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Étude des documents institutionnels

4.3 Analyse du document Ressources

4.3.3 L’introduction des différentes lois

Aucune proposition n’est faite dans le document pour introduire la notion de fonction de densité (dans sa généralité). Nous pouvons préciser ce qui est présenté pour chaque loi.

a) L’introduction de la loi uniforme

Pour introduire la loi uniforme sur [a;b], il est tout d’abord proposé de l’intro-duire sur [0; 1], par exemple en étudiant l’expérience aléatoire du choix au hasard d’un nombre réel entre 0 et 1, puis ensuite de définir la loi uniforme sur [a;b] en « remarquant que pour que l’aire sous la courbe soit égale à 1, il faut et il suffit que la valeur de la constante soit b1a ». Aucun détail n’est fourni. Il n’est même pas précisé comment amener dans un premier temps la fonction de densité de la loi uniforme sur [0; 1], pour ensuite la définir sur [a;b]. Plus généralement, aucun élément n’est donné sur les raisons qui font que l’on s’intéresse à une aire sous une telle fonction, ni d’où vient cette fonction... Il semble donc que cette fonction et ses propriétés doivent être imposées sans réflexion particulière sur l’objet « fonction de densité ».

b) L’introduction de la loi exponentielle

Seulement une demi-page est consacrée aux lois exponentielles. Il semble s’agir de points à écrire ou à faire dans le cours. La loi exponentielle de paramètre λ est définie par sa fonction de densité, qui est imposée. Aucun travail n’est proposé pour l’introduire.

c) L’introduction de la loi normale centrée réduite

Contrairement aux deux lois précédentes, un travail conséquent est proposé pour l’introduction de la loi normale centrée réduite, qui se fait via le théorème de Moivre Laplace. Le document commence par expliquer comment centrer et réduire une

variable aléatoire, en utilisant les propriétés sur l’espérance et la variance vues en classe de première, et justifier l’intérêt d’une telle transformation, en particulier dans le cas d’une loi binomiale. Le passage de la variable aléatoire Xn (suivant une loi binomiale de paramètres n et p) à la variable aléatoire Zn = Xn−np

np(1−p) permet de travailler avec une variable aléatoire dont les paramètres ne dépendent plus de ceux deXn et donc plus denetp. La variable aléatoireZn a pour espérance 0 et pour variance 1. De plus, les informations sur Zn permettent de préciser les fluctuations de Xn

n autour de son espérance p. Les explications sont accompagnées par des graphiques de diagrammes en bâtons permettant d’illustrer le propos. Ces préliminaires permettent d’amorcer l’activité d’introduction au théorème de Moivre Laplace qui est détaillée et doit pouvoir être proposée en classe (vu que tous les fichiers sont téléchargeables sur le site Eduscol). Il est proposé de s’intéresser à la variable aléatoire centrée réduite Zn associée à une variable aléatoire Xn suivant une loi B(n, p) et d’« associer la loi (discrète) de Z100 à des aires de rectangles, comme on le fait pour l’histogramme d’une variable continue». La construction des rectangles est détaillée pour permettre une compréhension de ce graphique, qui ne représente pas un histogramme mais bien des rectangles contigus. La visualisation de ce graphique notamment sur le fichierGeoGebra présenté (voir la figure 4.1) mais également disponible sur le site Eduscol permet de visualiser les rectangles pour un

n aussi grand que voulu et de remarquer la proximité entre l’aire des rectangles et l’aire sous la courbe dessinée. On peut remarquer que cette courbe est donnée et non questionnée (est-ce la seule qui convient ?). L’expression de la fonction en question

x 1 2πe

−x2

2 (qui est la fonction de densité de la loi normale centrée réduite) étant donnée (imposée), on peut ensuite assimiler l’aire sous la courbe à l’intégrale associée (à l’aide du cours de terminale sur l’intégration). Ensuite un travail de comparaison entre les valeurs de l’aire des rectangles qui correspondent à la probabilitéP(X =k) (en considérant bien le changement de paramètres), et la valeur de l’intégrale, en utilisant la calculatrice, est proposé pour vérifier la proximité des valeurs. Pour l’intégrale, il est proposé ici de déterminer la valeur approchée à l’aide directement de la touche dédiée au calcul d’intégrales. Comme précisé dans le document, l’animation proposée permet donc de constater – et non de démontrer – certaines propriétés, notamment le théorème de Moivre Laplace. Cette introduction par le théorème de Moivre Laplace présente de nombreux difficultés, notamment dans la compréhension des différentes étapes pour arriver à la visualisation du théorème.

Figure 4.1 – Visualisation du théorème de Moivre Laplace, proposée dans le document Ressources (MENJVA & DGESCO, 2012, p. 6) pour introduire la loi

normale centrée réduite

Juste après dans le document, nous pouvons repérer des propriétés relatives à la fonction de densité f de la loi normale centrée réduite mais aussi des probabilités associées (p. 8). Cependant, elles ne sont pas démontrées et rien ne met en évidence ce qui est particulier à cette fonction de densité f et ce qui général à toutes les fonctions de densité. Aucune remarque ou justification n’est donnée non plus sur le fait que l’aire sous la courbe est égale à 1, mis à part qu’elle représente la probabilité

P(X ]− ∞; +[), point déjà important. Cependant, est-ce que l’aire sous une courbe d’une fonction strictement positive surRpeut effectivement être finie ? Cela n’est pas questionné.

d) L’introduction de la loi normale généralisée

Pour la généralisation de la loi normale, il est proposé un échantillon de 50000 tailles d’hommes adultes, dont est donné un résumé statistique et l’histogramme disponible en figure 4.2. Une courbe est déjà tracée sur l’histogramme. Il est ensuite dit que si l’on centrait et réduisait cette variable « taille » (il n’est pas précisé comment et aucun graphique n’est donné, cela reste seulement hypothétique), on observerait que «l’histogramme obtenu présente une analogie évidente avec la figure 3 [qui correspond à la figure 4.1] ». Cette remarque permet l’introduction de la loi normale N(μ;σ2).

Figure 4.2 – Histogramme de 50000 valeurs de taille d’hommes adultes, proposé dans le documentRessources (MENJVA & DGESCO, 2012, p. 10) pour introduire

la loi normale généralisée

Il est précisé en note qu’ici il s’agit d’un histogramme, ce qui n’est pas le cas pour la figure 4.1 où il s’agit d’un diagramme en bâtons contigus. Cette subtilité a son importance. Autant, pour un histogramme, c’est l’aire des rectangles qui représente la fréquence des classes ; autant, pour un diagramme en bâtons, c’est la hauteur du bâton qui représente la fréquence de la valeur isolée (l’épaisseur du bâton n’ayant aucune influence). Il n’est cependant rien précisé de plus que cette note dans le document. Cet histogramme pourrait pourtant permettre le basculement vers l’in-tégration. On peut faire le rapprochement ici avec l’approche que nous avons vu dans le chapitre 3 dans le cours de Faye, mais dans cette activité, le passage par le domaine des statistiques n’est pas vraiment exploité, ce qui était différent dans le document d’accompagnement de 2002.

e) Une différence d’approche avec le document d’accompagnement de 2002

Cet exemple des tailles est emprunté au document d’accompagnement publié en 2002 (MJENR, 2002), alors que la loi normale n’était pas encore au programme. Nous proposons donc de regarder comment il était traité à ce moment là car nous allons pouvoir observer une approche véritablement différente. La sous-partie du pro-gramme dédiée aux lois à densité est extrêmement réduite en 2001 et pour autant le document d’accompagnement de 2001 propose un véritable travail pour l’intro-duction de ce concept. L’idée première est d’étudier ce que signifie choisir au hasard un nombre dans (0; 1)17. On retrouve cette même idée pour l’introduction de la loi uniforme dans le documentRessources actuel, mais le document d’accompagnement donne, lui, beaucoup plus de détails. Le choix fait ici est de s’intéresser dans un premier temps à la probabilité attribuée à chacun des nombres quand on choisit au hasard un nombre dans l’ensembleE2, ensemble des nombres de [0; 1[ comportant au plus 2 décimales (qui vaut 102) ; puis ensuite dans l’ensemble Ek (qui vaut 10k), pour en déduire que « pour définir le choix au hasard d’un nombre réel dans [0; 1[, on ne peut plus passer par la probabilitép de chaque élément, puisqu’on devrait alors

avoir p = 0 ». Il est précisé que cette difficulté a été historiquement une difficulté épistémologique à dépasser.

Un autre argument est ensuite avancé pour justifier le fait que la probabilité d’un point est nulle. Le paragraphe suivant met en avant que justement contrairement au cas fini (discret) pour lequel on peut connaître avec exactitude le résultat d’une expé-rience aléatoire d’un choix au hasard, dans le cas de [0; 1[, c’est différent. Le résultat d’une mesure ne peut être donné que sous forme d’un intervalle,conséquence du manque de précision de l’instrument utilisé ou encore de l’arrondi choisi (le nombre de décimales étant fini, cela revient à donner le résultat à l’aide d’un intervalle).

Ces deux paragraphes du document d’accompagnement ont pour but de faire émerger l’idée que l’on ne peut plus utiliser concrètement la probabilité d’un élément pour donner la loi d’une variable continue, mais celle d’un intervalle. Nous pouvons remarquer qu’aucune proposition n’est donnée, dans le documentRessourcesactuel, pour aborder le problème de la probabilité nulle des valeurs isolées.

Ensuite, le document d’accompagnement (2001) pose la question de comment définir les probabilités d’intervalles. La proposition faite est de passer par les histo-grammes via une situation « fabriquée ». On dispose d’un résumé numérique sous forme de tableau et d’un histogramme de l’échantillon des 50 000 tailles d’hommes adultes (cf. figure 4.2). Certains détails sont donnés sur le lien entre histogramme et fréquence, mais avec quelques confusions. Nous reviendrons sur l’analyse de ce type de confusion dans le chapitre 5. Ensuite, il est écrit :

L’idée est ici de trouver une fonction f dont la courbe représentative épouse l’histogramme, l’aire sous cette courbe devant être égale à 1 : la probabilité d’un intervalle (a, b) sera alors l’aire sous la courbe délimitée par les droites d’équations x=aetx=b, c’est-à-dire le nombre

b

a f(x) dx. [...] Déterminer une telle fonction est un problème délicat, mais pour de nombreuses situa-tions, dont celle qui est traitée ici, on cherche la fonction f parmi une famille paramétrée de fonctions : il suffit alors d’ajuster les paramètres. (MJENR, 2002, p. 143)

Une telle fonction a été tracée directement sur l’histogramme (cf. figure 4.2). La loi en jeu ici est une loi normale, bien qu’elle ne soit pas au programme de 2001. Il s’agit ici de comprendre l’intérêt d’une telle fonction et non pas d’étudier une des deux lois alors au programme. Il est ajouté :

De même que dans un modèle défini par une loiP sur un ensemble finiE, les fréquences fluctuent autour de la loiP, de même ici, l’invariant est la fonction f et pour des grandes séries de données, les histogrammes fluctuent autour du graphe def. (MJENR, 2002, p.143)

Cette remarque est illustrée par un second histogramme représentant une autre série de données.

Dans ce document d’accompagnement, la question de l’introduction de la fonc-tion de densité est posée. On retrouve une approche similaire à celle du cours de Faye (cf. chapitre 3). Cependant, ici, la courbe est donnée, il ne s’agit pas réellement d’un ajustement. Notons qu’il serait difficile pour les élèves de la trouver seuls. Le passage par la statistique descriptive avec les histogrammes est le moyen choisi ici pour arriver à considérer une fonction particulière qui « épouse » l’histogramme, avec pour aire sous cette courbe 1, ce qui semble être donné comme postulat sans

être justifié. Ce travail ne se retrouve pas dans le documentRessourcesde 2012. Nous ne trouvons même que peu de passages sur la fonction de densité et ses propriétés. Pour conclure, ce type d’approche n’est pas visible dans le documentRessources actuel, cependant cela signifie-t-il qu’il n’aurait pas lieu d’être en classe ? Nous gar-dons bien à l’esprit que le document Ressources n’est pas un document exhaustif pour un cours (il n’a même pas vocation à servir de cours à proprement dit). Donc, mis à part pour la loi normale centrée réduite, où la visualisation à l’aide du logiciel GeoGebrasemble attendue, aucune tâche particulière n’est proposée pour l’introduc-tion de la nol’introduc-tion de densité. Les foncl’introduc-tions de densité des lois au programme semblent être imposées par leurs expressions algébriques. Aucun élément n’est donné pour fa-voriser la compréhension de cette notion et de son utilité.