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CADRE THEORIQUE DE LA RECHECHE

7. L ES REPRÉSENTATIONS SOCIALES

La notion de représentation sociale a émergé en sociologie, notamment avec les travaux de Durkheim. Toutefois, ce n’est que plus tard qu’elle a véritablement été conceptualisée. Les travaux de Moscovici (1961 et 1976) vont apporter une large contribution à ce concept et vont le situer au carrefour de la psychologie et de la sociologie, c’est-à-dire dans une approche psychosociologique. Cependant, même si ce concept est relativement ancien, il revêt encore actuellement des définitions polysémiques car, d’une part, il se rapporte à des phénomènes et processus divers et d’autre part, il englobe un nombre considérable de significations qu’il est difficile, voire impossible, de définir de manière univoque.

Pour Moscovici (1976), les représentations sociales se construisent grâce à des formes de connaissances, tant idéologiques que sociales, appartenant au « métasystème ». Ce dernier est constitué de régulations sociales et joue un rôle de régulation normative. Pour cet auteur, l’individu met à « l’œuvre deux systèmes cognitifs, l’un qui procède à des associations, inclusions, discriminations, déductions, c’est-à-dire le système opératoire et l’autre qui contrôle, vérifie, sélectionne à l’aide de règles, logiques ou non ; il s’agit d’une sorte de métasystème qui retravaille la matière produite par le premier » (1976, p. 254).

« Les représentations sociales sont des corpus de connaissances et activités psychiques grâce auxquelles les hommes rendent la réalité physique et sociale intelligible » (Moscovici, 1976, p. 234). En d’autres termes, les représentations sociales sont des connaissances et des informations sélectionnées et réduites de la réalité, permettant de l’appréhender, de la comprendre et d’y donner du sens, en fonction d’un contexte social particulier.

Selon Abric (1994a, p.13), « la représentation fonctionne comme un système d’interprétation de la réalité qui régit les relations des individus à leur environnement physique et social, elle va déterminer leurs comportements et leurs pratiques. La représentation est un guide pour l’action, elle oriente les actions et les relations sociales. Elle est un système de pré-codage de la réalité car elle détermine un ensemble d’anticipations et d’attentes ». Les représentations sociales s’immiscent donc dans nos activités et actions quotidiennes.

L’individu évoluant dans un contexte social, il peut faire intervenir différents métasystèmes en fonction des situations et objets qu’il rencontre. Les régulations engendrées par le métasystème peuvent être influencées à différents degrés par des opinions, des mythes, des croyances, des idéologies, etc.

7.1. L

ES DIMENSIONS D

UNE REPRÉSENTATION SOCIALE

Au cœur de l’étude des représentations sociales se situe l’analyse du processus de régulation se produisant au sein du métasystème. Afin de cerner une représentation sociale, plusieurs dimensions doivent être prises en considération (Moscovici, 1976). Il s’agit tout d’abord de saisir l’information à disposition des groupes sociaux.

Celle-ci est déterminée par ses aspects qualitatifs et quantitatifs. Les informations étant détenues inéquitablement entre les différents acteurs et groupes sociaux, il importe de les appréhender. Par ailleurs, la qualité de l’information est influencée par la dispersion de l’information. Souvent, l’acteur social ne dispose pas des informations appropriées pour construire une connaissance pertinente de l’objet. Néanmoins, la connaissance émerge tout de même, mais sans forcément s’appuyer sur des fondements fiables.

Ensuite, il est nécessaire de comprendre la manière dont les informations sont organisées pour produire des formes de connaissances ; il s’agit du champ de la représentation. Cette dimension est entre autres déterminée par la focalisation sur certains aspects de l’objet, en fonction des préoccupations, des intérêts et de l’insertion sociale de l’individu.

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Quotidiennement, l’individu est invité à donner son avis sur des sujets des plus variés. Souvent dans l’urgence des échanges quotidiens avec autrui, l’individu doit rapidement se positionner en passant du constat à la construction d’une représentation. Il s’agit de ce qui est appelé par Moscovici (1976) la pression à l’inférence, propre aux relations sociales. D’ailleurs, Doise (2005, p. 245), décrit les représentations sociales comme « des principes générateurs de prises de position qui sont liés à des insertions spécifiques dans un ensemble de rapports sociaux ».

Après ces étapes, la représentation est construite et va faire émerger une attitude face à l’objet de la représentation. Celle-ci sera plutôt favorable ou non. Par exemple, un individu a une représentation sociale positive des femmes en politique.

7.2. L’

ELABORATION D

UNE REPRESENTATION SOCIALE

La représentation sociale émerge dans les interactions avec autrui et dans les situations sociales qui font apparaître des objets sociaux étrangers (acteurs, objets, etc.) et qui remettent en cause l’ordre établi jusqu’alors.

Par exemple, un débat actuel en Suisse porte sur l’intégration d’une majorité de femmes au conseil fédéral. Les médias relèguent l’information et alimentent le débat à ce sujet, ce qui donne lieu à des échanges entre les individus, au travail, en famille, au bistrot, etc. Des informations se construisent, parfois en opposition, parfois en approbation mais chacun, du moins à priori, se constitue un positionnement par rapport à ce débat.

La représentation sociale s’élabore grâce à des échanges de connaissances. Elle est intimement liée à l’appartenance groupale des individus. Pour Jodelet (2003, p. 53), les représentations sociales sont « (…) des formes de connaissance socialement élaborées et partagées, ayant une visée pratique et concourant à la construction d’une réalité commune à un ensemble social ». Le groupe social est par conséquent un lieu qui fait office d’objectivation des informations et des connaissances. Au sein d’un même groupe, les représentations sociales partagées ont une fonction de différenciation sociale et identitaire, en comparaison aux autres groupes sociaux.

Comme évoqué, les représentations se constituent dans les interactions sociales et permettent aux individus de donner du sens, de comprendre leur environnement. A ce propos, Molinier (2002) exprime la fonction de la représentation sociale comme la « nécessité de combler un déficit de savoir ». En somme, les représentations sociales permettent aux individus d’appréhender leur contexte social en faisant diminuer l’incertitude relative à la nouveauté.

7.2.1. LES PROCESSUS DE LÉGITIMATION ET DAPPROPRIATION

Lorsqu’une représentation sociale se manifeste, d’après Moscovici (1961 et 1976) deux processus participent à son appropriation.

Le premier est le processus d’objectivation ; souvent, l’acteur va imager la représentation, en sélectionnant certaines informations, afin d’octroyer à l’abstrait un caractère concret. Pour Moscovici (cité par Jodelet, 1997, p.

371) « objectiver, c'est résorber un excès de significations en les matérialisant ». L’image condensée en quelques mots constitue une synthèse éloquente de la représentation ; il s’agit d’une cognition abrégée, soit un ensemble d’informations et de connaissances structurées sur l’objet. Par exemple, la représentation de l’égalité des chances dans le système scolaire sera matérialisée par le mot utopie. Dès que l’individu l’aura activé, il aura en quelque sorte résumé tout ce qu’il pense de l’égalité dans le système scolaire.

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Le second, quant à lui, est le processus d’ancrage. Il consiste en « l'enracinement social de la représentation et de son objet » (Jodelet, 1997, p. 375). L’acteur, face à la nouveauté, cherche à interpréter et à comprendre son environnement. Pour y parvenir, il doit classer, catégoriser et structurer en référence aux éléments qu’il connaît déjà. Par exemple, lors de son apparition, la télévision a sans doute été assimilée à la radio, étant perçue comme une radio avec images. Actuellement, tout citoyen distingue clairement ces deux objets mais à l’arrivée de cette nouvelle technologie, l’individu a mis à profit ses schémas préexistants pour intégrer, assimiler, donner du sens à l’inconnu et ainsi réduire l’incertitude et la menace que peut générer l’inédit. En somme, l’individu structure et inscrit toujours les nouvelles informations et connaissances dans celles qu'il possède au préalable.

7.3. N

OYAU CENTRAL ET COGNITIONS PERIPHERIQUES

Une représentation sociale est constituée par un certain nombre de cognitions. Au sein d’un groupe social, les cognitions font l’objet d’un consensus et forment le noyau central de la représentation sociale. Abric définit ce noyau comme « (…) un sous-ensemble de la représentation, composé d’un ou de quelques éléments dont l’absence déstructurerait la représentation ou lui donnerait une signification complètement différente » (1994b, p.73). Le noyau central est, par conséquent, une base partagée au sein d’un groupe permettant de donner communément du sens à un objet social et qui demeure relativement stable.

Toutefois, le noyau central admet la présence de cognitions périphériques, pour autant que celles-ci ne le transforment ou ne le désorganisent pas. En somme, ces dernières ne modifient pas ce qu’est l’objet mais elles permettent à l’individu de l’adapter à son contexte, à son idiosyncrasie. Les cognitions périphériques composent un sous-ensemble de la représentation qui a les particularités d’être plus individualisé, flexible et contextualisé.

Le noyau central de la représentation est généralement stable et difficilement modifiable mais il peut tout de même se déstructurer, en fonction de nouvelles informations ou connaissances qui se manifestent dans un groupe social donné. Les nouvelles informations s’insèreront d’abord par le biais des cognitions périphériques et finiront par modifier le noyau central. Comme l’a démontré Leon Festinger (1957) avec sa théorie de la dissonance cognitive, un état de dissonance est très désagréable pour l’individu. Il va engendrer la recherche de consonance et dans ce processus les croyances seront sans doute modifiées. Par exemple, le tabagisme a longtemps été perçu comme sain et « bon pour la santé ». Aujourd’hui, avec les nombreuses études médicales affirmant le contraire et qui ont été largement vulgarisées, on peut sans doute avancer que la représentation sociale du tabagisme n’est plus assimilée à la santé. Les représentations étant éminemment sociales, elles évoluent aussi avec le temps.

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EN N RÉSSUUMÉ ::

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