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22.10. L ES EXIGENCES ET AVANTAGES DE L ’ EVALUATION AUTHENTIQUE

Afin de mettre en œuvre ce type d’évaluation, plusieurs principes seraient incontournables (Tardif, 2006, pp. 105-118). Si les cibles de l’évaluation sont celles que nous avons précédemment annoncées, un de ces principes a trait à rendre compte du parcours de progression. Dans les évaluations plus classiques, l’apprenant reçoit un résultat qui représente une photographie instantanée et très fragmentaire de son parcours. Dans l’évaluation authentique, grâce aux diverses indications qu’elle est en mesure d’apporter (niveau de compétence ; degré de développement des ressources ; familles de situations dans laquelle elle est transférable), on permet à l’étudiant de se situer dans sa progression réelle.

Un autre élément clé de la mise en œuvre de l’évaluation authentique est de rester fidèle à la définition même de la compétence. Pour rappel, la compétence est « un savoir-agir complexe prenant appui sur la mobilisation et la combinaison efficaces d’une variété de ressources internes et externes à l’intérieur d’une famille de situations » (Tardif, 2006, p. 22). Le savoir-agir prend appui mais dépasse largement les ressources. Un des risques est d’évaluer chaque ressource indépendamment des autres, sans tenir compte du fait que si celles-ci ne sont pas mobilisées et combinées efficacement, elles ne pourront induire une compétence. Le degré d’atteinte de chaque ressource, autant interne qu’externe, donne une mesure certes primordiale mais l’évaluation authentique doit également rendre compte, en prenant comme cible la compétence, de leur combinaison opportune. Si ce n’est pas le cas, nous ne pouvons parler d’évaluation de compétence, cette dernière étant exclue du processus d’évaluation.

Dans un modèle cognitif de l’apprentissage, les mobilisations et combinaisons efficaces des ressources devraient être identifiées par les formateurs. Lors des situations d’évaluation, ces informations vont d’une part, faciliter le jugement évaluatif et d’autre part, donner des indications sur la situation de l’apprenant. Si toutes les ressources développées en cours de formation ne sont pas systématiquement évaluées, il est envisageable de créer un modèle qui fasse émerger par la démonstration, l’auto-évaluation des étudiants. Dans une situation Y, assimilée à la famille X, l’étudiant a utilisé un nombre N de ressources. L’évaluateur peut alors lui demander dans quelles autres situations, logiquement apprenant à la famille X, la combinaison utilisée est pertinente. Cette démarche contribuerait à évaluer la transférabilité de la compétence. Comme l’évoquent Tardif (2006) et Le Boterf (2009a), les cartes de ressources, largement inspirées des cartes conceptuelles peuvent être des supports facilitants et adéquats.

De même, l’évaluateur pourrait interroger l’apprenant sur les ressources qu’il n’a pas mobilisées et rendre compte d’une indication sur le degré d’acquisition ou de non-acquisition. Par exemple, si dans une évaluation ayant trait à la compétence « identifier, analyser les situations et processus sociaux (…) » (HES-SO, 2006, p. 13), si l’étudiant néglige l’approche sociologique des processus sociaux, est-ce par méconnaissance ? Ou parce qu’il n’a pas jugé utile d’y avoir recours, tout en disposant, pourtant d’un excellent degré d’atteinte de cette ressource ?

Au terme d’une évaluation, les évaluateurs devraient pouvoir rendre compte de manière fiable : « 1) des ressources dont disposent (…) un étudiant et qu’il n’a pas mobilisées, ni combinées dans ce contexte (…) ; 2) des ressources qu’il a efficacement mobilisées et combinées ; et 3) des ressources qui ne font pas encore partie de son bagage personnel ou qu’il ne maîtrise pas à un degré suffisant » (Tardif, 2006, p. 110). Pour Tardif (2006, pp. 110-111), cette étape est inévitable, d’autant qu’à priori, les situations d’évaluation des compétences, par rapport notamment à une approche disciplinaire, devraient être considérablement réduites.

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Pour que les évaluations soient fiables et qu’elles rendent compte du niveau d’atteinte de la compétence, qui comme nous l’avons vu, s’acquiert forcément sur une longue durée, il importe que les indicateurs relatifs au niveau soient déterminés par l’ensemble des concepteurs de la formation. Si la compétence s’exerce dans la durée, il faut que des paliers de niveaux fassent l’objet d’un consensus, un seul individu ne pouvant se porter garant de cette progressivité.

Dans les dispositifs qui s’appuient sur l’approche par compétences, qui visent par conséquent un savoir-agir complexe, il est présupposé de manière implicite ou explicite, que l’autonomie de le l’étudiant va se développer au fil de son parcours de formation. L’autorégulation que nécessite l’autonomie, nécessaire au développement de la compétence, ne s’acquiert que progressivement mais demeure essentielle pour agir efficacement et doit fait partie intégrante de la programmation de la formation tant pour ce qui a trait aux situations d’apprentissages qu’aux situations d’évaluation.

L’évaluation des compétences ayant des finalités précises, on ne saurait cantonner les productions des apprenants à un style de « copie conforme ». Si dans une approche disciplinaire il est aisé d’agir en tant qu’évaluateur en termes de juste ou de faux, par exemple à la suite d’une consigne du type : quels sont les stades du développement selon Piaget, il est aisé de juger si oui ou non les réponses sont exactes, plus ou moins étayées. Cependant, dans ce cas, l’objectif est la restitution conforme, sans doute dans le but de faire la preuve de ses connaissances. Si dans ce cas, le jugement peut quasiment être considéré comme binaire, d’autres situations d’évaluation sont plus indéterminées.

On pourrait imaginer une consigne dans un cours de philosophie de l’éducation du type : développez si selon vous, l’éducation est utopie et argumentez votre positionnement. Dans ce cas, le développement choisi par l’apprenant sera certainement singulier par rapport à ses pairs. Toutefois, lors de l’évaluation de cette copie, il est probable qu’un certain nombre de critères servent de jugement quantitatif (par ex. il se réfère à X auteurs, il a écrit un nombre Y de pages, etc.) et qualitatif (le texte est structuré selon les normes usuelles, les arguments s’appuient sur des connaissances fiables, etc.). Néanmoins, dans une approche par compétences, le raisonnement en termes de présence ou de manque est quelque peu contraire à la logique en jeu. En effet, l’évaluation des compétences laisse une importante marge de manœuvre aux étudiants. Si dans le modèle cognitif de l’apprentissage des critères sont en établis en termes de niveau critique attendu à tel stade, la latitude laissée à l’apprenant dans son développement demeure considérable. Le but étant de former des personnes capables de savoir-agir efficacement dans des situations variées et dont on reconnaît la singularité des modes d’apprentissages.

Pour procéder à l’évaluation de compétences, il est nécessaire que la situation choisie soit à la fois représentative et significative de la compétence en question. Certes, pour évaluer une même compétence, plusieurs situations et tâches seront proposées dans le cours de la formation. Il n’en demeure pas moins que celles-ci devront rendre compte du degré de maîtrise des ressources, du niveau d’atteinte de la compétence ainsi que de l’autonomie qui a été requise de la part de l’apprenant. Par conséquent, il importe de se fier à des critères multiples.

Selon Tardif (2006, p. 133), l’évaluation des compétences doit impérativement restituer la progressivité du parcours de développement de l’étudiant. D’après cet auteur, « les évaluations sporadiques, discontinues et morcelées ne contiennent aucune probabilité de répondre à cette finalité. Certes, les enseignants (…) peuvent y recourir par défaut, mais le fait qu’il soit impossible de construire une trajectoire développementale à partir de ces

« photographies disparates » constitue une limite inacceptable dans le cadre de l’évaluation des compétences ».

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Pour parvenir à cet objectif, il va de soi que les formateurs doivent collaborer de manière serrée, ce qui bien souvent marque un changement de pratiques mais est indispensable car chaque évaluation faisant suite à une autre, dans une idée de progression, les paramètres « collaboration étroite entre évaluateurs » et « temps » sont incontournables.

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