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3.4 Complexe dans une catégorie additive

4.1.2 Contre-exemple

L’objectif de cette sous-section est de montrer que les objets M-split d’une catégorie triangulée ne forment pas en général une sous-catégorie triangulée. Pour cela, on va s’intéresser à la catégorie homotopique d’une algèbre symétrique et au cas où M est l’extension d’un foncteur de la catégorie des modules : le foncteur d’induction. On commence par donner quelques propriétés des complexes scindés qui permettent de reconnaître ou de construire des objets M-split (lemme 4.11). On donne ensuite deux contre-exemples reposant sur le même principe : le cône d’un morphisme entre deux complexes scindés n’est pas forcément scindé.

Lemme 4.8 Complexes scindés et foncteur. Soient C , C′ deux catégories abéliennes, M : C → Cun

foncteur additif. On note M le foncteur de Com(C ) dans Com(C′) qui prolonge M (voir la proposition 3.81).

Si X un complexe scindé de C (voir la proposition 3.99) alors le complexe MX est scindé.

Preuve. Le point (iii) de la proposition-définition 3.99 assure l’existence de morphismes sn : Xn+1→ Xn telle

que dn

XsndnX= dnX pour tout n ∈ Z. On a alors MdnXMsnMdnX = MdnX. Comme MdnX = dnMX, on obtient que le

complexe MX est scindé.

Lemme 4.9 Complexes scindés et somme directe. Soient C une catégorie abélienne et X, Y deux complexes de C . Le complexe X ⊕ Y est scindé si et seulement si X et Y le sont.

On suppose que X est scindé. Si Y est facteur direct dans Com(C )ht de X alors Y est scindé.

Preuve. Supposons X et Y scindés. On a alors sn : Xn+1→ Xn et tn : Yn+1→ Yn tels que dn

XsndnX = dnX et

dn

YtndnY= dnY pour tout n ∈ Z pour tout n ∈ Z. On en déduit que

∀ n ∈ Z, dn

X⊕Y(sn⊕ tn)dnX⊕Y= dnX⊕Y,

c’est-à-dire que X ⊕ Y est scindé.

Réciproquement, supposons X ⊕ Y scindé. Pour tout n ∈ Z, il existe sn : Xn+1⊕ Yn+1→ Xn⊕ Yn :

sn=  un vn wn xn  tel que dn

X⊕YsndnX⊕Y = dnX⊕Y. Cette égalité assure que dnXundXn = dnX et dnYxndnY = dnY. Autrement dit X et Y

sont scindés.

Par hypothèse, il existe un complexe Z et un isomorphisme f de Com(C )ht tel que f : Y ⊕ Z → X. Comme

X est scindé, il existe un complexe V à différentielle nulle et un isomorphisme g : X → V de Com(C )ht (voir la

proposition-définition 3.99 (i)). Par composition, on en déduit que le complexe Y ⊕ Z est scindé. Ainsi Y l’est aussi d’après la première partie de la proposition.

On va utiliser ces résultats sur les complexes scindés pour montrer que la sous-catégorie pleine des objets M-split (pour M un foncteur triangulé d’un triplet adjoint (M, L, R) de foncteurs triangulés) d’une catégorie triangulée n’est pas nécessairement une sous-catégorie triangulée. On considère pour cela la situation suivante. Notation 4.10 Soient k un corps et A une k-algèbre symétrique (voir la définition 3.5). On considère les foncteurs d’induction de k à A et de restriction de A à k qui sont donnés respectivement par

Ind = A ⊗k et Res = A ⊗A .

Comme A est symétrique, la paire (Ind, Res) est une paire biadjointe (voir l’exemple 3.12). On considère les extensions de Ind et Res aux catégories homotopiques : Ind : kComht→ AComht et Res : AComht→ kComht

(voir la proposition 3.93). Ils forment encore une paire biadjointe de foncteurs triangulés (voir la remarque 3.94). On considère alors M = Ind. Un objet M-split de la catégorie des A-modules est en fait qu’un A-module projectif.

Montrons que la sous-catégorie pleine des objets M-split de AComht n’est pas toujours une sous-catégorie

triangulée. Pour cela, on commence par un lemme qui permet de reconnaître des objets M-splits de AComht.

Lemme 4.11 Objet M-split et complexe scindé. Dans la situation précédente, tout objet M-split de AComht

est scindé.

Tout complexe scindé d’objets M-split est un objet M-split de ACom et de AComht. En particulier, tout

complexe à différentielle nulle formé d’objets M-split est un objet M-split de ACom et AComht.

Preuve. Comme k est un corps, le point (iv) de la proposition-définition 3.99 montre que tout complexe de kCom est scindé. Ainsi le lemme 4.8 assure que tout complexe de la forme MX est scindé. Enfin la deuxième partie du lemme 4.9 montre que tout objet M-split de AComhtest scindé.

Soit (X, dX) un complexe scindé formé d’objets M-split. Le point (vi) de la proposition-définition 3.99 montre

qu’on peut écrire Xn = Un⊕ Vn⊕ Un+1et que la différentielle de X est donnée par la matrice

dn X=  0 0 idU n+1 0 0 0 0 0 0   .

On en déduit que, pour tout n ∈ Z, Un et Vn sont des objets M-split. Ainsi il existe U′n, V′n, An et Bn tels

que Un⊕ U′n= MAn et Vn⊕ V′n= MBn. Un simple calcul matriciel montre qu’on définit un complexe scindé

Y en posant Yn= U′n⊕ V′n⊕ U′n+1 et dn Y=  0 0 idU ′n+1 0 0 0 0 0 0   En écrivant, le complexe X ⊕ Y sous la forme

(X ⊕ Y)n = (Un⊕ U′n) ⊕ (Vn⊕ V′n) ⊕ (Un+1⊕ U′n+1) = MAn⊕ MBn⊕ MAn+1= M(An⊕ Bn⊕ An+1) et dn X⊕Y=  0 0 idU n+1⊕ idU′n+1 0 0 0 0 0 0   =  0 0 idMA n+1 0 0 0 0 0 0   =  0 0 MidA n+1 0 0 0 0 0 0   , on obtient que X ⊕ Y = MC où C est le complexe donné par

Cn = An⊕ Bn⊕ An+1 et dn C=  0 0 idA n+1 0 0 0 0 0 0   . Ainsi X est un objet M-split de ACom et donc de AComht.

Les contre-exemples

Contre-exemple 4.12 Le cas A = k[X]/XA = k[X]/XA = k[X]/X222. On considère k un corps commutatif et A = k[X]/X2. La forme

linéaire t: P ∈ k[X] → P′(0) ∈ k passe au quotient (puisque t(X2P) = 0 pour tout P ∈ k[X]). Comme A est

commutatif, la forme linéaire t est centrale (voir la définition 3.1). De plus, pour a, b ∈ k avec a 6= 0, on a t((a + bX)X) = a 6= 0 et si a = 0, on a t((bX)1) = b. Ainsi t est une forme symétrisante (voir la définition 3.3) et A est une k-algèbre symétrique.

Le A-module A est indécomposable : ses sous-A-modules sont 0, kX et A (ils sont en bijection avec les idéaux de k[X] contenant X2c’est-à-dire avec les diviseurs unitaires (non nuls) de X2). On considère alors le complexe Y

à différentielle nulle dont la seule composante homogène non nulle est A en degré 0. L’endomorphisme µX: A → A

de multiplication par X définit un morphisme de complexes (encore noté µX) de Y dans lui-même. Le cône de

ce morphisme est le complexe

· · · // 0 // A µX // A // 0 // · · ·

où le but de µX est en degré 0. L’objet Y est un objet M-split de AComht (d’après le lemme 4.11). Donc, si

les objets M-split de AComht formaient une sous-catégorie triangulée de AComht, le cône de µ

objet M-split de AComht(voir le corollaire 3.46). Le lemme 4.11 montre alors que le cône de µ

Xest un complexe

scindé. Comme Ker µX= kX est différent de 0 et A et que A est indécomposable, Ker µXne peut être facteur

direct de A et donc le cône de µX n’est pas un complexe scindé.

Contre-exemple 4.13 Le cas A = FA = FA = F333SSS333. On considère k = F3et A = F3S3l’algèbre du groupe symétrique

S3 sur F3qui est une F3-algèbre symétrique puisque c’est l’algèbre d’un groupe fini (voir l’exemple 3.6). Fixons τ = (1, 2) ∈ S3 une transposition et σ = (1, 2, 3) un 3-cycle. On a

(τ − 1)2= 2 − 2τ = τ − 1, (−1 − τ )2= 2 + 2τ = −1 − τ et (τ − 1) + (−1 − τ ) = −2 = 1 .

Ainsi τ − 1 et −(τ + 1) sont deux idempotents supplémentaires de A. On en déduit la décomposition de A = P0⊕ P1en somme directe de deux A-modules projectifs avec

P0= A(τ − 1) et P1= A(τ + 1) = A(−τ − 1) .

Étudions P0 et P1. Par construction, on a P0= hg(1 − τ ), g ∈ S3iF3−ev. Or, on a

τ (τ − 1) = 1 − τ, (2, 3)(τ − 1) = σ2− (2, 3), (1, 3)(τ − 1) = σ − (1, 3), σ(τ − 1) = (1, 3) − σ, σ2(τ − 1) = (2, 3) − σ2.

On en déduit que P0 est de dimension 3 et qu’une base de P0 est (1 − τ, σ2− (2, 3), σ − (1, 3)). De même,

P1= hg(1 − τ ), g ∈ S3iF3−ev et P1 est de dimension 3 et (1 + τ, σ

2+ (2, 3), σ + (1, 3)) est une base de P 1.

Étudions les sous-A-modules de dimension 1 de P0 et P1. Soit M = F3x un tel sous-module de P0. En

particulier, M est un A3-module irréductible de dimension 1 et qui est donc le module trivial. Ainsi σx = σ2x = x.

On pose x = λ1(1 − τ ) + λ2(σ2− (2, 3)) + λ3(σ − (1, 3))). Comme (2, 3) = σ2τ et (1, 3) = στ , on a

σx = λ1(σ − (1, 3)) + λ2(1 − τ ) + λ3(σ2− (2, 3)) = x

et donc λ1= λ2= λ36= 0. Ainsi x = λ(1 + σ + σ2− (1, 2) − (2, 3) − (1, 3)) et M est sous-A-module irréductible

associé à la signature. En particulier, P0admet un unique sous-module de dimension 1. De même, P1admet un

unique sous-module de dimension 1. On le note N. C’est la droite engendrée par 1+σ +σ2+ (1, 2) + (2, 3) + (1, 3)

qui donne un module trivial.

Or S3admet deux représentations irréductibles en caractéristique 3 donnée par la représentation triviale et

la signature qui sont toutes deux de dimension 1. On en déduit que M (resp. N) est le socle de P0 (resp. P1).

Ainsi P0/Rad(P0) (resp. P1/Rad(P1)) est de dimension 1 (puisqu’isomorphe à Soc(P0) (resp. Soc(P1))) et donc

Rad(P0) et Rad(P1) sont de dimension 2. Par ailleurs si M′ (resp. N′) est un sous-A-module de dimension 2

alors P0/M′ (resp. P1/N′) est de dimension 1 donc irréductible donc Rad(P0) ⊂ M′ (resp. Rad(P1) ⊂ N′). On

obtient ainsi Rad(P0) = M′(resp. Rad(P1) = N′) par raison de dimension. Ainsi P0et P1ont chacun un unique

sous-module de dimension 2.

On note kεle A-module de dimension 1 associé à la signature. L’application

α : (

P0 −→ kε

x = λ1(1 − τ ) + λ2(σ2− (2, 3)) + λ3(σ − (1, 3)) 7−→ λ1+ λ2+ λ3

est un morphisme surjectif de A-modules. En effet, pour x ∈ P0 et g ∈ A3, on a α(gx) = α(x) et si g est

une transposition α(gx) = −α(x). Ainsi Ker α est un sous-module de P0 de dimension 2 contenant Soc(P0).

Finalement P0est indécomposable.

De même, on note k le A-module trivial. L’application β :

(

P1 −→ k

x = λ1(1 + τ ) + λ2(σ2+ (2, 3)) + λ3(σ + (1, 3)) 7−→ λ1+ λ2+ λ3

est un morphisme surjectif de A-modules. Ainsi Ker β est un sous-module de P1 de dimension 2 contenant

Soc(P1). On en déduit que P1est indécomposable.

On pose x = (1 − τ)(σ + (1, 3)) = (1 − τ)σ(1 + τ) = σ − σ2+ (1, 3) − (2, 3). On considère le morphisme de

A-modules donnée par

f : (

P0 −→ P1

y 7−→ yx .

Le calcul montre que Soc(P0) = F3(1 + σ + σ2− (1, 3) − (1, 2) − (2, 3)) ⊂ Ker f . Par ailleurs, f (1 − τ ) = −x 6= 0.

On en déduit que Ker f 6= P0et Ker f 6= 0. Enfin, si dim Ker f = 2 alors P1contient un sous-module isomorphe

à P0/Rad(P0) = kε ce qui n’est pas le cas. Ainsi Ker f = Soc(P0).

On considère alors le complexe X à différentielle nulle dont la seule composante non nulle est P0en degré 0,

le complexe Y à différentielle nulle dont la seule composante non nulle est P1 en degré 0 et le morphisme

f : P0→ P1 ci-dessus. On obtient définit ainsi un morphisme de complexes (encore noté f) de X dans Y. Le

· · · // 0 // P0 f

// P1 // 0 // · · ·

où P1 est en degré 0. Les objets X et Y sont des objets M-split de AComht (d’après le lemme 4.11). Donc, si

les objets M-split de AComht formaient une sous-catégorie triangulée de AComht, le cône de f serait aussi un

objet M-split de AComht(voir le corollaire 3.46). Le lemme 4.11 montre alors que le cône de f est un complexe

scindé. Comme Ker f est différent de 0 et P0 et que P0 est indécomposable, Ker f ne peut être facteur direct

de P0 et donc le cône de f n’est pas un complexe scindé.