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L’intérêt d’une étude fondée sur la notion de réseaux

PARTIE I : État de la question

Chapitre 1. La notion de réseaux et analyse du milieu de l’art

2. L’intérêt d’une étude fondée sur la notion de réseaux

Mais en France, il existe peu de travaux concernant les interactions entre acteurs locaux, départementaux et régionaux intervenant dans la mise en place de politiques artistiques locales. Si le thème de la culture et les liens avec les collectivités territoriales ont souvent été traités, les artistes le sont de façon lacunaire. Les liens entre les acteurs participant au développement artistique au niveau local ne sont pas mis en relief. Seuls le rôle et les actions du ministère de la Culture reviennent souvent dans les discours politiques, les articles des chercheurs ainsi que les ouvrages relatifs à la politique culturelle nationale. Philippe Poirrier, Vincent Dubois, Guy Saez et Mireille Pongy figurent parmi les rares chercheurs à

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souligner les stratégies des collectivités territoriales, du ministère de la Culture et des conservateurs des musées, mais ils traitent peu de l’importance des artistes dans cette politique.

Une étude centrée sur l’action des acteurs politiques et culturels locaux et non sur l’État et les collectivités territoriales, et en étroite collaboration avec le milieu artistique azuréen a pour objectif de souligner la présence, en leur sein, d’alliances, mais aussi parfois de concurrence entre eux. Il s’agit alors de comprendre les motivations des élus dans leur décision de mise en place d’une politique artistique au niveau local et les relations qu’ils nouent avec les artistes et les milieux de l’art pour y parvenir. De même, il convient de prendre en considération le rôle des acteurs politico-administratifs et celui de la société civile dans le développement de l’art tout comme leurs interactions avec les municipalités.

En effet, ces divers acteurs et les structures qu’ils représentent (D.R.A.C., Conseil Régional, Conseil Général, municipalités, mais aussi associations, galeries…) travaillent ensemble, et par voie de conséquence, se connaissent et se reconnaissent comme aptes à émettre un jugement sur les œuvres plastiques produites ou à créer. C’est parce qu’Olivier- Henri Sambucchi, directeur du développement culturel et touristique de la C.A.N.C.A., reconnaît les compétences de Zia Miradolbagi, directeur du château musée de Villeneuve - fondation Emile Hugue à Vence depuis quinze ans, qu’il lui demande de faire partie du jury artistique pour la commande d’œuvres d’art associée à la construction de la première ligne du tramway. Et, ce d’autant que le réseau institutionnel, qui est celui du monde politique possède ses propres critères de reconnaissance de l’artiste, qui ne sont pas forcément les mêmes que ceux du réseau marchand.

Il n’est donc pas concevable d’étudier les politiques culturelles développées sur la Côte d’Azur en analysant uniquement les modalités d’aides à la création de chacune de ses structures sur les artistes. Prendre en compte les relations qui unissent les divers acteurs (les élus locaux, et les artistes, et responsables institutionnels) s’avère indispensable pour ne pas avoir une vision biaisée du monde de l’art et rendre visibles les liens invisibles qui unissent les divers protagonistes. Comme l’évoque Michel Foucault, « L’analyse des relations de

pouvoir dans une société ne peut se ramener à l’étude d’une série d’institutions, pas même à l’étude de toutes celles qui méritent le nom de politique. Les relations de pouvoir s’enracinent

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dans l’ensemble du réseau social20. » Car même si milieu de l’art met en scène un certain

nombre de structures dont la mission les amène nécessairement à rentrer en contact et établir des partenariats avec les artistes et d’autres structures comme c’est le cas des D.R.A.C., des musées, des associations, les relations entre ces divers acteurs ne se limitent jamais à ces seuls rapports. Ces lieux sont avant tout dirigés par des hommes et des femmes, partageant très fréquemment des valeurs communes ou concurrentes qui favorisent le développement de relations informelles telles que l’amitié ou la reconnaissance mutuelle, ou au contraire, engendrent des antipathies ou des rivalités. Seule l’étude de ces relations informelles entre les différents acteurs permet de donner sens aux divers évènements qui jalonnent les rapports entre les hommes politiques, les responsables institutionnels et les artistes, ce qui n’aurait pas été possible si l'on avait réalisé une simple étude du rôle institutionnel de chaque acteur. L’analyse des réseaux permet de dépasser la simple étude des rapports institutionnels, les relations de statuts n’expliquant pas à elles seules l’organisation et le fonctionnement du milieu de l’art.

Conclusion :

La notion de réseau apparaît donc fondamentale. Envisagée comme des univers professionnels dans lesquels s’exerce l’activité artistique, les relations sociales y sont conçues comme des nœuds dont les principaux acteurs sont les artistes, les collectionneurs, les critiques d’art, mais aussi les institutions privées ou publiques.

C’est en appliquant cette notion de réseaux à la Côte d’Azur que l’on peut comprendre les rapports qui se sont établis entre les artistes et les hommes politiques et qui ont permis l’institutionnalisation de l’art sur le pourtour méditerranéen.

Une étude des réseaux politico-artistiques met en exergue les modes de coopération ou d’opposition, à l’œuvre entre les divers acteurs du milieu politico-artistique, mais elle permet également de dépasser le simple cadre du statut formel des acteurs, car les relations entre les membres du réseau peuvent répondre aussi bien à des enjeux politiques, économiques, institutionnels ou affectifs.

20 FOUCAULT (M.), « Comment le pouvoir s’exerce-t-il ? », cité par BOCHER (H.), TAMIATTO (J.),

TIGNOLET (C.), TRONCHET (G.), « Réseaux et pouvoirs : les logiques de l’informel », Hypothèses, Publications de la Sorbonne, 2011/1, p. 235.

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