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CHAPITRE I – REGARD SUR L’ÉVOLUTION DES CONNAISSANCES SUR LES

2.1 L’expérience des parents devant composer avec le PEP de leur jeune

Les parents qui composent avec le PEP de leur jeune adulte vivent une situation qui se distingue de celle des familles confrontées au trouble mental d’un des leurs depuis plus longtemps. Non seulement sont-ils devant une situation nouvelle générant de la détresse où ils n’ont pas de repères, mais ils sont également confrontés à l’incertitude et l’ambiguïté entourant la condition de leur enfant qui est une préoccupation particulière dans le contexte de l’émergence d’un trouble psychotique (Barrowclough, 2005; Grivois & Grosso, 1998). Cet état d’incertitude et de stress est particulièrement lié au pronostic incertain concernant la situation de leur enfant, l’établissement d’un diagnostic clair étant particulièrement difficile lors de l’émergence d’un PEP (Askey, Gamble, & Gray, 2007; Malla et al., 2005). Dans l’éventualité de l’annonce d’un diagnostic psychiatrique, les parents qui ne sont habituellement pas familiers avec les pratiques en psychiatrie et en santé mentale vivent cette situation comme un événement traumatique (Collette et al., 2004). Par la nature incertaine de la condition de leur jeune adulte et de l’évolution imprévisible du trouble mental, la réaction des parents sera complexe et non linéaire, étant ponctuée d’incertitudes, d’espoirs et de déceptions, prolongeant alors leur processus d’adaptation (Maurin & Boyd, 1990). On estime d’ailleurs que 80 % des personnes qui vivent un PEP verront leur fonctionnement social altéré à différents degrés de manière à influencer leur processus de rétablissement (Birchwood & Jackson, 2001).

Sur le plan des impacts vécus par les parents, un PEP semble associé à des difficultés importantes. D’une part, le jeune âge de la personne au moment de l’apparition des premières manifestations du trouble peut entraver l’affirmation de l’identité, de l’autonomie ainsi que des valeurs personnelles, des étapes propres à la période de l’adolescence et au début de l’âge adulte, ayant alors pour conséquence d’alourdir la tâche des parents (Ehmann et al., 2004). De fait, pendant que les enfants au même stade du cycle de leur vie acquièrent progressivement de l’autonomie, ceux qui vivent les premières manifestations d’un trouble psychotique peuvent se retrouver dans une situation de dépendance par rapport à leurs parents et cela, même s’ils ont atteint un certain degré d’autonomie avant leur PEP (Collette et al., 2004; Malla et al., 2005). D’autre part, dans la perspective où le trouble mental se développe lorsque l’enfant est d’âge adulte, les parents ont également à revoir et redéfinir leur façon d’exercer leur rôle parental dans ces

circonstances particulières (Milliken & Northcott, 2003; Tuck et al., 1997). Ceux-ci sont notamment appelés à se replonger dans des responsabilités parentales qui ne correspondent pas nécessairement aux tâches de développement attendues à cette période du cycle de la vie familiale, qui correspond habituellement à un processus d’individualisation vers l’âge adulte qui amène le jeune à se détacher peu à peu de sa famille (Marsh, 1998; Tuck et al., 1997). De même, si les parents croyaient être en mesure de se dégager quelque peu de leurs responsabilités familiales et ainsi accorder davantage de temps à leur carrière, à leur vie conjugale et à leurs projets de retraite, il en est tout autrement lorsqu’émerge un trouble mental (Marsh, 1998). Les parents doivent alors adapter la réponse aux besoins de leur enfant en fonction de sa nouvelle condition, ce qui peut entraîner beaucoup d’incertitudes pour ces derniers, qui peuvent être perplexes devant la posture à adopter dans l’exercice de leur rôle parental (Collette et al., 2004; Tuck et al., 1997).

De la perspective des membres de la famille, l’apparition des premières manifestations du trouble psychotique est vécue comme un choc (Fadden, Bebbington, & Kuipers, 1987; Marsh, 1998). Ces réactions peuvent être liées au fait que les parents sont en mesure de comparer leur enfant avec ce qu’il était avant, en situant les changements amenés par le trouble mental dans l’historique personnel et familial (Collins, 1996; D. L. Johnson, 1990). Par ailleurs, une étude visant à connaître le vécu de neuf parents engagés dans un rôle de soutien auprès de leur jeune adulte atteint de schizophrénie révèle que le diagnostic psychiatrique est perçu comme quelque chose qui a radicalement transformé la trajectoire « normale » de la vie familiale, les parents interrogés étant généralement en mesure de distinguer une période pré et post-diagnostic dans l’histoire familiale (Tuck et al., 1997). Une fois le choc passé, certains parents vivent une période de déni où ils tentent de remettre le diagnostic en question, recherchant alors d’autres explications à ce qui leur arrive. La recherche d’explications rationnelles pour comprendre ce qui se passe dans la famille sera alors teintée par la culpabilité ressentie par les parents. Ces derniers s’interrogent alors sur ce qui a pu causer le trouble mental, cherchant pourquoi c’est arrivé à leur enfant, se demandant aussi ce qu’ils ont pu faire pour en arriver là ou ce qu’ils auraient pu faire pour éviter cette situation (Collins, 1996; Marsh, 1998). Les parents traverseront une phase où ils se demanderont si certaines de leurs pratiques parentales, telles que des attentes élevées à l’endroit de leur jeune, l’octroi de permissions ou certaines punitions auraient pu contribuer au développement du trouble mental (Lefley, 1987). En outre, si par le passé les familles se sont senties coupables

d’avoir causé le trouble mental d’un des leurs, elles se sentent désormais davantage coupables de ne pas en avoir reconnu les manifestations plus tôt ou de ne pas avoir demandé de l’aide assez rapidement (Lefley, 1987; Milliken, 2001; Milliken & Northcott, 2003).