3.1.1 Une prise en compte des dimensions opérationnelle et humaine de la production au travers des contraintes à gérer
L’activité des ordonnanceurs du niveau tactique se caractérise par une gestion permanente de contraintes dont la diversité a été caractérisée en analysant les observations systématiques. Le tableau 9 rend compte de la répartition des contraintes introduites en fonction de leur nature et de leur source.
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Sources Nature Total
Sociale Opérationnelle Initiales Prescrites Managers 14 29 67 Agents commerciaux 24 0 Supplémentaires Aléatoires Agents commerciaux 38 0 39 Autres 0 1 Construites Ordonnanceurs du niveau tactique 5 8 13 Déduites Ordonnanceurs du niveau tactique 12 19 31 TOTAL 93 57 150
Tableau 9 : Caractéristiques des contraintes introduites qui ont été gérées par les ordonnanceurs du niveau tactique
D’abord, les contraintes qui sont à l’origine des problèmes d’ordonnancement portent sur l’ensemble des dimensions de la production. Les 2/3 relèvent de la dimension sociale (individuelle et collective) et 1/3 de la dimension opérationnelle (économique, commerciale, règlementaire) (Tableau 1). Cette répartition reflète, selon les ordonnanceurs, la réalité des
problèmes qu’ils ont à traiter.
Les contraintes de différentes natures sont articulées tout au long de la conception. En revanche,
le jour de la mise en œuvre des plans de production, seules des contraintes de nature humaine
sont intégrées (jour J, figure 21). La figure 21 présente la part des contraintes introduites dans
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Figure 21 : Nature des contraintes introduites en fonction de l’avancée de l’ordonnancement
D’une part, les ordonnanceurs du niveau tactique gèrent des contraintes opérationnelles,
relatives aux dimensions économique, commerciale et règlementaire de la production. Ces
dernières se rapportent à la règlementation du travail spécifique à l’entreprise et qui cadre les possibilités d’affectation des agents commerciaux. L’exemple suivant présente une règle d’affectation qui est spécifique pour chaque point de vente : « Alors ça dépend des points de
vente. A la boutique B15, je suis obligé de prévoir au minimum 3 agents sinon ils n’ouvrent pas. Mais par exemple, à B8, il y a un agent qui ouvre seul tous les matins. L’ouverture c’est
vraiment en fonction du point de vente » (Agent P).
La dimension économique quant à elle rend compte de la nécessité de concevoir des plans de
production qui permettent de réaliser le chiffre d’affaires objectivé, et la dimension commerciale vise à assurer l’ouverture des boutiques selon les besoins perçus des clients.
D’autre part, les ordonnanceurs gèrent des contraintes sociales en lien avec les dimensions individuelle et collective de la production. La satisfaction de contraintes individuelles permet
de favoriser l’équilibre entre les vies professionnelle et personnelle des agents, comme perçu
dans l’extrait d’un échange entre les deux ordonnanceurs du niveau tactique est présenté ci-dessous.
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- Agent I : Nicolas elle était en matinée en gare donc je mets Elodie en gare et Nicolas sur B11.
Bon j’aurai pu laisser comme ça mais je préfère échanger.
- Agent P : Et pourquoi tu échanges ?
- Agent I: Je me dis qu’elle, elle fait plutôt des journées et Nicolas plutôt des matinées donc
j’essaye de …
- Agent P : Ah oui d’harmoniser. C’est ce que j’essaye de faire aussi quand je monte le mois [c’est-à-dire concevoir les plannings dans le mois précédent]
La dimension collective de la production est relative à la composition des équipes présentes
chaque jour sur les points de vente. Dans l’exemple suivant, l’agent I choisit une affectation
selon l’entente qui existe entre les agents commerciaux : « Alors Eric on a eu quelques problèmes avec certains agents de la boutique B5. Donc maintenant on préfère ne pas le mettre là-bas » (Agent I).
3.1.2 Un contexte particulièrement instable qui conduit à identifier trois phases temporelles
Les contraintes à gérer ont des origines différentes, c’est-à-dire qu’elles peuvent être formulées par différents acteurs de l’unité : les agents commerciaux, les ordonnanceurs du niveau tactique
et d’autres ordonnanceurs.
La figure 22 ci-dessous présente la part des contraintes gérées par les ordonnanceurs en fonction
de leur origine et de leur moment d’apparition. En croisant l’évolution des différentes
caractéristiques des contraintes gérées par les ordonnanceurs et leur moment d’apparition,
quatre phases de conception ont été distinguées : une phase amont plus de 20 jours avant la
mise en œuvre de l’ordonnancement, une dite intermédiaire entre 10 et 20 jours, une phase
proche de la réalisation des plans correspondant aux 10 jours précédents la mise en œuvre, et le jour même de la mise en œuvre.
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Figure 22 : Source des contraintes introduites en fonction de l’avancée de l’ordonnancement
Au début de la prise en charge de l’ordonnancement, soit plus de 20 jours avant la mise en œuvre des plans de production, trois contraintes sur quatre introduites sont prescrites (Plus de
20 jours, figure 22). Celles-ci sont connues dès le début du projet, et sont autant formulées par
les managers de l’unité que par les agents commerciaux. Elles possèdent un caractère obligatoire. Certaines ne varient que d’une année à l’autre tels que les temps de travail et les lieux d’affectation. D’autres évoluent d’un mois à l’autre afin de prendre en compte les
variations des flux clients attendus ou les demandes de congés : « Tous les trois mois, l’adjointe
RH peut figer des postes (…) c’est-à-dire qu’il y a des postes qu’on ne va pas tenir car on sait
qu’il n’y aura pas de clients » (Agent P). Il s’agit des postes « figés », non pris en compte dans le suivi des postes non tenus.
Les contraintes prescrites, qui sont prévues par l’organisation, représentent 45% des contraintes
gérées lors de l’ordonnancement. En fonction de l’acteur qui en est à l’origine, ce type de
contraintes peut aussi bien concerner la dimension opérationnelle que sociale de la production. Les autres ordonnanceurs des niveaux stratégique et opérationnel sont porteurs de contraintes liées à la couverture des postes sur leurs périmètres. Du fait de leurs actions sur les plannings,
ils produisent des nouvelles contraintes d’ordonnancement pour les agents de la commande :
« Je ne sais pas si vous avez vu, à partir de demain j'ai mis Thomas à la place de Olivia. Il faut que vous changiez sur les plannings » (Manager stratégique St3).
Les agents commerciaux eux-mêmes font également remonter aux ordonnanceurs du niveau tactique des contraintes prescrites liées à la dimension sociale, telles que le droit à un certain
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nombre de congés, et les règles d’affectation qui leur sont propres : « Alors elle [un agent commercial] me demande de ne pas travailler du 22 au 26 Décembre. Elle a bien calculé, il lui restera un jour à poser » (Agent P).
En complément, des contraintes supplémentaires provenant de différentes sources doivent
être gérées jusqu’au jour de la réalisation des plans. Elles sont réparties comme suit : 13 construites, 31 déduites et 39 aléatoires. Parmi les contraintes supplémentaires, certaines proviennent directement des ordonnanceurs du niveau tactique (contraintes déduites et
construites), et d’autres sont formulées par les agents commerciaux ou des acteurs externes à
l’unité (contraintes aléatoires). Ces dernières représentent près d’un quart des contraintes
introduites. Le contexte de production à partir duquel les agents de la commande ordonnancent est donc particulièrement instable.
Les contraintes aléatoires peuvent être mises en lien avec l’instabilité du contexte de production
due en partie à la dimension sociale particulière sur l’unité concernée. En effet, 38 des 39
contraintes aléatoires sont relatives à la dimension humaine de la production. Plus
particulièrement, l’environnement de production est caractérisé par la survenue d’un grand nombre d’arrêts maladies et de préavis de grève récurrents. La dernière contrainte aléatoire
porte sur les ressources matérielles avec par exemple un dysfonctionnement informatique dans
un point de vente, une fuite d’eau, des travaux empêchant l’arrivée des trains en gare : « Le dernier week-end de novembre il y a des travaux donc pas de trains entre samedi 12h30 et
dimanche 13h25. On n’aura donc que peu de clients en gare » (Agent I).
Le nombre de contraintes aléatoires augmente avec l’avancée la conception des plannings
(Figure 23). Vingt contraintes aléatoires ont été gérées durant la période de 10 à 20 jours avant
la mise en œuvre des plans de production, représentant 40% de l’ensemble des contraintes
gérées pour cette période. Au total, plus de 50% des contraintes aléatoires ont été gérées moins
de 10 jours avant le jour observé. Le jour de la mise en œuvre des plans, 13 contraintes aléatoires
ont été gérées, et représentent la totalité des contraintes auxquelles les ordonnanceurs du niveau tactique ont dû faire face sans disposer de délais pour réordonnancer.
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Figure 23 : Histogramme groupé représentant le nombre de contraintes aléatoires introduites
en fonction de l’avancée de l’ordonnancement, et la part qu’elles représentent par rapport au
nombre total de contraintes gérées pour un même délai.
La gestion des contraintes construites et induites sera présentée par la suite.