligation de les mettre en place et de rémunérer les agriculteurs s’engageant à agir en faveur de l’environnement et de l’entretien des paysages (Ansaloni, 2013). L’adoption des MAE inaugure un tournant dans les relations entre agriculture et environnement en initiant un rapprochement entre deux politiques longtemps divergentes. Les agriculteurs deviennent des auxiliaires de la protection de la biodiversité et leurs services méritent d’être rémunérés. Le regard porté sur les espaces agricoles change : ceux-ci cessent d’être considérés exclusivement comme des espaces productifs pour devenir « multifonctionnels ».

1.3.2. La politique européenne de l’eau : de directives contre la pollution à la Directive-cadre sur l’eau

La politique européenne de l’eau se met progressivement en place à partir des années 1970. Elle est une politique qualitative visant initialement à lutter contre les pollutions organique et chimique de l’eau. Elle se traduit par l’adoption d’une première série de directives pour limiter les rejets toxiques industriels. Les années 1980 mettent en évidence un changement dans le type de pollutions affectant l’eau et la montée des problèmes d’eutrophisation de cours d’eau du fait de la combinaison de nitrates et de phosphates (Barraqué, 2001). Face à ces pollutions d’origines agricole et domestique, la CEE décide d’intervenir en promulguant, en 1991, deux nouvelles directives : la Directive eaux résiduaires urbaines cherchant à améliorer les services publics d’assainissement et la Directive nitrates agricoles pour limiter les rejets issus de l’agriculture productiviste que la CEE avait paradoxalement fortement encouragé, dès les années 1960, dans le cadre de la Politique agricole commune. L’empilement de directives au fil du temps ayant conduit à une complexification du droit européen sur l’eau, les États-membres décident d’entreprendre un travail de clarification et de simplification qui aboutit à la Directive-cadre sur l’eau (DCE, 2000/60/CE, octobre 2000), adoptée en 2000 au terme de plusieurs années de négociations.

La Directive-cadre sur l’eau de l’Union européenne est un texte long et complexe, résultant de compromis (Barraqué, 2001). Elle fixe pour objectif l’atteinte du « bon état écologique » de l’eau à moyen terme (15 ans) et consacre une unité naturelle, le bassin versant élargi, comme échelle de gestion de l’eau. Elle impose la mise en œuvre d’un

document de planification dans chacun des « districts hydrographiques »100 nouvellement délimités (Clarimont, 2006). Elle souhaite également promouvoir une « gestion intégrée » de l’eau : une expression beaucoup utilisée, non exclusive aux politiques de l’eau, mais utilisée aussi dans le domaine littoral par exemple avec la Gestion intégrée des zones côtières (DATAR, 2004), connotée très positivement et qui renvoie à trois niveaux d’intégration : politique avec le dépassement des politiques sectorielles au profit d’une approche plus globale de la ressource ; territorial avec l’établissement d’une meilleure hiérarchisation des objectifs et des instruments de l’aménagement du territoire de l’échelon européen à l’échelon local ce qui suppose de dépasser l’empilement d’outils et de procédures ; social avec l’intégration de tous les usagers de la ressource par opposition à des approches qui tendraient à marginaliser une partie du champ social. La gestion intégrée dessine ainsi un cadre de gestion de la ressource qui « invite à abandonner progressivement les modes de gestion par filière » (Barouch, 1989 : 103). Elle est éminemment transversale puisqu’elle propose à la fois de dépasser les frontières sectorielles, territoriales (le bassin versant faisant fi des limites administratives) voire même sociales avec la prise en compte de tous les usagers quel que soit leur statut. Ce mode de gestion vise le retour à l’équilibre101 ; elle entend remédier aux situations de rupture d’équilibre se traduisant par la raréfaction de la ressource du fait de la dégradation de sa qualité et/ou d’une hausse des prélèvements génératrices de tensions. Elle est fondée sur un idéal : celui de la reconstitution d’une relation harmonieuse entre l’homme et le milieu que la société industrielle aurait perdu.

La montée des préoccupations liées au changement climatique et les prédictions d’une raréfaction des ressources hydriques particulièrement accusée au sud de l’Europe conduisent à une évolution récente de la politique européenne de l’eau. Longtemps focalisée sur la gestion qualitative de la ressource et à la limitation des atteintes à la qualité des eaux (de surface puis souterraines), cette politique évolue aujourd’hui pour prendre davantage en compte les problèmes de disponibilités en eau, de sécheresse et de lutte contre la désertification (Elola Calderón, 2010).

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La notion de « district hydrographique » diffusée par la DCE est plus large que celle de « bassin versant » : elle comporte une zone terrestre et une zone maritime ; elle est composée d’un ou plusieurs bassins hydrographiques et englobe les eaux souterraines et côtières associées à ce bassin. Si le bassin continue à être l’échelle spatiale de référence, il est intégré dans un ensemble plus étendu.

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Dans plusieurs textes réglementaires comme, en France, la loi sur l’eau de 1992 ou la loi sur l’eau sur l’eau et les milieux aquatiques de 2006, l’expression « gestion équilibrée » est d’ailleurs préférée à celle de « gestion intégrée » ; elle met en avant la nécessaire conciliation de la protection des écosystèmes et de la satisfaction des besoins des usagers.

2. De l’État jacobin à la « République décentralisée » :

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