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C. Les secteurs concernés

2. L’offre de produits d’hygiène et d’entretien à la grande distribution

97. Malgré l’existence d’entreprises actives sur les deux secteurs, il existe des différences entre les caractéristiques de l’offre de produits d’hygiène (a) et celle de produits d’entretien (b).

a) Caractéristiques de l’offre dans le secteur de l’hygiène

98. Le secteur de l’hygiène occupe une place non négligeable dans les dépenses des consommateurs français. Ces derniers dépensent en moyenne 190 euros dans les produits de cosmétologie et d'hygiène par an (cote 44 407). Une très grande partie de ces achats est effectuée dans la grande distribution qui représentait à elle seule plus de 90 % des débouchés des industriels du secteur en 2004 (cote 44 597). Le chiffre d’affaires total du secteur de l’hygiène était, en 2006, supérieur à 5 milliards d’euros (cote 24 400).

99. Au sein du secteur de l’hygiène, plusieurs catégories de produits peuvent être distinguées, sur lesquelles ont porté les pratiques des mises en cause, et notamment les suivantes : brosses à dents, dentifrices, déodorants, gels douches, hygiène féminine, lames et rasoirs manuels, maquillages, shampooings, etc.

100. À titre liminaire, il convient de préciser que l’offre de produits dans le secteur de l’hygiène est réglementée, en application des dispositions du code de la santé publique (articles L. 5131-2 et suivants). La commercialisation de produits d’hygiène est subordonnée à une déclaration faite, à la date des pratiques, à l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé. Il existe également des règles spécifiques portant sur le conditionnement et l’information du consommateur.

101. En premier lieu, le secteur de l’hygiène est caractérisé par la présence de grandes entreprises, dotées d’une forte notoriété, qui sont spécialisées dans le secteur de la beauté, comme le groupe L’Oréal ou Beiersdorf, ou qui appartiennent à des grands groupes diversifiés, à l’instar d’Unilever ou de Procter & Gamble (cote 44 616).

102. Les parts de marché des acteurs du secteur des produits d’hygiène, au moment des pratiques, figurent dans le tableau saisi chez Lascad (cote 16 823), reproduit ci-dessous :

Parts de marché 2004 (en valeur)

Parts de marché 2005 (en valeur)

Estimation des parts de marché au 03/06 (en valeur)

Category – Total Hyg Beauté 100 100 100

TOTAL Groupe L’Oréal 28.6 28.4 28.8

L’Oréal Paris 10.2 10.2 10.4

Gemey Maybelline Garnier 9.6 9.3 9.6

Lascad 8.9 8.8 8.9

Lever Fabergé 8.4 8.2 8.3

BDF - Nivéa 6.5 6.7 6.6

Henkel 5.3 5.3 5.4

Gillette 4.9 5.0 5.2

Procter & Gamble 4.9 4.8 4.9

Colgate-Palmolive 4.2 4.1 4.0

Sara Lee 2.1 2.1 2.1

Reckitt Benckiser 1.4 1.4 1.1

Eugène Perma 1.1 1.1 1.1

Santé beauté 1.1 1.0 0.9

Bourjois 0.8 0.7 0.7

Marques de distributeur 7.9 8.1 8.2

Autres 22.9 23.0 22.6

Source : Données IRI issues de la base L’Oréal HB (hors PH, Essuie-tout, Mouchoirs, incontinence, lingettes et changes bébé)

103. Ainsi, le secteur des produits d’hygiène est caractérisé par la présence d’un nombre limité d’acteurs de dimension mondiale : les huit premiers acteurs du marché représentent plus de 70 % du chiffre d’affaires global du secteur, les trois premiers totalisant, à eux seuls, environ 43 % du marché, dont 28,6 en moyenne pour le groupe leader, L’Oréal.

104. En deuxième lieu, il existe une certaine stabilité du marché : la part respective des principaux acteurs du secteur de l’hygiène est relativement constante pendant toute la période présentée, entre 2004 et le milieu de l’année 2006.

105. En troisième lieu, cette stabilité du marché est renforcée par les barrières à l’entrée qui nécessitent pour tout nouvel entrant de disposer de moyens importants en matière de recherche et développement et de publicité (cote 44 613).

106. Les barrières à l’entrée proviennent, tout d’abord, de la politique publicitaire, « élément historiquement clé d’accès au marché, comparativement aux autres marchés » (cote 30 263), essentiel s’agissant d’un « marché de marque et d’image » (cote 24 400).

Elles résultent également de l’importance de l’innovation de produits (cotes 24 405, 30 661 et 31 021). Il est toutefois notable que, dans le secteur de l’hygiène, les innovations revêtent un caractère essentiellement incrémental : elles consistent davantage en l’amélioration de produits existants qu’en l’élaboration de produits radicalement nouveaux.

Ces innovations permettent d’augmenter la rentabilité du secteur, sans provoquer de réel bouleversement du marché ou de la situation des entreprises. L’ensemble de ces contraintes génère des coûts fixes élevés, qui sont plus facilement absorbés par les grandes entreprises déjà présentes sur le marché, qui bénéficient d’économies d’échelle conséquentes.

107. Les difficultés liées à l’accès aux linéaires des supermarchés, préalable nécessaire pour les fournisseurs de produits de grande consommation, constituent enfin une barrière à l’entrée pour les nouveaux produits (cote 30 225). Ainsi, le Conseil de la concurrence a constaté dans la décision n° 04-D-13 du 8 avril 2004 relative à des pratiques mises en œuvre par la société des Caves et des producteurs réunis de Roquefort dans le secteur des fromages à pâte persillée que les linéaires constituent une « ressource rare pour [les entreprises commercialisant des produits de grande consommation], dont l’accès fait l’objet d’une forte concurrence entre [producteurs] » (point 55).

108. Si des entrées sur le marché ont été constatées au cours de ces dernières années, elles ont en général été limitées à des segments de marché de niche, comme les produits biologiques, à l’instar des marques Léa Nature ou Le Petit Olivier. Ces marques nouvelles ne constituent qu’une source limitée de pression concurrentielle. Il est d’ailleurs notable qu’aucune des entreprises fabriquant ces produits ne figure dans le tableau reproduit au point 102 ci-dessus.

109. En dernier lieu, le secteur de l’hygiène est caractérisé par une faible élasticité-prix de la demande des produits commercialisés sur le marché aval de la distribution, ainsi que l’illustre la déclaration de M. Etienne X... (Vania Expansion) : « il s’agit d’un secteur pour lequel, sauf exception, la concurrence se fait davantage sur la force des marques et la communication marketing des acteurs que sur les prix. Il s’agit de produits qui sont généralement peu élastiques au prix » (cote 40 071).

b) Caractéristiques de l’offre dans le secteur de l’entretien

110. Le secteur des produits d’entretien comporte plusieurs catégories de produits, sur lesquelles ont porté les pratiques des mises en cause, et notamment les suivantes : les désodorisants, les insecticides, les lessives et les produits assouplissants et adoucissants pour le linge, les nettoyants pour le sol et les vitres, les produits de lavage pour la vaisselle à la main ou en machine, etc. Le chiffre d’affaires du secteur des produits d’entretien en France était, en 2006, de 4,2 milliards d’euros (cote 24 389).

111. Il présente un ensemble de caractéristiques propres.

112. En premier lieu, le marché est caractérisé par la présence de grandes entreprises, les huit premières entreprises (toutes concernées par la présente affaire) réalisant près de 70 % du chiffre d’affaires du secteur. Ceci ressort du tableau suivant, issu d’un document saisi le 3 février 2006 (cote 11 508) :

Part de marché en valeur – Juin 2004

Part de marché en valeur – Juin 2005

Procter & Gamble 14.9% 14.2%

Unilever 13.9% 14.9%

Reckitt Benckiser 11.7% 12.4%

Henkel 10.1% 9.9%

Colgate-Palmolive 9.0% 8.2%

SC Johnson 4.7% 4.8%

Sara Lee 2.3% 2.1%

Bolton Solitaire 1.2% 1.2%

Werner & Mertz 0.3% 0.3%

Distributeurs 17.7% 18.7%

Autres 14.2% 13.4%

Source : AC Nielsen, Juin 2005

113. En deuxième lieu, le marché est marqué par une certaine symétrie et une stabilité des parts de marché, les cinq principaux acteurs du marché ayant des parts de marché relativement homogènes (entre 9 et 15 %). Les plus petits opérateurs sur le marché ne constituent pas

une source de pression concurrentielle réelle, compte tenu du « poids écrasant des leaders » (cote 44 535).

114. En troisième lieu, le marché est caractérisé par l’existence de barrières à l’entrée. Celles-ci résultent de contraintes réglementaires et technologiques liées au caractère polluant du processus de production de produits d’entretien (cote 44 511). Elles tiennent aussi à l’importance des investissements publicitaires et en recherche et développement (cotes 30 263 et 30 264 (VC) / cotes 31 111 et 31 112 (VNC)), même si, le marché des produits d’entretien étant mature, « les consommateurs sont moins perméables à l’innovation » (cote 38 835). Elles sont enfin la conséquence des difficultés liées à l’accès aux linéaires de la grande distribution, en raison de la rareté de la place disponible dans ces espaces de vente et de leur saturation par les entreprises déjà présentes.

115. Compte tenu de ces contraintes, les entrées de nouveaux opérateurs dans le secteur de l’entretien sont très limitées. Les nouveaux entrants ont souvent été cantonnés à des marchés de niche restreints et ne constituaient pas, en 2006, des acteurs de poids du secteur.

116. En dernier lieu, le secteur de l’entretien est caractérisé par une faible élasticité-prix de la demande des produits commercialisés sur le marché aval de la distribution, ainsi que l’illustre la déclaration de Mme Nathalie Y... (Colgate-Palmolive) selon laquelle les produits étaient « peu élastiques au prix, hors promotion » (cote 39 913).