• Aucun résultat trouvé

L’inspiration des littératures orales : le recyclage comme principe de contestation . 53

2 Racines et résonances

2.1 L’inspiration des littératures orales : le recyclage comme principe de contestation . 53

Ce sont d’abord des voix : cris, cris de colère et de douleur, hurlements, plaintes,

chants et chansons, comptines, slogans, épopées, portraits sonores, refrains, autant de formes

qui rythment la poésie sud-africaine des années 1960 à l’après-apartheid, dans une grande

diversité d’expressions qui ont en commun la voix comme support, technique, tactique et

contenu propre. Dans la poésie écrite, la voix est omniprésente : celle du poète, celle des

individus ou des groupes au nom desquels il parle, les voix qu’il écoute ou entend et transmet

en échos, la voix portée par d’autres poèmes ou d’autres chansons, la voix de l’oppresseur

aussi, les voix de dialogues imaginaires ou rapportés, les voix des anciens, les voix des

enfants ; la voix, enfin, comme principe de création et d’action. « I am a scream », écrit James

Matthews : témoignage de quelques mois d’emprisonnement, de plusieurs siècles

d’oppression, cri de douleur physique et mentale, appel répété à la révolte et à l’action

violente, cri de terreur qui pourtant porte sa propre résolution :

I am a scream

in the night

a scream of anguish

stifled by the whip

of the overlord

[…]

I am a scream

in the night

burning the flesh

and searing the mind

of those enyoked

a castrated bull I sound

the fields with pain

and cows separated from calves

despairingly echo my call

their eyes seas of tears

I am a scream

in the night

but the tenor of

my screams has changed

the anguish now anger

[…]

I am a scream

in the night

my scream a bugle call

a note of triumph

salutation to our freedom

49

La voix des poètes sud-africains qui s’engagent dans la lutte anti-apartheid est une voix qui

chante mais aussi qui se chante et s’autoproclame : elle est son propre support et son propre

sujet. Nous l’avons dit : le champ littéraire sud-africain, à l’image de la société sud-africaine

tout entière, est bien coupé en deux. Entre, d’une part, une poésie généralement blanche

attachée aux normes classiques et qui évite soigneusement d’aborder le terrain politique et

social de près ou de loin et, d’autre part, une poésie de lutte, majoritairement noire, qui détruit

méthodiquement les modèles européens pour s’approprier la langue et l’écriture, se trouve

aussi une palette d’expressions plus ou moins engagées, plus ou moins expérimentales et

radicales

50

. Denis Hirson le rappelle :

English poetry of the 60s and before was designed to keep the outer world in general,

and Africa in particular, at bay ; and it maintained a semblance, or an illusion of

solidity by constructing an apparently coherent windowframe of words through which

to look. When one takes that window down, when one takes the wall down, one is

simply standing naked in the wind with nerves exposed.

51

L’engagement poétique propre aux années 1970 est bien une mise en danger : intime,

existentielle et politique pour le poète, mais aussi l’évidence de la fragilité nationale, la mise

au jour de l’illusion politique qui ronge le pays ; cette littérature ne sera pas distanciation,

mais exposition, mise à nu, et il nous semble que l’oralité prend part à ce rapport direct au

monde. C’est au cours des années 1970 qu’émerge l’idée d’une littérature fer de lance de la

prise de conscience voulue par la Black Consciousness, et la poésie et le théâtre se trouvent

aux avant-postes de la lutte, par leur interaction avec le public, par leur extrême réactivité, et

surtout par la possibilité de transmission orale qu’ils représentent. Cette oralité s’impose

immédiatement à tout lecteur : « I can’t tell the world anything it doesn’t know. I can pick up

my bongo drum and summon the world around a calabash. So that it may speak to itself”,

écrit Sandile Dikeni en avant-propos à son recueil de poèmes Guava Juice.

52

Nous trouvons

49James Matthews, No Time For Dreams, Athlone, BLAC Publishing House, 1981, p. 21.

50 Casey Motsisi, puis Oswald Mtshali, Wally Serote, apparaissent comme des précurseurs; ils sont suivis par Njabulo Ndebele, Keorapetse Kgositsile, Don Mattera, Mafika Gwala, James Matthews, Sipho Sepamla, Wopko Jensma.

51 Interview par Robert Berold, New Coin.

là, en quelques mots, l’esprit d’une écriture à la fois ancrée dans le passé sud-africain et

fondamentalement nouvelle : la parole, le dire, le rythme, la représentation, l’articulation du

monde, l’engagement et la participation. Ces caractéristiques, qui marquent profondément la

poésie de la Black Consciousness comme celle de ses héritiers, sont d’abord liées à un

contexte historique spécifique. Les vagues successives de colonisation de l’Afrique du Sud

rencontrent (et détruisent) une population rurale de chasseurs, d’éleveurs et d’artisans dont la

culture est d’abord orale ; les chants, chansons, contes et mythes qui structurent la vie

collective sont transmis par la voix et la performance, plus ou moins ritualisés en fonction de

la tribu et du contexte. Le texte qui raconte l’Afrique du Sud, qui la peint dans ses structures

sociales comme dans sa vie quotidienne, dans ses pratiques collectives et individuelles, dans

son appréhension et sa compréhension du monde, est donc d’abord un texte oral. La question

de la participation, que nous développerons plus loin, s’impose donc d’emblée : c’est bien

dans une situation d’interlocution directe que se situe ici la littérature. Les chants et les

histoires prennent place dans le quotidien des individus comme divertissement, comme mode

de représentation des membres de la communauté, comme réponse à des questionnements

d’ordre métaphysique, comme organisation du monde, comme écriture de l’histoire.

Les différentes formes de littérature orale, bien que très variées en fonction des

structures sociales concernées, ont en commun les traits propres à la nécessité de structurer et

de mémoriser des textes qui ne peuvent se transmettre que par la parole. Ainsi, répétitions,

refrains, effets de circularité, jeux de mots, rythmes et syncopes sont des éléments essentiels à

la composition de textes qui créent ainsi non seulement la possibilité de mémorisation mais

aussi des effets d’attente et d’anticipation chez les auditeurs. Ces techniques sont donc

essentielles à la fois à la composition et à la réception du texte, qui peut aussi être ponctué par

les réactions du public, puisque celles-ci sont demandées par le poète ou récitant.

Exclamations, ponctuations, mouvements ou danse répondent ainsi aux mots du poète. Ces

techniques fonctionnent également comme principe de cohérence, établissant pour les

auditeurs des repères, des liens logiques, une chronologie et des enchaînements, essentiels non

seulement à la compréhension du poème, mais aussi à la structuration de la communauté

autour d’une histoire que tous peuvent s’approprier. L’aspect rituel et ritualisé de la création

poétique, la naissance et la prise en compte d’un public sont aussi au principe d’une magie

verbale, d’une croyance au pouvoir de la parole comme transmission, circulation des savoirs,

et action sur les choses. Le recyclage des techniques et caractéristiques de l’oralité se situe

donc sur deux plans dans la poésie sud-africaine écrite à partir des années 1960 : un recyclage

lié à l’héritage d’une tradition orale, et qui perpétue les racines profondes des différentes

formes poétiques que nous venons d’évoquer ; mais aussi un recyclage stratégique, qui met au

service d’une poésie engagée des techniques d’articulation et d’action que l’on veut

fonctionnelles face au système d’apartheid. Il est donc essentiel de comprendre ce

cheminement poétique, afin de déterminer comment des formes traditionnelles se trouvent

transformées et mises en œuvre dans un processus que les auteurs veulent révolutionnaire,

utilisant ce recyclage à la fois comme force et principe de structuration d’un groupe et comme

proposition d’action.

L’une des raisons pour lesquelles la poésie orale perdure dans l’Afrique du Sud du

vingtième siècle, y compris dans sa seconde moitié, ce sont d’abord les conditions de sa

colonisation : une alphabétisation tardive, tout d’abord, puis, et nous y reviendrons au cours

de notre analyse de la question cruciale de la langue, les limites à l’alphabétisation et à

l’éducation d’une manière générale imposées par l’état d’apartheid, pour qui des Noirs

éduqués représentent un danger. L’éducation bantoue instaurée par le Bantu Education Act de

1950 se bornera donc à enseigner le strict nécessaire aux Noirs dont la place est d’être au

service des Blancs, et dont la scolarisation absente ou limitée est perçue non seulement

comme l’état normal des choses mais aussi comme la garantie que des ouvriers réduits à l’état

d’esclaves n’accèderont pas à la conscience d’une révolte possible. Une partie de la

population africaine, toutefois, accède à une scolarité voire des études supérieures qui

marquent aussi d’importantes différences sociales et d’éducation ; il n’en reste pas moins que

le Bantu Education Act a constitué un considérable handicap pour des générations d’écoliers.

La tradition orale se maintient donc d’autant plus qu’elle est une des incarnations de la

coupure entre population noire et population blanche, entre le texte culturel propre de la

communauté noire et l’écriture des lois d’oppression par les colonisateurs blancs ;

l’opposition politique et idéologique entre texte oral et texte écrit est donc particulièrement

forte. La question de l’oralité, sa persistance et ses usages oscillent donc en permanence, à

travers l’histoire, entre la nécessité et la stratégie ; oralité forcée, imposée, comme maintien

d’une population considérée comme inférieure dans des pratiques vues comme inférieures

elles aussi ; oralité choisie, comme vie propre de la communauté noire et mode de

propagation insaisissable d’idées contestataires. Nous nous intéresserons donc

particulièrement à cette marge possible d’expression et d’action, à cette présence manifeste et

ambiguë de l’oral dans l’écrit, à la naissance, donc, d’une poésie qui s’empare de tous les

outils à sa disposition comme manifestation de liberté et besoin d’efficacité.

2.2 Poètes et historiens : statut de l’oralité et de la dialogie dans l’écriture

de l’histoire

Société de l’oralité, donc, la communauté noire, en fonction de ses diverses

appartenances tribales, structure sa vie et son histoire dans des créations poétiques qui portent

et chantent son identité, ses figures, ses modes d’explication du monde. Divers travaux

d’anthropologie se sont attachés à ces expressions, afin d’identifier et de comprendre les

langues, les mythes et les cultures de l’Afrique du Sud. Etant donnée la violence des années

de colonisation, les meurtres de masse et l’extermination des Bushmen, il est certain que ce

qui demeure aujourd’hui n’est guère qu’une fraction de l’Afrique du Sud précoloniale.

D’autres textes et d’autres pratiques, en revanche, sont mieux connus parce qu’ils demeurent

vivants ; ainsi la praise poetry xhosa, dont les performances en public se sont poursuivies ; la

poésie zouloue a été largement étudiée, traduite voire écrite directement en anglais – on songe

par exemple à Mazisi Kunene, auteur de praise poems, qui a traduit lui-même ses poèmes en

anglais. La forme poétique zouloue la plus étudiée est indéniablement l’izibongo, poème

composé et chanté par l’imbongi pour le roi ou le chef et qui, en fonction du contexte, peut

aussi bien en chanter les louanges que se livrer à la critique. L’un des plus célèbres des praise

poems zoulous est « The Praise of Shaka », portrait, récit et célébration de l’empereur zoulou,

né en 1787, devenu roi en 1816 ; sous son règne, l’art de la guerre se développa

particulièrement pour devenir une valeur essentielle de la communauté zouloue, et Chaka

poursuivit une politique de conquête et d’expansion du territoire zoulou. Connu également

pour sa cruauté et des pratiques de despote, il mourut assassiné par ses deux frères en 1828.

Le poème retrace son histoire, sans dissimuler la folie de l’empereur et la terreur qu’il a pu

inspirer :

He who is famous without effort, son of Menzi,

He who beats but is not beaten, unlike water,

Axe that surpasses other axes in sharpness;

Shaka, I fear to say he is Shaka,

Shaka, he is the chief of the Mashobas.

He of the shrill whistle, the lion;

He who armed in the forest, who is like a madman […]

He who while devouring some devoured others

And as he devoured others devoured some more;

He who while devouring some devoured others

And as he devoured others devoured some more.

53

Ces dernières lignes sont répétées cinq fois, puis suivies des noms des ennemis

vaincus. Filiation, nomination, invocation, exhortation ; répétitions, anaphores, effets de

reprise ; rythmes qui suivent les mouvements des guerres, des batailles et des victoires ;

imagerie naturelle et guerrière : ces thèmes et ces techniques, que l’on retrouve dans de

nombreux praise poems zoulous, ont fait de l’épopée de Chaka un texte ancré dans les

mémoires, et qui sera fréquemment recyclé dans les textes de la seconde moitié du vingtième

siècle, plié à d’autres enjeux et d’autres expressions. Figure historique connue de tous les

Sud-Africains, c’est aussi par la littérature que Chaka a accédé au rang de mythe, constitutif

d’un patrimoine commun sujet à questionnement et interprétation, construction politique et

identitaire. En 1925, Thomas Mofolo en fait une épopée en souto (en prose, ce qui pose une

question de catégorisation du texte) ; Mazisi Kunene publie le poème épique Emperor Shaka

The Great en 1979, écrit en anglais à partir de sources orales traditionnelles. Mafika Gwala,

dans « Road to Challenge », un poème extrait du recueil No More Lullabies publié en 1982,

s’attache à créer une filiation entre les combattants historiques de l’Afrique du Sud :

The children of Kreli, Shaka, Sekhukhuni

The sons and daughters of Bhambatha,

Langalimbalele, Makhanda, Cetshwayo,

have left the land of Nadir –

Not wanting again to live on manna

With no more startles and silent shocks

The kids are still rooting for Mandela

54

Ici la litanie des noms, notamment dans le contexte de censure que nous avons évoqué plus

haut, atteste de l’obstination à écrire une histoire du peuple noir et confine à la prophétie en

persistant à évoquer le leader politique emprisonné comme une promesse. Le procédé n’est

pas anodin : dans le cadre d’une poésie liée à la performance, la nomination et l’invocation

ont bien à voir avec l’action proprement dite. Enfin, la nomination n’est pas seulement celle

des héros ; les nommer face à un auditoire, c’est aussi donner vie et identité à ce public qui

devient non seulement réceptacle mais aussi acteur. Ainsi, ces différentes œuvres, versions ou

traductions et recyclages attirent aussi l’attention à la fois sur la question de l’interprétation en

littérature d’une figure historique dont l’histoire a été transmise oralement, et sur les

53 Jack Mapanje et Landeg White, Oral Poetry from Africa : An Anthology, Harlow, Longman, 1983, p. 51.

phénomènes d’intertextualité propres aux rapports entre oralité et écriture. Si le poème de

Chaka est une forme spécifique de la littérature zouloue dans la mesure où c’est avant tout un

izibongo dit royal, il ne doit pas occulter la présence et la pratique plus courante d’une poésie

qui contribue à décrire et rendre compte des liens propres à la communauté. La société

zouloue, à structure patriarcale, est caractérisée par une hiérarchisation très stricte, et la praise

poetry en témoigne : elle est le reflet des rapports entre les individus, entre un individu et la

communauté ; elle chante, représente et questionne les liens entre la communauté et le monde

qui l’entoure, monde social ou naturel ; ici la poésie structure, témoigne, appelle, établit des

rapports de forces. Son rôle social est donc essentiel : elle est l’un des rituels qui construit

l’identité de la communauté, et la performance est sa première modalité d’action. La liberté de

ton et de contenu du poète jouent dans une structure extrêmement codifiée. L’auditoire est

donc pris en compte par le poète dès l’élaboration du texte, avant même sa performance. La

notion de participation, de réponse et de construction commune, qui ne saurait être une simple

réaction, est donc une des clés de la création poétique. L’imbongi, poète officiel, doit aussi

remporter l’adhésion du public ; mais la licence poétique est ici aussi la possibilité de

questionner les pratiques du pouvoir.

La praise poetry est donc une possibilité de critique institutionnalisée de l’autorité ;

pratique à double tranchant, pour le dirigeant comme pour le poète : pour le premier, la poésie

laisse la trace publique d’une critique qui peut être mordante, d’une remise en cause

politique ; pour le second, le risque est réel d’apparaître au service du pouvoir. La poésie

comme pratique apparaît donc comme un instrument de médiation, entre l’individu et le

groupe auquel il appartient, entre le groupe et son environnement, entre les hommes et les

ancêtres, entre les hommes et les dieux, entre un groupe et les représentants du pouvoir. Elle

est en prise directe avec le réel, en offre des portraits sonores et quasi-instantanés ; et ce trait

propre à l’oralité, qui ne s’oppose pas à sa transmission, sera largement utilisé dans la poésie

écrite de la Black Consciousness, précisément dans la recherche d’une écriture qui puisse

rendre compte d’un présent qui confine à la fois à l’inintelligible et à l’inexprimable. La

variété des expressions (monologues, dialogues, parodies, théâtralisation, introspection,

critique directe ou masquée, métaphore du monde naturel, parabole, portrait, épopée, slogan)

est aussi liée, historiquement, à l’appropriation individuelle de la poésie comme mode

d’expression à la fois intime et malléable, une modalité de la voix qui se joue des

circonstances. La praise poetry zouloue ne doit pas occulter la diversité des pratiques de

littératures orales sur le territoire sud-africain. Poèmes personnels, familiaux, aux ancêtres,

pour la naissance d’un enfant, pour des animaux sauvages ou pour des troupeaux ; mais aussi,

et dans les différents groupes qui constituent l’Afrique du Sud, récits, mythes, chants dits

« mood songs », berceuses, chants de travail : les poèmes non seulement accompagnent,

témoignent mais aussi organisent la vie sociale ; et les rappels, échos, références, croisements

sont aussi un mode de construction de l’histoire et de l’identité de la communauté. On

comprend dès lors comment l’idée de recyclage est déjà inscrite dans cette pratique poétique,

et comment une autre vision de la littérature, engagée dans une lutte politique, mettra à son

service une créativité qui se révèle particulièrement souple et adaptable.

La pratique de plusieurs langues, l’attention à son environnement proche et à ses

déterminismes, les multiples échos d’autres textes, la présence de la musique, l’appel à de

grandes figures, et surtout la notion de participation, se déplacent dans un nouveau lieu, celui

de l’Afrique du Sud des ghettos, des mines et des usines, une Afrique du Sud urbaine,

ouvrière et soumise au régime d’apartheid. Cette démarche à la fois individuelle et collective,

en ce qu’elle laisse la place à des visions singulières tout en s’inscrivant clairement dans une

démarche politique commune est très tôt reconnue comme révolutionnaire ; et Es’kia

Mphalele décrit parfaitement ces voix nouvelles qui circulent, empruntent, braconnent, rusent,

s’approprient la langue et, par ce geste même, sont une manifestation de liberté intolérable

pour le pouvoir blanc :

These South African writers are fashioning an urban literature on terms that are

unacceptable to the white ruling class. They are detribalized or Coloured (of mixed

blood), not accepted as an integral part of the country’s culture (a culture in a chaotic