5.3 Liens entre produit tensoriel et complexe Hom
5.3.2 L’isomorphisme cher à Cartan
Notation 5.14 Isomorphisme cher à Cartan. Soit X un A-module, M un A-module-B et Y un B-module. On note κ l’isomorphisme cher à Cartan donné par
κM,X,Y:
(
HomA(M ⊗BY, X) −→ HomB(Y, HomA(M, X))
f 7−→ (y 7→ (m 7→ f (m ⊗ y))) .
Proposition 5.15 L’isomorphisme cher à Cartan. Soient (X, dX) un complexe de A-modules, (M, dM) un
complexe de A-modules-B et (Y, dY) un complexe de B-modules.
Pour j, k, n ∈ Z, on pose κj,k,n= κMj−k,Yk,Xj+n et
κn= Q (j,k)∈Z2
κj,k,n.
La famille κM,X,Y= (κn)n∈Z définit un isomorphisme naturel de complexes de R-modules de Hom (M ⊗BY, X)
dans Hom (Y, Hom (M, X)).
Preuve. Par définition et grâce à la propriété universelle de la somme directe, on a Hom (M ⊗BY, X)n = Q j∈Z HomA((M ⊗BY)j, Xj+n) = Q j∈Z HomA( L k∈Z (Mj−k⊗ BYk), Xj+n) = Q j∈Z Q k∈Z HomA(Mj−k⊗BYk, Xj+n) = Q (j,k)∈Z2 HomA(Mj−k⊗BYk, Xj+n) .
Hom (Y, Hom (M, X))n = Q k∈Z HomB(Yk, Hom (M, X)k+n) = Q k∈Z HomB(Yk,Q j∈Z HomA(Mj−k, Xj−k+k+n)) = Q k∈Z Q j∈Z HomB(Yk, HomA(Mj−k, Xj+n)) = Q (j,k)∈Z2 HomB(Yk, HomA(Mj−k, Xj+n)) .
On obtient ainsi que κn est un isomorphisme de R-modules de Hom (M ⊗
BY, X)n dans Hom (Y, Hom (M, X))n.
Montrons à présent que (κn)
n∈Z est un morphisme de complexes. Soit
(fj,k)(j,k)∈Z2 ∈ Q (j,k)∈Z2 HomA(Mj−k⊗BYk, Xj+n). On pose alors κn+1dn Hom(M⊗BY,X)((fj,k)(j,k)∈Z2) = (gj,k)(j,k)∈Z2 ∈ Q (j,k)∈Z2 HomA(Yk, HomA(Mj−k, Xj+n+1)) et dn Hom(Y,Hom (M,X))κ n((f j,k)(j,k)∈Z2) = (hj,k)(j,k)∈Z2 ∈ Q (j,k)∈Z2 HomA(Yk, HomA(Mj−k, Xj+n+1)) .
Calculons gj,k. Par définition, on a
dn Hom(M⊗BY,X)((fj,k)(j,k)∈Z 2) = (dn+j X (fj,k)k∈Z+ (−1)n+1(fj+1,k)k∈Zd j M⊗BY)j∈Z
où la famille (fj,k)k∈Z(resp. (fj+1,k)k∈Z) est vue comme un élément de
HomA(L k∈Z Mj−k⊗ BYk, Xj+n) (resp. de HomA( L k∈Z Mj+1−k⊗ BYk, Xj+1+n)) . La restriction de dn+j X (fj,k)k∈Z+ (−1)n+1(fj+1,k)k∈ZdjM⊗BY à M
j−k⊗ Yk est donnée par
dn+jX fj,k+ (−1)n+1(−1)kfj+1,k(dj−kM ⊗ idYk) + (−1)n+1fj+1,k+1(idMj−k ⊗ dkY) ∈ HomA(Mj−k⊗ Yk, Xj+n+1) .
On en déduit que pour y ∈ Yk et m ∈ Mj−k, on a
gj,k(y)(m) = dn+jX fj,k(m ⊗ y) + (−1)n+k+1fj+1,k(dj−kM (m) ⊗ y) + (−1)n+1fj+1,k+1(m ⊗ dkY(y)) .
Calculons à présent hj,k. Par définition, on a
dn Hom(Y,Hom (M,X))((κj,k,n(fj,k))(j,k)∈Z2) = (d k+n Hom(M,X)◦ (κj,k,n(fj,k))j∈Z+ (−1) n+1(κ j,k+1,n(fj,k+1))j∈ZdkY)k∈Z
où la famille (κj,k,n(fj,k))j∈Z (resp. (κj,k+1,n(fj,k+1))j∈Z) est vue comme un élément de
HomA(Yk,
Q
j∈Z
HomA(Mj−k, Xj+n)) (resp. de HomA(Yk+1,
Q
j∈Z
HomA(Mj−k−1, Xj+1+n))) .
Or pour y ∈ Yk, on a
dk+nHom(M,X)◦ (κj,k,n(fj,k))j∈Z(y) = dk+nHom(M,X)((κj,k,n(fj,k)(y))j∈Z) ∈ Q j∈Z
HomA(Mj−k, Xj+1+n)
= (dn+k+j−kX ◦ (κj,k,n(fj,k)(y))+ (−1)n+k+1(κj+1,k,n(fj+1,k)(y)) ◦ dj−kM )j∈Z.
On en déduit que, pour y ∈ Yk et m ∈ Mj−k, on a
hj,k(y)(m) = dn+jX fj,k(m ⊗ y) + (−1)n+k+1fj+1,k(dj−kM (m) ⊗ y) + (−1)n+1fj+1,k+1(m ⊗ dkY(y)) .
Finalement, hj,k = gj,k pour tous j, k ∈ Z et donc κM,X,Y est bien un morphisme de complexes. Comme, pour
tout n ∈ Z, κn est un isomorphisme, on en déduit que κ
M,X,Y est un isomorphisme de complexes.
Montrons à présent la naturalité. Soient X′ un complexe de A-modules, M′ un complexe de A-modules-B,
Y′ un complexe de B-modules, f : X → X′ un morphisme de complexe de A-module, g : M′→ M un morphisme de complexes de A-modules-B et h : Y′→ Y un morphisme de complexes de B-modules. Or on a
Hom (g ⊗ h, f)n:
(Hom (M ⊗
BY, X)n −→ Hom (M′⊗BY′, X′)n
(uj,k)(j,k)∈Z2 7−→ (fj+nuj,k(gj−k⊗ hk))(j,k)∈Z2.
et Hom (h, Hom (g, f))n:
(Hom (Y, Hom (M, X))n −→ Hom (Y′, Hom (M′, X′))n
(uj,k)(j,k)∈Z2 7−→ (fj+n◦ uj,k◦ hk(·)(gj−k(·)))(j,k)∈Z2.
Soit (uj,k)(j,k)∈Z2 ∈ Hom (g ⊗ h, f )n, le calcul précédent montre que la composante d’indice (j, k) ∈ Z2de
Hom (h, Hom (g, f))nκn(u
j,k)(j,k)∈Z2
est donnée par fj+n◦ κ
fj+n◦ κ
j,k,nuj,k(hk(y))(gj−k(m)) = fj+nuj,k(gj−k(m) ⊗ hk(y)) = κM′j−k,Y′k,X′j+n(fj+nuj,k(gj−k⊗ hk))(y)(m) .
On en déduit la commutativité du diagramme suivant c’est-à-dire la naturalité souhaitée Hom (M ⊗BY, X)n
κn
//
Hom(g⊗h,f )n
Hom (Y, Hom (M, X))n Hom(h,Hom (g,f ))n Hom (M′⊗ BY′, X′)n κn //Hom (Y′, Hom (M′, X′))n
Corollaire 5.16 Foncteurs adjoints et isomorphisme cher à Cartan. Soient M un complexe de A-modules-B, X un complexe de A-modules et Y un complexes B-modules. L’exemple 3.75 et la proposition 5.15 montrent que Z0κ
M,X,Y réalise un isomorphisme naturel entre
HomACom(M ⊗BY, X) et HomBCom(Y, Hom (M, X)) .
Autrement dit, les foncteurs, M ⊗B : BCom → ACom et Hom (M, ) : ACom → BCom sont adjoints l’un de
l’autre. De même, H0κ
M,X,Y réalise un isomorphisme naturel entre
HomAComht(M ⊗BY, X) et HomBComht(Y, Hom (M, X)) .
Autrement dit, les foncteurs, M ⊗B : BComht→ AComhtet Hom (M, ) : AComht→ BComht sont adjoints l’un
de l’autre.
Calculons les morphismes d’adjonction : εM,X: M ⊗BHom (M, X) → X et ηM,Y : Y → Hom (M, M ⊗BY). Par
définition, on a ηM,Y= Z0κM,M⊗BY,Y(idM⊗Y) = κM,M⊗BY,Y(idM⊗Y). Or idM⊗Y vu comme élément de
Q
(j,k)∈Z2
HomA(Mj−k⊗BYk, (M ⊗BY)j)
n’est autre que la famille des inclusions canoniques. Ainsi ηjM,Y: Yj −→ Hom (M, M ⊗ BY)j = Q k∈Z HomA(Mk, (M ⊗BY)k+j) y 7−→ (m ∈ Mk 7→ m ⊗ y ∈ Mk⊗ Yj) k∈Z.
En particulier, lorsque M = B et en identifiant M ⊗BB à M, on obtient (puisque B est concentré en degré 0)
ηM,B: B −→ Hom (M, M)0= Q k∈Z HomA(Mk, Mk) y 7−→ (m ∈ Mk 7→ mb ∈ Mk) k∈Z.
Calculons à présent εM,X. Par définition, εM,X= (Z0κM,X,Hom (M,X))−1(idHom(M,X)). Mais l’élément idHom(M,X)
vu comme élément de
Q
(j,k)∈Z2
HomB(Hom (M, X)k, HomA(Mj−k, Xj))
n’est autre que la famille des surjections canoniques. On obtient que la restriction de εk
M,Xà Mj−k⊗Hom (M, X)k
n’est autre que l’application Mj−k⊗ Q i∈Z HomA(Mi, Xk+i) −→ Xj m ⊗ (gi)i∈Z 7−→ gj−k(m) .
Autrement dit, avec les notations de la proposition 5.13, on a εM,X= γM,X.
Proposition 5.17 Complexe borné de modules projectifs. Soit (M, dM) un complexe de A-modules. Les
propositions suivantes sont équivalentes
(i) Pour tout complexe Y de A-modules, τM,Y: M∨⊗AY → Hom (M, Y) est un isomorphisme ;
(ii) Pour tout complexe X de A-modules, τX,M: X∨⊗AM → Hom (X, M) est un isomorphisme ;
(iii) τM,M: M∨⊗AM → Hom (M, M) est un isomorphisme ;
(iv) Pour tout n ∈ Z, l’application τM,Mn: (M∨⊗AM)n→ Hom (M, M)n est surjective ;
(v) M est un complexe borné dont toutes les composantes homogènes sont des modules projectifs de type fini. Preuve. On a bien sûr (i) ⇒ (iii), (ii) ⇒ (iii) et (iii) ⇒ (iv). Montrons que (iv) ⇒ (v). Par définition, τM,M0
S = L k∈Z τMk,Mk et i : L k∈Z HomA(Mk, Mk) → Q k∈Z HomA(Mk, Mk)
l’inclusion canonique. La surjectivité de τ0
M,M assure celle de i et donc le fait qu’il n’y ait qu’un nombre fini de
HomA(Mk, Mk) non nuls c’est-à-dire un nombre fini de Mk non nuls. Ainsi M est un complexe borné, de plus i
est un isomorphisme et donc S est surjective. On en déduit que chacune des applications τMk,Mk est surjective
ce qui assure que chacun des Mk est projectif de type fini.
Montrons que (v) ⇒ (i) et (v) ⇒ (ii). Comme M est un complexe borné, la somme directe et le produit définissant les composantes homogènes des complexes M∨⊗
AY, X∨⊗AM, Hom (M, Y) et Hom (X, M) sont
finies. Les inclusions canoniques des sommes directes dans les produits sont donc des isomorphismes. De plus, tous les Mk sont projectifs de type fini, ce qui assure que les τ
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