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Chapitre 3. La figure idéale-type de l’usager des espaces publics

2. Les types d’activités et mondes sociaux de la figure idéale-type

2.2. L’usager au repos : l’apaisement des sens

2.2.1. La délectation des paysages bucoliques : visuelle, sonore et olfactive

Tableau 29 : Les figures de l’usager en délectation esthétique1

Dispositifs techniques D e B onne G ink o B ot tièr e Figure contemplative de l’usager

Cour d'honneur place avec jets d'eau x x

Jardin des vallons

Butte alpine x x

Butte belvédère x x

gradins/butte théâtre x x

plan d'eau triangulaire x x

Jardin- promenade

promontoire berge nord x x

vertugadins/sous-bois x x

chemin/haies de bocage x x

pontons/niches écologique x x

Venelle grands sujets x x

bosquets x x

Parc des Goharts ruisseau/plan d'eau x x

mur en pierre sèche x x

Dans ses moments de repos et de ressourcement, l’usager est en premier lieu représenté dans des activités contemplatives au sens d’un état de délectation esthétique vis-à-vis du monde qui l’entoure. Cette figure émerge tout d’abord dans les mises en scènes du paysage à l’intérieur desquelles l’élément aquatique est omniprésent. Autrement dit, les dispositifs en eau des projets, tels que les bassins, les canaux ou encore les rives sauvages, se veulent une invitation permanente au plaisir du regard. Leurs effets de lumières, leurs scintillements au soleil, ainsi que leurs pouvoirs de miroitement projettent un usager séduit par leur charme et leur beauté. Ainsi, à Bottière-Chénaie, les reflets des frênes et saules sur la surface du ruisseau des Goharts apparaissent dans l’imaginaire du paysagiste comme des conditions propices à la contemplation du paysage. De même, l’aménageur du jardin- promenade (Ginko) imagine un usager en état de délectation esthétique face à l’eau qui coule sous les pontons des bassins étagés, puis dans un contexte plus urbain, citons le bassin triangulaire (De Bonne) qui fait figure de spectacle nocturne par les reflets mirifiques des lumières urbaines qu’il produit2.

Ensuite, cette contemplation esthétique se décline dans les mises en scènes des dispositifs rustiques. Ainsi, la simple vue d’une clairière, d’un vallon ou encore d’une berge sauvage est associée à une sensation de calme et de quiétude chez l’usager en promenade3. Elle invite le badaud à la sieste, la

halte, la pause ou encore le ressourcement. Son caractère bucolique fonde alors dans l’imaginaire des concepteurs des conditions d’évasion et de rêverie nécessaires au regard du stress accumulé au

1 Source : [Réalisation personnelle, 2012]

2 Cf. [prescriptions paysagères, OSTY, paysagiste à De Bonne, 2006] : « L’eau est une surface réfléchissante, alors utilisée

pour ses pouvoirs de miroitement : le reflet des enseignes et autres lumières à proximité viendra créer de nuit des effets de scintillements spectaculaires. »

3 Cf. [Chargé de projet, agence paysagiste OSTY, De Bonne, entretien, 2010] : « L’idée avec les vallons, c’est aussi d’offrir

aux gens un paysage reposant [silence] ça fait un peu bucolique, ça détend, quoi ! » ; et cf. [chargé de projet, Signes-Ouest, paysagiste de Ginko, entretien, 2010] : « Là, tu peux te poser, regarder la clairière, c’est agréable comme paysage, c’est calme, c’est plutôt reposant… c’est aussi une manière de s’évader par le paysage » ; et cf. [paysagiste, Bruel-Delmar, paysagiste de Bottière-Chénaie, entretien NE, 2010] : « Tu vois, quand t’es au bord du ruisseau, la simple vue est reposante, et le paysage est construit pour ça, c’est comme regarder un tableau impressionniste »

quotidien par les temps de transport et de travail. Puis à Ginko, haies de bocages et sous-bois renvoient pour les concepteurs l’image de fonds de scène privilégiés. Plus au nord, les bosquets modelés et sujets arborés de la venelle verte se veulent de véritables tableaux végétaux composés par le paysagiste afin d’agrémenter la vue de l’usager lors de ses déplacements. De même, les gradins de verdure de Bottière-Chénaie (Cf. infra Extrait 22) offrent une vue dégagée sur le lit du ruisseau ainsi que sur ses rives sauvages arborées ; et à proximité, les acteurs projettent sur un ancien mur en pierres sèches conservé dans l’aménagement une délectation esthétique du paysage1.

Extrait 22 : La délectation esthétique sur les vertugadins (Bottière-Chénaie)2

« Les gradins, c’est aussi pour mettre en valeur le paysage. On a trop longtemps dénigré le paysage, donc nous on permet aux gens de le retrouver et d’en profiter. Là, vous pouvez vous asseoir, la vue est jolie, les couleurs seront superbes au printemps. »

[paysagiste, Bruel-Delmar, paysagiste de Bottière-Chénaie, entretien NE, 2010]

Extrait 23 : Les pompes à eau du bassin triangulaire du jardin des vallons (De Bonne)3

En second lieu, ce sont les paysages bucoliques sonores et olfactifs qui jouent un rôle déterminant dans la sensation de quiétude de l’usager. Ils renvoient l’image aux acteurs d’un monde apaisant, harmonieux, et dans lequel chacun peut puiser de l’énergie afin de se ressourcer dans sa vie quotidienne, autrement dit de récupérer. A ca titre, la présence de l’eau dans l’espace public projette un usager au repos par les sonorités cristallines qu’elle produit. Par exemple, l’écoulement du ruisseau (Bottière-Chénaie) et des bassins étagés (Ginko) apparait pour leurs concepteurs comme des conditions sonores favorables à la perception du calme et à la tranquillité. Des pompes à eau ont même été spécifiquement installées sous les pontons traversant (Cf. supra Extrait 23) du jardin des vallons (De Bonne) afin de procurer une sensation de quiétude aux usagers et préparer ainsi leur disponibilité au monde du jardin adjacent (Cf. supra Tableau 27 p.151). Cet apaisement sonore s’accompagne régulièrement des chants d’oiseaux que les concepteurs associent souvent au calme, à la méditation et

1 Cf. [paysagiste, Bruel-Delmar, paysagiste de Bottière-Chénaie, entretien, 2010] : « Là, les gens vont se balader, l’espace est

plutôt fermé le long du ruisseau et juste ici, ça s’ouvre visuellement sur ce vieux mur en pierres sèches qu’on a conservé. Ça fait un côté champêtre. Donc ça c’est aussi pour la contemplation. Les gens peuvent se poser, regarder et apprécier. »

2 Source : [prise photographique personnelle, 2012] 3 Source : [prises photographiques personnelles, 2012]

au ressourcement1. Dans d’autres cas, ce sont plutôt les chants des grillons (prairies fleuries) ou encore

le simple bruit du vent sur les feuilles qui participent à cette mise en scène d’un usager en consonance avec le monde bucolique qui l’entoure.

Enfin, l’apaisement est aussi imaginé de manière olfactive. Loin de la pollution des voitures et du tumulte urbain, l’usager est par exemple imaginé séduit par le parfum de l’herbe coupée en juillet. Cette sensation lui évoque les vacances à la campagne2 ainsi qu’un fort sentiment d’évasion de

l’univers urbain. Puis les acteurs voient ensuite dans l’odeur du foin le souvenir de l’enfance rurale dans lequel chacun peut puiser l’énergie nécessaire au ressourcement intérieur. Dans d’autres cas, c’est plutôt la vie des ancêtres qui y est associée ainsi que la mémoire des générations passées.

2.2.2. L’apaisement thermique du corps

« Le parti d’aménagement des espaces extérieurs développé dans le projet d’urbanisation de M. DEVILLERS, qui limite fortement les surfaces minérales au profit des espaces verts, est favorable au confort thermique des espaces extérieurs. Cet élément pourra être complété par :

- La mise en œuvre de jeux d’eau et de bassins qui renforceront le caractère modérateur des espaces extérieurs sur le plan thermique.

- La mis e e n œuvre d’espace arborés (à feuilles caduques) au cœur des espaces verts pour proposer des zones ombragées, précieuses à GRENOBLE pendant la période chaude (pouvant aller de Mai à Septembre selon les années), zones ombrages d’été qui seront des zones ensoleillées en hiver (les feuilles « caduques » tombent à l’automne). »

[recommandations QE, Terre-Eco, AMO QE à De Bonne, 2004]

Extrait 24 : Les recommandations de confort thermique de l’AMO environnemental de l’écoquartier De Bonne (Grenoble)3

La conception des espaces publics vise le confort thermique de l’usager, c’est-à-dire non seulement le rafraichissement en période estivale mais également l’ensoleillement l’hiver. A la belle saison, les points d’eau – tels que les bassins, ruisseau ou jets d’eau – sont alors déterminants pour apporter un peu de fraicheur (Cf. infra Extrait 24) par l’évaporation continue et la baisse de température ambiante qu’elle sous-tend. Puis les espaces végétalisés, contrairement aux zones minérales, possèdent une faible inertie thermique et évitent d’accumuler la chaleur provenant du rayonnement solaire. Enfin, les projections des ombres portées, au regard de la disposition des bâtiments et des espaces arborés, assurent à l’usager des zones cachées pour s’y refugier lors des moments les plus chauds de la journée. En saison froide, les simulations des concepteurs offrent a contrario d’importantes zones d’ensoleillement, renforcées par les feuilles caduques à l’automne.

Dans les représentations collectives des acteurs, ce confort thermique escompté sur l’espace public est associé à une sensation de bien-être chez l’usager voire de jouissance corporelle. Il invite à marquer une halte (à l’ombre l’été, au soleil l’hiver) et parfois même à faire la sieste4. Il appelle au calme, à la

1 Cf. [chargé de projet, Signes-Ouest, paysagiste à Ginko, entretien, 2010] : « Ici [haies de bocage], c’est calme et reposant

avec les chants d’oiseaux » ; et cf. [chargé de projet, Osty, paysagiste à De Bonne, entretien, 2010] : « Là, le matin, tu devrais avoir les chants d’oiseaux près des frênes, ce sera quand même plus agréable pour ceux qui vont bosser que d’avoir des bruits de voiture, non ? c’est quand même plus reposant ».

2 Cf. [chargé de projet, Signes-Ouest, paysagiste Ginko, entretien, 2010] : « Avec les herbes hautes, les gens vont pouvoir

apprécier l’odeur des champs, l’odeur de l’herbe. Ce sera une sensation agréable, ça leur rappellera les vacances à la campagne par exemple » ; et cf. [directeur, direction générale développement urbain, ville de Nantes, visite de site, 2010] : « Les espaces rustiques, c’est aussi d’autres odeurs, l’odeur des champs, du foin, et c’est quand même plus agréable pour se reposer que d’être dans la rue avec les odeurs dégueulasses des pots d’échappements. »

3 Source : [recommandations QE, Terre-Eco, AMO QE à De Bonne, 2004]

4 Cf. [chargé de projet, Signes-Ouest, paysagiste à Ginko, entretien, 2010] : «On a fait un gros travail sur les ombres portées

pour que le gens puissent se poser et se reposer aussi bien l’été quand il fait chaud, trouver un coin de fraicheur, faire la sieste, que l’hiver quand on cherche un coin de soleil pour être au calme » ; et cf. [ibid.] : « Les bassins étagés, c’est aussi la

quiétude et au repos. En ce sens, à Ginko, une attention toute particulière est portée au positionnement des bancs dans le jardin-promenade afin d’assurer à la fois des zones fraiches l’été (proximité de l’eau et du végétal) mais également d’ensoleillement l’hiver (ouvertures, clairière, arbres caducs) et par la même d’offrir des espaces de repos par le bien être physique du corps.

2.3. L’usager en divertissement : le ludique pour les enfants et l’animation

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