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Le contrôle de régularité interne des jugements nationaux, un élément du contrôle de licéité internationale du procès

Le contrôle conventionnel de la protection judiciaire interne

A) Le contrôle de régularité interne des jugements nationaux, un élément du contrôle de licéité internationale du procès

Si le droit au procès équitable comprend un droit au jugement juste et équitable lié à l'interdiction d'exercer arbitrairement le pouvoir juridictionnel discrétionnaire, alors le contrôle de licéité internationale du procès doit nécessairement inclure un contrôle de l'exercice de ce pouvoir juridictionnel discrétionnaire, c'est -à-dire un contrôle restreint de la régularité interne des opérations discrétionnaires de jugement, limité à la recherche d’erreurs manifestes d’appréciation. C'est ainsi qu'il faut comprendre le principe, énoncé par la Cour européenne des droits de l’homme, selon lequel il ne lui appartient pas de contrôler les erreurs relatives aux faits ou au droit sauf en cas d'atteinte aux droits protégés par la Convention373, amenant la Cour à rappeler régulièrement qu’il n'entre normalement pas dans ses attributions de contrôler le bien-fondé de la preuve374, « d'exprimer une opinion sur l'intérêt de l'offre de preuve écartée » 375 par les juridictions internes, de « rechercher si les arguments ont été adéquatement traités »376 ou encore « de se prononcer sur la culpabilité des requérants ou sur la question de savoir si les juridictions internes ont correctement apprécié les faits et appliqué la loi » 377.

A contrario, il appartient donc à la Cour de contrôler les erreurs de fait ou de droit lorsque celles-ci constituent des erreurs manifestes d'appréciation portant atteinte au droit au procès équitable, et plus précisément au droit au jugement juste et équitable, ce que la jurisprudence a d’ailleurs explicité plus récemment, la Cour de Strasbourg ayant rappelé, dans son arrêt Antica et la société « R » c. Roumanie 378, que « c'est au premier chef aux juridictions nationales qu'il incombe d'établir les faits et d'interpréter la législation interne [et donc que] dans l'exercice de son pouvoir de

373 Voir l’arrêt Schenk c. Suisse, 12 juillet 1988, A-140, §45 : « aux termes de l’article 19 de la Convention, la Cour a pour tâche d’assurer le respect des engagements résultant de la Convention pour les États contractants. Spécialement, il ne lui appartient pas de connaître des erreurs de fait ou de droit prétendument commises par une juridiction, sauf si et dans la mesure où elles pourraient avoir porté atteinte aux droits et libertés sauvegardés par la Convention ».

374 Par exemple Hiro Balani c. Espagne, 09 décembre 1994, A-303B, §28 ou Perna c. Italie, 25 juillet 2001, req. n° 48898/99, §29.

375 Arrêt Vidal c. Belgique, 25 mars 1992, §34.

376 Arrêts Van de Hurk, 19 avril 1994, Fourchon, §22 et Perez, §81-82. 377 Arrêt Perlala c. Grèce, 22 février 2007, no 17721/04, § 25.

contrôle, la Cour n'a point pour tâche de se substituer aux juridictions internes compétentes, mais de vérifier sous l'angle de l'article 6 les décisions qu'elles ont rendues en vertu de leur pouvoir d'appréciation », étant entendu de leur pouvoir d’appréciation discrétionnaire. Il n’est ainsi pas rare que la Cour rejette des requêtes tendant à faire admettre la violation du droit au procès équitable pour erreur manifeste d’appréciation quant à l’établissement des faits379

ou l’interprétation discrétionnaire du droit interne.

Cependant, dans son arrêt Melich et Beck c. République Tchèque, la Cour européenne a également précisé que, « en l’absence d’arbitraire, elle n’est pas compétente pour substituer sa propre interprétation du droit ou sa propre appréciation des faits et des preuves à celles des juridictions internes [et que] la tâche que la Cour se voit attribuer par la Convention consiste à rechercher, sur la base d’une appréciation de la procédure considérée dans sa globalité, si la procédure litigieuse, y compris le mode de présentation des moyens de preuve, a revêtu un caractèr e équitable »380, car, si l’erreur manifeste d’appréciation permet généralement de présumer l’inéquité d’un jugement, cette erreur n’est pas suffisante en elle- même pour déterminer l’existence d’un déni de justice. Conformément au principe du contrôle des effets de l'application du droit international, le contrôle de régularité interne des jugements discrétionnaires ne doit amener la Cour européenne qu’à rechercher les erreurs d'appréciation manifestes et décisives, seules erreurs pouvant générer un déni de justice parce que l’erreur manifeste d'appréciation doit avoir été décisive pour porter atteinte au droit au procès équitable381. Si la Cour de Strasbourg opère un contrôle de régularité interne des jugements nationaux discrétionnaires, ce n’est donc pas pour constater qu’une erreur manifeste d’appréciation entraîne de facto une violation du droit au procès équitable, ce contrôle restreint n’étant qu’un élément du contrôle de licéité internationale du procès dans son ensemble.

En effet, l’équité du procès doit être appréciée globalement382

par le juge international, un premier comportement inéquitable pouvant être « compensé »383 par

379 Par exemple, voir l’arrêt I.J.L. et a. c. Royaume-Uni, 19 septembre 2000, Req. nos 29522/95, 30056/96 et 30574/96. 380 Arrêt Melich et Beck c. République Tchèque, 24 juillet 2008, Req. no 35450/04, a contrario, §48

381 Renvoi à la partie 2, chapitre 2, section 2. 382 Renvoi à la partie 1, chapitre 1, section 3.

383 Il ne s’agit pas de réparation, le comportement inéquitable n’étant pas constitutif d’un fait internationalement illicite réparable. Cependant, la jurisprudence peut être source de confusion à cet égard. Voir l’arrêt I.J.L. et a. c. Royaume-Uni,

le comportement ultérieur d’une autorité juridictionnelle. C’est ainsi qu’il faut comprendre cette affirmation de la Cour européenne des droits de l’homme selon laquelle « le rôle de la Cour [est] d’examiner les allégations des intéressés que la conduite de la procédure dans son ensemble ne leur a pas garanti un procès équitable »384. Il en va ainsi très nettement des défauts procéduraux tels l’absence de débats contradictoires à un stade du procès, laquelle peut ensuite être compensée par la possibilité effective de débattre les pièces non communiquées dans un premier temps385. Il en va ainsi également des erreurs manifestes d’appréciation portant sur des éléments de fait ou de droit qu’il appartient au juge national d’apprécier discrétionnairement, ce que la jurisprudence relative au rejet des offres de preuves illustre clairement. En effet, le juge national est libre d’accepter ou non la présentation des preuves, dont il apprécie librement la pertinence, cette liberté étant cependant limitée par l’interdiction de l’arbitraire. Lorsqu'une contestation s'élève quant à l'établissement des faits en raison du rejet d'un moyen de preuve, le juge européen doit vérifier si ce rejet a été motivé par l'absence de pertinence du moyen de preuve en question, l’obligation d’équité dans l’offre de preuve se traduisant par l’obligation de motiver raisonnablement le rejet éventuel de certaines offres. C’est pourquoi l’absence de motivation du rejet des preuves peut, si elle est décisive, permettre d’engager la responsabilité internationale de l’Etat pour violation du droit au jugement juste et équitable, la Cour de Strasbourg ayant précisé, dans l’arrêt Vidal c. Belgique386, que « le silence complet de l'arrêt du 11 décembre 1985 sur [l'intérêt de l'offre de preuve écartée] ne cadre pas avec l'idée de procès équitable qui domine l'article 6 ». L’absence de motivation sera en effet considérée comme révélatrice, non pas de l’erreur d’appréciation quant à la pertinence de l’offre de preuve, mais de l’inéquité de la phase de présentation des preuves au procès387

, laquelle sera présumée

19 septembre 2000, Req. nos 29522/95, 30056/96 et 30574/96, où la Cour a dû s’interroger sur le point de savoir si « la seconde procédure d'appel était de nature à remédier à tout préjud ice que les requérants auraient pu subir en raison de l'omission de l'accusation de leur divulguer des documents », §18.

384 Arrêt Melich et Beck c. République Tchèque, 24 juillet 2008, Req. no 35450/04, §50 ; voir aussi l’arrêt Perlala c.

Grèce, 22 février 2007, no 17721/04, § 25.

385 Arrêt I.J.L. et a. c. Royaume-Uni, préc. 386 Arrêt Vidal c. Belgique, 25 mars 1992, §34.

387 Arrêt Van Mechelen et a. c. Pays-Bas, arrêt du 23 avril 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997 -III, p.711, § 50 ; voir aussi l’arrêt Perna c. Italie, 6 mai 2003, req. n° 48898/99, §29 : « La tâche assignée à la Cour par la Convention ne consiste pas à se prononcer sur le point de savoir si des dépositions de témoins ont été à bon droit admises comme

entraîner une erreur manifeste dans l'établissement matériel des faits et pourra donc justifier la reconnaissance d’un déni de justice substantiel, que cette absence de motivation soit le fruit d’une erreur d’appréciation quant à la pertinence du moyen, ou le fait d'avoir négligé l'argument d'une partie.

Or la phase de présentation des preuves au procès permet d’admettre des preuves comme de rejeter des offres de preuves. Si le juge européen contrôle le pouvoir d’appréciation discrétionnaire du juge interne dans la seconde hypothèse, il doit donc en être de même dans la première.

B) Le contrôle de l’admission au procès de preuves irrégulières

Si la Cour contrôle clairement l’opération discrétionnaire qu’est le rejet d’une offre de preuve, il n’en va pas aussi nettement du contrôle de l’admission des preuves. Pour mieux cerner le contrôle de régularité interne de l’admission des preuves au procès que le juge européen opère au titre de l’article 6 (1), il importe de le distinguer du contrôle de régularité internationale de l’admission au procès de preuves irrégulières, que la Cour européenne des droits de l’homme refuse d’effectuer. L’analyse du contrôle conventionnel de l’utilisation équitable des preuves au procès confirme cette distinction, comme nous le verrons dans un second temps (2).

1) Le contrôle de licéité interne de l’admission des preuves au procès

La réalité du contrôle de l'admission des preuves qu’opère la Cour européenne des droits de l’homme ne s'impose pas d'emblée car celle-ci, opérant un contrôle de licéité internationale de l'équité du procès, n'a jamais eu à se prononcer sur les conséquences de l’illicéité interne de l'admission arbitraire de preuves au procès, l'occasion de le faire ne s’étant pas présentée. L'affirmation selon laquelle la Cour de Strasbourg opère bien un tel contrôle se déduit cependant de l'analyse de la

preuves, mais à rechercher si la procédure considérée dans son ensemble, y compris le mode de présentation des moyens de preuve, a revêtu un caractère équitable ».

jurisprudence relative au contrôle de l'admission au procès de preuves irrégulières, les deux types de contrôle devant être distingués l’un de l’autre.

a) Le contrôle de motivation de l’admission des preuves au procès

Il ressort a contrario de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, en matière de contrôle de l'admission au procès de preuves irrégulières, que celle-ci opère bien un contrôle de régularité interne de l'admission des preuves au procès, portant sur la motivation de l'admission des preuves litigieuses par le juge interne. Ce contrôle pourrait donc l'amener à constater un défaut de motivation faisant présumer l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation, et donc entraîner une violation du droit au jugement juste et équitable si l’erreur est également décisive.

Les arrêts Schenk c. Suisse388 et Bykov c. Russie389 illustrent ce premier contrôle, la Cour ayant vérifié à chaque fois que l’admission de preuves dont les requérants contestaient la régularité interne, avait valablement pu être contestée devant les juridictions internes et que celles-ci avaient effectivement écarté leur requête par des décisions raisonnablement motivées, lesquelles n’étaient donc pas arbitraires. Dans la première affaire, la Cour européenne des droits de l’homme s’est ainsi appuyée sur une analyse précise des règles de droit interne applicables, de la jurisprudence interne ainsi que de la doctrine, pour établir que l’admission du moyen de preuve litigieux − c’est-à-dire un enregistrement effectivement illicite car recueilli de manière illégale − n’était pas interdite par le droit suisse en raison des circonstances ayant justifié cet enregistrement, c’est-à-dire n’était pas irrégulière au regard d’un droit interne autorisant exceptionnellement la recevabilité de preuves illicites. De même, dans la seconde affaire, la Cour a également établi, à la suite d’une analyse comparable, que le moyen de preuve litigieux était régulièrement recevable en vertu du droit interne applicable, parce que, cette fois-ci, l’enregistrement admis n’était pas illicite.

Le contrôle de l’opération discrétionnaire d’admission des preuves au procès est donc bien un contrôle restreint de licéité interne, la motivation raisonnable excluant l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation à cet égard. C’est pourquoi ce

388 Arrêt Schenk c. Suisse, 12 juillet 1988, A-140, notamment §28. 389 Arrêt Bykov c. Russie, 10 mars 2009, Req. n° 4378/02, notamment §95.

contrôle doit être effectué de manière générale, que le requérant conteste l’admission au procès d’une preuve illégale ou qu’il conteste l’admission d’une preuve irrégulière au regard du droit conventionnel. La Cour est cependant obligée de s’intéresser à la nature de la preuve dont l’admission est contestée en vue de déterminer si sa recevabilité est régulière ou non, parce que, on l’a vu avec l’arrêt Schenk c. Suisse, l’admission d’une preuve irrégulière n’est pas forcément irrégulière elle-même. Le contrôle de régularité interne de l’admission des preuves au procès doit ainsi être distingué de la vérification de l’équité de l’admission d’une preuve irrégulière, que cette admission soit régulière ou non au regard du droit interne. Si ces questions sont distinctes, elles ne sont cependant pas exclusives, car, conformément au principe du contrôle des effets de l’application du droit conventionnel, la Cour ne peut limiter son contrôle à l’existence d’une irrégularité interne dans l’admission d’une preuve sans s’interroger sur les conséquences de cette irrégularité au regard de l’équité effective de la procédure appréciée dans son ensemble. C’est ainsi que, pour vérifier que la recevabilité, irrégulière au regard du droit interne, d’une preuve irrégulière amène à violer le droit au jugement juste et équitable, la Cour doit donc également vérifier que l'erreur relative à l'admission de la preuve est non seulement manifeste mais aussi décisive, ce qui devrait donc amener la Cour européenne des droits de l’homme à s’interroger également sur l’équité de l’admission d’une preuve irrégulière. La Cour refuse pourtant un tel contrôle au bénéfice d’un contrôle de l’utilisation équitable des preuves, choix qui s'explique également par le principe du contrôle global de l'équité du procès, l'inéquité inhérente à l'admission d'une preuve irrégulière pouvant en effet être compensée par l'utilisation équitable de celle-ci au procès, le contrôle de régularité interne de recevabilité des preuves étant cependant bien un élément du contrôle de régularité internationale du procès, car le contrôle de l'utilisation équitable des preuves doit également permettre, en définitive, de déterminer le caractère décisif d’une erreur manifeste d'appréciation, éventuellement commise lors de l'admission des preuves au procès.

b) Le rejet du contrôle de l'équité de l’admission au procès de preuves irrégulières

La Cour européenne des droits de l’homme a clairement refusé de contrôler l’équité de l’admission de preuves irrégulières pour deux raisons, intimement liées.

D’une part, les opérations d'administration et d'appréciation des preuves sont des opérations relevant du pouvoir juridictionnel discrétionnaire de l’Etat, ainsi que la Cour de Strasbourg le rappelle constamment390, c’est pourquoi la Cour ne peut que refuser de contrôler l’admission d’une preuve au procès, si ce n'est au titre de l'interdiction de l'exercice arbitraire d'un pouvoir juridictionnel discrétionnaire. On comprend dès lors que la Cour refuse de contrôler l’équité de l'admission des preuves irrégulières au procès indépendamment de la régularité interne de leur admission. En effet, il ne lui appartient que de contrôler les effets de la mise en œuvre du droit conventionnel, le contrôle de régularité internationale de la protection judiciaire que la Cour européenne opère au titre de l’article 6 étant un contrôle de l’équité de la procédure judiciaire nationale appréciée dans sa globalité. Ainsi, dans l’arrêt Ramanauskas c. Lituanie, la Cour a-t-elle réaffirmé que sa tâche « ne consiste pas à se prononcer sur le point de savoir si certains éléments de preuve ont été obtenus de manière illégale mais à examiner si une telle « illégalité » a entraîné la violation d'un droit protégé par la Convention »391.

D’autre part, l'admission d'une preuve irrégulière au procès n'ayant pas forcément d'incidence sur l'équité globale de la procédure, la Cour n’avait logiquement pas à apprécier in abstracto l’équité de l’admission de preuves irrégulières, même si l’on peut admettre que « le respect de la légalité dans l’administration des preuves n’est pas une exigence abstraite ou formaliste [… mais est] d’une importance capitale pour le caractère équitable d’un procès pénal [car] aucune juridiction ne peut, sans desservir une bonne administration de la justice, tenir compte d’une preuve qui a été obtenue, non pas simplement par des moyens

390 Par exemple, voir l’arrêt García Ruiz c. Espagne, 21 janvier 1999, Req. n° 30544/96, § 28 : « si la Convention garantit en son article 6 le droit à un procès équitable, elle ne réglemente pas pour autant l'admissibilité des preuves ou leur appréciation, matières qui relèvent dès lors au premier chef du droit interne et des juridictions nationales ».

déloyaux, mais surtout d’une manière illégale »392

. En effet, en reconnaissant les éléments implicites du droit au procès équitable, la Cour européenne des droits de l’homme a entendu dire, d’une part, que l’obligation conventionnelle de protection judiciaire s'impose dans toutes les phases de la procédure judiciaire, et ce, dès la phase de recherche des preuves393 et jusqu’à la phase de fixation de la peine dans un procès pénal394, et, d’autre part, que l’inéquité éventuellement décelée dans une phase de la procédure ne saurait nécessairement vicier l’ensemble du procès. Ainsi un élément du procès dont le caractère équitable est douteux par nature, tel que la preuve obtenue de manière inéquitable, doit-il être utilisé de manière particulièrement équitable, afin de compenser son défaut d’équité originel, la présomption d’inéquité, que ne doit pas manquer de faire naître l’admission d’une preuve irrégulière, pouvant cependant tout à fait être renversée par la preuve de son utilisation équitable.

C’est pourquoi la Cour doit contrôler l'utilisation des preuves irrégulières admises au procès plutôt que leur admission elle-même.

2) Le contrôle de l’utilisation des preuves irrégulières

a) Le principe général du contrôle de l’utilisation des preuves irrégulières admises au procès

L’analyse de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme permet d’une part de dégager les critères d’appréciation de l’équité de l’utilisation des preuves irrégulières admises au procès et, d’autre part, de préciser que ces critères sont appliqués généralement pour apprécier l’équité de l’utilisation de preuves irrégulières, sans distinction selon la nature de leur irrégularité.

392 Arrêt Schenk c. Suisse, 12 juillet 1988, A-140, op. diss. commune de messieurs les juges Pettiti, Spielmann, De Meyer et Carrillo Salcedo.

393 Arrêt Barbera, Messegué et Jabardo c. Espagne, 6 déc. 1988 , Req. n° 10590/83, §83 : « La Cour doit cependant rechercher si les éléments de preuve relatifs aux poursuites contre les requérants avaient été recueillis d’une manière propre à garantir un procès équitable ».

394 Arrêt Phillips c. Royaume-Uni, 5 juillet 2001, Rec. 2001-VII, § 39 : « l'article 6 § 1 s'applique d'un bout à l'autre de la procédure tendant à la détermination du bien-fondé [d'une] accusation en matière pénale, y compris la phase de la fixation de la peine ».

Critères d’appréciation de l’équité de l’utilisation des preuves irrégulières admises au procès – Lorsque le juge européen s’est interrogé, dans l’affaire Schenk c. Suisse, sur l’équité de l’utilisation du moyen de preuve illégal admis au procès, il s’est attaché à vérifier différents aspects de la procédure litigieuse, dégageant trois critères généraux d’appréciation de l’équité de l’utilisation des preuves irrégulières admises au procès, ces critères ayant été précisés par la jurisprudence ultérieure.

Dans l’affaire Schenk c. Suisse, la Cour a ainsi admis que le procès envisagé dans son ensemble n’avait pas été inéquitable parce que l’inéquité liée à l’admission d’une preuve obtenue illégalement avait été « compensée » par son utilisation équitable, respectueuse des droits de la Défense et du débat contradictoire, et tenant compte du poids particulier à accorder, pour condamner le requérant, à une preuve douteuse par nature.