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activités d’introduction de la notion de fonction de densité

5.2 Analyse des activités d’introduction de la no- no-tion de foncno-tion de densité dans les manuelsno-tion de foncno-tion de densité dans les manuels

5.2.5 Compléments sur la notion d’histogramme

L’analyse des activités d’introduction de la notion de fonction de densité nous a permis de remarquer la présence de beaucoup d’erreurs sur la notion d’histogramme, qui n’aide pas à la compréhension de la notion de fonction de densité. Cette présence d’erreurs dans les manuels nous a poussée à aller voir du côté de l’enseignement de cet objet « histogramme ».

L’histogramme figure explicitement au programme du collège, à partir de la classe de cinquième, et le document Ressources de collège signale que « les programmes précisent que les exemples étudiés se limitent au cas de classes d’égale amplitude », et que « l’histogramme se lit alors comme un diagramme en bâtons » (MEN & DGESCO, 2007, p. 6). Au lycée, le document Ressources de seconde rappelle que « Histogrammes, représentations graphiques, [...] sont autant d’outils que les élèves pourront utiliser pour faire émerger des questions sur les données, dégager des pro-blématiques d’étude ou résumer l’information essentielle... » (MEN & DGESCO, 2009, p. 4). Le même document mentionne « l’aide incontournable de l’outil in-formatique » (p. 3). On voit donc que l’histogramme est introduit très tôt dans l’enseignement secondaire, mais sous une forme particulière qui ne le différencie pas du diagramme en bâtons (accolés), et que le seul travail demandé à l’élève est, dans le meilleur des cas, de savoir en extraire de l’information numérique. Ce type de graphique n’est donc pas particulièrement valorisé.

Pour approcher l’espace de travail personnel des élèves de terminale scientifique, nous nous sommes intéressée à leurs connaissances supposées disponibles relative-ment à la notion d’histogramme, qui figure au programme de la classe de seconde : « Représenter une série statistique graphiquement (nuage de points, histogramme, courbe des fréquences cumulées) » (MEN & DGESCO, 2009). Nous avons pour cela entrepris de consulter onze manuels, édités entre 2009 et 2014, correspondants au programme actuel (entré en application en 2009), dont la liste se trouve dans la rubrique dédiée de la bibliographie.

La première question qui se pose est celle du type de variables statistiques as-sociées à l’histogramme : il s’agit des variables quantitatives dont les valeurs, trop nombreuses pour être représentées individuellement dans un graphique, sont regrou-pées en classes contiguës qui constituent une partition d’un intervalle fermé borné de R. Il est question alors de représenter les effectifs (ou les fréquences) de ces classes. Cependant, nous constatons que la question du regroupement en classes, ainsi que celle du choix de l’amplitude et des bornes de ces classes ne sont que rarement (2 cas) prises en compte (cf. figure 5.21).

Figure 5.21 – Extrait du cours du manuel Mathématiques 2de p. 158

Pourtant, une question cruciale pour le graphique est liée au choix de ces li-mites : se limite-t-on à des classes de même amplitude, ou traite-t-on le cas des classes d’amplitudes différentes ? Si l’on veut faire apparaître la notion de densité, indispensable pour l’étude des variables aléatoires à densité, on se doit de considérer le cas général. Notre étude fait apparaître que, si la majorité des manuels signalent les histogrammes à classes d’amplitudes différentes, ils se contentent le plus souvent de donner la définition générale, ou d’en traiter un exemple en exercice. Dans la plupart des cas, le cas des classes d’amplitudes différentes apparaît de fait comme un cas particulier du cas des classes de même amplitude, plutôt que l’inverse. De la même façon, les conversions (données tableau graphique) sont souvent ab-sentes. En ce qui concerne la définition de l’histogramme, le plus souvent (6 cas) on indique que « pour chaque classe, l’aire de chaque rectangle est proportionnelle à l’effectif, ou à la fréquence, de la classe » (Mathématiques 2de, p. 162), mais on trouve aussi (2 cas) que « l’effectif de chaque classe est proportionnel à l’aire du rectangle correspondant » (Travailler en confiance, p. 233). C’est-à-dire que les pre-miers donnent une définition procédurale dans le sens de l’« écriture », permettant de construire le graphique à partir du tableau, tandis que les seconds donnent une grille de « lecture » du graphique permettant de reconstituer le tableau. Mais, en fait, très peu d’exercices proposent aux élèves de travailler réellement le passage d’un registre à l’autre. La nature même du graphique pose parfois problème elle aussi : un manuel donne la définition suivante : « l’aire des rectangles est proportionnelle à l’effectif ou à la fréquence de la valeur » (Odyssée 2de, p. 265). Ceci correspond en fait à la définition d’un diagramme en bâtons, c’est-à-dire un « histogramme » au sens du tableur Excel (qui n’en est pas un comme nous l’avons déjà signalé), et l’illustration du manuel le confirme (cf. figure 5.22).

Figure 5.22 – Manuel Odyssée 2de, p. 265

Le risque de confusion entre histogramme et diagramme en bâtons existe réelle-ment, puisqu’un manuel, au lieu de graduer, comme il est de règle, l’axe des abscisses comme l’axe des réels, dénomme parfois les classes par le symbole des intervalles cor-respondants (comme on le fait pour les modalités d’un caractère qualitatif (cf. figure 5.23)). Nous avons déjà remarqué cette erreur dans des manuels de terminale S (cf. figure 5.13, p. 152).

Figure 5.23 – Exemple d’erreur de graduation de l’axe des abscisses (Odyssée 2de, p. 281)

La question de l’axe des ordonnées est aussi un élément important de la démarche car il correspond justement à la densité de fréquence, notion cruciale dans le passage aux probabilités. La façon dont est traité cet axe dans les manuels témoigne d’un malaise chez les auteurs et certainement chez les enseignants aussi. Ainsi, dans les manuels observés on trouve à la fois des histogrammes à pas constant, avec un axe vertical ou sans, et des histogrammes à pas variable, avec ou sans axe vertical (cf. table 5.8).

Pas constant Pas variable

Avec axe vertical Déclic 2de πxel

Hyperbole 2de Symbole 2de

Indice 2de (cf. figure 5.24)

Math’x 2de Travailler en confiance Odyssée 2de

(cf. figures 5.22 et 5.23) Repères 2de Travailler en confiance

(cf. figure 5.24)

Sans axe vertical Mathématiques 2de Mathématiques 2de Transmath 2de (cf. figure 5.25)

Math’x 2de Travailler en confiance

Table5.8 – Les différentes approches de la notion de fonction de densité dans les manuels de terminale S

Dans le cas où l’amplitude des classes est constante, il n’est pas incorrect de faire figurer un axe des ordonnées où sont portées les fréquences, car dans ce cas particulier la fréquence est égale à la densité (à coefficient près). Cependant, dans le cas contraire, c’est impérativement la densité de fréquence qu’il faudrait indiquer sur cet axe. Or, le mot « densité » n’apparaît jamais, même lorsque le quotient de la fréquence par l’amplitude de la classe est explicité sous la forme d’une formule du type fi

bi−ai (Symbole 2de,Hyperbole 2de). On trouve cependant (cf. figure 5.24) « fréquence (en % par unité) », et on peut, en comparant avec le manuel Symbole qui dénomme cet axe « effectif par unité » , évoquer une erreur de frappe ayant malencontreusement déplacé une parenthèse alors qu’on voulait écrire « fréquence (en %) par unité ». Mais parler de fréquence, ou d’effectif, « par unité » ne fait certainement pas sens pour les élèves.

Figure 5.24 – Exemples d’erreurs de nom de l’axe des ordonnées (Travailler en confiance, p. 233 (à gauche) et Symbole 2de, p. 153 (à droite)

préfèrent ne pas aborder la question de l’axe vertical et définir un carré dont l’aire correspond à une fréquence ou un effectif donné.e (cf. figure 5.25), comme le manuel de terminale S Transmath.

Figure 5.25 – Exemple de manuel sans axe des ordonnées, avec une unité d’aire (Mathématiques 2de, p. 162)

Enfin, sans doute pour faciliter l’identification de l’effectif des classes, la plupart des manuels (7 sur 11), superposent aux rectangles l’indication de la fréquence ou de l’effectif correspondant (cf. figures 5.24 et 5.25). Une autre grande absente de cette recension est la raison d’être de cette procédure de quotient, qui peut paraître a priori étrange aux élèves mais qui est absolument transparente pour les auteurs. On peut retenir de cette étude que la proportionnalité entre aires et fréquences est généralement mentionnée, mais non justifiée, et la signification de la dimension verticale (densité) fait totalement défaut. Faire travailler les élèves sur les conversions de registres tableau de données ←→ graphique n’est pris en compte que de façon marginale.

En définitive, les manuels de seconde ne s’intéressent pas vraiment à la notion d’histogramme. Trois raisons au moins sont susceptibles d’expliquer cette situation. La première est que, si l’on se limite aux classes d’égale amplitude, cette représenta-tion fait en quelque sorte double emploi avec le diagramme en bâtons, plus facile à mettre en œuvre. La deuxième est que, si l’on veut traiter le cas des classes d’ampli-tudes variées, on va avoir à opérer un traitement de proportionnalité sur les données (technique que certains élèves maîtrisent encore mal à ce niveau). Enfin, la troisième est que les tableurs-grapheurs les plus courants ne le fournissent pas directement. Nous retrouvons des résultats similaires à une étude de Régnier (1998).

L’histogramme apparaît donc comme un objet marginal, qui n’a d’autre utilité qu’une fonction de représentation de certaines séries (quant à savoir lesquelles, c’est loin d’être toujours clair). Rien ne laisse présager, à ce niveau, qu’il puisse être réinvesti ultérieurement en probabilités dans le but de faciliter l’introduction aux variables aléatoires continues. Une étude récente (Roditi, 2009) fait apparaître que les professeurs, au lycée comme au collège, ne consacrent que très peu de temps à l’histogramme (environ une heure par an), et que « près de la moitié [d’entre eux]estiment que l’enseignement de l’histogramme ne contribue pas à la formation

mathématique des élèves » (p. 131).

Alors que nous estimons que l’histogramme, avec la notion de densité de fré-quence, est un point clé pour aborder les lois à densité, l’étude montre que les ETM idoines proposés dans le manuels de seconde sont très pauvres et généralement ma-thématiquement faux (ou tout du moins mal présentés). Au vu des manuels de se-conde, il est compréhensible de retrouver des erreurs dans les manuels de terminale S.

Ceci renforce l’idée que la notion d’histogramme ne fait vraisemblablement pas partie de l’ETM personnel des élèves et qu’il serait donc bon de ne pas considérer cet objet mathématique comme disponible pour les élèves (d’ailleurs cela explique que les manuels fassent des rappels). Bien au contraire, la notion doit être retravaillée et, notamment, l’axe des ordonnées doit être explicité pour permettre ensuite une meilleure compréhension de la fonction de densité de probabilité. Si l’on est amené à l’utiliser en terminale, il semble donc incontournable d’organiser une nouvelle « première rencontre ».

5.2.6 Conclusion

Nous pouvons conclure en disant que les manuels de terminale S proposent des activités d’introduction qui, cependant, manquent de richesse et sont parfois inadé-quats mathématiquement. Notamment, ces activités ne permettent pas réellement la construction du référentiel théorique sur la notion de fonction de densité.

Dans les activités proposées, beaucoup de passages semblent aller de soi alors qu’ils cachent de véritables problèmes. Par exemple, le travail dans la dimension sémiotique sur l’objet histogramme, semble être considéré comme transparent pour les auteurs, alors que cette notion peut vraiment être problématique pour les élèves. Alors que les enseignants ont besoin de support pour l’enseignement de ce nou-veau savoir, les manuels ne fournissent finalement peut-être pas un support assez riche. Ce résultat va dans le sens de Ortiz, Cañizares, Batanero et Serrano (2002) qui ont déjà mis en évidence que les manuels et les documents institutionnels n’offrent pas un support assez important aux enseignants du secondaire. De plus, une autre étude (Ortiz, 1999) a montré que les manuels peuvent comporter des erreurs concep-tuelles et une approche didactique inadéquate des concepts probabilistes (et statis-tiques), comme nous avons pu le voir.