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L’interprétation large de l’obligation conventionnelle de protection judiciaire

Définition de l’obligation conventionnelle de protection judiciaire

A) L’interprétation large de l’obligation conventionnelle de protection judiciaire

La jurisprudence a non seulement interprété largement les garanties explicites du droit au procès équitable, c'est-à-dire le droit au procès équitable stricto sensu (2), mais elle a aussi reconnu que l’obligation de protection judiciaire ne se limitait pas à garantir un tel droit, celui-ci n’étant qu’un élément d’un droit à la justice concrète (1).

1) Le droit au procès équitable, élément d'un droit à la justice concrète

L'obligation de protection judiciaire a fait l'objet d'une interprétation extensive par une série de raisonnements, ou encore un raisonnement « en poupées russes » selon l'expression du doyen Cohen-Jonathan281, la jurisprudence ayant d’abord reconnu, à partir du droit au procès équitable explicitement garanti par l'obligation européenne de protection judiciaire, l’existence d’un droit d’accès à la justice (a), puis, plus largement, celle d’un droit à la justice concrète (b).

a) La reconnaissance jurisprudentielle du droit d’accès à la justice

Nous verrons d'abord le fondement de l'interprétation large du droit au procès équitable, lequel a d'abord justifié la reconnaissance du droit d'accès à la justice, puis, plus généralement, la reconnaissance de tous les éléments implicites de la protection judiciaire conventionnelle, avant de définir brièvement ce droit d'accès à la justice.

Fondement de l’interprétation jurisprudentielle – La Cour européenne des droits de l’homme s’est fondée sur le principe d’effectivité des droits garantis par la Convention pour reconnaître le droit d’accès à la justice, le droit au procès équitable étant en effet dépourvu de sens sans la garantie préalable de l’accès à la justice nationale.

281 COHEN-JONATHAN (G.), « Le droit au juge », in Mel. J. Waline, Gouverner, administrer, juger, Dalloz, 2002, p. 471- 504.

Selon la jurisprudence constante de la Cour, « la Convention a pour but de protéger des droits non pas théoriques ou illusoires, mais concrets et effectifs »282, c’est pourquoi « [… toute] disposition de la Convention […] doit s’interpréter de telle manière que les droits y consacrés ne soient pas théoriques et illusoires mais concrets et effectifs »283. Or la garantie de l’équité d’un procès n’a de sens que s'il y a procès au sens strict du terme : la protection du procès étant en effet illusoire sans la garantie effective de l’accès à la justice, l'organisation du procès équitable ne pouvait être que la concrétisation d'un droit d'accès à la justice. C’est donc par un raisonnement déductif, fondé sur le souci d’effectivité des droits conventionnels et remontant de l'effet à la cause, que la Cour européenne des droits de l’homme a affirmé le droit d’accès à la justice dans son arrêt Golder c. Royaume-Uni284

. Dans cet arrêt, la Cour a en effet reconnu que l'article 6 posait un droit à un tribun al organisé conformément aux garanties prescrites explicitement, ou droit au procès lato sensu, dont le droit d'accès constitue un élément inhérent, et ce, en se fondant sur « les termes mêmes de la première phrase de l’article 6 par. 1, lue dans son contexte et à la lumière de l’objet et du but de ce traité normatif qu’est la Convention, ainsi que de principes généraux de droit ».

Cependant, le principe d'effectivité des droits conventionnels s’appliquant également au droit nouvellement reconnu à l'accès à la justice, la jurisprudence européenne a ensuite dû en préciser l'étendue.

Définition du droit d’accès à la justice – Deux précisions s'imposaient, concernant d'abord l'étendue du devoir de l'Etat, puis l'agencement entre le droit d'accès à la justice posé par l'article 6 et le droit au recours posé par l'article 13 de la Convention.

La Cour européenne des droits de l’homme a d’abord précisé que, comme tous les droits protégés par la Convention, le droit d’accès à la justice était également un droit effectif, ce qui supposait qu'un individu jouisse d'une possibilité claire et concrète de contester un acte constituant une ingérence dans ses droits285, c’est-à-dire

282 Voir l’arrêt Linguistique belge, 23 juillet 1968, série A no 6, p. 31, §3 in fine et 4.

283 Voir, parmi d’autres, l’arrêt Artico c. Italie, 13 mai 1980, série A no 37, pp. 15-16, § 33, et l’arrêt Schöps

c. Allemagne, no 25116/94, CEDH 2001-I, § 47.

284 Arrêt Golder c. Royaume-Uni, 21 février 1975, série A, n°18, p18, §34 à 36. 285 Voir l'arrê Geouffre de la Pradelle c. France, 16 décembre 1992, A-253B, p. 43, §34.

qu’il puisse « présenter ses arguments de manière adéquate et satisfaisante »286 , impliquant par là que l'obligation d'assurer un droit d'accès à la justice est une obligation positive de l'Etat. C'est ainsi que, si des limitations au droit d’accès à la justice sont possibles, étant donné que le droit d'accès à la justice n'est pas un droit absolu287, l'accès à la justice doit cependant être facilité par l'Etat, au sens où le justiciable ne doit en aucun cas être dissuadé de recourir à la justice, notamment pour des raisons matérielles. C’est ainsi que les Etats ont notamment l’obligation de mettre en place un système d'aide juridictionnelle visant à réduire les obstacles financiers à la saisine des juridictions nationales.

Par ailleurs, il faut remarquer que la reconnaissance d’un droit à l’accès à la justice nationale comme élément du droit au procès équitable a nécessairement contribué à la marginalisation de l'article 13, même si, ainsi que la Cour européenne des droits de l’homme l’a précisé dans l’arrêt Golder c. Royaume-Uni, les deux dispositions restent néanmoins nettement distinctes car « la notion de "droits et obligations de caractère civil" (article 6 par. 1) ne coïncide pas avec celle de "droits et libertés reconnus dans la (...) Convention" (article 13), même s’il peut y avoir entre elles des chevauchements »288. En revanche, la reconnaissance d’un droit général à la justice, quel que soit le fondement du recours, c’est-à-dire indépendamment d’une atteinte aux droits substantiels protégés par la Convention, souligne clairement l'absence de complémentarité entre les articles 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l’homme, et donc l’autonomie du droit au procès équitable lato sensu, consacré comme droit substantiel à la justice, en conformité avec le souci d’une interprétation attachée au lien entre justice et prééminence du droit.

Cependant, le droit à la justice étant un droit à l’obtention de ce à quoi l'on peut prétendre en vertu du droit applicable, conventionnel assurément, mais aussi national, l'interprétation de l'article 6 ne pouvait s'arrêter là. En effet, construction gigogne , le droit au procès équitable effectif s'est d'abord concrétisé en amont, avec la

286 Arrêt Airey c. Irlande, 9 octobre 1979, Req. n° 6289/73, §24.

287 Par exemple, voir l’arrêt Annoni di Gussola et a. c. France, 14 nov. 2000, § 48 : « le droit à un tribunal », dont le droit d'accès constitue un aspect particulier, n'est pas absolu et se prête à des limitations implicitement admises, notamment quant aux conditions de recevabilité d'un recours, car il appelle de par sa nature même une réglementation par l'Etat, lequel jouit à cet égard d'une certaine marge d'appréciation » ; voir aussi, parmi d'autres, les arrêts

Edificaciones March Gallego S.A. c. Espagne du 19 février 1998, Rec. 1998-I, p. 290, § 34, et García Manibardo c. Espagne, no 38695/97, § 36, Rec. 2000-II.

reconnaissance de l'accès à la justice, puis en aval, avec la reconnaissance d’un droit à la justice concrète.

Le droit au jugement. - Si, dans l’arrêt Golder c. Royaume-Uni, la Cour a précisé qu’elle n’avait pas « à rechercher en l’espèce si, et dans quelle mesure, l’article 6 par. 1 exige en outre une décision sur le fond même de la contestation », elle ne pouvait se limiter à reconnaître un droit d'accès à la justice sans reconnaître également un droit au jugement. En effet, si le procès équitable est la concrétisation du droit d'accès à la justice, celui-ci n'a pas non plus de sens autonome : si un justiciable doit pouvoir accéder à la justice, c’est en vue d’obtenir justice, c'est-à-dire ce qu'il peut légitimement obtenir en vertu du droit applicable. Le droit d'accès à la justice est donc l'instrument d’un droit à la justice concrète. Ce droit se déduit d'ailleurs non seulement de l'impératif d'effectivité du droit au pr ocès équitable, mais aussi de la lettre même de l'article 6, selon laquelle le justiciable a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal « qui décidera », c'est-à-dire qui se prononcera sur cette cause, soit en la rejetant, soit en tranchant le l itige au fond289, ainsi que la Cour l’a rappelé dans l’arrêt Sramek290

, selon lequel « le "tribunal" se caractérise au sens matériel par son rôle juridictionnel : trancher, sur la base de normes de droit et à l’issue d’une procédure organisée, toute question relevant de sa compétence ».

Cependant, le jugement obtenu n'ayant d'existence concrète qu'une fois exécuté, la Cour européenne a naturellement dû déduire l'existence d'un droit à l'exécution des jugements à partir de celle du droit au jugement.

Le droit à l’exécution des jugements. – Cette extension ressort clairement de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, qui a déduit un droit fondamental à l’exécution des jugements à partir du droit à un procès équitable en invoquant le principe de l’effet utile, illustrant nettement le choix d’une interprétation pragmatique et utilitariste de la Convention européenne des droits de l’homme 291. La

289 C’est en effet un principe propre au contentieux selon lequel le juge doit prendre une décision, c’est -à-dire refuser de trancher un litige en raison de son incompétence ou bien de l’irrecevabilité de l a requête, ou bien juger le litige au fond et donc le trancher en faveur de l’une ou l’autre des parties.

290 Arrêt Sramek c. Autriche, 22 octobre 1984, Req. n° 8790/79, série A no 84, p. 17, § 36.

291 En cela, la jurisprudence relative à la protection des droits de l’Homme rejoint l’interprétation classique de l’obligation coutumière de protection judiciaire des étrangers selon laquelle l’étranger bénéficie aussi d’un droit à l’exécution des

Cour de Strasbourg a en effet reconnu que l’exécution effective d'une décision de justice devait faire partie intégrante du droit au procès équitable parce que le principe de prééminence du droit supposait que le procès ait pour finalité d’assurer l’application effective du droit : en conséquence, la reconnaissance d’un droit au jugement effectif supposait l’exécution effective de ce jugement. Dans l’arrêt Hornsby c. Grèce, la Cour, reprenant le raisonnement mené pour reconnaître le droit au juge, a ainsi énoncé que « l'exécution d'un jugement [devait] être considérée comme faisant partie intégrante du "procès" au sens de l'article 6 » car « le droit de saisir un tribunal en matière civile […] serait illusoire si l'ordre juridique interne d'un Etat contractant permettait qu'une décision judiciaire définitive et obligatoire reste inopérante au détriment d'une partie » 292

.

La reconnaissance du droit à l'exécution d'un jugement suppose, d'une part, que l’Etat permette au justiciable d’obtenir l’exécution forcée des décisions juridictionnelles qui lui sont favorables. C’est pourquoi il faut considérer que le refus de l’administration de prêter son concours à l’exécution d’un jugement emporte violation du droit au procès équitable, qu’il s’agisse de refuser une expulsion décidée par un jugement, ou de refuser de tirer les conséquences administratives de l’annulation en justice d’un acte administratif. D'autre part, la reconnaissance du droit à l'exécution du jugement n'est pas sans conséquence quant à la détermination de la durée d'une procédure judiciaire, et donc la reconnaissance éventuelle de délais déraisonnables de jugement, puisque, ainsi qu’il ressort de l'arrêt Silva Pontes c. Portugal293, « le droit revendiqué ne trouve sa réalisation effective qu’au moment de l’exécution ».

Cependant, si la protection judiciaire suppose que l’Etat mette les justiciables à même d’obtenir ce à quoi ils peuvent légitimement prétendre en vertu du droit applicable, alors le droit au procès équitable stricto sensu, c’est-à-dire les garanties explicites du droit au procès équitable, devait naturellement, lui aussi, faire l’objet d’une interprétation large. En effet, si le droit au jugement est un élément du droit à décisions qui lui sont favorables, y compris les jugements d’exequatur des décisions internationales à défaut des décisions internationales elles-mêmes.

292 Arrêt Hornsby c. Grèce, 25 février 1997, Req. n° 107/1995/613/70, Rec. 1997-II, pp. 510-511, §40. 293 Arrêt Silva Pontes c. Portugal du 23 mars 1994, A n° 286-A, p. 13-14, §29-33.

la justice concrète, encore fallait-il préciser qu'il s'agissait d'un droit au jugement équitable.

b) La reconnaissance jurisprudentielle d’un droit à la justice concrète

Liée par la reconnaissance du droit effectif au procès équitable lato sensu, la Cour européenne des droits de l’homme a dû poursuivre son interprétation de l'article 6 en admettant également l'existence d’un droit à la justice concrète, lequel suppose non seulement que le justiciable obtienne un jugement, mais aussi qu'il obtienne l'exécution de ce jugement.

2) L’interprétation large du droit au procès équitable stricto sensu

C'est ainsi que la Cour européenne des droits de l’homme a non seulement interprété largement le champ d’application de l’article 6 (a), mais qu’elle a également reconnu l’existence de garanties implicites du droit au procès équitable (b).

a) L’interprétation du champ d’application du droit au procès équitable

La Cour de Strasbourg a d’abord interprété le champ d’application ratione materiae de l’article 6, avant de reconnaître que les garanties du droit au procès équitable s’appliquaient à toutes les phases de la procédure judiciaire lato sensu.

L’interprétation du champ d’application ratione materiae du droit au procès équitable. – Selon la lettre de l’article 6, le droit à un procès équitable ne concerne pas tous les litiges mais uniquement « les contestations sur les droits et obligations de caractère civil » et « le bien-fondé d'une accusation en matière pénale », cependant les juges européens ont donné à ces notions un sens autonome et large, consacrant une interprétation extensive de ce champ d'application, rejoignant en cela le champ plus large de la protection judiciaire telle qu’elle ressort explicitement des autres dispositions conventionnelles en la matière .

D'abord, concernant la notion de « contestation sur les droits et obligations de caractère civil » la Cour européenne des droits de l’homme a rappelé que la contestation se définissait matériellement et non pas formellement, celle -ci pouvant donc concerner tant des points de fait que des questions de droit, et porter sur l'existence même du droit ou sur son étendue et ses modalit és d'exercice. Par ailleurs, la Cour a également précisé que le caractère civil des droits et obligations constituait un concept autonome, les juges européens pouvant se référer aux définitions nationales sans pour autant être tenus par elles si celles -ci sont jugées trop restrictives294. Ainsi, la notion de droit et obligation de caractère civil a été largement entendue par les juges européens, celle-ci ayant été étendue non seulement au contentieux de caractère privé, mais aussi, dans une certaine mesure, a u contentieux public et au contentieux mixte. En effet, la Cour a finalement admis que ce qui était essentiel pour reconnaître un droit de caractère civil, c’était son caractère privé, son contenu et ses effets, la nature de la loi applicable comme celle d es juridictions compétentes étant indifférentes. Le critère de l'applicabilité de l'article 6 est donc principalement l'existence d'une contestation ayant un caractère essentiellement patrimonial 295 , c’est pourquoi le champ d'application de ce texte s'est considérablement étendu, dans le domaine social, administratif, ou encore disciplinaire, même si le critère fonctionnel de l’exercice de la puissance publique peut cependant entrer en ligne de compte pour limiter le champ d’application du droit au procès équitable.

De même, la notion d'accusation pénale a été dotée d'un sens européen autonome, la Cour de Strasbourg ne s'estimant pas liée par les définitions nationales et préférant privilégier une interprétation extensive de la notion, afin d'assurer une protection judiciaire la plus efficace possible. C'est ainsi que certaines infractions, qualifiées d'administratives, de disciplinaires ou de fiscales par les droits nationaux, ont pu être considérées comme des infractions pénales sur le plan européen, car c'es t la conception matérielle de la notion d'accusation qui a été retenue, étant considérée comme accusation toute mesure émanant d'une autorité compétente, impliquant le reproche d'avoir commis une infraction d'une certaine gravité, et entraînant des

294 Voir l’arrêt König c. Allemagne, 28 juin 1978, série A no 27, pp. 29-30, §§ 88-89 et l’arrêt Baraona c. Portugal, 8 juillet 1987, série A, n°122, §41.

répercussions d'une certaine sévérité sur la situation de la personne en cause296. L'obligation de protection judiciaire vise ainsi à protéger les justiciables lors des procédures portant sur le bien-fondé d'une accusation, tant dans la détermination de la culpabilité que dans celle de la peine d'un justiciable.

Dans le même sens, la jurisprudence a également précisé le champ de la protection judiciaire, le procès équitable devant s'entendre largement.

Extension de la protection de l’équité du procès stricto sensu à ses phases préliminaires. – La jurisprudence a non seulement affirmé que le droit à la justice impliquait un droit à l’exécution de la décision judiciaire, mais elle a aussi étendu la protection judiciaire aux phases préliminaires du procès proprement d it. En effet, le justiciable ne peut normalement être jugé au pénal qu’au terme d’une période d’investigation ayant pour but de prouver sa culpabilité éventuelle. Cette période est donc essentielle pour le prévenu, car elle doit lui donner la possibilité d e prouver son innocence, ou en tout cas d’établir correctement les faits qui lui sont reprochés. Pour cela, il doit pouvoir bénéficier des droits de la défense avant le procès proprement dit, c’est-à-dire dès qu’il est impliqué dans une procédure visant à définir sa culpabilité dans la commission d’une infraction pénale297

.

Si les dispositions conventionnelles relatives à la protection des droits judiciaires de l’Homme ne concernent expressément que le procès, la Cour européenne des droits de l’homme a explicitement rappelé que le principe d’effectivité des droits conventionnels s’opposait à une interprétation restrictive de l’article 6, ce qui supposait que les garanties du procès équitable s’appliquent également au domaine administratif de la justice298. En effet, considérant que les garanties énumérées par les dispositions conventionnelles relatives au droit au procès

296 RENUCCI (J.-F.), Droit européen des droits de l'Homme, Paris, L.G.D.J., 2002p. 245 et s.

297 Arrêt Pisano c. Italie, 27 juillet 2000, req. n° 36732/97, §27 : Selon sa jurisprudence, « l'article 6 a pour finalité principale, au pénal, d'assurer un procès équitable devant un tribunal compétent pour décider du bien -fondé de l'accusation, mais il n'en résulte pas qu'il se désintéresse des phases qui se déroulent avant la procédure de jugement ». Et d'ajouter : « d'autres exigences, (...), peuvent elles aussi jouer un rôle avant la saisine du juge du fond si et dans la mesure où leur inobservation initiale risque de compromettre gravement le caractère équitable du procès ».

298 Voir l’arrêt Feldbrugge v.Pays-Bas, 29 mai 1986, A-99 : La Cour a décidé au regard de l’applicabilité de l’article 6§1 et de ses garanties judiciaires spécifiques que « bien sûr, il est également essentiel que justice soit faite dans le domaine de l’administration ».

équitable sont seulement des éléments nécessaires à l’existence d’un procès équitable et non les garanties du procès lui-même299, ces dispositions ne sauraient en effet se limiter à la phase purement juridictionnelle du procès équitable, car une telle « garantie » n’aurait plus de sens si elle ne permettait pas de se défendre et donc de bénéficier de l’égalité des armes et du procès équitable lorsque le tribunal va se prononcer sur la légalité de la détention préalablement à tout jugement définitif de culpabilité300.

Ainsi la Cour a-t-elle reconnu, dans l’arrêt Allenet de Ribemont c. France301, que la présomption d'innocence devait s'appliquer dès la phase préparatoire du procès. De même, la Cour européenne des droits de l’homme a de nombreuses fois appliqué ces garanties aux phases préliminaires, rappelant donc que tout individu a le droit, dès le début de sa détention provisoire, d’être assisté par un avocat de son choix ou celui de se défendre lui-même ; le droit d’être informé de la nature et des causes de son arrestation ; le droit d’avoir le temps et les moyens nécessaires à la préparation de sa défense ; le droit de garder le silence ; le droit d’être assisté d’un interprète ; et enfin