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Première Partie

II. LA NOTION DU MARKETING RELATIONNEL

2. L’intelligence émotionnelle au comptoir :

Bien que cette notion soit relativement liée à la dernière, la gestion des émotions est un élément qui mérite d’être détaillé. En pharmacie d’officine, la diversité des clients-patients fréquentant le point de vente officinal oblige le pharmacien à avoir des réactions intellectuelles et une intelligence émotionnelle bien contrôlées. La maîtrise de ces éléments de professionnalisme nous permet d’appréhender notre environnement, de se mettre en harmonie avec les nouvelles circonstances de travail, de se décider par rapport à certaines difficultés et de comprendre ce que nous vivons et ce que vit l’autre.

Si nous remontons dans l’histoire, plusieurs philosophes et psychologues se sont intéressés à cette notion et ont en fait référence dans leurs ouvrages. L'intelligence émotionnelle en tant que terme n'est arrivée dans notre langue vernaculaire que vers 1990. Depuis ce temps, Peter Salovey et John Mayer étaient les principaux chercheurs en intelligence émotionnelle. Dans leur article influent intitulé "Intelligence émotionnelle", ils ont défini l'intelligence émotionnelle comme « la capacité de surveiller ses sentiments et ses émotions et ceux des autres, de les distinguer et d'utiliser ces informations pour guider ses pensées et ses actions ». Cependant, dès les années 1930, le psychologue Edward Thorndike a décrit le concept d’intelligence sociale comme la capacité de s'entendre avec les autres. Dans les années 1940, le psychologue David Wechsler a suggéré que différentes composantes affectives de l'intelligence pourraient jouer un rôle important dans la façon dont les gens réussissent dans leurs vies (19).

Howard Gardner, dans son ouvrage intitulé "Frames of mind" écrit en 1983, répartit l’intelligence émotionnelle en cinq domaines dont la connaissance et la maîtrise des émotions, l’auto-motivation, la perception des émotions d’autrui et la maîtrise des relations humaines (19).

En 1995, le concept d’intelligence émotionnelle est popularisé après la publication du best-seller mondial "Intelligence émotionnelle" par le psychologue, journaliste et écrivain scientifique du "New York Times", Daniel Goleman. Ce livre a révélé pour la première fois que l’être humain est doté d’une autre intelligence: l’intelligence émotionnelle. Dans son ouvrage, Daniel Goleman a expliqué que notre cerveau est subdivisé en deux. Un cerveau dit reptilien ou émotionnel, qui permet au corps de fonctionner normalement et de développer des réflexes de survie. C’est la partie la plus primitive qui nous permet de réagir instinctivement et sans réfléchir face à un danger. Le développement du second cerveau dit cortical ou rationnel nous a permis d’avoir un répertoire bien diversifié de réactions face à une émotion déterminée. Ce cerveau joue un rôle exécutif dans nos émotions sauf lorsque celles-ci échappent à notre contrôle et que le cerveau émotionnel règne en maître (19).

L’officine est un milieu où on exige une intelligence émotionnelle bien développée car les pharmaciens sont parfois amenés à contrôler des situations émotionnelles et des conflits particulièrement difficiles. Toutefois, nous ne pouvons parler d’une intelligence émotionnelle que lorsqu’on comprend les réactions émotionnelles de nos clients-patients lors d’un échange thérapeutique, afin de mieux les appréhender au comptoir.

La frustration : nous rencontrons cette émotion lorsqu’une personne tombe malade. Cela s’explique par la rupture entre la vie menée avant l’annonce de la maladie et après l’annonce. Cette émotion s’installe très vite dès lors que la moindre tâche du quotidien ne peut plus être faite aussi facilement. Comme lorsqu’un client-patient sous traitement anti vitamine K (AVK) devrait faire attention à ce qu’il mange et prendrait son médicament à une heure précise. Ou par exemple lorsqu’un patient se casse la jambe et se retrouverait obligé de marcher à l’aide de cannes anglaises. Du coup, cette frustration pourrait être exprimée par la colère ou de l’impatience (20).

La peur et l’anxiété : les patients ressentent de la peur face aux problèmes occasionnés par leur maladie et craignent les complications de la pathologie ou les effets indésirables des thérapeutiques. Ce sentiment est clairement exprimé de manière physique au comptoir, la personne étant nerveuse et posant de nombreuses questions sur sa maladie. Mais parfois chez certains clients-patients, il serait plus difficile de percevoir cette émotion. Le pharmacien devrait les inciter à verbaliser cette peur ou cette anxiété, cela va permettre de mieux situer leurs craintes et ainsi, de mieux répondre à leurs attentes (20).

Le sentiment de perte : le sentiment de perte est ressenti chez les clients-patients dont l’apparence physique a changé à cause de la maladie, mais également lorsqu’il y a une perte d’autonomie. Certaines personnes se sentent diminuées juste en prenant des médicaments, alors qu’auparavant elles n’en avaient pas besoin. En admettant cette émotion, le pharmacien devrait encourager le client-patient à en parler, afin de l’aider à accepter cette perte et à trouver les moyens pour y pallier (20).

La colère : ce sentiment se manifeste comme une conséquence d’expériences du vécu du patient. Le pharmacien encore une fois devrait savoir interpréter les différents signaux du patient qui indiquent qu’il est en colère. Parfois ils sont très explicites, le ton change, le langage aussi, le client-patient devient agressif et il témoigne d’une impatience au comptoir. Toutefois, chez certaines personnes ce sentiment n’est pas clairement exprimé, ce qui pourrait être destructeur pour elles. Le pharmacien, afin de maîtriser la situation, devrait essayer de calmer son client-patient en discutant les causes de sa colère (20).

L’agressivité : dans notre profession, il est très courant de rencontrer des personnes colériques voire même agressives qui arrivent à nous transmettre leur agressivité. Il est donc évident que le pharmacien ressente un manque de respect envers sa compétence et son conseil. Cependant, nous ne devons pas projeter cette agressivité du patient sur soi car elle témoigne seulement du mal être de la personne. Le pharmacien est donc tenu de comprendre le client-patient, maîtriser ses émotions et dialoguer avec ce dernier. Néanmoins, quand l’émotion est plus forte que la raison, le client-patient refuse de nous écouter et donc il est difficile d’entretenir un dialogue avec une personne agressive. Dans ce cas il est préférable de le prendre à l’écart et espérer renouer un dialogue quand il arriverait à maîtriser ses émotions (21).

La culpabilité : le sentiment de culpabilité n’est pas facile à détecter pour le pharmacien. Souvent ces personnes sont en retrait, ne sont pas très expressifs, et ne communiquent que très peu. Il faudrait que le pharmacien montre à ces clients-patients qu’il reconnaît, accepte et comprend cette émotion et essaye de leur éviter de sombrer dans une dépression (20).

Dépression et perte d’estime de soi : la dépression est un sentiment facilement décelable par le pharmacien. Elle est caractérisée par le manque de toute motivation, un isolement, une humeur triste, et peut même se manifester par des pensées suicidaires, etc. Dans ce cas le pharmacien devrait inciter les clients-patients à consulter une aide psychologique. La perte d’estime de soi se caractérise par une résignation du patient face à sa maladie. Ces clients-patients se blâment sans cesse, se plainent continuellement, se rabaissent à la moindre occasion. Le pharmacien devrait leur démontrer qu’ils sont toujours maîtres de la situation et essayerait de les impliquer dans la prise en charge thérapeutique. (20). Selon notre intelligence émotionnelle qui découle de nos traits de caractère, nous allons plus ou moins bien réagir face à ces différents types de clients-patients. Cependant, il faut savoir reconnaître nos émotions dans un premier temps, pour que dans un second temps nous puissions les maîtriser, afin de mieux pouvoir appréhender la situation et ainsi mieux la vivre (22).

La gestion des émotions, l’écoute active et l’attitude empathique au comptoir sont donc très importantes autant pour le pharmacien que pour le patient. En l’absence de cette intelligence émotionnelle chez le pharmacien, l’objectif thérapeutique pourrait ne pas être atteint, le client-patient dépassé par ses émotions, n’arrivera pas à communiquer ses besoins au pharmacien durant l’entretien thérapeutique. Cependant, le fait d’être attentif aux signaux émotionnels des clients-patients nous permettra d’apporter des réponses adaptées à leurs demandes en prenant en compte leurs émotions particulières.