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Le propriétaire d’un bâtiment ou de tout autre ouvrage répond du dommage causé par des vices de construction ou par le défaut d’entretien, conformé-ment à l’article 58 al. 1 CO70. Il en va ainsi également si l’autorisation de construire ou celle d’occuper un bâtiment a été accordée en violation du droit applicable. En d’autres termes, ni l’une ni l’autre n’équivaut à une garantie absolue de l’Etat à l’égard des tiers et ne constitue un « écran » protégeant le propriétaire71. Il convient néanmoins de se demander si la responsabilité de l’Etat est engagée de manière concurrente dans une telle situation, étant rap-pelé que la responsabilité de l’Etat suppose que le lésé n’a pas omis de recourir contre l’autorisation litigieuse alors qu’il en avait la qualité et qu’il connaissait ou devait connaître l’existence de la violation du droit applicable72.

67 Voir TA BE (08.03.2004) JAB 2005, pp. 3 ss, à propos des inondations en ville de Thoune. Sur les devoirs de l’Etat postérieurs à une catastrophe, voir Knapp, Catastrophes, pp. 613-616.

68 Knapp, Catastrophes, p. 610 ; voir aussi Zufferey, Renaturation, p. 1010 ainsi que Fragen, p. 38 et les références doctrinales en note 21. Pour une approche similaire à la nôtre, voir Sobotich, p. 128.

69 TA BE (08.03.2004) JAB 2005, pp. 3 ss, consid. 3.4.

70 Voir infra IV.

71 ATF 91 II 201, consid. 3d, JdT 1966 I 80. Voir aussi Schnyder, no 18 ad art. 58 CO ; Favre, p. 16.

72 Comp. Knapp, Construction, p. 63.

La responsabilité de l’Etat n’est pas engagée du seul fait qu’une autorisa-tion de construire ou d’occuper le bâtiment a été accordée en violaautorisa-tion du droit applicable73. Il s’agit plutôt de déterminer si l’autorité compétente a commis un acte illicite susceptible d’engager la responsabilité de l’Etat. En pratique, le lésé cherchera à démontrer que l’autorité compétente a omis de prendre en compte et de faire respecter une norme le protégeant. Concrètement, la po-sition de garant de l’Etat sera en particulier établie lorsque l’autorité compé-tente néglige de demander la mise en conformité à des normes claires proté-geant le lésé, qu’il lui incombe de faire respecter. L’exigence selon laquelle les normes violées doivent protéger le bien lésé vaut également lorsque celui-ci jouit d’une protection absolue, comme la vie ou la santé humaines74. Un acte illicite ne saurait être mis à la charge de l’Etat pour tout accident se produi-sant dans un bâtiment. Immanquablement, il y a lieu de s’interroger sur les éventuelles normes violées et leur champ de protection avant de statuer sur une possible illicéité imputable à l’Etat.

Diverses règles de sécurité des constructions protègent les personnes en-trant en contact avec un bâtiment, à savoir ses occupants, les personnes qui rendent visite à ceux-ci ou encore des passants75. En revanche, de telles règles ne protègent pas les intérêts purement patrimoniaux du maître d’ouvrage qui subit un dommage indépendamment de tout accident76. Le droit canto-nal comporte souvent des règles de sécurité relatives notamment aux garde-corps et aux escaliers77, dont le respect est vérifié par l’autorité non seulement

73 Dans le même sens, Knapp, Construction, p. 60.

74 Dans le même sens, Ruch, no 119 ad art. 22 LAT ; voir aussi Gross, pp. 175 s. ; Hänni, Staats-haftung, p. 341 ; Favre, p. 5. S’agissant de la jurisprudence, voir TA BE (08.03.2004) JAB 2005, pp. 3 ss, consid. 3.3 ; TA BE (18.12.2002) JAB 2003, pp. 241 ss, consid. 2d. Le TF semble adopter une position différente dans sa jurisprudence récente, puisqu’il considère, d’une manière gé-nérale, que « [s]i le fait dommageable consiste dans l'atteinte à un droit absolu (comme la vie ou la santé humaines, ou le droit de propriété), l’illicéité est d’emblée réalisée » (ATF 132 II 305, consid. 4.1).

75 Voir Weber-Dürler, Staatshaftung, p. 399 ; Ruch, no 119 ad art. 22 LAT ; Sobotich, p. 126.

76 Weber-Dürler, Staatshaftung, p. 399 ; Ruch, no 124 ad art. 22 LAT ; comp. Favre, p. 17.

77 Voir, par ex., art. 58 al. 1, 59 al. 2 et 61 al. 1 de l’ordonnance bernoise sur les constructions, du 6 mars 1985 (OC BE ; RS BE 721.1) ; art. 36 et 38 du règlement fribourgeois d’exécution de la loi sur l’aménagement du territoire et les constructions, du 18 décembre 1984 (RLATC FR ; RS FR 710.11) ; § 154 al. 3 Luzerner Planungs- und Baugesetz, du 7 mars 1989 (PBG LU ; RS LU 735) et § 45 Luzerner Planungs- und Bauverordnung, du 27 novembre 2001 (PBV LU ; RS LU 736) ; art. 24 du règlement vaudois d’application de la loi sur l’aménagement du territoire et les constructions, du 19 septembre 1986 (RLATC VD ; RS VD 700.11.1) ; art. 50, 50A et 52 du règlement genevois d’ap-plication de la loi sur les constructions et les installations diverses, du 27 février 1978 (RCI GE ; RS GE L 5 05.01). Voir aussi §§ 296 et 305 Zürcher Gesetz über die Raumplanung und das öffent-liche Baurecht, du 7 septembre 1985 (PBG ZH ; RS ZH 700.1) ; art. 10 de la loi neuchâteloise sur les constructions, du 25 mars 1996 (LConstr NE ; RS NE 720.0), qui pose des principes généraux visant à assurer la sécurité dans les bâtiments ouverts au public (nombre des issues, nombre et largeur des escaliers, etc.).

lors de la procédure d’autorisation de construire, mais aussi au moment où le permis d’habiter ou d’occuper est délivré78. A titre d’illustration79, l’absence de toute main-courante dans l’escalier d’un bâtiment, alors que celle-ci est prescrite par la législation applicable80, pourrait fonder une responsabilité de l’Etat si l’autorité compétente a délivré l’autorisation de construire, puis le permis d’occuper ou d’habiter un bâtiment, sans demander une mise en conformité à la législation applicable. Cette responsabilité serait concurrente à celle du propriétaire81. Elle suppose, en principe, que la violation du devoir de surveillance à la charge de l’Etat soit manifeste82.

Au demeurant, certaines lois cantonales excluent toute responsabilité de l’Etat en lien avec une autorisation de construire83 ou limitent cette res-ponsabilité84.

Dans les cas où la responsabilité de l’Etat n’est pas valablement exclue85, le lésé doit prouver, outre l’existence d’un acte illicite, le dommage qu’il tend avoir subi, le lien de causalité et la faute – dans les cantons qui pré-voient cette dernière condition. La causalité adéquate est établie lorsque le dommage aurait pu être évité si l’autorisation n’avait pas été délivrée, si des mesures de sécurité avaient été ordonnées ou si des avertissements avaient été donnés86. L’éventuelle responsabilité de l’Etat ne se substitue pas à celle du

78 Voir, par ex., art. 194 al. 3 de la loi fribourgeoise sur l’aménagement du territoire et les construc-tions, du 9 mai 1983 (LATC FR ; RS FR 710.1) ; art. 79 al. 1 let. a RLATC VD ; art. 38 al. 1 let. a RCI GE. Voir aussi § 12a Zürcher Verordnung über die ordentlichen technischen und übrigen Anfor-derungen an Bauten, Anlagen, Ausstattungen und Ausrüstungen, du 6 mai 1981 (BBV I ZH ; RS ZH 700.21) ; § 203 PBG LU ; § 63 Baselstadtische Bau- und Planungsverordnung, du 19 décembre 2000 (BPV BS ; RS BS 730.110) ; art. 49 al. 2 de la legge edilizia cantonale del cantone Ticino, du 13 mars 1991 (LEC TI ; RS TI 7.1.2.1).

79 Anne-Christine Favre a donné une autre illustration, concernant les garde-corps, durant son ex-posé lors de la Journée ASPAN-UNIL le 23 janvier 2008 à Morges.

80 Voir, par ex., § 305 PBG ZH ; art. 36 al. 1 let. g RLATC FR (l’al. 2 prévoit cependant certaines ré-serves) ; art. 52 al. 4 RCI GE. Voir aussi art. 24 al. 3 RLATC VD, qui précise que les escaliers sont, en principe, munis d’une main-courante.

81 Sur la responsabilité du propriétaire, voir Chaix, pp. 53 s., nos 29 s.

82 Comp. Knapp, Construction, p. 61. Voir aussi TA ZH (25.08.1997) ZBl 1998, pp. 474 ss, consid. 3.

83 Voir Weber-Dürler, Staatshaftung, p. 394. A titre d’illustration, voir art. 14b Urner Baugesetz, du 10 mai 1970 (RS UR 40.1111) : « Die Baubewilligung gilt nur für die projektmässige Ausführung.

Sie schliesst keine Verantwortlichkeit des Gemeinwesens ein. ».

84 A titre d’illustration, voir art. 89 al. 1 de la loi vaudoise sur l’aménagement du territoire et les constructions, du 4 décembre 1985 (LATC VD ; RS VD 700.11) : « Toute construction sur un terrain ne présentant pas une solidité suffisante ou exposé à des dangers spéciaux tels que l’avalanche, l’éboulement, l’inondation, les glissements de terrain, est interdite avant l’exécution de travaux propres, à dire d’experts, à le consolider ou à écarter ces dangers ; l’autorisation de construire n’engage pas la responsabilité de la commune ou de l’Etat. ».

85 Sur cette problématique, voir Sobotich, pp. 80-91.

86 Weber-Dürler, Staatshaftung, p. 401 ; Ruch, no 120 ad art. 22 LAT.

propriétaire. Le concours entre l’une et l’autre se règle sur la base de l’ar-ticle 51 CO et des éventuelles autres règles applicables87.

Enfin, l’Etat dont la responsabilité est recherchée peut tenter de démon-trer la faute concomitante du lésé. Le cas échéant, celle-ci peut conduire à ex-clure la responsabilité de la collectivité concernée88. Les dommages-intérêts devraient aussi pouvoir être simplement réduits dans certains cas où il ne se justifie pas d’exempter complètement la collectivité en cause. L’article 44 CO énonce une règle générale que l’on trouve aussi en droit fédéral89 ainsi que dans la plupart des cantons, qui la reprennent expressément ou qui y renvoient90.

B. La révocation d’une autorisation contraire