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Chapitre 5 L’intégration au féminin

5.3 L’intégration sociale

Pour ce qui est de l’intégration sociale, nous avions abordé les problèmes d’accès aux soins de santé de femmes sans-papiers au Québec. En effet, les travaux de Ricard-Guay, Hanley, Montgomery, Meloni et Rousseau (2014) se consacrent au vécu de femmes réfugiées, plus particulièrement à celui des femmes sans- papiers au Québec venant d’accoucher. Les auteurs ont interrogé quelques-unes de ces femmes et leur discours montre que pour la majorité, l’expérience de la grossesse se résume à l’anxiété, la peur et l’isolement. Elles ont dû aussi dans leur majorité travailler durant l’entièreté de leur grossesse, jusqu’à la veille de leur accouchement, et ce, souvent dans des conditions de travail précaires afin de payer les frais médicaux. Certaines ont aussi écourté leur séjour à l’hôpital, car elles ne disposaient pas d’assez d’argent pour assumer les frais d’hospitalisation. Ainsi, une des répondantes raconte que jusqu’à la veille de son accouchement, elle travaillait quatorze heures par jour parce qu’elle cherchait à économiser de l’argent pour les frais d’accouchement à l’hôpital. Une autre indique avoir quitté l’hôpital juste après son accouchement, parce que le séjour à l’hôpital lui coûtait 1500$ par jour, elle est rentrée chez elle sous une tempête de neige avec son nouveau-né dans les bras. Ce dernier à peine né affrontait déjà la neige.

Plus récemment, Tshinangu (2015) s’est intéressé à l’intégration des femmes, il explique qu’elle est plus compliquée qu’on pourrait le croire à cause de la multiplicité de leurs fardeaux, et de l’acculturation. Selon l’auteur, la femme immigrée est souvent tiraillée entre l’observance des règles propres à sa culture et l’intériorisation consciente ou inconsciente dominante de la société d’accueil.

Au cours du Colloque de l’accueil à l’intégration : diagnostic, parcours et expériences s’étant tenu 2014 à Laval, une intervenante professionnelle de terrain, Maria Elena Pinto, a soulevé les réalités particulières des femmes immigrantes et comment ces réalités influencent leur intégration, notamment sociale. Selon elle, les femmes immigrantes vivent quotidiennement des situations les empêchant d’intégrer pleinement la société québécoise et d’avoir une vie normale comme des personnes à part entière. Aussi Pinto (Ibid.) propose une liste d’exemples de réalités difficiles que vivent les femmes immigrantes à Laval. La première réalité qu’elle mentionne est la francisation, elle souligne le temps d’attente trop long pour commencer les cours à temps

complet ou à temps partiel, l’inadaptation des cours pour les femmes analphabètes ou ayant un faible niveau d’instruction, et l’incapacité de plusieurs femmes à respecter les règlements, qui par conséquent sont expulsées du programme. Le deuxième exemple consiste en la difficulté de trouver une garderie, et ce parce que le temps d’attente est trop long, ou parce que les places proposées sont trop éloignées du domicile ou du lieu de travail ou du local des cours de francisation, ou parce que le coût trop est élevé pour ce qui est des garderies privées.

Les femmes immigrantes rencontrent également des problèmes d’obtention d’un logement adéquat à cause du manque de logements à prix modique, d’absence d’historique de crédit et de références ou parce que les logements proposés sont en mauvais état. L’intervenante cite aussi l’aide en dépannage alimentaire pour lequel les femmes immigrantes manquent d’informations sur la façon d’utiliser et de consommer certains produits alimentaires qu’elles reçoivent en aide et dont le contrôle est inadéquat. Pinto soulève l’accès trop restreint aux soins de santé. Elle pointe en particulier le manque d’aide aux plus démunies en matière de soins dentaires, de soins des yeux ainsi que le manque d’informations et de ressources liées aux soins spécialisés. Un autre aspect mentionné est l’ignorance des membres du pays d’accueil de la culture des femmes immigrantes. Cette ignorance se manifeste notamment par le mépris envers la culture et le savoir-faire des femmes immigrantes. D’ailleurs, certaines sont considérées par les membres de la société d’accueil comme dangereuses, archaïques. De plus, elles n’ont aucune possibilité de faire valoir leur culture.

À cela, il faut ajouter la discrimination, le racisme et le sexisme que subissent les femmes immigrantes dans tous les aspects de leur vie. Les stigmatisons soulevées par Pinto (Ibid.) portent sur leur accent non québécois, la couleur de leur peau, leur origine ethnique, leur religion, leur idéologie politique, leur langue maternelle, leur façon de s’habiller, et même leur niveau de formation élevé, qui devient un obstacle quand elles sont prêtes à accepter un emploi nécessitant moins de formation.

Pour finir, elle présente les difficultés spécifiques que chaque catégorie d’immigrantes vit, autrement dit les femmes en attente du statut de résidence permanente, les femmes parrainées et les femmes immigrantes sans statut au Canada. En ce qui concerne les premières, à savoir les femmes en attente du statut de résidence permanente, leurs difficultés résident dans le fait qu’elles deviennent dépendantes, car la plupart d’entre elles ne peuvent ni travailler ni aller à l’école pour continuer leurs études. De ce fait, elles perdent leur statut professionnel, sont isolées et ont une peur intense et continue, les empêchant de s’intégrer à la société. Pour ce qui est des femmes parrainées, elles sont dépendantes financièrement de leurs conjoints garants. Ce qui rend certaines d’entre elles vulnérables, leur faisant vivre une situation de domesticité car elles ont peur que leur conjoint renonce à leur engagement de parrainage. Ainsi, nombreuses sont celles qui sont contrôlées par leur conjoint, pouvant devenir violent envers elles (coups, intimidation, injures). Elles deviennent également dépendantes puisqu’elles ne peuvent plus exercer leur profession. Une fois la résidence acquise, ces femmes

immigrantes subissent une dette psychologique à l’égard de leur conjoint grâce à qui elles l’ont obtenue. Par conséquent, pour l’intervenante, le parrainage de ces femmes entraîne un choc culturel et une mauvaise intégration.

La catégorie des femmes immigrantes sans statut au Canada est selon Pinto (Ibid.) la catégorie pour laquelle la situation est la plus compliquée, car elles n’ont droit à aucun service d’intégration, d’emploi, de loisir, d’école, de francisation, de soins de santé. Elles vivent surtout dans l’attente et cette attente peut durer des années si elles n’ont fait aucune demande officielle d’immigration.