VOLET I ‐ LE CADRE DE RÉFÉRENCE DE LA VILLE DE DEMAIN ‐ UNE VILLE DURABLE
I.1 LA REVUE DE LA LITTÉRATURE
I.1.2 L’Union européenne
Dans les suites du Sommet de la Terre en mai 1994, les participants à la Conférence européenne sur les villes durables adoptent la Charte des villes européennes pour la durabilité connue sous le nom de la Charte d’Aalborg8. La Charte comprend une déclaration commune, définit une campagne des villes européennes durables et la participation au processus local de l’Action 21, les plans locaux en faveur de la durabilité.
4 COMMISSION MONDIALE SUR L’ENVIRONNEMENT ET LE DÉVELOPPEMENT (1987). p. 22
5 Op. cit., p. 197‐198
6 NATIONS UNIES (1992). Plan d’action 21 http://www.un.org/esa/sustdev/documents/agenda21/french/action0.htm
7 Op. cit., a. 28.1
8 Les signataires de la Charte d’Aalborg sont des villes. Voir la liste des signataires à
http://www.aalborgplus10.dk/default.aspx?m=2&i=308
Les défis à relever sont à cette époque principalement associés au capital naturel, à l’environnement : le mode de vie urbain ‐ occupation du sol, transport, production industrielle, agriculture ‐ est perçu comme essentiellement responsable des nombreux problèmes environnementaux.
La notion de durabilité telle qu’énoncée dans la Charte est aussi très étroitement liée au capital naturel. « Nous, villes, comprenons que le concept de développement durable nous conduit à fonder notre niveau de vie sur le capital que constitue la nature. (…) Environnement durable est synonyme de maintien du capital naturel. (…) En outre, environnement durable suppose le maintien de la biodiversité, de la santé publique et de la qualité de l’air, de l’eau et du sol à des niveaux suffisants pour protéger durablement la vie humaine, la faune et la flore.9 »
La justice sociale, l’économie durable, l’équité reposent selon cette Charte sur un environnement viable.
Pour parvenir à la durabilité, la Charte propose un ensemble de principes à intégrer aux politiques urbaines locales. Ces principes sont :
Un processus d’innovation et d’équilibre au plan local : un système de gestion fondé sur un retour d’information permanent sur les activités pour favoriser les décisions qui favorisent l’équilibre de l’écosystème urbain ;
Une économie urbaine vers la durabilité : des investissements dictés, par ordre de priorité, pour conserver le capital naturel restant, favoriser la croissance du capital naturel en réduisant le niveau d’exploitation, constituer de nouvelles réserves en capital naturel et accroître le rendement final des produits (bâtiments écoénergétiques, transports urbains respectueux de l’environnement) ;
Une justice sociale pour une durabilité urbaine : intégrer à la protection de l’environnement, les exigences sociales essentielles de la population ainsi que les programmes d’action sanitaire, de l’emploi et du logement ;
Un aménagement durable du territoire : adopter des politiques d’aménagement fondées sur une évaluation stratégique des effets sur l’environnement, tirer parti de la concentration urbaine en matière de services publics, combiner différentes fonctions pour réduire les besoins de mobilité, équilibrer les flux entre la ville et la campagne ;
Une mobilité urbaine durable : améliorer l’accessibilité tout en maintenant le bien‐être social et les modes de vie urbains et en diminuant le besoin de mobilité ; donner priorité aux moyens de transport respectueux de l’environnement et les placer au centre des efforts de planification ;
Une responsabilité à l’égard du changement climatique mondial : réduire les émissions de gaz à effet de serre, protéger les ressources en biomasse, mettre en place des solutions de remplacement viables, des énergies renouvelables ;
La prévention de l’intoxication des écosystèmes : arrêter la pollution et la prévenir à la source ;
L’autogestion au plan local : reconnaître le principe de subsidiarité et disposer en conséquence des pouvoirs suffisants et des ressources financières nécessaires ;
Les instruments de la gestion urbaine orientée vers la durabilité : créer de nouveaux systèmes budgétaires qui prennent en compte les ressources naturelles et financières ; recourir à la planification environnementale, à des instruments réglementaires et économiques et à des mécanismes de sensibilisation comme la participation publique.
9 Charte des villes européennes pour la durabilité (1994). a. 1.2
1.2.2 Le Plan d’action de Lisbonne ‐ De la Charte à la pratique
À la deuxième Conférence européenne des villes durables en 1996, les 1 000 représentants des pouvoirs locaux et régionaux de toute l’Europe ont approuvé le Plan d’action de Lisbonne ‐ De la Charte à la pratique10. La première phase associée à l’adoption de la Charte d’Aalborg était consacrée principalement à la diffusion du concept de la durabilité locale.
Le Plan d’action n’introduit pas de modification à la notion de développement durable ni aux principes inclus dans la Charte. Le Plan d’action vise principalement à définir les conditions de la mise en œuvre des principes de la Charte notamment via le lancement du processus de l’Agenda 21 et à la réalisation de plans de durabilité locale. L’un des éléments du Plan d’action précise les objectifs et la manière de prendre en compte le développement de l’environnement, marquant en quelque sorte un tournant par rapport à l’approche initiale étroitement associée au capital naturel.
« Nous intégrerons le développement de l’environnement au développement social et économique pour améliorer la santé publique et la qualité de vie de nos citoyens »11.
1.2.3 L’Appel de Hanovre
À la troisième Conférence européenne des villes durables en 2000, les 250 maires de 36 états européens réunis à Hanovre ont lancé l’Appel de Hanovre qui reflète une évolution de la pensée en matière de développement durable et la reconnaissance de nouveaux défis.
Les défis principaux à relever ont une portée plus large que l’environnement. Ces défis12 comprennent notamment : le changement climatique, le manque de ressources en eau, la diminution de la biodiversité dont les causes incluent la pollution de l’air causée par les citoyens des villes ; la globalisation de l’économie qui réduit le pouvoir politique et l’influence des citoyens sur leurs conditions de vie ; la population vieillissante, la pauvreté chronique et la hausse du chômage et l’accroissement concomitant des inégalités ; la rapidité sans précédent du développement technologique et les changements introduits par les nouvelles technologies de l’information qui modifient la manière de vivre des citoyens, la façon dont la ville s’autogère et dont les citoyens s’identifient avec elle.
Les principes énoncés ont aussi évolué et englobent l’ensemble des dimensions du développement durable : équité et justice sociales, lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale pour créer un environnement sain et vivable ; respect des différences culturelles, sexuelles, religieuses, raciales et d’âge ; une économie socialement équitable et écologiquement efficace ; l’intégration des citoyens et le partenariat pour réaliser une vision globale de façon intégrée et holistique.
Au niveau de la ville, l’Appel de Hanovre prône « une politique locale qui réduit les empreintes écologiques »13 ; une « planification urbaine intégrée, le développement dense des villes, la réhabilitation des espaces urbains et industriels défavorisés, l’utilisation réduite et plus efficace des terres et d’autres ressources naturelles, le transport public régional et l’exploitation des ressources énergétiques, ainsi que le combat contre l’exclusion sociale, le chômage et la pauvreté »14.
10 Plan d’action de Lisbonne ‐ De la Charte à la pratique (1996). http://euronet.uwe.ac.uk/www.sustainable‐cities.org/lis_fr.html
11 Op. cit., a. 7
12 L’Appel de Hanovre (2000). a.3.
13 Op. cit., C.5
14 Op. cit., C.6
1.2.4 Les engagements d’Aalborg
En 2004, dix ans après l’adoption de la Charte d’Aalborg, les collectivités locales européennes ont confirmé leur « vision partagée du futur durable »15 de leurs communautés.
Ce document présente pour la première fois un énoncé de vision de la ville :
« Notre vision est celle des villes ouvertes et accueillantes, prospères, créatives et durables, qui fournissent une bonne qualité de vie à tous nos concitoyens et permettent leur participation à tous les aspects de la vie urbaine »16.
Parmi les défis à relever, ce document ajoute de nouveaux défis à ceux évoqués dans les déclarations antérieures : les risques d’origine humaine et naturelle, la création d’emplois dans une économie basée sur le savoir, la réponse aux changements démographiques et la gestion de la diversité culturelle.
Les 10 engagements d’Aalborg constituent des principes auxquels les signataires adhèrent et ils se commettent à définir des buts locaux spécifiques en fonction de ces principes et à faire rapport régulièrement sur les progrès accomplis.
Les 10 engagements sont :
Gouvernance : stimuler les processus décisionnels par un recours accru à la démocratie participative ;
Gestion locale vers la durabilité : mettre en application des cycles efficaces de gestion, de la formulation à l’évaluation ;
Biens naturels communs : assumer entièrement leur responsabilité dans la protection et la préservation des biens naturels communs et dans la garantie d’un accès équitable à ceux‐ci ;
Consommation responsable et choix de style de vie : adopter et faciliter une utilisation prudente et efficace des ressources et encourager la consommation et la production durables ;
Planification et conception : tenir un rôle stratégique dans la planification et la conception urbaines en y intégrant les aspects environnementaux, sociaux, économiques, de santé et culturels au profit de tous ;
Mobilité améliorée, trafic limité : reconnaître la relation entre transports, santé et environnement et favoriser puissamment les choix assurant une mobilité durable ;
Actions locales pour la santé : protéger et promouvoir la santé et le bien‐être de leurs concitoyens ;
Économie locale vivante et durable : créer et soutenir une économie locale vivante qui donne accès à l’emploi sans porter préjudice à l’environnement ;
Équité sociale et justice : soutenir les communautés ouvertes et solidaires ;
Du local au global : assumer leur responsabilité globale pour atteindre la paix, la justice, l’équité, le développement durable et la protection climatique.
1.2.5 L’Accord de Bristol
En 2005, dans le cadre d’une réunion informelle des ministres européens en charge du développement urbain et de représentants d’institutions européennes, les participants ont adopté l’Accord de Bristol17 qui propose une vision commune européenne des caractéristiques qui définissent une collectivité durable réussie.
15 Aalborg+10 ‐ Inspiring Futures (2004).
16 Aalborg+10, p. 1
17 UNION EUROPÉENNE (2005). Bristol Accord
http://www.eukn.org/E_library/Urban_Policy/Bristol_Accord_UK_Presidency_EU_Ministerial_Informal_on_Sustainable_Communities
L’Accord propose un autre énoncé de vision qui prend pour appui la Charte d’Aalborg et ses engagements ainsi que des études réalisées par différentes instances européennes.
« Sustainable communities are places where people want to live and work, now and in the future.
They meet the diverse needs of existing and future residents, are sensitive to their environment, and contribute to a high quality of life. They are safe and inclusive, well planned, built and run, and offer equality of opportunity and good services for all. 18»
L’Accord définit des conditions préalables à respecter dans le but de créer des collectivités durables : la croissance économique nécessaire pour permettre les investissements requis ; l’inclusion et la justice sociales, le rôle des villes, leur identité culturelle et la promotion de l’excellence ; la capacité de répondre aux défis de la ségrégation sociale à toutes les échelles spatiales ; l’intégration et l’équilibre entre les dimensions du développement durable et entre les générations ; la reconnaissance que des collectivités viables peuvent exister à différentes échelles spatiales ‐ le quartier, la petite ville ou le village, la ville, la région.
L’Accord de Bristol propose huit (8) caractéristiques d’une collectivité viable. La collectivité viable doit être :
Active, inclusive et sécuritaire : juste, tolérante et assurant la cohésion avec une culture locale forte ;
Bien gérée : assurant une participation efficiente et inclusive, une représentation équitable et faisant preuve de leadership ;
Bien connectée : offrant des services de transport et de communication qui relient les personnes aux emplois, aux écoles, aux services de santé et aux autres services ;
Soucieuse de l’environnement : offrant des milieux de vie qui sont respectueux de l’environnement ;
Florissante : une économie locale prospère, diversifiée et innovante ;
Bien conçue et construite : mettant de l’avant un environnement naturel et construit de qualité ;
Équitable pour tous : incluant ceux d’autres collectivités, des générations actuelles et futures.
1.2.6 La Charte de Leipzig sur la ville européenne durable
La Charte de Leipzig sur la ville européenne durable19 a été adoptée en 2007 par les ministres européens en charge du développement urbain. Cette Charte énonce une série de principes et de concepts communs pour la politique de développement urbain des États membres de l’Union européenne.
La Charte précise la nécessité « de tenir compte, à la fois et sans restriction, de toutes les dimensions du développement durable, à savoir la prospérité économique, l’équilibre social, le respect des impératifs écologiques », et « de tenir compte des exigences au niveau culturel et au niveau de la salubrité 20».
La Charte offre une nouvelle formulation des défis à relever : problèmes démographiques, signes de déséquilibre social et d’exclusion, maintien de l’équilibre social, préservation de la diversité culturelle et souci d’assurer une qualité architecturale et écologique élevées. Elle entérine l’Accord de Bristol incluant la vision de la collectivité viable et ses huit (8) caractéristiques.
18 Op. cit., p.12
19 UNION EUROPÉENNE (2007). Charte de Leipzig sur la ville européenne durable
http://www.eu2007.de/fr/News/download_docs/Mai/0524‐AN/075DokumentLeipzigCharta.pdf
20 Op. cit., p. 1‐2
Les principes communs incluent :
de concevoir une politique de développement urbain intégrée, prenant en compte simultanément et de manière équitable les impératifs et les intérêts essentiels au développement des villes ;
d’accorder un intérêt particulier aux quartiers urbains défavorisés.
I.1.3 L’International Council for Local Environmental Initiatives ‐ Local
L’International Council for Local Environmental Initiatives (ICLEI) est une association fondée en 1990 par des représentants des administrations locales de plus de 40 pays. En 2003, la Charte de l’association a été modifiée pour mieux refléter les défis actuels auxquels font face les administrations locales et le nom de l’association a été modifié pour y ajouter « Local