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activités d’introduction de la notion de fonction de densité

5.5 Conclusion sur les ETM idoines

Notre analyse des manuels, ainsi que les entretiens des quatre enseignants, montrent que le calcul intégral et les lois à densité sont deux chapitres peu connectés. Le calcul intégral est un prérequis qui est ensuite utilisé comme outil en probabilités.

Les manuels ont fait des choix par rapport aux différents documents officiels et proposent des ETM idoines potentiels légèrement différents de ceux que laissaient entrevoir les documents officiels. Le premier choix est sur le niveau de généralité de l’étude des lois à densité. Dans tous les manuels, les lois à densité sont dans un premier temps définies dans un cadre général. Ils font donc le choix de considérer les trois lois au programme comme des exemples particuliers et non de faire trois études de cas.

Un effort est fait, excepté dans un manuel, pour essayer d’introduire la notion de fonction de densité. Nous avons pu repérer des essais avec, dans une majorité des cas, un passage par la statistique descriptive, et en particulier via la notion d’histogramme. Ce passage nous paraît essentiel comme nous l’avons mis en évidence dans le chapitre 3. Ces essais ne sont finalement pas si concluants si l’on se place du point de vue de la construction de la notion de fonction de densité, de son utilité et de ses propriétés.

Nous avons pu mettre en évidence plusieurs points :

– Il y a un appui essentiel sur la visualisation de l’histogramme et de la courbe, qui sont déjà tous les deux donnés.

– On trouve peu d’appui sur le référentiel théorique : les connaissances mises en jeu viennent peu des élèves (nous pensons tout particulièrement aux propriétés de l’histogramme qui sont pratiquement toujours rappelées).

– Il y a un fort appui sur l’histogramme, qui est une notion non disponible chez les élèves. Nous avons mis en évidence qu’elle ne fait pas partie de l’ETM per-sonnel des élèves, via l’observation des ETM idoines des manuels de seconde. – Des choix différents sont faits dans les différents manuels au niveau des

caté-gories de démarches (nous en avons exhibé quatre) et au niveau des comparai-sons (parfois il s’agit de comparaicomparai-sons SD/PaD avec CI, d’autres fois SD avec PaD/CI...).

– Dans la catégorie 1 (cf. page 167), les données rencontrées, supposées « réelles », sont toujours « fabriquées ». Elles ont en fait été simulées par les auteurs des manuels suivant une loi prédéfinie, d’où des données trop « parfaites ». Cela enlève les questions liées à la modélisation, démarche qui n’est en fait jamais laissée aux élèves.

– La fonction de densité n’arrive pas comme une réponse à un problème car finalement il n’y a pas de problème posé au départ. Les problèmes n’ont pas le temps d’émerger que des réponses sont déjà données.

– Les différentesactivitésfont ressortir que la courbe de densité doit « lisser » ou « épouser » l’histogramme, mais la nécessité de l’aire sous la courbe égale à 1, par exemple, ne ressort jamais explicitement comme une condition nécessaire. Le choix d’introduire la notion de fonction de densité par uneactivité, plutôt que de l’imposer directement aux élèves, se retrouve chez deux enseignants sur les quatre interviewés. Cela semble peu, mais sur quatre enseignants nous ne pouvons pas tirer de conclusions plus générales.

Après l’introduction de la notion de fonction de densité pour créer le lien entre probabilité à densité et calcul intégral, l’exploitation de ce lien est finalement peu présenté. Cependant, comme dans les sujets de baccalauréat, mis à part quelques exemples exceptionnels, il y a encore des potentialités à exploiter.

En revanche, nous avons fait ressortir trois niveaux de calculs d’aires que nous retrouvons dans les deux sous-domaines, notamment à travers les trois lois au pro-gramme. Ces différents niveaux ont laissé apparaître des articulations possibles mais aussi parfois des ruptures entre les deux sous-domaines, notamment le niveau A3, relatif au calcul approché d’aire, avec la loi normale du côté PaD : tandis qu’en calcul intégral, on attend majoritairement une démarche avec la méthode des rectangles (et ponctuellement l’utilisation de la calculatrice ou d’un logiciel avec certaines

com-mandes relatives au calcul intégral), pour le calcul de probabilités associées à une loi normale, on souhaite une détermination à l’aide de la calculatrice avec les com-mandes relatives à la loi normale (exceptionnellement l’utilisation d’un logiciel).

Pour les deux autres niveaux, des articulations existent. La rupture se crée si les élèves utilisent directement les formules de probabilités liées aux lois uniformes ou exponentielles.

Cette étude des ETM idoines potentiels proposés dans les manuels ou encore ceux choisis par des enseignants laisse ressortir que malgré les efforts de la plupart des manuels et de certains enseignants, la relation entre probabilités à densité et calcul intégral est finalement imposée et ensuite très peu exploitée.

Dans cette deuxième partie, nous avons cherché à répondre à la deuxième ques-tion de recherche, qui, rappelons-la, est la suivante :

QR2: En terminale S, quels sont les enjeux didactiques derrière la relation sémiotique () ?

Quelles sont les tâches proposées et les activités attendues des élèves pour l’introduction de la notion de fonction de densité ?

Quelles sont les tâches qui permettent d’exploiter les articulations entre l’ETMPaD et l’ETMCI?

L’étude des documents officiels et celle des manuels ont permis d’approcher l’ETM de référence ainsi que les ETM idoines potentiels proposés par les manuels.

Le programme, le document Ressourceset les sujets du baccalauréat mettent en exergue deux domaines bien distincts, reliés par des écritures sémiotiques (écriture () ou encore formule de l’espérance), qui ne sont jamais justifiées. Seule la loi normale centrée réduite est introduite par un travail spécifique. Ensuite, dans les tâches du baccalauréat, malgré des potentialités, les liens entre probabilités à densité et calcul intégral ne sont jamais exploités, mis à part pour le calcul de probabilités de la loi exponentielle ou autres démonstrations du cours.

Il ressort de l’analyse du programme et du documentRessourcesque les contours du programme en probabilités sont flous et laissent une certaine liberté de choix aux enseignants, quant la justification et à l’exploitation de la relation entre probabilités et analyse.

Cette marge de manœuvre laissée par le programme est exploitée par les manuels, qui essaient de donner un peu de sens à la relation entre les deux sous-domaines. Ils proposent notamment des activités d’introduction de la notion de fonction de densité, ce qui est inexistant dans le documentRessources par exemple.

Nous avons mis en évidence que la plupart des manuels font le choix de passer par le sous-domaine de la statistique descriptive pour amener la notion de fonction de densité, ce qui nous semble être une approche intéressante. Nous avons pu le voir dans la Partie I, la place de la statistique est importante dans la naissance historique de la notion de fonction de densité et de lois à densité.

Les activités en question s’appuient sur la notion d’histogramme qui est, nous semble-t-il, un bon levier pour faire émerger la fonction de densité, comme nous avons pu le trouver dans le cours de géodésie de Faye en 1881. Ce passage nous

semble être intéressant pour comprendre que le calcul intégral est nécessaire pour considérer les questions de probabilités. Cependant, nous ne retrouvons pas dans les manuels l’idée d’ajustement de la courbe par rapport aux données comme c’était le cas chez Faye.

Nous avons identifié quatre catégories de démarche utilisant la notion d’histo-gramme pour introduire la fonction de densité :

– Une première catégorie partant de données statistiques pour aboutir aux pro-babilités, divisée elle-même en deux suivant l’appartenance des données à un échantillon (catégorie 1.1) ou à une population totale (catégorie 1.2).

– La catégorie 2 est une démarche où l’on connait (élèves ou auteurs de manuel), des lois de probabilités qui nous permettent de faire des simulations, ce qui ensuite permet de déduire une loi inconnue des élèves.

Nous avons distingué la catégorie 2.1, où la simulation est proposée par le manuel car la loi sous-jacente est connu au départ par les auteurs de manuel, et la catégorie 2.2 où la loi inconnue est combinaison de lois connues par les élèves. Le tableau 5.7 des catégories se trouve page 167. C’est finalement la catégorie 1.1 qui correspond à la logique historique, ce qui ne discrédite pas les autres démarches, à première vue. Pour proposer une introduction de la notion de fonction de densité basée sur la notion d’histogramme, il semble important que les connaissances sur l’histogramme soient disponibles pour les élèves. Or, nous avons mis en évidence que cet objet mathématique est mal présenté dans beaucoup de manuels (de terminale S et de seconde, classe où est étudiée cette représentation graphique), ce qui laisse penser que la notion d’histogramme n’est pas maîtrisée par les élèves. La plupart des manuels rappellent d’ailleurs la relation entre fréquence et aire des rectangles. La notion d’histogramme étant mal connue, cela empêche de faire véritablement émerger une problématique autour de la recherche d’une fonction de densité. D’ailleurs, la courbe de densité est toujours tracée (sauf une fois) et introduite comme une courbe qui «épouse » l’histogramme. Cela nous semble être un frein à la compréhension de la nécessité des propriétés que vérifient la fonction de densité. Le travail des manuels s’arrête à une validation par visualisation de ce qu’ils imposent.

Les logiciels sont parfois utilisés mais le but n’est pas, par exemple, d’obtenir ra-pidement de nouveaux graphiques, avec de nouveaux échantillons, ou des amplitudes de classes différentes...

Pour conclure, dans les introductions des manuels, il n’y a pas de véritable construction du référentiel théorique relatif aux fonctions de densité. Il reste fi-nalement imposé.

Nous avons notamment montré que sur quatre enseignants interrogés, deux im-posent directement la définition de fonction de densité et deux proim-posent uneactivité d’introduction du type 1.2 (d’un manuel ou conçu personnellement). Nous retrou-vons donc que, malgré les efforts de certains enseignants à essayer de donner du sens à cette introduction, la notion de fonction de densité finit par être imposée, faute de mieux.

Au niveau des tâches proposées, peu exploitent réellement la relation entre pro-babilités et analyse. Nous avons cependant montré que des articulations, mais aussi parfois des ruptures, existent au niveau des différents calculs d’aires rencontrés dans les deux domaines. Nous avons mis en évidence que nous pouvons identifier trois

niveaux de calculs d’aires (A1/A2/A3), qui se retrouvent en probabilités et en cal-cul intégral. Cependant, les démarches de calcal-culs associées ne sont pas toujours les mêmes que l’on soit dans un domaine ou dans l’autre.

Dans l’annexe F.4, nous revenons sur l’entretien de l’enseignante D (Marie) et mettons en avant des citations qui recoupent des éléments que nous venons de dé-gager sur les documents institutionnels ainsi que sur les manuels. Nous avons aussi mis en évidence d’autres contraintes, institutionnelles ou personnelles, qui pèsent sur l’enseignement de ces notions.

La Partie II de la thèse a permis de constater que la question de l’introduction de la fonction de densité dans la sous-partie des lois à densité n’est soulevée ni dans le programme, ni même dans le document Ressources (chapitre 4). Le lien entre les probabilités à densité et le calcul intégral est imposé sémiotiquement. Aucune proposition n’est faite pour l’introduire.

Les manuels quant à eux tentent d’introduire la notion de fonction de densité, dans les activités proposées en début de chapitre sur les lois à densité. Cependant, nous avons pu remarquer que cesactivitésn’amènent pas réellement à la construction de l’objet fonction de densité, notamment elles ne font pas émerger les propriétés relatives à une telle fonction. Il existe donc un saut épistémologique. Le fait qu’une partie reste imposée aux élèves peut empêcher une bonne appropriation de cet objet mathématique (chapitre 5). Dans la construction historique de la notion (chapitre 3), nous avons pu repérer que la statistique descriptive est un passage intéressant pour amener la notion de fonction de densité, notamment par le biais de la no-tion d’histogramme. Cette approche est aussi adoptée par la majorité des manuels. Cependant, comme nous l’avons aussi montré, l’histogramme reste un objet mathé-matique mal maîtrisé qui mérite d’être repris en amont si l’on souhaite s’appuyer dessus (chapitre 5).

Bien que n’ayant trouvé aucune tâche remplissant réellement notre objectif de construction conceptuelle de la notion de fonction de densité dans les manuels et les différents documents institutionnels, les Partie I et Partie II nous permettent tout de même de dégager des pistes à explorer pour concevoir de telles tâches.

Nous proposons plusieurs éléments qui nous semblent indispensables ou possibles pour créer la connexion entre les probabilités à densité et le calcul intégral dans l’introduction de la fonction de densité :

– La démarche de catégorie 1.1 (à savoir la démarche partant de données statis-tiques d’un échantillon (SD) pour inférer des résultats sur la population entière (PaD)) et la démarche de catégorie 2.2 (démarche où l’on part de variables aléatoires suivant des lois connues (PaD) pour en déduire des résultats sur une loi inconnue, combinaison des lois connues (PaD) par le biais de simulations (SD)) nous semblent pertinentes, si les problèmes associés font bien ressortir le besoin de choisir un modèle. La catégorie 2.1 nous semble trop artificielle et la catégorie 1.2 peut amener des confusions en assimilant probabilité et fréquence.

– L’utilisation de données réelles plutôt que des données « fabriquées » (pour la catégorie 1) nous semble indispensable, pour ne pas avoir des données trop « parfaites ». Des données réelles permettent de vraiment se poser la question

du choix d’un modèle. La modélisation semble donc un point important à prendre en compte.

– Ne pas fournir la courbe de densité nous semble être le meilleur moyen pour que les élèves se posent véritablement des questions sur ce qu’ils cherchent et qu’ils fassent émerger les propriétés nécessaires à cette courbe.

– La maîtrise de la notion d’histogramme, qui est notamment porteuse de sens pour le terme « densité », est nécessaire en amont de l’introduction.

Les niveaux de calcul d’aires A1/A2/A3, que nous avons pu repérer en calcul intégral et en probabilités à densité, nous semblent eux aussi à exploiter pour créer les liens entre les deux sous-domaines.

Ces premières remarques nous font entrevoir des pistes nous permettant de pro-poser des introductions de la notion de fonction de densité plus riches afin de per-mettre de faire émerger l’articulation qui existe entre les probabilités à densité et le calcul intégral. L’objectif de la Partie III sera donc de proposer, d’expérimenter et d’analyser des tâches d’introduction.

Élaboration d’une ingénierie