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a. L’incompréhensibilité de Dieu

La tension entre les deux attributs divins d’infinité et de simplicité est révélée par la question de l’incompréhensibilité de Dieu. En tant qu’infini754, Dieu ne peut pas être compris755

par un esprit créé et donc fini. Cependant, nous avons bien une certaine connaissance de Dieu et les bienheureux verront Dieu dans son essence, même s’ils ne le comprendront pas. Cette vision non compréhensive pourrait donc être analysée comme une vision partielle. Nous verrions Dieu, mais pas totalement, en raison de sa richesse infinie et inépuisable.

Mais cette analyse se heurte à la simplicité de Dieu, en vertu de laquelle il n’est pas composé de parties. Puisque Dieu est simple, dès que nous en connaissons quelque chose, nous le connaissons tout entier. Une connaissance non compréhensive de Dieu semble donc impliquer

750 Antoine Côté, « Les grandes étapes de la découverte de l’infinité divine au XIIIe siècle », in Actualité de la pensée

médiévale, J. Follon, J. McEvoy (éd.), Louvain-Paris, Peeters, 1994, p. 216-246, p. 217. Les travaux sur l’histoire du

concept d’infinité, notamment divine, sont nombreux. Sans compter ceux d’Antoine Côté ici cités, on peut mentionner : Leo Sweeney, Divine infinity in Greek and Medieval thought, New York, Peter Lang, 1992, Anne Davenport,

Measure of a Different Greatness : The Intensive Infinite, 1250-1650, Leiden, Brill, 1999, qui traite de Bonaventure p. 70-88

et, plus récemment les travaux de recherche de Dan Arbib.

751 Antoine Côté, « Les grandes étapes de la découverte de l’infinité divine au XIIIe siècle », p. 217.

752 Voir Antoine Côté, L’infinité divine dans la théologie médiévale (1220-1255), Paris, Vrin, 2002, p. 108-109 ; pour Alexandre, voir p. 71 sq. – il s’agit de la quaestio halesiana ou de la quaestio 151, notamment l’article 2 –, pour Guillaume, p. 101 sq.

753 Antoine Côté, « Les grandes étapes de la découverte de l’infinité divine au XIIIe siècle », p. 236.

754 L’infinité est ici identique à l’immensité. Antoine Côté (« Les grandes étapes de la découverte de l’infinité divine au XIIIe siècle », p. 231) relève : « Saint Bonaventure passe, sans solution de continuité, du couple

simplicitas/immensitas au couple de simplicitas/infinitas, comme si immensus et infinitus étaient synonymes. Dans la

question disputée De mysterio Trinitatis, il admet explicitement cette identité. Cette oscillation entre immensitas et

infinitas est une caractéristique de l’approche du Docteur séraphique », qu’on retrouve par exemple, précise Côté dans

la note 39, en CS, III, d. 14, a. 1, q. 2, ad 4 et ad 7, et I, d. 43, a. un., q. 2, resp.

755 Il s’agit d’une compréhension au sens d’inclusion. Voir saint Augustin, De videndo Deo, 9, 21, qui distingue entre voir et comprendre. La vision suppose seulement la présence de la chose, mais la compréhension son inclusion totale dans celui qui voit (« Aliud est enim videre, aliud est totum videndo comprehendere »). Voir Th.-D. Humbrecht,

une composition de parties dans l’essence divine. Les exigences de l’infinité et de la simplicité paraissent inconciliables.

Dans le CS, c’est à propos de la science du Christ, en III, d. 14, que saint Bonaventure envisage la question de la compréhensibilité de Dieu par un esprit fini. Notre texte, a. 1, q. 2, demande « si l’âme du Christ, en connaissant, comprend le Verbe même qui lui est uni »756. Par sa double nature, humaine et divine, le Christ est à la fois, en tant qu’homme, l’esprit fini connaissant, et tant que Verbe, Dieu connu. La réponse dépasse par son enjeu la seule science du Christ et concerne la connaissance que la créature peut avoir de Dieu.

L’un des arguments formule dans toute leur clarté les implications contradictoires de l’infinité et de la simplicité au regard de la compréhension de Dieu :

« quand le simple est atteint, il est atteint tout entier, puisqu’il n’a pas de parties. Si donc le Verbe incréé est simple au plus haut point, il semble qu’il est atteint tout entier et totalement par l’âme du Christ, dès qu’il est atteint d’une certaine façon. Or il est atteint d’une certaine façon, donc il est compris. Si tu

objectes que l’argument ne vaut pas, parce qu’il [le Verbe] est infini et par conséquent incompréhensible, contre cela : de même que ce Verbe éternel est véritablement infini, de même il est véritablement simple : de

même donc qu’il est posé comme incompréhensible en vertu de la raison d’immensité, de même il devrait être compris en vertu de la raison de simplicité. »757

L’infinité appelle l’incompréhensibilité, la simplicité la compréhensibilité, et pourtant Dieu est aussi simple qu’il est infini : « Sicut vere est infinitum, ita vere est simplex ». Il y a là une véritable aporie, qui heurte le principe de non-contradiction.

Examinons l’argument fondé sur la simplicité. Puisque le simple n’est pas composé de parties, « non habet partem et partem », on ne peut pas le connaître partiellement, mais dès qu’on le connaît, dès qu’on l’atteint, on le connaît tout entier, totum. La connaissance du simple est sur le mode du tout ou rien : soit on n’en connaît rien, soit on le connaît tout entier. L’âme du Christ connaît donc « totum et totaliter » le Verbe divin absolument simple, c'est-à-dire le comprend.

Cet argument, classique758, fait référence à la maxime que commenta pseudo-Bède le Vénérable, dans ses Sententiae sur la philosophie d’Aristote : « Indivisibile seu simplex cum attingitur,

756 « Utrum anima Christi in cognoscendo comprehendat ipsum Verbum sibi unitum ». Antoine Côté (« Les grandes étapes de la découverte de l’infinité divine au XIIIe siècle », p. 229) relève à propos de cette d. 14, a. 1, q. 2 du livre III : « La conjonction de la simplicité et de l’infini en Dieu [...] est à la fois nécessaire et problématique. Cette double caractéristique du problème apparaît avec le plus d’éclat dans un texte de saint Bonaventure, au livre III de son

Commentaire aux Sentences. »

757 CS, III, 14, a. 1, q. 2, arg. 4 : « simplex, cum attingitur, totum attingitur, pro eo quod non habet partem et partem : si ergo Verbum increatum est simplicissimum, videtur, quod totum et totaliter ab anima Christi attingatur, si aliquo modo attingitur. Sed attingitur aliquo modo : ergo comprehenditur. Si tu dicas, quod non valet, quia infinitum est, et ideo incomprehensibile ; contra : sicut vere est infinitum, ita vere est simplex illud Verbum aeternum : ergo sicut ponitur incomprehensibile ratione immensitatis, ita deberet comprehendi ratione simplicitatis. »

totum attingitur aut nihil, pro eo quod non habet partem et partem »759, « Quand l’indivisible ou le simple est atteint, il est atteint tout entier ou bien rien n’est atteint, parce qu’il n’a pas de parties ». Cette maxime est dans la lignée du chapitre Θ (IX) 10 de la Métaphysique d’Aristote, qui montre, comme nous l’avons vu, que l’être simple est soit connu tout entier, soit ignoré tout entier.

Simple entre tous, Dieu est donc semble-t-il soit compris soit ignoré. Mais comment le fini pourrait-il comprendre l’infini ?

b. Dieu simple donc fini ? Non, Dieu infini car simple

Pour résoudre cette aporie, certains760 ont sacrifié l’infinité à la simplicité. Puisque Dieu est simple et donc compréhensible, c’est que son essence est finie. Seule sa puissance serait infinie.

Saint Bonaventure rapporte leur « position erronée »761 en I, d. 43, dont la question 2 est consacrée à l’infinité de l’essence divine, après que la question 1 a démontré l’infinité de la puissance divine :

« Certains ont voulu dire que l’essence divine est finie sous la raison d’essence et infinie sous la raison de puissance. Car l’essence nomme Dieu en lui-même, et ainsi il est fini parce que parfait ; il est fini également parce qu’il est compris par le fini, ainsi par les bienheureux ; ils dirent ceci à cause de la simplicité de l’essence, qu’ils dirent être vue tout entière. Mais en tant qu’elle est considérée sous la raison de puissance, elle dit un rapport aux effets. Comme il n’y a pas ici de limite, parce qu’il y a toujours quelque chose à saisir au-delà762, ils ont dit qu’elle était infinie sous la raison de puissance. »763

La perfection et la simplicité de Dieu apparaissent ici comme des obstacles à son infinité essentielle. D’une part, le parfait ne pourrait être que fini, l’infini évoquant implicitement le

759 Pseudo-Bède le Vénérable, Sententiae, sive axiomata philosophica ex Aristotele et aliis praestantibus collecta, PL 90, 1007 B-C.

760 Bonaventure mentionne en effet, dans le texte de I, d. 43 cité ci-dessous, des « quidam » partisans d’une thèse finitiste. Leur identité est controversée. Antoine Côté (L’infinité divine dans la théologie médiévale (1220-1255), p. 85 et p. 127-136) s’oppose à Leo Sweeney et Christian Trottman, qui estiment que Guerric de Saint-Quentin pourrait en faire partie : selon Guerric, explique Côté, « l’essence de Dieu est simple ou complexe et ne peut être finie ou infinie (en l’occurrence, dans le cas de Dieu, elle est simple) : la puissance peut être finie ou infinie et non simple ou complexe (en l’occurrence elle est infinie) [...]. On mesure, à la lumière de ces remarques, l’imprudence qu’il y aurait à prêter à Guerric la thèse de la finitude de l’essence divine dont font état des auteurs de l’époque et que lui imputent certains historiens. Certes, Guerric nie que l’on puisse affirmer quelque chose comme « Dieu est infini », mais ce n’est point parce qu’il admet la proposition contraitre « l’essence de Dieu est finie » ; il rejette l’une et l’autre [...]. De deux choses l’une, ou bien [saint Bonaventure] se réfère bien à Guerric, auquel cas on est en droit d’affirmer qu’il ne l’a pas correctement compris, ou bien d’autres que Guerric ont pris la plume pour exprimer une doctrine que les déclarations les plus expresses de celui-ci nous interdisent de lui faire endosser. » (p. 83-85) Antoine Côté doute que des partisans de la position finitiste aient vraiment existé (cf. p. 132-133).

761 « positio erronea », CS, I, d. 43, a. un., q. 2, resp.

762 Référence implicite à la définition de l’infini par Aristote, Physique, III, 6, 207 a 7-8.

763 CS, I, d. 43, a. un., q. 2, resp. : « Ad hoc voluerunt quidam dicere, quod divina essentia sub ratione essentiae est finita, sub ratione potentiae est infinita. Nam essentia nominat Deum ut in se, et sic est finitus, quia perfectus ; finitus etiam, quia comprehenditur a finito, ut a Beatis ; et hoc dixerunt propter essentiae simplicitatem, quam dixerunt totam videri. In quantum autem consideratur sub ratione potentiae, sic dicit respectum ad effectus. Et quia non est status ibi, quia semper est aliquid extra accipere, dixerunt, quod sub ratione potentiae erat infinita. »

fini, l’inachevé. Antoine Côté remarque : « c’est là une équation [parfait=fini] qui a eu dans l’esprit des contemporains une certaine importance. Elle est évoquée sous une forme légèrement différente par l’auteur de la première partie de la Summa [Halensis] : « finitum et completum idem ; sed divina essentia est completissima ; ergo est finitissima » »764, « le fini et le complet sont identiques, or l’essence divine est complète au plus haut point, donc elle est finie au plus haut point ». D’autre part, la simplicité de Dieu impliquerait sa compréhension par des esprits finis, et donc la finitude de Dieu lui-même.

Dans notre texte de III, d. 14, sur l’incompréhensibilité du Verbe divin, saint Bonaventure rapporte cette même opinion sous son angle cognitif : Dieu pourrait être compris par les créatures selon son essence, finie, mais il ne le pourrait selon sa puissance, infinie :

« certains ont voulu dire que le Verbe incréé et Dieu lui-même doit être compris – non seulement par l’âme du Christ, mais aussi par les autres âmes des bienheureux – mais est incompréhensible d’une certaine façon. Il doit être compris quant à l’essence, dont ils dirent qu’elle est finie, et ce parce qu’elle est en elle-même simple et parfaite. Mais il est dit et est incompréhensible quant à la puissance, qui est tournée vers les infinis ; en effet il ne peut jamais tant qu’il ne puisse davantage. » 765 Dieu serait donc fini parce que simple.

La ligne argumentative de Bonaventure est toute contraire : Dieu est infini parce qu’il est simple. La simplicité n’est pas une objection à l’infinité, mais bien plutôt son motif profond.

[1] En premier lieu, la simplicité invalide cette dissociation de la puissance et de l’essence. En effet, parce que Dieu est simple766, sa puissance est strictement la même chose que son essence. La puissance n’est pas surajoutée à l’essence. Aussi, si la puissance est infinie, l’essence l’est tout autant. Voici la réfutation développée en I, d. 43, a. un., q. 2 :

« Mais cette position était visiblement erronée. En effet, que la puissance soit infinie et que la substance existe absolument comme finie sont deux choses incompatibles, car 1/ elles sont identiques

764 L’infinité divine dans la théologie médiévale (1220-1255), p. 128.

765 CS, III, d. 14, a. 1, q. 2, resp. : « aliqui dicere voluerunt, quod Verbum increatum et ipse Deus non solum ab anima Christi, sed etiam ab aliis animabus beatis habet comprehendi, et aliquo modo est incomprehensibilis. Comprehendi etiam habet quantum ad essentiam, ut dixerunt, quae est finita, et ideo finita, quia in se ipsa simplex et perfecta ; dicitur autem et est incomprehensibile quantum ad potentiam, quae respicit infinita ; nunquam enim potest in tot, quin in plura. » Un passage de la d. 3 du livre I, consacrée à la connaissance de Dieu, présente une variante de cette thèse : « Ad illud, quod infinitum non capitur a finito ; dicunt aliqui, quod capere infinitum est dupliciter, scilicet quantum ad essentiam ; et sic capitur ; et quantum ad virtutem ; et sic non capitur, sicut punctus a linea totus attingitur secundum substantiam, sed non totaliter secundum virtutem. » (CS, I, d. 3, p. I, a. un., q. 1, ad 3) Il s’agit ici de saisir Dieu plutôt que de le comprendre. Cette thèse maintient l’infinité de Dieu aussi bien selon son essence que selon sa puissance. Mais elle n’en déduit pas que Dieu est insaisissable. Il ne peut certes être saisi quant à sa puissance, mais peut l’être quant à son essence. Remarquons l’analogie avec le point, qui est totalement compris par la ligne selon sa substance, mais ne l’est pas selon sa puissance, puisqu’il peut être le terme d’une infinité d’autres lignes. Cet exemple de la ligne sera repris par s. Bonaventure en III, d. 14, a. 1, q. 2, resp., pour expliquer que nous pouvons connaître Dieu totus, sed non totaliter. Cependant, la thèse ici présentée est rejetée, puisqu’en Dieu l’essence et la puissance sont une seule et même chose.

766 Et même si ce motif de la simplicité n’est pas invoqué explicitement. Si Bonaventure peut affirmer qu’en Dieu l’être et le pouvoir, ou encore l’essence et la puissance sont identiques absolument, c’est parce que Dieu est simple.

absolument, 2/ la substance est antérieure selon la raison d’intelliger, et 3/ ce à quoi s’étend la puissance sous la raison de puissance, l’essence s’y étend aussi »767.

Si la puissance est infinie, la substance ou l’essence l’est aussi 1/ parce que puissance et essence sont identiques en Dieu – « si deux [choses], s’il est permis de dire « deux », sont absolument identiques, alors si l’une est infinie, l’autre aussi ; or [en Dieu] la substance et la puissance sont identiques, tout comme l’être et le pouvoir : donc puisque le pouvoir divin est infini, il en va de même de l’être, et ainsi de l’essence »768, « en Dieu, l’essence est la même chose que la puissance, et l’une et l’autre sont infinies »769 ; 2/ parce que la substance est première en

raison par rapport à la puissance, puisque la puissance est fondée dans l’essence – « aucune

puissance n’est plus noble que la substance ; or la puissance divine est infinie : donc, puisqu’elle n’est pas plus noble ni plus grande que la substance, il est nécessaire que la substance soit infinie »770, « il est impossible que la puissance excède l’essence »771 ; 3/ parce que la puissance ne s’étend à rien que ne puisse atteindre aussi l’essence : « à chaque fois que deux choses sont telles que l’une ne s’étend à rien à quoi ne s’étende également la seconde, si l’une est infinie, alors l’autre l’est aussi ; or la puissance ne s’étend absolument à rien à quoi ne s’étende l’essence – Dieu ne peut jamais faire tant que sa substance ne puisse être en autant »772.

L’infinité de la puissance divine ayant été préalablement démontrée, la simplicité de Dieu fonde l’infinité de son essence, en identifiant essence et puissance. Il ne saurait donc être question de sauver la simplicité en niant l’infinité essentielle.

[2] Mais plus encore, la simplicité est l’argument principal de l’infinité de la puissance. C’est donc doublement que la simplicité fonde l’infinité essentielle de Dieu, tout d’abord en fondant l’infinité de sa puissance, puis en identifiant puissance et essence. C’est bien là la démarche de saint Bonaventure dans le CS, qui examine, dans la distinction 43 du livre I, tout d’abord l’infinité de la puissance de Dieu (q. 1), puis celle de l’essence divine (q. 2). C’est donc bien par le biais de la puissance divine que Bonaventure établit l’infinité de l’essence.

767 CS, I, d. 43, a. un., q. 2, resp. : « Sed ista positio erronea fuit manifeste. Nam ista duo sunt incompossibilia, quod

potentia sit infinita, omnino existente substantia finita, et quia idem sunt omnino, et quia prior secundum rationem

intelligendi est substantia, et quia ad quidquid se extendit potentia sub ratione potentiae, et essentia ».

768 CS, I, d. 43, a. un., q. 2, f. 2 : « si aliqua duo — liceat sic dicere — sint omnino idem, si unum est infinitum, et reliquum ; sed substantia et potentia sunt idem, et esse et posse : ergo cum divinum posse sit infinitum, et esse, et ita essentia. »

769 CS, I, d. 3, p. I, a. un., q. 1, ad 3 : « Sed ista solutio non videtur solvere, quia in Deo idem est essentia quod virtus, et utraque est infinita. »

770 CS, I, d. 43, a. un., q. 2, f. 1 : « nulla potentia nobilior est substantia ; sed divina potentia est infinita : ergo cum non sit nobilior nec maior substantia, necesse est, substantiam esse infinitam ».

771 CS, III, d. 14, a. 1, q. 2, resp. : « impossibile est, quod potentia excedat essentiam ».

772 CS, I, d. 43, a. un., q. 2, f. 3 : « quandocumque aliqua duo sic se habent, quod ad nihil se extendit unum, ad quod pariter non se extendat reliquum, si unum est infinitum, et reliquum ; sed ad nihil omnino se extendit potentia, ad quod non se extendat essentia — nunquam Deus potest facere tot, quin eius substantia possit esse in tot ».

Or si Dieu a une puissance infinie, c’est parce qu’il est simple. L’horizon de cet argument est la proposition XVII, 138, du Liber de Causis, si centrale, on l’a vu, dans la pensée bonaventurienne : « Omnis virtus unita plus est infinita quam virtus multiplicata », toute puissance unie est plus infinie qu’une puissance multiple. L’argument de saint Bonaventure est d’une certaine manière une tentative pour donner sens à cette proposition du De Causis :

« toute puissance qui n’a absolument aucune différence avec l’essence, est infinie ; or la puissance divine est ainsi, donc etc. Preuve de la première [prémisse] :

à chaque fois qu’il n’y a absolument aucune distance entre deux choses, là où est l’une, l’autre y est aussi ; donc si la puissance n’a absolument aucune différence avec l’essence, là où est la puissance, là est l’essence. Or là où est l’essence, là est le centre de la puissance : donc partout où peut [s’exercer] une telle puissance, elle le peut comme en son centre : donc, puisqu’aucune puissance n’est limitée en son centre, mais peut davantage, ou bien la puissance divine ne peut rien, ou bien elle peut autant qu’elle veut, et ce à l’infini : par conséquent, quant à elle, cette puissance peut opérer à l’infini.

Or cette puissance est absolument sans différence et simple : par conséquent sont identiques en elle étendu et intense ; si donc elle est infinie en extension, elle l’est aussi intensivement : elle est donc absolument infinie.

C’est ce que dit le Philosophe dans le Livre des Causes, « plus une puissance est unie, plus elle est