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20 I. Cadrage théorique et méthodologique de la recherche

1.2.4. L’interprétation dans une langue et/ou une culture étrangère

L’acquisition des processus cognitifs d’interprétation varie d’une culture à l’autre parce que les locuteurs membres d’une langue-culture

ne mobilisent pas les mêmes indices linguistiques que les membres d’une autre culture, ne convoquent pas les mêmes indices extralinguistiques,

ne donnent pas le même sens aux mêmes indices.

L’acquisition d’une culture construit des attentes vis-à-vis de l’existence, de la pertinence, de la hiérarchie, du nombre et du sens de ces indices : la culture oriente leur perception ainsi que leur interprétation.

L’acquisition d’une langue et d’une culture étrangère35 passe par l’exposition aux pratiques des membres et aux circonstances dans lesquelles ils agissent et vivent (Ur 1984, A. Anderson

33 Les références bibliographiques des textes cités sont reportés en note.

Conein Bernard & Jacopin Éric (1994) « Action située et cognition : le savoir en place » dans Sociologie du Travail n°XXXVI/4. p. 475-500.

De Fornel Michel & Quéré Louis (dir.) (1999) La logique des situations. Nouveaux regards sur l’écologie des activités sociales. Paris, École des Hautes Études en Sciences Sociales.

Quéré Louis (2000) « Singularité et intelligibilité de l’action » dans Barbier Jean-Marie, Clot Yves, Dubet François et al. Analyse de la singularité de l’action. Paris, Armand Colin, p. 147-169.

Suchman Lucy (1987) Plans and Situated Actions. Cambridge (MA, US), Cambridge University Press. Theureau Jacques (2004) Cours d’action : méthode élémentaire. Toulouse, Octarès.

Dewey John (1933) How we think. Cambridge (MA, US), Harvard University Press. Von Uexküll Jacob Johann (1956 [1965]) Mondes animaux et monde humain. Paris, Denoël.

34 Les psychologues externalistes se positionnent généralement en opposition aux psychologues internalistes (cf. infra p. 111), mais cette opposition épistémologique montrée cache mal les points d’accord. Nous pensons que, plutôt que de voir les deux paradigmes comme opposés, il est plus juste de les voir comme ayant des objets de recherche proches, parfois même identiques, mais étudiés selon un arrière-plan conceptuel différent.

35 La notion de culture fait l’objet de nombreuses définitions et peut désigner des objets différents (cultures dites savante, populaire, mixte ; objets, savoirs, attitudes, pratiques langagières et interactionnelles portent en eux la culture de ceux qui les produisent, qui les emploient, qui y recourent. Les membres du programme 3

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et Lynch 1988, Underwood 1989, etc.). Plusieurs facteurs handicapent les locuteurs non natifs de la langue-culture étrangère :

l’exposition plus limitée et plus tardive à une culture étrangère qu’à la culture maternelle, l’exposition plus limitée à des productions « en vitesse réelle » dans la langue étrangère et la culture éducative qui habitue parfois à mobiliser l’attention analytique (cf. infra p. 47). Ces facteurs engendrent chez les interlocuteurs non natifs les particularités suivantes dans leurs processus d’interprétation :

mobilisation de connaissances dans leur culture et dans leur langue native et dans d’autres langues-cultures de référence le cas échéant,

mise en œuvre de processus liés à l’interprétation selon les codes de la culture et les règles de la langue maternelle et de langues de références, et de processus spécifiques à l’interprétation en langue étrangère,

gestion d’un discours potentiellement plus adapté à leur compétence que le discours tenu avec un interlocuteur natif.

Le producteur s’appuie sur des connaissances supposées « partagées » pour produire ses actes. Ces connaissances sont relatives aux objets, conceptions et découpages du monde ainsi qu’aux signifiants qui les désignent et aux sens des indices para-verbaux et non verbaux36 (Underwood 1989). Mais ce répertoire de connaissances varie largement d’une culture à l’autre, et d’ailleurs d’un individu à l’autre37.

Ces connaissances sont nécessaires pour juger de la pertinence des indices et pour leur donner du sens : si les connaissances utilisées par le producteur ne sont pas dans le répertoire de l’interprétant, il compense avec les informations disponibles. Cette compensation ne permet

Comparaison langue et culture dans des perspectives discursives du CeDiscOr/SyLED (Centre de recherche sur les discours ordinaires et spécialisés/Systèmes linguistiques, énonciation et discours, EA 2290) réfléchit sur cette question épineuse de la définition de la culture.

Nous entendons « étrangère » du point de vue émique, c’est-à-dire du point de vue des personnes concernées (Pike 1954, 1955, 1960 [1967]) : étrangère à, différente de la langue et/ou la culture maternelle de la personne.

36 Hascoet (2005) s’est par exemple intéressée aux gestes en relation avec l’intonation, Biggam, Hough, Kay et al. (eds.) (2011) proposent des actes de colloque sur les couleurs et leurs sens dans le monde, etc.

37 Nous empruntons la notion de répertoire à Gumperz (1964) qui l’a développée à l’origine pour désigner le répertoire verbal d’individus ou de communautés linguistiques (le « répertoire communicatif » chez Dabène (1994), « répertoire pluriel et dynamique » chez Lüdi (2000), « répertoire plurilingue » chez Murphy-Lejeune et Zarate (2003) ou « répertoire linguistique » pour Coste (2002) ). Coste le définit comme :

« l’ensemble de variétés linguistiques – plus ou moins bien maîtrisées ou développées – que possède un acteur social donné et dont il peut jouer, selon les situations, en faisant appel à telle ou telle de ces variétés […]. Le concept de répertoire – c’est une de ses fonctions – n’implique donc en aucune manière que les variétés considérées soient à parité les unes avec les autres ni, qui plus est, qu’elles relèvent toutes d’une même langue : un répertoire peut être plurilingue et comprendre des variétés, plus ou moins élaborées, de plusieurs systèmes linguistiques. » (ibid., p. 117).

Cette définition met en exergue l’imbrication des systèmes linguistiques pris dans leur variété et maîtrisés par un individu, quel que soit le degré de maîtrise des éléments.

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cependant pas toujours d’accéder à une interprétation satisfaisante, du point de vue du locuteur ou de l’interlocuteur :

« Language is the means used by a community to express facts, ideas, beliefs, rules, and so on – in short, to express its culture. So gaps in our knowledge of the L2 culture, of the associations and references available to native users, can present obstacles to comprehension. » (A. Anderson et Lynch 1988, p. 35).

Les chercheurs se sont beaucoup intéressés aux connaissances linguistiques qui peuvent faire défaut dans une langue étrangère pour parvenir à une interprétation satisfaisante. La quantité de vocabulaire et de registres maitrisés dans la langue étrangère fait partie des difficultés courantes :

« It is fairly obvious that a learner listening to spoken discourse in the foreign language will probably not understand a word he has not learnt yet. What is not so obvious, but nevertheless true, is that he will also fail to recognize many words he has learnt but is not yet sufficiently familiar with to identify when they occur within the swift stream of speech. » (Ur 1984, p. 17).

La familiarité avec un mot inclut le degré d’assimilation dans le vocabulaire passif puis actif, et la reconnaissance du mot sous ses différentes formes (liaisons à l’initiale ou en finale, élisions de e caduques, voisements ou dévoisements régressifs ou progressifs), à vitesse de lecture, normale, rapide, etc. et dans ses variantes allophoniques géographiques et sociales. Par ailleurs, le processus de perception des phonèmes discrets varie selon le filtre auditif qui a été acquis (Flege 1981).

Les langues disposent d’indices de contextualisation (intonation, marqueurs discursifs, connecteurs logiques, etc., Gumperz 1982 [1989], 1992, cf. infra p. 47) pour indiquer les mouvements dans la progression textuelle et thématique. Si l’interprétant ne connait pas ou n’a pas le réflexe de donner à un indice le sens que lui donnent les membres de la culture du producteur, il transfère sur cet indice le sens qu’il a appris à donner dans sa culture.

Il en est de même au niveau syntaxique : chaque langue ou famille de langues organise ses énoncés d’une manière particulière ; les habitudes interprétatives dans la langue maternelle peuvent être transférées dans l’interprétation des énoncés en langue étrangère. Cela peut mener à des attentes inadéquates et à des hypothèses interprétatives insatisfaisantes, incertaines ou incompatibles avec celles du producteur.

Sur le plan de l’interface entre pragmatique et sémantique, J. Thomas (1983, 1984, 1995) remarque des difficultés dues à un sens indirect conventionnel dont l’équivalence littérale ne suggère pas le même sens (pragmalinguistic failure), et ceux liés à une valeur culturelle qui n’est pas partagée (sociopragmatic failure). Par exemple, en arabe, le remerciement est aussi une bénédiction (« allah ykhlaf » par exemple) ; en japonais, il suggère une forme d’excuse par laquelle le locuteur manifeste gratitude et culpabilité : des formules en français qui traduiraient ces potentiels de sens supplémentaires pourraient créer un raté pragmalinguistique (ou le fait pour un locuteur français de ne pas exprimer ces sentiments peut être interprété par un interprétant arabophone ou japonophone comme un remerciement faible ou peu sincère). Le raté sociopragmatique peut être illustré par le cas d’une personne sinophone qui inviterait

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une personne âgée à prendre un siège dans le bus en lui disant « prenez-le, vous êtes vieille » : la valeur de vieillesse ne porte pas les mêmes potentiels de sens dans la culture français et dans la culture chinoise. Les transferts peuvent engendrer des hypothèses interprétatives étonnantes et incompatibles avec celle du producteur.

À un niveau supérieur, les praxéogrammes38 varient également d’une culture à l’autre : la structure, l’existence ou le sens des activités, les objets mobilisés, les valeurs accordées à ces objets, leur utilisation, etc. peuvent varier.

Au niveau institutionnel également, la structure sociétale est propre à chaque culture, ce qui peut avoir un impact sur les praxéogrammes, sur les ressources des individus, sur les plans d’action, etc. Ces variations compliquent la gestion des attentes et l’exploitation des ressources39 proposées par la société : la personne membre d’une autre culture peut chercher des ressources ou tenter de suivre des praxéogrammes qui n’existent pas ou ne sont pas applicables et inversement être désemparée face à une ressource ou à un praxéogramme qu’elle ne connait pas.

Kerbrat-Orecchioni (1994 [1998]) relève également une série de processus culturellement ancrés (en fonction des types de sociétés, plutôt fortement ou faiblement communicatives, plutôt communautaires ou individualistes, etc.) qui peuvent engendrer des chocs culturels40 et linguistiques de la même façon. Hall (1976) pose que certaines communautés linguistiques ont tendance à construire des énoncés plutôt « explicites », dont l’interprétation reposerait davantage sur l’interprétation des éléments linguistiques, tandis que d’autres construisent des énoncés plutôt « implicites », dont l’interprétation repose plus largement sur les éléments extralinguistiques41. L’appartenance à l’une ou l’autre communauté engendre une plus ou moins grande dépendance vis-à-vis des indices linguistiques et des indices extralinguistiques qui peut poser problème dans l’interprétation d’une production dans une langue qui ne fonctionnerait pas de la même manière.

Les connaissances qui peuvent manquer à un interprétant engendrent des manques et du vague dans les hypothèses interprétatives, une insatisfaction générale, des attentes et des hypothèses beaucoup plus nombreuses, moins clairement confirmées ou infirmées, une fatigue cognitive supérieure. Les interactants dont la culture diffère de celles du producteur doivent composer

38 L’organisation des pratiques (actions, prises de décisions et interactions) relatives à une activité (cf. infra p. 44).

39 Nous effectuons des propositions didactiques à ce sujet, cf. infra p. 432 par exemple.

40 Le choc culturel est défini comme

« une réaction de dépaysement, plus encore de frustration ou de rejet, de révolte et d’anxiété, en un mot une expérience émotionnelle et intellectuelle, qui apparaît chez ceux qui, placés par occasion ou profession hors de leur contexte socioculturel, se trouvent engagés dans l’approche de l’étranger » (Cohen-Emeric 1984, p. 184).

41 Une classification a été proposée par Copeland et Griggs (1986) pour la communication en entreprise, selon laquelle les membres des cultures australienne, allemande, anglaise et suisse entre autres emploient moins les indices extralinguistiques pour produire et interpréter des énoncés, et les membres des cultures arabe, brésilienne, chinoise, française, grecque, etc. y recourent davantage.

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avec ce degré d’insatisfaction supérieur, qui s’atténue avec l’appropriation des codes culturels et des réflexes d’interprétation.

Pour l’interprétation d’actes verbaux, les processus de traitement linguistique ne sont pas automatisés dans les premiers temps de l’apprentissage d’une langue étrangère42. Ces processus non automatisés sont particulièrement couteux en énergie cognitive : ils sont intrinsèquement énergivores parce que ce sont des processus « contrôlés » ; la lenteur du processus engendre des lacunes qui créent davantage d’hypothèses et de flou ; les opérations de bas niveau n’étant pas encore automatisées, leur consommation d’énergie cognitive limite les opérations de haut niveau43 ; enfin, la fatigue due à ce cout énergétique produit des faiblesses d’attention qui ajoutent encore au sentiment d’une hypothèse interprétative lacunaire.

Enfin, les cultures éducatives44 ont un impact sur le degré d’exigence des apprenants vis-à-vis d’eux-mêmes, de leurs compétences et de leurs performances. Elles accentuent parfois encore chez les apprenants le besoin de porter une attention détaillée aux textes et de chercher à interpréter l’intégralité des informations sonores (Ur 1984, p. 14). L’attirance à priori rassurante pour cette attention crée une déception et une insatisfaction parce qu’elle est impossible à assouvir dans des circonstances d’interaction.

De plus, l’attention analytique en langue étrangère parasite la construction d’une hypothèse interprétative globale et la sélection des informations importantes :

« le traitement détaillé des mots, dans des activités de compréhension, exige trop de temps et d’attention de la part du sujet possédant des connaissances linguistiques limitées. La mémoire à court terme, rapidement engorgée, ne parvient plus à assimiler les informations qui finissent par se perdre. » (Cornaire 199845, p. 83). L’interlocuteur mobilise sa mémoire à court terme pour retenir les informations qui défilent dans le flux de la production, pour avoir le temps d’en dégager les indices, de les mettre en regard de l’hypothèse interprétative globale et des indices environnementaux. En même

42 McLaughlin, Rossman et McLeod (1983) déclarent que le développement de compétences cognitives complexes telles que le traitement du langage « implique la construction d’un ensemble de processus automatiques bien établis pour que les processus contrôlés soient libres pour de nouvelles tâches » (p. 144). Peters (1999) a étudié la progression de l’automatisation des processus de traitement dans l’interprétation en langue étrangère. Plus une personne s’approche du bilinguisme, plus les processus mis en œuvre dans l’interprétation linguistique (syntaxique, sémantique, morphologique, etc.) sont automatisés. Tricot (1998) et Sweller (2003) montrent également que plus le traitement est automatisé, plus le coût cognitif est faible, en conséquence de quoi la fatigue accumulée est moins importante.

43 Les opérations dites de haut et de bas niveau sont toutes deux liées aux processus ascendants : les opérations dites de bas niveau concernent le traitement (para-)linguistique strict tandis que les opérations dites de haut niveau permettent de rattacher le résultat de ce traitement au contexte. Ils correspondent à la sélection d’un sens parmi ceux potentiels qui serait plus ou moins développé et complet.

44 La notion de « culture éducative »

« porte d’abord l’idée que les activités éducatives et les traditions d’apprentissage forment comme un ensemble de contraintes qui conditionnent en partie enseignants et apprenants. Ainsi les pratiques de transmission ou pratiques didactiques qui se déclinent concrètement en ‘genres d’exercices’ bien identifiables et marqués par une époque et un lieu, peuvent être incomprises, ou mal comprises, d’un public d’élèves non entraînés à tel type de médiation pédagogique » (Chiss et Cicurel 2005, p. 6-7).

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temps, la mémoire à long terme est sollicitée pour connecter les données sonores avec des données similaires perçues ailleurs et autrement (pour reconnaitre les nouvelles) et pour leur donner du sens. Ces efforts couteux s’atténuent à mesure que l’interlocuteur prend l’habitude d’interpréter les mots46.

Le locuteur natif qui s’adresse à un interlocuteur non natif adapte ses propos : il utilise sa propre variété de « foreigner talk » (Ferguson 1971, Corder 1981)47. Ferguson le définit comme

« A register of simplified speech […] used by speakers of a language to outsiders who are felt to have very limited command of the language or no knowledge of it at all. » (1971, p. 1).

Nous élargirons la définition à un registre de discours simplifié utilisé par les locuteurs natifs lorsqu’ils ressentent un besoin d’adaptation chez leur interlocuteur non natif, quel que soit on niveau.

Ferguson dégage les ajustements possibles suivants : débit ralenti, ton haussé, articulation prononcée, prononciation exagérée, pauses plus nombreuses, intonations et accentuations plus marquées, énoncés raccourcis, simplification syntaxique, évitement de lexèmes rares et d’expressions idiomatiques. De nombreuses recherches ont été effectuées à sa suite pour dégager les paramètres qui rendent un discours plus ou moins compréhensible à un locuteur non natif (Blau 1980, Chaudron 1983, 1985, P. Johnson 1981, Krashen 1980, 1982, 1985, Long 1983, 1985, etc.). Parker et Chaudron (1987) en déduisent que les simplifications dans l’élaboration du discours et dans la structure interactionnelle (négociation et traitement thématique) seraient plus à même de faciliter l’appropriation que les simplifications linguistiques. L’adaptation dynamique des propos, avec la participation de l’interlocuteur, serait fortement favorable à la co-construction de l’intercompréhension et à la satisfaction de l’interlocuteur non natif.

Enfin, les locuteurs natifs ont une capacité variable à adapter leurs propos. Pellegrino Aveni (2005) rapporte que les étudiants en immersion à l’étranger pendant leur cursus universitaire ont parfois l’impression d’être traités comme des enfants, comme des sourds ou comme des idiots. Les efforts engagés peuvent également entrainer hésitations, faux-départs, reprises et

46 L’exposition a une même structure (lexicale, syntaxique, grammaticale, etc.) dans des circonstances variées permet de construire un sens à cette structure qui s’abstrait de ses contextes d’appropriation. Le sens est acquis dans l’expérience mais il finit par se détacher des spécificités des circonstances pour en garder les éléments typiques et les éléments spécifiques liés au sens du mot (cf. infra p. 114).

47 Le foreigner talk est différent de l’input compréhensible (Krashen 1980, 1982) en ceci que l’input compréhensible en didactique est considéré du point de vue de la facilitation de l’apprentissage de la langue étrangère, en dosant la quantité d’informations nouvelles par rapport aux informations langagières déjà acquises tandis que le foreigner talk est adapté pour faciliter l’interprétation. Le foreigner talk cherche à rendre l’input compréhensible pour le bien de la poursuite de l’interaction (cf. infra p. 482 pour une proposition didactique à ce sujet).

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ruptures, résultant en des énoncés décousus et syntaxiquement difficiles à restructurer. D’autres locuteurs natifs éprouvent des difficultés à contrôler leur débit, à articuler plus distinctement, à concevoir quels mots sont plus susceptibles d’être (re)connus, etc.

Les interlocuteurs non natifs doivent gérer les propos qui leur sont tenus, quelle que soit l’adaptation dont peuvent faire preuve les locuteurs. Cependant, les circonstances d’interactions en face-à-face permettent de compenser certaines difficultés, comme l’ont montré Pica, Young et Doughty48.

En langue étrangère, les interprétants sont confrontés à une accumulation de difficultés : écart entre les répertoires de connaissances supposés partagés et effectivement partagés, entre les pratiques langagières et interactionnelles des membres des cultures, entre les habitudes cognitives mobilisées dans le processus d’interprétation des membres, entre les pratiques organisationnelles, institutionnelles, structurelles des membres ; accroissement de la fatigue cognitive et de l’insatisfaction globale vis-à-vis de l’hypothèse interprétative ; enfin, poids de la culture éducative et importance parfois excessive accordée à l’attention analytique qui gêne l’interprétation globale. Les circonstances d’interaction peuvent aider à pallier ces difficultés si les interprétants en ont les moyens (leur donner les moyens est un de nos objectifs), et l’automatisation de certains processus par l’exposition répétée à des productions en langue étrangère.

Les sous-sections suivantes décrivent différents paramètres49 qui influencent les attentes des interprétants et la sélection du sens dans la construction de l’hypothèse interprétative.