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CHAPITRE I – REGARD SUR L’ÉVOLUTION DES CONNAISSANCES SUR LES

2.3 L’intervention familiale dans le contexte d’un PEP

Le contexte d’un premier épisode psychotique amène les parents à composer avec les mêmes impacts et ils ont souvent les mêmes besoins que ceux confrontés depuis un certain temps au trouble mental d’un des leurs. Néanmoins, leur expérience revêt tout de même un caractère particulier qui repose sur le caractère récent de la situation.

Tout en tenant compte du stade de développement de la psychose, l’intervention qui s’adresse aux parents vise principalement à prévenir l’alourdissement de l’exercice du rôle de soutien ainsi que la diminution de certains impacts vécus par ces derniers, notamment sur le plan des risques sur leur propre santé mentale stress, dépression, anxiété (Addington, Collins, McCleery, & Addington, 2005; Johnson, 1990). Dans la mesure où une bonne proportion, soit de 60 à 70 % des jeunes adultes hospitalisés en raison de la psychose retournent vivre au sein de leur famille à la suite d’une hospitalisation (Birchwood & Jackson, 2001), les interventions familiales qui s’adressent aux parents sont d’une grande utilité. À ce titre, Johnson (1990) souligne que les estimations faites concernant les membres de la famille engagés dans un rôle de soutien au quotidien ne tiennent pas compte des personnes qui ne sont pas hospitalisées ou qui vivent de façon intermittente dans leur famille, laissant entendre que ces estimations statistiques pourraient être, en réalité, davantage imposantes (Johnson, 1990).

Par ailleurs, au même titre que les interventions offertes à la personne atteinte de psychose, les interventions qui s’adressent aux membres de la famille varient selon le stade de développement de la psychose (Grivois & Grosso, 1998). De fait, l’apparition des premières manifestations du trouble psychotique n’entraîne pas nécessairement une demande d’aide de la part des parents. Dans la plupart des cas, ceux-ci associent d’abord les comportements considérés comme bizarres à la période de l’adolescence ou à des traits de personnalité, niant dans une certaine mesure la présence des manifestations du trouble mental en raison de leur méconnaissance (Atkinson & Coia, 1995a; Johnson, 1990). C’est le maintien des comportements jugés dérangeants et leur exacerbation qui vont amener les parents à entrer en contact pour la première fois avec des intervenants en

santé mentale (Tuck et al., 1997). Qui plus est, lorsque les parents initient une demande d’aide, c’est souvent dans le contexte d’une situation de crise, notamment lors d’une décompensation psychotique. Dans ces circonstances, l’établissement d’une alliance thérapeutique peut parfois être difficile, surtout lorsque la personne atteinte refuse de recevoir de l’aide (Atkinson & Coia, 1995a), mais elle pourra toutefois être facilitée par l’alliance créée avec les membres de la famille. Par ailleurs, les premiers contacts avec les services offerts par le système de santé mentale revêtent une signification particulière pour les familles en marquant une rupture dans la trajectoire familiale, où ces dernières prennent alors conscience que les choses ne seront plus jamais « comme avant » (Atkinson & Coia, 1995a). Un certain mouvement de recul peut alors être observé où les membres de la famille peuvent hésiter à s’engager dans l’intervention. Plutôt que d’interpréter cette attitude comme de la résistance, il faut alors mettre en perspective qu’elles n’ont pas été préparées à ce choc et qu’elles tentent tant bien que mal de s’adapter à une situation inhabituelle et traumatisante pour elles (Johnson, 1990). Rappelons que les parents ont d’abord dû s’adapter à des comportements jugés bizarres ou inhabituels pendant le prodrome, les amenant à vivre de la souffrance, de la confusion et parfois même de la peur, à mesure qu’ils voyaient leur enfant changer de comportement et adopter des attitudes qu’ils ne lui connaissaient pas (Johnson, 1990; Lefley, 1987).

L’étude menée par Addington et ses collaborateurs auprès de 238 membres de la famille a d’ailleurs démontré qu’ils vivent de la détresse lorsqu’ils sont confrontés au PEP de leur enfant (Addington et al., 2003). En effet, cette période est particulièrement prenante pour les familles et peut s’échelonner sur une ou deux années avant la crise psychotique. Lorsque la situation se solde par une hospitalisation, les familles peuvent parfois avoir besoin de cette forme de « répit » pour récupérer (Lefley, 1987). Par ailleurs, d’autres trouveront du soulagement et du réconfort en étant rapidement intégrés dans un programme d’intervention. Par la suite, bien que pouvant être traumatisante, l’annonce d’un diagnostic psychiatrique peut aussi avoir un effet rassurant où les parents ont alors une réponse à leurs inquiétudes et une confirmation concernant leur intuition que quelque chose n’allait pas (Tuck et al., 1997). Tenant compte des besoins particuliers de chacune des familles et de leur ambivalence en début de processus, les intervenants en santé mentale doivent amener les membres de la famille à s’engager peu à peu dans le processus d’aide. Des interventions de soutien, de la psychoéducation et de l’éducation sur le trouble mental sont de mise dès le PEP afin qu’ils aient l’information adéquate sur la situation, tout en respectant les besoins et le rythme de chacun.

En ce qui concerne l’efficacité des interventions familiales offertes par des programmes spécialisés dans le contexte d’un PEP, l’étude menée par Addington et ses collaborateurs auprès de 185 membres de la famille participant à un tel programme a démontré une amélioration de leur bien-être psychologique (Addington, Collins, et al., 2005). Avant l’intervention, 24 % et 23 % des familles présentaient respectivement un degré de détresse psychologique élevé et modéré. À la suite de leur participation au programme d’intervention s’échelonnant sur trois ans, leur état psychologique s’est significativement amélioré, les résultats obtenus dans cette étude démontrant que le degré de détresse psychologique a diminué à 14 % pour les familles présentant une détresse élevée et à 12 % pour les familles ayant une détresse modérée, ces dernières ayant déjà une amélioration au suivi après un an, leur degré de détresse passant de 23 % à 15 % (Addington, Collins, et al., 2005). Ces résultats laissent entrevoir la pertinence d’une intervention précoce effectuée auprès des membres de la famille dans le but de réduire leur degré de détresse. Par ailleurs, l’efficacité des interventions précoces dans le contexte particulier des programmes de PEP doit être évaluée à l’aide de devis rigoureux de recherche (Askey et al., 2007; Penn et al., 2005). Actuellement, l’intégration d’un volet d’intervention familiale à l’intérieur des programmes s’adressant aux personnes devant nouvellement composer avec un PEP se base essentiellement sur les données issues des programmes d’intervention s’adressant aux familles de personnes atteintes de schizophrénie depuis un certain temps et qui ont démontré leur efficacité concernant la diminution du taux de rechute (Addington, Collins, et al., 2005; Ehmann et al., 2004; Leavey et al., 2004). Par conséquent, des recherches rigoureuses sont nécessaires pour démontrer l’efficacité des interventions familiales dans le contexte spécifique d’un PEP ainsi que les composantes essentielles de ces interventions (Askey et al., 2007; Penn et al., 2005). L’engagement des membres de la famille, bien que plus facile pendant une crise en raison de l’exacerbation des manifestations du trouble, peut être favorisé en offrant une flexibilité dans les modalités d’intervention, notamment en tenant compte des besoins spécifiques ainsi que du lieu de l’intervention (Ehmann et al., 2004; Fadden, 1998).

Dans ce chapitre, un portrait de l’expérience des parents dans le contexte spécifique de l’émergence d’un trouble psychotique chez leur jeune adulte est proposé. Il est possible de constater que les lignes directrices de traitements propres aux premiers épisodes psychotiques fournissent des repères pertinents pour développer des interventions précoces qui s’adressent autant à la personne atteinte qu’aux membres de la

famille. Si les modèles explicatifs de l’adaptation des familles se sont modifiés au fil du temps en fonction de l’évolution des connaissances sur les troubles psychotiques, ils doivent être revus en tenant compte du contexte particulier dans lequel se vit une première psychose et ce, en s’intéressant à l’expérience des parents engagés dans un rôle de soutien pour leur enfant d’âge adulte.