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CADRE THEORIQUE DE LA RECHECHE

19. D ISCUSSIONS DES RESULTATS EN LIEN AVEC L ’H2

19.1. L E SENS OU L ’ UTILITE D ’ EVALUER

19.1.1. LES ELEMENTS DE VALEUR RETENUS OU PAS POUR ETRE EVALUES ET LES INTENTIONS Y AFFERENTES

Tous les formateurs s’accordent sur le fait qu’ils évaluent au moins des ressources. Ce résultat unanime correspond à la première périphérie de la représentation des compétences qui est composée essentiellement de ressources. Par ailleurs, ces résultats corroborent ceux que nous avons obtenus lors de notre analyse de données en lien avec l’H1. Effectivement, nous avions avancé que le dispositif d’évaluation était très performant pour apprécier des ressources. De même, lorsque nous questionnons les enseignants sur le sens et/ou l’utilité d’évaluer, en utilisant des synonymes, cinq d’entre eux mettent en évidence la vérification de ressources. Une formatrice parle plus particulièrement de mesurer les apprentissages. Dans ce cas, comme nous l’avons vu, il s’agit d’un amalgame, l’évaluation étant éminemment plus complexe que ne l’est une simple mesure mathématique et, en ce sens, mérite d’en être distinguée (Hadji, 1997, p. 24).

Une personne seulement met un accent particulier sur les objectifs. Toutefois, choisir des ressources à développer et à évaluer requiert de fixer des objectifs.

Des liens, voire des combinaisons de ressources sont énoncés, ce qui semble cohérent avec les combinatoires identifiées dans notre analyse H1. Cependant, comme nous l’avons évoqué dans le chapitre 16.3, intitulé « au traves des consignes, quels sont les éléments ciblés par l’évaluation », toutes les combinatoires repérées dans notre corpus ne nécessitent pas un jugement sur la pertinence de l’action, du développement ou de l’analyse, comme par exemple, avec les combinatoires mobilisant différentes sortes de connaissances générales et n’engendrant qu’un jugement à l’écart. Lorsque les formateurs nomment des liens, des combinatoires ou qu’ils

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utilisent des définitions personnelles qui s’y apparentent, peut-on affirmer que tous, au vu de notre analyse H1, parlent bien de la même chose ?

Un formateur dit évaluer des compétences. Néanmoins, comme nous l’avons énoncé, nous nous questionnons sur une éventuelle confusion avec l’évaluation de ressources. En effet, Le Boterf amène une distinction entre

« avoir des compétences » qui peut être assimilé à avoir des ressources et « être compétent » qui suppose « de mettre en œuvre une pratique professionnelle tout en mobilisant une combinatoire appropriée de ressources » (Le Boterf, 2009a, p. 21).

Nous avons regroupé sous le titre général « vérifier les compétences » dans la thématique « le sens et/ou l’utilité d’évaluer ». Trois formateurs en parlent, le premier en termes de développement ; le deuxième pour faire apparaître l’intelligence pratique et ainsi faire appel et combiner les ressources nécessaires in situ d'évaluation ; le troisième pour vérifier lesdites compétences. Néanmoins, ce qui est évalué n’est pas la compétence en tant que telle, mais ce qui est nommé ainsi dans le dispositif de formation et d’évaluation (Le Boterf, 2009a, p. 101).

Dans le cas du référentiel de compétences proposé par la filière, nous l’avons vu, il s’agit d’un document qui laisse de grandes marges d’interprétation. D’une part, car les familles de situations s’inscrivent à un niveau très général et d’autre part, car les combinatoires susceptibles d’exister, donc d’être exercées et évaluées, ne sont pas définies. En ce sens, peut-on avoir la certitude que nous partageons un langage commun ? Nous y reviendrons plus particulièrement en abordant la perception de la compétence et du référentiel.

Deux formatrices mettent en évidence qu’elles ne peuvent évaluer les savoirs-être. Or, comme nous l’avons vu avec le modèle proposé par la NPEC (2001) (cité par Le Boterf, 2009a, pp. 19-20), si les savoirs-être sont traduits en termes opératoires, ils peuvent faire l’objet d’une évaluation. Tout dépend évidemment des intentions d’évaluation et dans le cas des évaluations des compétences du métier en question. Pour ce qui a trait au travail social, les savoirs-être nous semblent de première importance et devraient, si des compétences professionnelles sont visées, être évalués. Cependant, il s’agit de notre représentation propre, qui n’est peut-être pas partagée par le collectif de formateurs interviewés.

Toutefois, il faut relever que pour une formatrice, les savoirs-être sont assimilés à la personnalité et, dans ce cas, si la personnalité peut constituer un pré requis à la formation, elle ne peut en aucun cas en être l’objet (Le Boterf, 2009a, p. 25).

19.1.2. LA SIGNIFICATION DU VERBE EVALUER ET LES AXES DE LACTE DEVALUATION

Le terme évaluer est plurivoque et renvoie à une multitude de synonymes. Cette diversité de mots pour définir le sens de l’évaluation est présente chez les formateurs. Nous allons les distinguer en les catégorisant en fonction des intentions dominantes que nous avions déterminées dans notre cadre théorique. Il s’agit « d’orienter, de réguler et de certifier » (Hadji, 1933, p. 57).

L’action de régulation prend des formes diverses. D’une part, il s’agit de faire un bilan de la situation de chaque apprenant. D’autre part, de procéder à un retour formatif. La fonction certitative est relativement similaire chez les formateurs, il s’agit de valider, nous y reviendrons en abordant les exigences en matière d’évaluation.

Concernant l’orientation, il faut relever que contrairement au système scolaire, l’éésp n’a pas véritablement une mission d’orientation. En effet, le choix professionnel des apprenants est déjà réalisé. Ils sont engagés dans une formation les conduisant au métier de travailleur social. Même s’ils doivent encore déterminer le choix d’une orientation au sein des métiers du domaine social, contrairement à l’évaluation dans le système scolaire suisse,

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par exemple, l’évaluation n’a aucune influence sur l’orientation vers l’un des trois métiers qui nécessitent les mêmes pré-requis. Toutefois, si l’évaluation n’a pas à proprement dit une fonction d’orientation, de par la sélection qu’elle peut engendrer, elle peut tout de même réorienter certains apprenants. D’ailleurs, nous retrouvons chez les formateurs l’intention de sélectionner. Néanmoins, la sélection est tantôt appréhendée comme une mission, tantôt comme un « effet secondaire », hors de portée du formateur. Il y a donc des conceptions différentes de leurs missions par rapport à des fonctions qui sont historiquement perceptibles au travers de l’évolution de représentations des évaluations et de l’accès à certaines positions (Hadji, 1997).

En effet, le formateur qui évoquait la sélection bon gré, mal gré lui, considère que sa mission est aussi d’amener chacun à la réussite. Une des deux personnes qui en parle sous l’angle d’une mission est aussi celle qu’il nommera le fait de devoir classifier les apprenants. L’intention de classifier, est sans doute à comprendre au travers d’une pratique historiquement ancrée et favorisant la valorisation de certains étudiant ou cursus. Le fait d’accompagner chacun à la réussite est une représentation du système de formation qui, comme nous l’avons vu, a tenté de s’imposer socialement à l’époque de mai 68, mais qui s’est rapidement fait évincer par l’existence de représentations plus anciennes (de Peretti, 1998). Effectivement, la fonction de sélection présupposant une certaine forme de classification entre les individus a rapidement repris le dessus.

Selon Hadji (1993, p. 44), l’intention (le sens) est le premier axe de l’évaluation et il est largement prédominant car il influence les suivants, à savoir les procédures utilisées pour effectuer les évaluations ainsi que l’usage social de l’évaluation. Par conséquent, nous pouvons supposer que ces deux intentions antagonistes - amener chacun à la réussite et sélectionner - engendrent des finalités différentes qui seront sans doute identifiables dans les axes succédant les intentions.

Une formatrice associe le sens et/ou l’utilité de l’évaluation à un phénomène de mode, vision assez proche, à notre sens, de celle d’un autre enseignant, qui parle de répondre aux exigences d’objectivité. Il est vrai que ces dernières décennies, les pratiques évaluatives ont été en quête d’objectivité, renforçant la technicité de l’évaluation au détriment de son insertion sociale, négligeant le fait que l’évaluation est avant tout une conduite sociale (Guingouain, 1999). Dans ce sens, il est intéressant de relever que le noyau central des formateurs relatif aux exigences en matière d’évaluation, a notamment été regroupé autour du pendant technique de l’évaluation, visant, nous pouvons le supposer, une certaine objectivité, grâce à une approche méthodologique. Dans le cadre des entretiens, le phénomène de mode et la recherche d’objectivité peuvent être compris par la prise en considération, par les acteurs, des représentations sociales dominantes dans leur contexte professionnel.

D’ailleurs, dans les éléments contrastés de la représentation des exigences en matière d’évaluation, ces dernières sont entre autres interprétées au regard de la politique actuelle de formation, qui est perçue comme une pensée dominante et qui engendre également l’évaluation du travail des enseignants.

La fonction de certification se traduit aussi par la notation et la validation. Plusieurs enseignants, notent qu’il s’agit d’une exigence, indépendante de leur bon vouloir. Ceci se rapproche de la 1ère périphérie de la représentation des exigences en matière d’évaluation, où le sentiment d’exigence était bien présent, quand bien même il a aussi été interprété comme une nécessité. Un formateur parlera de visibiliser les apprentissages, acte que nous pouvons interpréter comme une reconnaissance des acquisitions. En effet, si l’évaluation certificative est une obligation, elle engendre aussi une forme de reconnaissance socialement convertible et ancrée.

Si lors des entretiens, nous avons porté un accent particulier aux évaluations certificatives, nous avons pu constater que les frontières entre les différents types d’évaluations (diagnostique, formative et certificative) sont, en pratique, plus fines qu’elles n’y paraissent en théorie. D’ailleurs, plusieurs enseignants considèrent que

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l’évaluation certificative est potentiellement formative en elle-même. Les représentations qui animent cette croyance sont quant à elles dissemblables. En effet, pour une personne, la préparation requise en amont de l’évaluation est formative. Pour une autre, la situation d’examen, lorsqu’il s’agit d’un oral, s’apparente à une situation qui se produit dans le domaine professionnel et, en ce sens, représente un exercice formateur. Par rapport à la dernière personne, il semble, comme nous l’avons expliqué, y avoir une confusion entre la possibilité que l’acte soit formatif et le fait d’évaluer le processus d’apprentissage de l’étudiant, dans le sens que l’évaluation n’est considérée comme formative que si l’apprenant parvient au résultat attendu.

Au travers du discursif des formateurs, nous constatons que certains se servent des activités évaluatives des apprenants pour vérifier l’adéquation avec les enseignements ou pour évaluer le module. Or, ce genre de suivi de la formation devrait être distingué des activités d’évaluation à proprement dit (Barbier, 1994, p. 28-29). En effet, l’évaluation doit faire émerger un jugement de valeur à contrario des activités de contrôle et de suivi de la formation. S’il est évident que l’évaluation des apprenants est en mesure de faire émerger des informations utiles, voire des connaissances, le sens de l’évaluation devrait être autre.