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L’ INTERVENTION SOCIALE À DESTINATION DES PERSONNES QUI NE DEMANDENT RIEN EST L ’ ŒUVRE

Les institutions et leurs personnels susceptibles de connaître des personnes qui ne demandent pas étant multiples, leurs actions sont très différentes. Entre une assistante sociale du conseil général qui doit apporter une réponse sociale globale à une personne et une structure de soin qui ne possède pas de travailleur social et qui se contente de réorienter les demandes, en passant par des techniciens de caisses de sécurité sociale qui fournissent, le plus souvent, une réponse circonstanciée à une question précise, l’écart est grand. Mais il n’en demeure pas moins que tous participent à une forme d’intervention à l’égard de personnes qui peuvent spontanément ne pas demander une aide à laquelle elles ont droit ou ne pas présenter leur situation personnelle d’une façon qui démontrerait un besoin d’intervention sociale.

En pratique, l’identification de non-demandeurs peut résulter d’une action directe conduite par des intervenants sociaux ; elle peut aussi être initiée par un signalement fait par diverses personnes : élus, familles, voisins, etc. Dans l’une et l’autre situations, l’importance du nombre de cas identifiés et de démarches abouties dépend de l’approche retenue par l’organisme pour rechercher directement des personnes qui ne demandent rien et/ou pour traiter les signalements.

Ainsi, la détection des non-demandeurs peut relever d’une stratégie spécifique volontariste de l’organisme qui va donner aux intervenants sociaux qu’il emploie des directives allant dans ce sens, en s’appuyant notamment sur des formations adaptées et sur des outils aidant à l’élaboration et la mise en œuvre des actions. Mais l’organisme peut aussi ne pas avoir de stratégie explicite et faire, délibérément ou non, confiance au professionnalisme de ses employés en leur laisser prendre des initiatives allant dans ce sens et en les accompagnant plus ou moins selon les contextes ou les opportunités.

Cela étant dit, comme des différences existent entre les missions mêmes des organismes et entre les caractéristiques des personnels qu’ils emploient, ceci peut se traduire naturellement par des différences dans la détection des non-demandeurs.

2.1.1 Des missions variées selon les types d’organismes

Les organismes du champ social qui mènent ou sont susceptibles de mener des interventions sociales à destination de personnes qui ne demandent rien sont d’une grande variété tant dans leur assise territoriale, leur statut juridique ou leur mandat. Si, à un moment de leurs actions, ces organismes peuvent agir ensemble à l’égard d’une même personne qui ne formule pas de demande, leurs missions diffèrent le plus souvent :

- certains organismes ont comme mission première de mettre en œuvre une politique sociale en particulier au travers de la gestion d’aides et d’actions sociales (organismes de sécurité sociale, conseils généraux, etc). Leurs interventions doivent viser à ce que les dispositions existantes, à caractère législatif ou réglementaire, soient respectées ; ces organismes doivent donc s’interroger sur le degré d’efficacité des actions qu’ils conduisent et ils doivent prendre en conséquence des mesures adaptées ;

- d’autres organismes ont intégré des fonctions d’intervention sociale à leurs missions principales qui sont d’une autre nature (établissements de soins, offices d’HLM, etc).

Selon les situations, ces organismes décident ou non, de jouer un rôle qui peut évoluer d’une intervention sociale approfondie en relation avec les précédentes structures à un simple signalement ou transfert de cas vers celles-ci ;

- enfin, d’autres organismes, notamment des associations, assurent des services de nature sociale en particulier dans le cadre de contrats avec des institutions responsables d’intervention sociale. Certaines associations se sont également données pour mission de représenter des groupes de personnes ayant des intérêts ou des problèmes communs par rapport à des enjeux sociaux. Par construction, nombre de ces organismes auront parmi leurs objectifs d’identifier des non-demandeurs ou d’aider des personnes qui les contactent et qui n’ont pas encore formulé de demandes.

Pour sa part, l’Etat regroupe différents services dont certains interviennent dans la définition et l’élaboration de la politique sociale nationale et de sa mise en œuvre dans les territoires.

Les services de l’Etat peuvent contribuer à ce que des organismes cités précédemment prennent en compte la problématique des non-demandeurs.

L’analyse de l’intervention sociale de proximité vis-à-vis des non-demandeurs doit intégrer cette diversité d’organismes qui, à un moment ou à un autre, apportent une contribution dans la détection de ces personnes ou dans la conduite d’actions envers eux.

2.1.2 La diversité des acteurs de l’intervention sociale

L’intervention sociale vis-à-vis des non-demandeurs est mise en œuvre par des acteurs qui ont des profils variés et occupent des postes de nature diverse. Certains, dont l’action vis-à-vis de personnes qui ne demandent rien est considérable, ne sont pas des travailleurs sociaux proprement dits. Au-delà des différences d’une structure à l’autre, les professionnels assurent des fonctions et mobilisent des compétences qui sont sensiblement les mêmes quel que soit l’organisme qui les emploie.

2.1.2.1 Des profils différents entre les professionnels à l’intérieur des organismes Dans la mesure où l’intervention sociale est conduite par des organismes structurés souvent de taille importante, leurs actions auprès des personnes, y compris les non-demandeurs, résultent de la combinaison des pratiques de différents professionnels notamment :

- des responsables hiérarchiques ;

- des travailleurs sociaux pris dans un sens large de formations et de diplômes ;

- des personnels chargés en particulier de l’accueil ou du traitement de dossiers et de procédures.

En outre, dans la plupart de ces organismes, des personnes élues pour représenter les usagers sont membres d’un conseil ou d’un comité qui est chargé d’orienter la politique de l’organisme.

Alors que les travailleurs sociaux renvoient parfois une image de professionnels indépendants, y compris dans l’exercice de leur métier au sein d’organismes, il est en fait clair qu’ils interviennent dans des cadres organisés comme le font des professionnels dans des structures comparables qui n’exercent pas de missions sociales. En conséquence, l’analyse de leurs actions notamment vis-à-vis des non-demandeurs ne peut être dissociée des orientations et des moyens mis en place par la structure dans laquelle ils travaillent.

Pour autant, les visites d’organismes et les études de cas ont montré que, selon les situations et leurs personnalités, ces différents responsables et professionnels jouent des rôles qui peuvent largement varier. Ainsi, l’intervention concrète vis-à-vis des non-demandeurs peut résulter pour l’essentiel de la volonté d’un conseil d’administration, d’un responsable hiérarchique, d’un travailleur social ou d’une personne chargée de l’accueil. C’est parfois au moins autant la sensibilité, l’initiative et la volonté personnelles d’un professionnel qui jouent que sa formation, sa place ou sa responsabilité dans la structure.

2.1.2.2 Trois groupes d’intervenants sociaux dont les fonctions sont comparables quelle que soit la structure

Au-delà de l’idiosyncrasie des structures qui influe sur les pratiques des personnels dans leur relation aux personnes qui ne demandent rien, les intervenants sociaux mettent en œuvre des fonctions qui se recoupent largement quelle que soit la structure pour laquelle ils travaillent.

Ainsi, une assistante sociale, premier métier de travail social dans l’échelle historique52 et dans l’échelle des effectifs, conduit vis-à-vis des non-demandeurs une démarche qui, pour la détection, est à peu près la même, quelle que soit la structure dans laquelle elle intervient. Si le diplôme ou la compétence de base peuvent naturellement s’effacer en partie devant les pratiques d’une structure ou sa politique d’action sociale, le métier demeure, pour la détection, sensiblement le même.

Il apparaît donc intéressant d’adopter une approche du travail social en termes de métiers et de compétences en considérant qu’une action sur le métier, la formation et les compétences de

52 Le métier d’assistante sociale né en 1914 a fait l’objet d’un diplôme d’Etat en 1932.

base de ces travailleurs peut porter des fruits au niveau national en dépassant la multiplicité des structures53, l’enchevêtrement des compétences, ou les pratiques d’acteurs autonomes.

Parmi les intervenants sociaux ou les personnels des institutions, pouvant être au contact de non-demandeurs, plusieurs groupes peuvent être distingués en fonction de leurs formations et de leurs métiers :

¾ Les professionnels ayant un diplôme de travailleur social

Ce groupe est celui des travailleurs sociaux possédant un des diplômes cités dans l’introduction de ce rapport. Ces travailleurs sociaux ont, en général, dans leurs attributions théoriques, la compétence et la mission (et dans certains cas, comme la protection de l’enfance, l’obligation) d’aller au-devant des personnes qui ne demandent rien, et de les prendre en charge.

Ainsi, les assistants de service social dont le diplôme a fait l’objet d’une réforme récente, doivent, selon leur référentiel de compétences54, disposer de compétences les amenant à « se mettre à disposition d’une personne et recueillir des éléments de connaissance permettant la compréhension de sa demande, informer la personne sur les procédures, (…), l’accès aux droits (…) » et, pour ce qui concerne le travail collectif, « repérer les besoins et/ou intérêts communs de plusieurs personnes et les mobiliser sur une problématique commune »,

« contribuer au soutien de groupes dans le cadre d’une démarche de développement social local ».

Ces assistants sociaux, de même que les conseillers en économie sociale et familiale, les éducateurs voire les animateurs socioculturels, sont en première ligne et ont des compétences pour détecter des personnes qui ne demandent rien ou pour détecter, chez des personnes qui demandent déjà ou qui sont déjà connues, des demandes latentes ou des besoins non exprimés.

¾ Les professionnels au contact quotidien de publics de l’action sociale

Dans ce groupe, apparaissent des métiers et des fonctions qui ne font pas partie des métiers du travail social identifiés précédemment mais qui, dans leur action quotidienne, sont au contact de publics de l’action sociale qui soit sont demandeurs soit ne demandent rien.

On peut citer à ce titre les puéricultrices, auxiliaires de puériculture, aides à domicile, assistantes familiales, techniciens de caisses de sécurité sociale, infirmières scolaires, personnels du secrétariat et de l’accueil dans les services sociaux ou les organismes de protection sociale, écoutants de service de téléphonie d’urgence, etc.

Ces métiers ne sont pas à l’origine conçus comme des métiers de l’intervention sociale proprement dite à savoir que ces professionnels ont des pratiques spécifiques de prise de contact, d’évaluation de situations et de propositions ou d’accompagnement global.

53 Les structures (hormis les établissements sociaux ou médico-sociaux qui ne sont pas abordés dans ce rapport) qui emploient ces intervenants sociaux, sont en effet particulièrement nombreuses et de formes diverses : services sociaux de conseils généraux, ministères (notamment de l’Education nationale), centres communaux d’action sociale, organismes de protection sociale, établissements de santé, associations d’intervention sociale générale ou spécialisée, etc.

54 Voir annexe n° 1 de l’arrêté du 29 juin 2004 relatif au diplôme d'Etat d'assistant de service social.

Cependant, pour ce qui concerne la détection des personnes qui ne demandent rien ou la détection, chez des personnes dont elles ont la charge, de demandes non exprimées, ces professionnels sont indispensables. Les cas individuels étudiés par la mission font ressortir que ces intervenants ont une triple action :

- d’une part, repérer des problématiques importantes et non résolues et y apporter, conjointement le plus souvent avec des travailleurs sociaux du premier groupe, une réponse adaptée aux singularités de la personne (ou des membres de la famille) concernée.

Ce type de fonction est notamment rempli par les techniciens de caisses de sécurité sociale, puéricultrices des services de protection maternelle et infantile, aides à domicile, etc ;

- d’autre part, repérer une problématique ou une demande non exprimée et orienter vers des interlocuteurs qui vont faire un diagnostic plus approfondi et prendre en charge cette demande : secrétaires assurant des fonctions d’accueil, assistantes familiales, etc ;

- enfin, réaliser des actions d’accompagnement sur des problématiques ciblées : c’est bien évidemment le cas dans le domaine de la petite enfance avec les puéricultrices et auxiliaires de puériculture mais c’est aussi le cas des agents d’accueil et des secrétaires qui, dans certaines structures, remplissent un rôle d’aide administrative pour des personnes ayant des difficultés avec l’écrit, qui peut se dérouler sur rendez-vous ou au domicile des personnes55.

¾ Des intervenants qui sont des relais indispensables

Au-delà des deux groupes précédents qui comportent des professionnels en majorité employés par des organismes sociaux, commence un groupe plus élargi d’intervenants aux profils très divers mais qui sont les relais indispensables de l’action publique.

On compte dans cet ensemble les personnes salariées ou bénévoles d’associations qui interviennent dans le domaine social. Ces intervenants sociaux d’associations sont, au moins pour un certain nombre d’entre eux, aussi en première ligne par rapport à des publics particulièrement touchés par des phénomènes de non-demande : personnes sans domicile fixe, personnes prostituées, personnes immigrées, ruraux réticents à formuler une demande, personnes dont les conditions de logement sont précaires, femmes victimes de violences. Leur rôle fondamental est souvent double, ils mènent :

- d’une part, une action de détection de droits, d’information et d’orientation des personnes vers des structures sociales de prise en charge ;

55 Dans un des centres sociaux visités, cette aide administrative a concerné, en 2002, 430 personnes, dont 10 déplacements à domicile pour aider au classement de papiers et fournir une méthode. Cette aide a porté principalement sur le remplissage de dossiers (logement, retraite, prestations familiales, COTOREP, surendettement), la rédaction de courriers, la compréhension d’un écrit, l’utilisation du téléphone notamment pour les démarches devant se faire par serveur vocal. Cette aide administrative des secrétariats constitue une intervention sociale à part entière, de prévention et d’accompagnement régulier.

- d’autre part, une action de prise en charge ou d’accompagnement de personnes que les services sociaux classiques ont des difficultés à traiter car elle nécessite des modes d’intervention – et souvent aussi des connaissances spécifiques - (Boutiques Solidarité Emmaüs, Bus des femmes, Droits d’urgence56, etc).

2.2 Certains organismes se sont organisés pour détecter et aider des