Chapitre 1 : Management des ressources humaines : GRH et ordonnancement du
3. L’ordonnancement du personnel : Une activité de management de ressources humaines
ressources humaines
Bien que de nombreux travaux menés sur l’ordonnancement du personnel soient initiés sur la
base de préoccupations financières, des études portant sur l’activité des ordonnanceurs
soulignent la prise en compte d’autres critères qui sont intégrés manuellement par les
ordonnanceurs ou lors de la conception de modélisations mathématiques.
3.1 La prise en compte dans l’ordonnancement du personnel de préoccupations
liées aux opérateurs
Parmi les critères pris en compte, sont considérés ceux liés aux caractéristiques des opérateurs,
à leurs préférences individuelles et à l’équité. Les ordonnanceurs ont ainsi à gérer un plus grand
nombre de contraintes humaines, ce qui complexifie davantage les problèmes
d’ordonnancement du personnel (Schaerf et Meisels, 1990). 3.3.1 En intégrant les caractéristiques des opérateurs
Alfares (2004) puis Van den Bergh et al. (2013), dans leurs revues de littérature respectives,
pointent la diversité des opérateurs que les ordonnanceurs peuvent avoir à prendre en compte en fonction de leur type de contrat, de leur temps de travail et de leurs compétences.
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Dans l’étude de White et al. (2006) décrite précédemment, les auteurs mettent en évidence que
les ordonnanceurs prennent en compte l’ancienneté des opérateurs pour constituer des équipes qu’ils considèrent comme hétérogènes du point de vue de ce critère. Ainsi, l’objectif pour les
ordonnanceurs est de composer des équipes de cinq soignants : un résident expérimenté, deux
résidents juniors et deux internes. Dans d’autres études telle que celle de Kohl et Karish (2004),
dans l’ordonnancement d’équipes aériennes, les ordonnanceurs accordent un nombre de repos
consécutifs plus important aux opérateurs les plus anciens. Pour cela, les ordonnanceurs les affectent en priorité sur les différents quarts de travail possible.
Dans la même idée, des ordonnancements peuvent être adaptés en fonction de l’état de santé
des opérateurs. Dans une étude portant sur l’affectation des opérateurs sur une ligne d’assemblage d’avions, Asensio-Cuesta, Diego-Mas, Canós-Darós et Andrés-Romano (2012)
tentent d’établir un modèle mathématique d’ordonnancement qui permet de concevoir des
ordonnancements spécifiques pour des personnes possédant des troubles musculosquelettiques.
Les ordonnancements créés doivent ainsi permettre de minimiser l’exposition à des mouvements répétitifs en proposant une rotation entre les différents postes de la ligne
d’assemblage.
De plus, les ordonnanceurs peuvent prendre en compte d’autres critères pour élaborer les plannings, tel que celui de l’équité qui intéresse de nombreuses disciplines aussi bien la
recherche opérationnelle, l’intelligence artificielle que la sociologie ou l’économie. Nous nous focalisons sur les problèmes d’ordonnancement dans lesquels un partage non équitable du
travail pourrait conduire à une dégradation des performances, à la fois économiques et sociales : la satisfaction des opérateurs apparaît comme une condition essentielle.
Pour rendre les plannings équitables, des auteurs considèrent que la conception de plannings
cycliques avec un système de rotation, c’est-à-dire qu’en fonction des quarts de travail ou des
semaines travaillées les opérateurs changent de tâches, permet de répartir équitablement le
travail. Néanmoins, comme le note Lapègue (2014) la prise en compte de principes d’équipe
peut conduire les opérateurs à ne pas être satisfaits de leurs plannings car leurs préférences personnelles ne sont pas prises en compte.
3.3.2 En prenant en compte des préférences exprimées par les opérateurs
En plus de ces éléments liés aux caractéristiques des opérateurs, qui peuvent conduire à une priorisation de certains critères, de nombreuses études soulignent la nécessité de prendre en compte des préférences exprimées par les opérateurs. Celles-ci sont variées et peuvent
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concerner les tâches privilégiées, les horaires de travail et les jours de repos souhaités par les opérateurs.
Si nous reprenons l’étude de Kohl et Karish (2004) dans le domaine aérien, même si les
ordonnanceurs privilégient les opérateurs les plus anciens, les auteurs mettent en évidence
qu’en Europe, les systèmes d’ordonnancement actuels sont conçus de telle manière à concevoir des ordonnancements au mieux adaptés à l’ensemble des opérateurs. Ce type d’ordonnancement est qualifié par ces auteurs de « personnalized rostering » (Ibid, p.225).
Kohl et Karisch (Ibid) soulignent encore plus cette spécificité compte tenu du fait que dans les
systèmes d’ordonnancement nord-américains, les plannings sont d’abord construits à la semaine de manière anonyme, c’est-à-dire sans référence à un opérateur en particulier. Ce n’est
que lorsque tous les plannings hebdomadaires sont conçus que les opérateurs sont affectés. Dans
ce système, la couverture de l’ensemble des postes est privilégiée par rapport à la prise en
compte des préférences des opérateurs.
Dans le domaine hospitalier, les préférences des infirmières peuvent également être prises en considération au cours de la conception des plannings. Les infirmières établissent la liste des
quarts de travail qu’elles préfèrent puis elles les remettent aux ordonnanceurs qui, dans ce domaine, sont souvent leur responsable hiérarchique (Bard et Purnomo, 2005).
Dans le domaine hospitalier, pour obtenir des solutions d’ordonnancement faisables, Meisels et
Kaplansky (2004), n’ont intégré qu’un seul type de préférences. Pour rendre les plannings
équitables, cette préférence a été prise en compte systématiquement lors de l’affectation des
infirmières.
Pour affecter équitablement les opérateurs dans une industrie pharmaceutique, Lapègue (2014)
propose d’évaluer la qualité globale des plannings en fonction de la qualité des plannings
individuels. A partir de l’identification des plannings les moins satisfaisants, des ajustements
sont réalisés par les ordonnanceurs pour améliorer ces plannings, au détriment de ceux qui sont considérés comme les plus satisfaisants. La qualité globale des plannings reste inchangée
puisque l’ordonnanceur procède à un échange d’affectation qui conduit à l’amélioration de la qualité d’un planning individuel sans que pour autant celui-ci devienne insatisfaisant pour les autres opérateurs.
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3.2 Un levier pour le développement conjoint de conditions de travail acceptables
pour les opérateurs et de la production pour l’entreprise
Par la prise en compte de ces différents critères, l’ordonnancement du personnel porte des
enjeux liés à la gestion des ressources humaines puisque les résultats de l’ordonnancement constituent l’un des déterminants des conditions de travail des opérateurs (Bourmaud, 2006). Sur le plan individuel, l’ordonnancement détermine les horaires de travail quotidiens ainsi que
l’alternance des périodes de repos et de travail, et dont les résultats peuvent être plus ou moins satisfaisants compte tenu de l’équilibre recherché entre les vies professionnelle et personnelle.
De plus, l’affectation à une diversité de tâches peut permettre aux opérateurs de donner
davantage de sens à leur travail, tout en préservant leur état de santé.
Les ordonnancements peuvent également porter des enjeux relatifs à l’organisation du travail
collectif. Bien que les plannings puissent être conçus pour chaque opérateur, celui-ci est
rarement amené à travailler seul. Par l’élaboration des différents plannings, les ordonnanceurs
constituent donc des équipes de travail dont les compositions varient en fonction des choix des ordonnanceurs.
Les résultats des activités d’ordonnancement ont donc des conséquences sur la santé et la
satisfaction des salariés (Laporte, 1999 ; Lezaun et al., 2007, 2010). Lorsqu’ils sont acceptables,
les résultats de l’ordonnancement du personnel peuvent fournir aux opérateurs des ressources
supplémentaires pour qu’ils soient en mesure de réguler leur travail.
En nous appuyons sur l’approche développementale des ressources humaines, proposée dans l’approche par les « capabibilités » (Sen, 2003) puis opérationnalisée avec la question des « environnements capacitants » (Falzon, 2013) et des « organisations capacitantes » (Arnoud,
2013 ; Arnoud et Falzon, 2014), l’existence de ces ressources ne suffit pas pour considérer le
développement des opérateurs. Il est donc nécessaire de penser dans sa globalité
l’environnement ou l’organisation dans laquelle ces ordonnancements sont élaborés, c’est
-à-dire de considérer l’ensemble des liens entre la gestion des ressources humaines et celle de la
production. Dans ce cadre, l’activité des ordonnanceurs peut être assimilée à une activité de management telle qu’elle a été définie par Mintzberg (1998) comme «l’art de combiner les ressources matérielles humaines et techniques […] pour atteindre au mieux les objectifs fixés »
(p.256). Forrierre et al. (2011) dans une étude ergonomique menée dans le secteur du bâtiment
considèrent que les conducteurs de travaux, identifiés comme des managers des chantiers ont à
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En ergonomie, de plus en plus de travaux portent sur l’activité des managers. Les résultats mettent en évidence leur positionnement intermédiaire et les nombreuses injonctions qu’ils ont
à gérer entre leur rôle dans la production et le maintien de l’organisation, et celui de favoriser
l’activité des opérateurs en aménageant leurs conditions de travail (Bouffartigue et Bouteiller, 2006 ; Carballeda, 1997).
La question qui se pose alors est celle de l’articulation réelle entre la gestion de production et
celle des ressources humaines, ici étudiée au travers de l’activité d’ordonnancement. Pour cela,
nous allons plus particulièrement chercher à comprendre en quoi consiste cette activité
d’ordonnancement, et quels en sont les déterminants liés à ce positionnement d’interface, avant
de développer les conditions nécessaires à cette articulation, qui ont été considérées au travers du concept de robustesse.
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