• Aucun résultat trouvé

L’après projet de loi C-24 : les changements apportés par le projet de loi C-

2. Le droit au maintien d’une citoyenneté multiple dans le contexte de la déchéance

2.1. La déchéance de citoyenneté en droit canadien

2.1.4. L’après projet de loi C-24 : les changements apportés par le projet de loi C-

Étant donné que le Canada n’a pas formulé de réserve au paragraphe 8(3) de la Convention

de 1961, le projet de loi C-24 ne pouvait pas mener à la création d’apatrides. Ainsi, avant

291 Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, préc., note 252, art. 49(1).

292 Loi sur la citoyenneté, préc., note 13, art. 2(1), 10.7; Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7, art.

27(2)b).

293 Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, préc., note 252, art. 48(1). 294 Id., art. 50(a).

295 Toth c. Canada (Ministre de l’emploi et de l’immigration) (1988), 6 Imm LR (2d) 123 296 Loi sur la citoyenneté, préc., note 13, art. 22.1(d).

297 Id., art. 22.1(a). 298 Id., art. 22.1(1).

56

d’être abrogé, le paragraphe 10.4(1) LC prévoyait expressément qu’aucune des dispositions de la LC ne pouvait être interprétée de manière à contrevenir à la Convention de 1961. Cela n’exclut toutefois pas une disparité entre citoyens uniques et citoyens multiples sur le plan procédural.

Conformément à sa promesse électorale, l’élection du gouvernement de M. Justin Trudeau en octobre 2015 a mené à l’abrogation de la déchéance de citoyenneté. L’entrée en vigueur de la réforme, le projet de loi C-6, a mené à ce que le seul Canadien ayant été privé de sa citoyenneté, Zakaria Amara, a pu la récupérer de manière automatique. Celui-ci purge une sentence à vie pour avoir tenté de faire exploser des bombes en 2006 dans le centre-ville de Toronto300.

Cependant, les dispositions du projet de loi C-24 concernant la révocation de citoyenneté, unique ou multiple, pour cause de fausses déclarations ou de dissimulation de faits essentiels sont demeurées inchangées301, et ce, même si elles étaient très critiquées302. Ce faisant, tout comme la déchéance de citoyenneté pour cause d’atteinte à la sécurité nationale sous le paragraphe 10(2) LC, la révocation de la citoyenneté avait lieu suite à un avis303. L’audience n’était accordée par le ministre que s’il le jugeait nécessaire304. Par contre, il devait être en mesure de justifier ses démarches en étant capable de prouver la fraude ou la fausse déclaration par la balance des probabilités.

Lorsque la fraude ou la fausse déclaration était liée à certains motifs d’interdiction de territoire (par exemple l’article 34) en vertu de la LIPR, les paragraphes 10.1(1) et 10.1(3) LC faisaient en sorte que la révocation n’avait lieu que suite à une déclaration de la Cour. Dans ce cas particulier, le fardeau de preuve du ministre reposait non pas sur la balance des probabilités, mais bien sur les motifs raisonnables.

300 Dominique LA HAYE et Guillaume ST-PIERRE, « Le Canada abroge la loi sur la déchéance de

citoyenneté », TVA Nouvelles (25 février 2016), en ligne

<http://www.tvanouvelles.ca/2016/02/25/le-canada-abrogera-la-loi-sur-la-decheance-de- citoyennete>(consulté le 7 mars 2018).

301 D. NAKACHE et Y. LE BOUTHILLIER, préc., note 230, p. 262. 302 Id., p. 268.

303 Loi sur la citoyenneté, préc., note 13, article 10(3). 304 Id., article 10(4).

57

Dans l’affaire Hassouna, le gouvernement de M. Trudeau a défendu le statu quo en reprenant la même position que son prédécesseur : la citoyenneté n’est pas un droit, mais un privilège, de sorte qu’elle échapperait à la Déclaration canadienne des droits305. La Cour fédérale a rejeté cette position : la citoyenneté n’est un privilège que lorsqu’elle n’est pas obtenue. Lorsqu’elle est obtenue, elle est un droit306. Ce faisant, la Cour a jugé que les garanties procédurales accordées sous les paragraphes 10(1), 10(3) et 10(4) LC étaient trop faibles :

Pour que le processus de révocation soit équitable d’un point de vue procédural, les demandeurs devraient avoir le droit : (1) à une audience devant une cour de justice, ou devant un tribunal administratif indépendant, lorsqu’une question importante en ce qui concerne la crédibilité est soulevée; (2) à une possibilité équitable de faire valoir leur cause et de connaître les arguments qu’ils devront réfuter, et (3) d’être entendu par un décideur impartial et indépendant. Rien de ce qui précède n’est garanti dans la Loi modifiée307.

La Cour a ensuite jugé que le paragraphe 10(4) LC accordait au ministre un trop large pouvoir discrétionnaire, puisqu’il « peut être d’avis qu’il existe une question importante en matière de crédibilité et qu’il pourrait néanmoins exercer son pouvoir discrétionnaire de refuser une demande de tenue d’audience »308. Au surplus, la Cour en est venue à la conclusion que les motifs indiqués dans la notice de révocation sont insuffisants, car ils ne visent pas les motifs permettant de miner la révocation et ne comportent pas la communication de la preuve309. De même, elle conclut que « les principes de justice fondamentale exigent qu’un examen discrétionnaire de toutes les circonstances d’une affaire soit fait »310, ce que la LC ne prévoyait pas.

Par la suite, la LC a de nouveau été amendée. Désormais, l’avis doit mentionner : a) la possibilité pour la personne visée de présenter ses observations ; b) les modalités afférentes, c) les motifs et les éléments de preuve qui ont mené à la décision du ministre, et d) le renvoi de l’affaire à la Cour fédérale, à moins que la personne demande au ministre de trancher l’affaire311.

305 Hassouna and The Minister of Citizenship and Immigration Canada, préc., note 240, par. 74. 306 Id., 75‑76.

307 Id., par. 91. 308 Id., par. 95. 309 Id., par. 97. 310 Id., par. 116.

58

Ensuite, la personne peut présenter ses observations quant à sa situation personnelle ou aux particularités de l’affaire312, ou demander au ministre de trancher313. Si la personne demande au ministre de trancher, il doit tenir compte des observations avant de rendre sa décision314. Dans ce cas, il décide si une audience doit être tenue en vertu des facteurs réglementaires315. Sinon, la déclaration de révocation appartient à la Cour316.

De toute évidence, le droit canadien de la citoyenneté a beaucoup évolué depuis 2014. Les procédures de déchéance de citoyenneté, inspirées par la LIPR, accordaient un très large pouvoir discrétionnaire au ministre. Depuis, la déchéance de citoyenneté a été abrogée, et le pouvoir discrétionnaire du ministre en matière de révocation de citoyenneté a fortement été révisé.

Si la question de la déchéance de citoyenneté multiple a somme toute été réglée au moment d’écrire ces lignes en droit canadien, il n’en est pas de même en droit britannique. Outre le fait que la déchéance de citoyenneté soit encore en vigueur en Grande-Bretagne, nous verrons que les procédures afférentes sont encore plus drastiques qu’elles ne l’étaient en droit canadien.