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1.2. Le Processus de Bologne ou la réforme LMD

1.2.1. L’internationalisation en enseignement supérieur

La globalisation, définie comme un processus historique d’interdépendance inévitable et multidimensionnel, a un impact variable d’un pays à l’autre (Altbach, 2007 ; Freitag, 2004 ; Knight, 2007 ; Marginson et Rhoades, 2002 ; Vaira, 2004). Elle a connu une intensification en ce début du 21e siècle en relation avec l’idéologie néolibérale et a eu de nombreux effets sur l’enseignement supérieur, comme l’obligation pour les institutions à « faire plus avec moins » de ressources, l’émergence du modèle entrepreneurial dans la gestion (Clark, 1998 ; Currie, 2003 ; Slaughter et Lesly, 1999), le développement de nouvelles méthodes d’enseignement grâce aux technologies de l’information et de la communication (Altbach, 2007 ; Knight, 2007) ou le rôle dominant de l’anglais.

L’internationalisation de l’enseignement supérieur est en effet analysée par certains auteurs comme une réaction et une réponse à la globalisation (Leask, 2009 ; Van der Wende, 2001). Knight (2007, p. 214) la définit comme « le processus d’intégration d’une dimension internationale, interculturelle ou globale dans le but, les fonctions et la prestation de l’enseignement postsecondaire » [traduction libre]. Elle se manifeste d’après Oyewole (2009) à travers des activités ad intra (par exemple, développement de curricula conformes aux standards internationaux, offre de cours de langues étrangères, politiques nationales d’immigration), et des activités ad extra orientées vers l’extérieur de

l’institution universitaire ou à l’étranger (comme les programmes de mobilité des étudiants et du personnel, le développement de groupes de recherche internationaux, les cours à distance, les publications scientifiques internationales). L’effet conjugué de la globalisation et de l’internationalisation a amené un changement dans le domaine de l’enseignement supérieur sur le plan de la gouvernance politique et institutionnelle, de l’organisation du travail et de l’identité universitaire.

Quand elle se déroule à une échelle régionale, l’internationalisation de l’enseignement supérieur est appelée régionalisation. Plusieurs termes sont utilisés dans la littérature, parfois de manière interchangeable, pour décrire ce processus de régionalisation. Knight (2013) a proposé une catégorisation de ces termes en les regroupant sur un continuum qui va de la coopération à l’intégration, selon le degré de la volonté d’unité qui anime les acteurs. Quatre groupes de termes ont été identifiés. Le premier groupe (coopération, collaboration, partenariat, réseautage) traduit un type de relations ouvertes, volontaires et informelles à travers une multitude d’activités bilatérales ou multilatérales. Le second groupe (coordination, cohérence, alignement) introduit une part d’organisation et d’adaptation pour assurer la complémentarité et la productivité des interactions entre les acteurs, à travers par exemple des programmes de formation conjoints ou des partenariats de recherche. Le troisième groupe (harmonisation, convergence) comprend des termes qui impliquent des liens plus forts et stratégiques, et des changements au plan institutionnel et national pour les acteurs ; les programmes régionaux d’assurance qualité et les systèmes communs d’accumulation et de transfert de crédits en sont des exemples illustratifs. Dans le quatrième groupe (intégration, communauté, espace commun), les niveaux de connexion et de relations entre acteurs sont plus formalisés, institutionnalisés et complets grâce à des accords et à des organismes de facilitation. Pour Knight (2013), certains termes (standardisation, conformité, uniformité, homogénéisation) doivent être exclus du champ conceptuel de la régionalisation parce qu’ils ne prennent pas en compte la diversité des acteurs et les différences importantes qui les distinguent. Mais cette exclusion intentionnelle que fait l’auteur relève de l’idéologie ou du souhait et ne tient pas compte du fait que certaines politiques de régionalisation utilisent délibérément ces termes et font fi des spécificités des acteurs locaux.

Le phénomène migratoire observé dans le processus d’internationalisation de l’enseignement supérieur ne concerne pas seulement les étudiants et les chercheurs. Il se

manifeste également à travers le transfert des politiques éducatives (policy borrowing and lending) (Steiner-Khamsi et Waldow, 2012), signe d’une certaine déterritorialisation des politiques qui avaient ordinairement un caractère contextuel de portée nationale ou régionale. Steiner-Khamsi (2012), comme bien d’autres auteurs (Steiner-Khamsi et Waldow, 2012), soutient que le transfert ou l’importation des politiques d’ailleurs ne se feraient pas nécessairement pour des raisons d’efficacité avérée, mais pour des motifs politiques et économiques. La tendance à l’harmonisation des structures de programmes de formation serait liée à des pressions externes et internes qu’exerce la globalisation sur les États (DiMaggio et Powell, 2000 ; Halpin et Troyna, 1995 ; Vaira, 2004). Les pays développés connaissent des pressions normatives et mimétiques issues principalement du champ institutionnel de l’enseignement supérieur, mais également des espaces économiques communautaires. Par exemple, pour les pays de l’Union européenne, les exigences du marché commun de l’emploi obligent les États à rendre comparables leurs structures de programme de formation et de diplomation. Pour les pays en voie de développement, on observe surtout une coercition exercée par les organisations internationales médiatrices de la globalisation comme la Banque mondiale ou le Fonds monétaire international (Vaira, 2004). L’adoption de certains modèles universitaires des pays du Nord est parfois imposée à ces pays pauvres comme une condition d’éligibilité aux financements extérieurs.

À côté de ces pressions institutionnelles à l’harmonisation des structures de programme, il faut également considérer le rôle joué dans ce sens par les technologies de l’information et de la communication qui exercent une fascination sur les institutions d’enseignement supérieur et surtout sur leurs étudiants. Grâce aux technologies de l’information et de la communication, surtout à l’internet, les étudiants n’appartiennent plus aujourd’hui à une seule institution d’enseignement supérieur. En plus de leur appartenance formelle à une institution de leur pays de résidence, ils ont la possibilité d’être virtuellement membres d’autres espaces universitaires à travers le monde qui mettent à leur disposition par exemple des cours. En réaction, certaines universités traditionnelles ont créé des campus virtuels pour rester compétitives. Cette exigence de compétitivité conduit dans une certaine mesure à une harmonisation des structures de programmes. Pour être en compétition, il faut appartenir à la même catégorie, même si pour réussir la compétition il faut une performance supérieure, donc différente.

Le Processus de Bologne est un exemple qui illustre bien comment et pourquoi les États de l’Union européenne ont été conduits à harmoniser leurs structures de programmes de formation en enseignement supérieur et à évoluer vers la création d’un espace commun d’enseignement supérieur.