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Chapitre 3 Approche phénoménologique

3.3 Belgique

Dans l’introduction générale, nous avions déjà abordé le texte de Gsir et Kagné (2005). Cette étude empirique montre les différentes compréhensions que les réfugiés et demandeurs d’asile en Wallonie ont de l’intégration. Ainsi, chez certains l’intégration renvoie aux échanges culturels et à l’adaptation :

- Le mot intégration pour moi, c’est aller vers les gens. C’est ne pas rester dans le cadre africain. Il faut aussi aller vers les « Blancs », tisser de bonnes relations, avoir des connaissances, s’échanger des idées, ne pas refuser la culture des « Blancs ». Nous sommes des étrangers et quand nous venons dans un pays, il faut nous conformer à la société mais, ne pas perdre ses racines. C’est le plus qu’il faut aller chercher. (C.)

- On sort un peu de sa culture d’origine pour s’adapter à la culture du pays d’accueil. (Q.)

- Pour moi, par exemple, cela veut dire que je quitte mon pays pour vivre dans un pays étranger et que je dois m’adapter au mode de vie de ce nouveau pays, m’insérer, ajouter un plus à ce que j’ai appris. » (K.)

Pour d’autres, il s’agit de vie commune et de bien-être dans la diversité :

- Pour moi, cela signifie un étranger qui vient dans un pays et qui cherche à prendre contact avec la culture, la population de ce même pays pour pouvoir partager la même vie. » (F.)

- Pour moi, le mot intégration signifie être, se sentir à l’aise au milieu de deux cultures différentes. » (H.)

- Pour moi, le mot intégration c’est, tout d’abord, un lieu où on se sent mieux… avoir des relations avec la population locale et donner de soi-même. C’est aussi un échange entre les cultures de nos pays et la culture du pays accueillant. » (X.)

Chez d’autres il est surtout question de devoirs et de droits :

- Vous partez de votre pays pour aller dans autre. Et vous devez vivre avec les gens de ce nouveau pays. Je pense que c’est ça l’intégration. (J.)

- Quand on dit qu’on est intégré quelque part, on a droit à tous les avantages par rapport à ceux qui sont originaires du pays. Quand tu es un étranger, tu t’intègres dans un pays, tu dois avoir les mêmes droits que les autres. C’est ça que j’appelle intégration. (S.)

- Cela signifie vivre le meilleur ici comme on aurait pu le vivre chez soi. Cela veut dire avoir droit à toutes les choses dont on a droit chez soi : travail, maison. Avoir droit à tout, c’est ça l’intégration pour moi. (T.)

- Il faut s’intégrer dans une autre population qui a sa culture. (U.) Certains répondants considèrent l’intégration comme des étapes :

- La première chose : savoir parler français. Deuxième chose : trouver du travail. Troisième chose : comprendre la loi, comprendre la mentalité belge. (N.)

- « Se trouver dans ce pays. Trouver sa place dans cette vie qui nous est inconnue. Cela veut dire : trouver des amis, trouver du travail, comprendre et bien parler français, savoir comprendre la télévision, savoir lire pour se débrouiller seul dans les choses administratives, en effet, être indépendant matériellement et dans toutes les démarches. » (R.)

L’intégration peut aussi signifier d’abord avoir un travail :

- En Belgique, il n’y a pas trop de choses compliquées ; ou s’il y en a, elles sont aussi compliquées pour les Belges que pour les étrangers. Plus tout ce qui a comme problèmes linguistiques ! Moi je parle un peu flamand mais les Wallons où je vis ne parlent pas un mot de flamand ! Quand on parle d’intégration en Belgique, je me demande si les Belges eux-mêmes n’ont pas à faire un effort pour s’intégrer dans un pays qui est le leur. C’est pour cela que je préfère le mot insertion. Quand un étranger arrive ici, il doit pouvoir travailler. Il doit pouvoir se battre pour faire valoir ses droits, pour pouvoir trouver un travail et faire en sorte d’être accepté par les « autochtones

» belges. On est étranger. On est suffisamment bronzé, donc on ne passe pas inaperçu. Il y a tout un effort à faire pour s’insérer, mais l’intégration, je n’en ai pas plus besoin que les Belges ». (O.)

- Entrer dans la vie active aussi, faire des formations. Si vous avez la possibilité de travailler, travailler ; pour moi, c’est ça l’intégration.

Les chercheurs ont aussi interrogé les opérateurs d’intégration, à savoir les personnes en charge de fournir les dispositifs aux demandeurs d’asile. Ils ont donné leur définition de l’intégration, et leurs réponses renvoient souvent à l’idée d’échanges culturels, de cohabitation harmonieuse dans la diversité culturelle :

- C’est à la fois comment donner une particularité aux personnes d’origine étrangère qui reviennent avec leur richesse, leur culture, leur religion, leur vision du monde, leur vision politique, leur idée à défendre, sur un territoire qui est le nôtre en Province du nord du Luxembourg et de la Belgique par conséquent. Et comment avec leurs particularités, ils peuvent côtoyer… (…) Dans le volet « intégration » ici, je mets des guillemets parce que, à la fois j’ai envie de mettre l’accent sur leurs qualités, leurs richesses et comment cette richesse peut nourrir la richesse de la Belgique, les citoyens belges et comme notre richesse de culture de la Belgique peut nourrir les richesses ou apporter des compléments à la personne d’origine étrangère qui vient sur le territoire. (O3)

- Je distinguerai l’intégration de l’assimilation. Notre but est plutôt de faire cohabiter des personnes de cultures différentes et de faire en sorte qu’elles s’entendent bien, qu’elles cohabitent en harmonie en gardant chacune leur spécificité. » (O2)

- Je reprends toujours la définition mathématique des ensembles. Dès qu’on met un nouvel ensemble, un élément dans un ensemble, c’est l’identité même de cet ensemble qui change. Et donc c’est ça l’intégration. Or elle est toujours à parfaire à construire mais si on veut bien donner un rôle à chacun qui soit un rôle de citoyen. Et donc c’est vrai que ce n’est pas facile à mettre en place une bonne intégration prenant compte les spécificités des uns et des autres dans un souci de cohésion globale parce qu’on vit en société donc il faut pouvoir construire cette société avec des apports des uns et des autres mais aussi avec des règles parce que sinon on sait difficilement vivre en société. Donc, pour moi, l’intégration, pour moi, est quelque chose de fondamental, c’est la base même de la citoyenneté. (O13)

- C’est permettre aux personnes de pouvoir prendre une part active dans leur vie citoyenne. Qu’ils soient actifs. L’intégration, c’est cela. Qu’ils puissent avoir une place là où ils le veulent, une place pour leurs enfants à l’école, une place pour eux dans le processus qu’ils désirent. Le souhait est qu’ils puissent aussi, par après, s’intégrer par le travail. » (O1)

- Aujourd'hui néanmoins, au concept d'intégration je préfère celui de "cohésion sociale" dans le sens repris par le Contrat d'Avenir pour la Wallonie (p. 10) et inspiré de la définition qu'en fait le Conseil de l'Europe : " La cohésion sociale est " la capacité d'une société à assurer le bien-être de tous ses membres, à minimiser les disparités et éviter la polarisation ". Elle peut donc s'analyser comme un processus dynamique qui reprend l'ensemble des moyens mis en œuvre pour assurer à tous l'accès aux droits fondamentaux. Ainsi définie, la cohésion sociale englobe toutes les politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion, ainsi que celle contribuant au développement durable. La cohésion sociale résulte de la force des liens qui unissent une collectivité. Elle dépend de l'accès des citoyens au logement, à l'emploi, aux soins, à la culture, aux loisirs." (O12)

Conclusion du chapitre

Nous avons vu dans ce chapitre la perception que les demandeurs d’asile ont de l’intégration, de ses dispositifs et de leur propre situation. Il est possible d’observer que les demandeurs d’asile ne sont pas toujours passifs face à ces discours normatifs sur l’intégration. Ils en ont leur propre entendement au regard de leur expérience et de leur projet de vie dans le pays d’accueil. L’intégration prend de multiples sens chez eux parfois éloignés du sens normatif, ces sens peuvent se confondre avec ce dernier qu’ils ont intériorisé. Dans le prochain chapitre, nous accorderons notre attention à l’approche comparative fortement présente dans la recherche en sociologie de l’intégration. Cette approche interroge les modèles d’intégration aussi bien au niveau intraétatique qu’interétatique.

Chapitre 4 Approche comparative