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Chapitre 1. Organisation et jeu d’acteurs

3. Des nouveaux experts de savoir-faire en phase réalisation

3.1. L’organisation de la formation des travailleurs du bâtiment (De Bonne)

Figure 15 : Schéma organisationnel du programme de formation « Concert’Action » (De Bonne)1

Le mode de réalisation des bâtiments écologiques dans l’écoquartier De Bonne à Grenoble montre l’émergence d’un nouveau type d’acteurs dont le rôle consiste à former les travailleurs des entreprises en charge de la construction aux nouveaux savoir-faire nécessaires à la mise en œuvre des innovations techniques environnementales issues de la phase conception. Ainsi, appuyé par le consortium européen SESAC2 issu du projet CONCERTO3 dans laquelle la ville de Grenoble est un partenaire

français local se construit un programme de formation appelé « Concert’Action » qui choisit alors le chantier de l’écoquartier De Bonne pour étayer sa mise en place. Les objectifs affirmés du programme sont alors non seulement de former les travailleurs du bâtiment sur la phase travaux pour garantir les performances énergétiques des projets Concerto 4 mais également d’élargir à l’ensemble des

établissements de formation du BTP ancrés sur le territoire. En ce sens, ce programme

« Concert’Action » vise à la fois la bifurcation des savoir-faire intégrés par les travailleurs du bâtiment

mais aussi ceux enseignés dans les organismes de formation professionnels. A ce titre, il s’intègre entièrement dans le « monitorat social » inscrit dans la « charte d’objectifs HQE » et qui engage

1 Source : [Réalisation personnelle, 2012]

2 Le consortium européen SEAC est coordonné par la ville de Växjö (Suède) et réunit plusieurs villes partenaires dont celle

de Grenoble autour de projets de constructions pilotes dont les bâtiments emblématiques de l’écoquartier De Bonne.

3 Le programme CONCERTO s’inscrit dans le cadre du 6ème Programme Cadre de Recherche et développement (PCRD) de

l’Union Européenne. Il soutient financièrement les collectivités européennes à réaliser des projets urbains intégrant l’utilisation des énergies renouvelables et le recours à des stratégies d’efficacité énergétique.

4 Comme le précise le document du projet Concerto sur le programme « Concert’Action » : Cf. Concert’action: Interactive

chaque commanditaire de l’écoquartier à accompagner pédagogiquement l’ensemble de ses travailleurs à l’évolution environnementale des bâtiments.

Dans son mode d’organisation (Cf. supra Figure 15), ce programme est tout d’abord piloté par l’association HESPUL1 au niveau national puis par l’Agence Locale de l’Energie (ALE) de Grenoble2

au niveau local qui assure son élaboration et sa coordination entre les différents partenaires. Le financement est alors assuré par l’Association Régionale pour le Développement de la Formation (AREF) continue du BTP, le Fonds d’Assurance et de Formation des Salariés de l’Artisanat du bâtiment (FAFSAB) et enfin l’Agence de Environnement et de la Maîtrise de l’Energie (ADEME). Puis le GRETA3 de Grenoble est ensuite intégré au projet afin d’assurer le portage administratif de la

formation mais aussi de l’élargir à ses propres formateurs et initier ainsi un changement radical des modes d’apprentissage dans les filières professionnelles du bâtiment4.

3.2. Le déroulement des modules pédagogiques (De Bonne)

Dans ce cadre, le programme « Concert’Action » débute en premier lieu par une conférence fin 2007 à laquelle tous les dirigeants des promoteurs, bailleurs sociaux, et entreprises de construction engagées dans l’écoquartier De Bonne sont conviés5. Lors de cet événement, une première intervention est

animée par le bureau d’étude environnemental Enertech dans l’objectif de présenter la bifurcation des savoir-faire de l’ensemble des acteurs usuels de la construction comme une nécessité au regard de l’évolution technologique induite par les enjeux climatiques à l’échelle planétaire. Puis, une seconde conférence de l’Agence Locale de l’Energie (ALE) de Grenoble consiste dans la continuité à décrire les quatre modules de formation que propose le programme « Concert’Action » entre janvier et mai 2008 et dont chacun vise l’appropriation par les travailleurs de l’écoquartier d’un type d’innovation technique emblématique des nouveaux bâtiments performants énergétiquement.

En ce sens, un premier module de formation est tout d’abord proposé fin janvier 2008 sur les systèmes techniques liés à l’étanchéité à l’air et l’isolation par l’extérieur avec comme cible prioritaire le public des maçons, façadiers, menuisiers et électriciens investis sur le chantier de l’écoquartier De Bonne.

1 L’association HESPUL a pour objectif de réaliser des actions d’information, de sensibilisation et d’accompagnement de

projets sur toutes les questions liées à la maîtrise de l’énergie et aux énergies renouvelables. Elle est par ailleurs intégrée depuis 2001 au réseau des Espaces Info-Energie développé par l’ADEME.

2 L’ALE de Grenoble est une agence dont les membres constitutifs comprennent des collectivités publiques (Ville de

Grenoble, Syndicat Mixte des Transports de l’Isère, Conseil Général), des entreprises privés (EDF, GDF, etc.), des organismes universitaires, des bailleurs sociaux, puis des établissements œuvrant dans le domaine des économies d’énergie (ADEME, Association pour le développement des transports en commun, etc.).

3 Le Greta est un groupement d'établissements publics d'enseignement qui mutualisent leurs compétences et leurs moyens

afin de proposer des formations continues pour adultes. Il s’appuie à ce titre sur les ressources en équipement et personnel de ces établissements pour construire une offre de formation adaptée à l’économie locale.

4 Cf. [Chargé de mission, ALE de Grenoble, entretien, 2010] : « Une fois que la conception a été terminée et validée, on a

joué un rôle dans l’accompagnement des entreprises sur chantier en organisant des formations à l’attention des compagnons de chantier. Là le rôle il était double, il était à la fois d’essayer de garantir un peu de qualité dans la mise en œuvre par rapport à la conception et des systèmes nouveaux et d’autre part, il était aussi d’impliquer la fédération du bâtiment, le GRETA, qui est un organisme de formation du bâtiment là dedans et ça a été un support pour eux pour se dire, on met le pied à l’étrier et on commence à faire quelque chose d’intéressant. La caserne De Bonne, ils en avaient entendu parler, ils savaient que ça allait venir mais ils voyaient pas trop quels rôles ils pouvaient y jouer et grâce à cette organisation de formation qui s’appelait "Concert’action", ils se sont rendus compte de la mutation qui était nécessaire dans leurs instituts de formation et c’est en cours, ils ont depuis mis en place des formations pérennes, parce que là on faisait des formations d’un coup, sur chantier sur une technique donnée et depuis ils ont prit ces thématiques, isolation à l’air du bâtiment, isolation plus l’extérieure, et ils les proposent de manière plus pérenne dans leurs centres. ».

Dans ce cadre, une première session d’une demi-journée est animée par le Centre d’Etudes Techniques de l’Equipement (CETE) accompagné de l’entreprise spécialise en isolant POSICARBON et s’articule autour de trois temps pédagogiques dédiés à la mise en œuvre de l’étanchéité à l’air. Ainsi, en premier lieu, les « éducateurs »1 présentent à partir de clichés infra-rouges et de graphes construits par les

ingénieurs environnementaux la manière dont l’air s’infiltre dans les bâtiments usuels, notamment autour des volets roulants, des joints de fenêtres ou encore des portes d’entrée. A ce titre, les nouveaux dispositifs à mettre en œuvre tels que les passe-câbles, les joints pré-comprimés ou encore les adhésifs étanches sont présentés aux participants au regard de leurs caractéristiques techniques et de leur mode de fonctionnement. Puis dans un second temps, une démonstration en salle est réalisée autour d’une porte d’essai appelée « porte soufflante » afin d’en mesurer l’évolution de la perméabilité à l’air selon la qualité de la mise en œuvre technique. Enfin, un troisième temps permet aux éducateurs de présenter les règles d’installation des nouveaux dispositifs isolants in situ, autrement dit de les mettre en relation avec les différentes situations de travail vécues par les travailleurs au quotidien.

Photo 2 : Démonstration sur chantier de la mise en œuvre de l’isolation par l’extérieur. De gauche à droite : pose des rails de fixation, découpage au fil chauffant, encollage au mur2

Ensuite, la deuxième session du premier module – animée par l’entreprise spécialisée STO – concerne la mise en œuvre de l’isolation par l’extérieur. Elle se déroule dans un premier temps sur un chantier de démarrage afin d’expliquer la mise en place des rails de fixations, le découpage au fil chauffant des isolants ainsi que les règles d’encollage au mur (Cf. supra Photo 2). Puis sur un chantier plus avancé, l’éducateur détaille aux travailleurs les règles de ponçage, de marouflage et de renfort des angles nécessaires à la mise en place de l’isolation par l’extérieur. Des cas plus spécifiques y sont alors abordés tels que l’encadrement des fenêtres, des acrotères ou encore des balcons, notamment sur la manière de traiter les ruptures de ponts thermiques pour les maçons et façadiers du bâtiment.

Un deuxième module de formation (1 journée) concerne ensuite la ventilation double-flux. Elle est animée par un expert de l’entreprise spécialisée ALDES et se déroule suivant trois temps distincts. Tout d’abord, le « formateur » ou « éducateur » présente sous une forme théorique (diaporama, graphiques) les règles de fonctionnement de la ventilation double-flux et de son échangeur à roue ainsi que son intérêt sur le plan aéraulique et thermique. Puis dans un second temps, une première manipulation réalisée en salle consiste à montrer aux chauffagistes les règles d’installation des gaines afin de conserver leur étanchéité sur toute la longueur et éviter ainsi deux problèmes de

1 C’est nous qui appelons ces acteurs « éducateurs » et non les professionnels, qui les appellent plutôt « formateurs ». De

manière générale, nous utilisons de manière indifférenciée le terme de « pédagogue », « éducateur » ou « formateur ».

2 Source : Diapo 27 de la présentation « Concert’Action » de l’ALE de Grenoble lors du colloque « Bâtiments et

fonctionnement : la surconsommation du moteur en amont et les nuisances sonores à proximité des zones perméables. Puis une deuxième expérimentation consiste ensuite à sensibiliser les travailleurs au calorifugeage des gaines, notamment sur les zones de coudes dont la mise en œuvre exige un savoir- faire spécifique. A ce titre, des mesures du rendement sont également effectuées dans l’objectif de montrer aux chauffagistes les conséquences de leur mode de réalisation sur la qualité de fonctionnement de la ventilation. Enfin, un troisième temps d’une durée de trois heures a lieu directement sur le chantier avec l’ensemble des compagnons1. Les règles de mise en œuvre y sont

alors déclinées selon le type de ventilation double flux (individuel ou collectif) prévu à la conception des bâtiments. De plus, la pose des faux plafonds y est également décrite avec précision par l’expert au regard des modifications induites par la présence dans chaque pièce (salon, chambres, cuisine, salle de bain) du réseau gainé de la ventilation double-flux.

Dans le même registre, deux autres modules de formations sont ensuite donnés aux ouvriers. Un premier est animé par l’entreprise TEP2E et porte sur les règles de gestion d’une installation de chauffage par cogénération. Il s’adresse plus particulièrement aux futurs exploitants (Gaz Electricité de Grenoble) et s’articule autour d’une plateforme pédagogique favorisant les mises en situation des travailleurs concernés. Enfin, un dernier module ciblé sur les installations solaires thermiques collectives vient clore le programme de formation « Concert’Action » mis en place à l’occasion du chantier de l’écoquartier De Bonne à Grenoble.

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