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b. Les degrés de simplicité des anges

En revanche, la perfection des êtres spirituels se réalise « per accessum ad summe simplex, par l’accès au suprêmement simple »726. La manière dont saint Bonaventure exprime la simplicité divine laisse effectivement entendre qu’il y a différents degrés de simplicité. En général, il ne dit pas que Dieu est « omnino simplex », absolument simple, mais « summe simplex » ou « simplicissimus ». L’emploi de ces superlatifs n’a de sens que dans une vision continuiste de la simplicité, Dieu se situant au sommet de la gradation. En deçà de la simplicité suprême du Premier, règneraient des degrés moindres de simplicité, plutôt qu’une uniforme dualité727.

Le texte central sur cette question se trouve dans les dubia de la section sur les attributs angéliques, II, d. 3, p. I. Pierre Lombard affirme en effet que les anges ne sont pas égaux selon la substance, mais que leur essence diffère en subtilité (subtilitas) ou en finesse (tenuitas)728. Saint Bonaventure justifie cette thèse et répond à certaines objections, en interprétant cette « tenuitatem » en terme de simplicité. La question devient donc : les anges sont-ils plus ou moins (« magis et minus ») simples ou également simples (« aequaliter simplices ») ?

« Il y a parmi les anges une gradation de la simplicité. La gradation de puissance le manifeste, parce qu’un ange est plus puissant qu’un autre ; et, dans les choses spirituelles, plus quelque chose est simple, plus il est doué de puissance. La proximité avec Dieu le manifeste aussi ; en effet si par nature l’un est plus proche de Dieu qu'un autre et lui ressemble plus, il accède donc davantage à la simplicité divine. Ensuite leur connaissance elle-même le manifeste, puisque l’un purifie l’autre en en chassant l’ignorance : l’un est donc plus pur et plus simple que l’autre. – Et ainsi le Maître a raison de dire qu’il y a une gradation dans la simplicité de l’essence. »729

725 CS, II, d. 15, a. 1, q. 2, ad 2 : « Anima autem, cum sit simplex in substantia, multiplex est in virtute ; et ideo non competit, ut corpus ei assimiletur in simplicitate, pro eo quod simplicitas corporalis repugnat multiplicitati virtutis. »

726 CS, II, d. 15, a. 1, q. 2, ad 3.

727 Ainsi, plus les créatures se rapprochent de Dieu, leur origine, plus elles sont une, ce qui justifie aux yeux de Bonaventure que les anges forment une unique espèce, sachant qu'ils sont, de toutes les créatures, les plus proches de Dieu : « Omne quod est procul ab origine, dispergitur, et quod approximatur origini, colligitur et unitur, sicut patet in numeris, patet etiam in lumine et in aliis ; sed Angeli sunt proximi causae originali omnium, scilicet Deo : ergo debent habere unitatem. Sed non possunt uniri secundum numerum ; ergo debent secundum speciem completam. » (CS, II, d. 9, a. un., q. 1, f. 1 ; nous soulignons)

728 Pierre Lombard, Sentences, II, d. 3, c. 2, § 2-3 : « Illae igitur essentiae rationales, quae personae erant et spiritus erant, naturaque simplices ac vita immortales, differentem essentiae tenuitatem, et differentem sapientiae perspicacitatem, atque differentem arbitrii habilitatem recte habuisse intelliguntur. [...] Sicut in corporibus nonnulla differentia est secundum essentiam ac formam et pondus : quaedam enim aliis meliorem ac digniorem essentiam et formam habent, et alia aliis leviora atque agiliora sunt. »

729 CS, II, d. 3, p. I, dub. 2 : « Ad hoc dicendum, quod in Angelis est gradus simplicitatis, et hoc manifestat gradus

Trois arguments sont avancés730, dont le deuxième est central dans l’articulation entre Dieu et les créatures : certains anges sont plus proches de Dieu que d’autres731, et à ce titre ils lui sont plus semblables et donc en particulier ils sont plus simples. Au lieu d’opposer les créatures angéliques à Dieu, saint Bonaventure souligne ici leur similitude avec lui. La simplicité divine elle-même semble pouvoir faire l’objet d’une certaine participation, bien que ce terme ne soit pas employé, à divers degrés selon les différents niveaux de similitude et de proximité avec Dieu.

Le premier argument réfère les différents degrés de puissance à ceux de simplicité, en s’appuyant implicitement sur le Liber de Causis, 17, § 138.

Cependant, comment comprendre cette gradation de la simplicité angélique, quand on sait que tous les anges sont doués en tant que créatures des mêmes modes de composition ? La simplicité signifie la privation de composition : soit on en est privé, soit on ne l’est pas, il n’y a pas d’entre deux. Comment peut-on être plus ou moins simple, plus ou moins privé de composition, quand on partage strictement les mêmes modes de composition ?732

Saint Bonaventure répond à ces objections en développant un sens positif de la simplicité : « même si elle dit la privation, cependant elle ne dit pas purement la privation, parce qu’elle pose quelque chose ; aussi peut-elle recevoir du plus et du moins, etsi dicat privationem, non tamen pure

privationem, quia aliquid ponit ; et ideo potest recipere magis et minus. »733 Cette affirmation rappelle son analyse de l’unité en I, d. 24. L’unité divine, avait-il dit, s’énonce de manière privative, comme privation de division ou de multitude, mais est réellement quelque chose de positif734. Ici, il ne réduit pas la dimension privative de la simplicité à notre mode d’intellection, comme dans le cas de l’unité, mais indique qu’elle n’épuise pas la simplicité, qui non seulement prive de composition, mais pose également quelque chose.

etiam manifestat approximatio ad Deum ; si enim per naturam unus est Deo proximior altero et similior, ergo magis accedit ad divinam simplicitatem. Manifestat ulterius hoc ipsa cognitio, quia unus alterum purgat pellendo ignorantiam : ergo unus altero purior et simplicior. — Et ideo bene dicit Magister, quod est gradus in simplicitate essentiae. » Voir aussi CS, II, d. 9, a. un., q. 1, arg 2 : « Angeli diversorum ordinum magis differunt quam Angeli eiusdem ordinis in simplicitate, quod est primum attributum ».

730 Sur le troisième et la purification des anges inférieurs par les supérieurs, voir le Pseudo-Denys, Hiérarchie céleste, 3, § 2 sq. et 8, § 2, et chez Bonaventure, CS, IV, d. 5, a. 3, q. 1, arg. 3 et ad 3, et, en second lieu, IV, d. 19, a. 3, q. 1, arg. 5.

731 Voir Barbara Faes de Mottoni, San Bonaventura e la scala di Giacobbe, Letture di angelologia, Napoli, Bibliopolis, 1995, chap. 2 sur la hiérarchie angélique ; J. G. Bougerol, « Saint Bonaventure et la Hiérarchie dionysienne », p. 146-155 sur « la hiérarchie céleste ou angélique ».

732 Voir CS, II, d. 3, p. I, dub. 2. : « Item quaeritur de hoc quod dicit : Differentem essentiae tenuitatem habuisse

intelligitur. Contra : simplicitas respicit essentiam sive substantiam, sicut dicit in littera ; sed substantia non recipit magis

et minus : ergo etc. — Item, simplex dicit privationem compositionis ; sed privationes non recipiunt magis et minus : ergo etc. — Item, magis et minus si alicui imponitur, hoc est per impermixtionem cum suo opposito ; sed simplex spiritus non est permixtus alicui compositioni, quae sit opposita simplicitati angelicae, et omnes habent easdem compositiones : ergo omnes sunt aequaliter simplices. »

733 CS, II, d. 3, p. I, dub. 2.

Un ange est donc plus simple qu’un autre, non pas parce qu’il serait moins composé, puisqu’à cet égard tous les anges sont égaux, non pas donc par une moindre privation, mais au contraire par la possession intrinsèque d’une plus grande simplicité :

« La plus grande simplicité qu’il y a dans un ange n’est pas due à une moindre composition, mais à un plus grand accès au suprêmement simple ; or cela est dû à une plus grande noblesse de la forme, comme le feu peut être dit, parmi les corps, plus simple que l’air. »735

L’analogie avec les corps simples éclaire le propos. La terre, l’eau, l’air et le feu sont dans le domaine corporel des éléments simples aux yeux de saint Bonaventure736, qui pourtant les hiérarchise selon leur degré de « subtilité » :

« L’eau en effet, puisqu’elle est dix fois plus subtile que la terre, pénètre les parties de la terre ; mais non pas parfaitement, du fait qu’elle a quelque grosseur. Quant à l’air, qui est cent fois plus subtil, il se répand plus intimement. Mais le feu, qui est mille fois plus subtil et moins dense, pénètre par sa subtilité jusqu’à l’intérieur, de sorte que l’altération est totale jusqu’aux plus petites [parties] et le mélange parfait, parce que les miscibles sont parfaitement altérés. »737

L’eau est plus subtile que la terre « in decupla proportione », l’air « in centupla proportione » et le feu « in millesima proportione ». Alors même que les quatre éléments sont simples et dénués de parties, au fondement au contraire de toute composition corporelle, il est cependant possible de hiérarchiser leur niveau de subtilité ou de simplicité. Le feu a intrinsèquement une forme plus noble et plus simple que l’air. Il en va de même pour les anges, qui sont également simples du point de vue de leur composition, mais ont néanmoins chacun une forme intrinsèquement plus ou moins simple. Notons que Bonaventure identifie ici la simplicité à la subtilité, dont il parlait à propos des éléments simples et dont Pierre Lombard parlait à propos des anges, évoquant aussi la

tenuitas. Plus un ange est proche de Dieu, plus sa forme est noble et subtile ou simple.

L’analyse des substances spirituelles et de leur gradation a permis à saint Bonaventure de théoriser l’existence de degrés de simplicité. Les créatures peuvent donc jouir, chacune à leur niveau, d’une certaine simplicité qui les assimile à Dieu.

Cette affirmation tranche radicalement avec la perspective de la distinction 8 (I, d. 8, p. II, a. un., q. 2) qui faisait de la simplicité le propre de Dieu et l’excluait de la créature. La première réponse aux objections en est particulièrement significative. Pour défendre que des créatures soient simples, la première objection arguait que du simple ne procède que du simple :

735 CS, II, d. 3, p. I, dub. 2 : « Unde major simplicitas est in Angelo non propter paucitatem compositionis, sed propter accessum maiorem ad summe simplex ; hoc autem est propter maiorem nobilitatem formae, sicut ignis potest dici in corporalibus simplicior aëre. »

736 Et à la suite d’Aristote, De la génération et de la corruption, II, 8 par exemple.

737 CS, II, d. 15, a. 1, q. 2, resp. : « Aqua enim, cum sit subtilior terra in decupla proportione, penetrat partes terrae ; sed non perfecte, pro eo quod aliquam habeat grossitiem. Aër vero, qui est subtilior in centupla proportione, adhuc intimius se profundat. Sed ignis, qui est subtilior et rarior in millesima proportione, sua subtilitate penetrat usque ad intima, et sic fit alteratio plena usque ad minima et mixtio perfecta, quia miscibilia sunt perfecte alterata. »

« « De l’un ne procède que l’un » et du vrai ne procède que le vrai ; mais l’unité et la simplicité ont la même raison en Dieu : donc, de même que de l’un [procède] l’un, de même le simple du simple. »738 Or la réponse fait de la simplicité le niveau suprême des degrés de l’un, propre à Dieu :

« Le simple n’est pas une condition générale de l’étant comme l’un. Car la simplicité dit le mode le plus noble de l’unité, que Dieu ne communique à aucune créature ; parce que la créature ne peut [le] recevoir, car son être est limité, mélangé, il est aussi un être dépendant et donné d’ailleurs. »739

La simplicité ne se limite effectivement pas à une privation de composition, elle « pose quelque chose »740, à savoir « le mode le plus noble de l’unité ». Mais ainsi définie, la simplicité ne saurait être graduée, elle est nécessairement maximale. C’est l’unité qui peut être plus ou moins grande et donc partagée par les créatures, mais non la simplicité, nécessairement divine.

Comment concilier des textes si divergents ? Y a-t-il des degrés de simplicité ou la simplicité est-elle nécessairement et par elle-même suprême ? La simplicité peut-elle être un motif de similitude entre les créatures et Dieu, ou bien est-elle par excellence ce qui oppose créatures et Créateur ? Saint Bonaventure hésite d’une perspective à l’autre, et ce jusque dans l’Hexaëmeron, où il tranche le dilemme par la prudence et la piété, quitte semble-t-il à sacrifier la vérité :

« La cinquième division est entre simple et composé ; ici aussi il y a de nombreuses erreurs, comme de dire qu’une créature est simple ; parce qu’alors elle serait pur acte, ce qui appartient à Dieu seul ; et attribuer à la créature ce qui n’appartient qu’à Dieu est dangereux. Il est donc moins dangereux de dire que l’ange est composé, même si ce n’est pas vrai, que de dire qu’il est simple ; parce que cela, je l’attribue à l’ange, ne voulant pas lui attribuer ce qui appartient à Dieu, à cause de la piété que j’ai pour la majesté de Dieu. Mais selon la vérité, il semble qu’il en est ainsi, parce que Boèce dit : « La forme ne peut être sujet » : alors donc rien ne peut arriver à l’ange à titre d’accident, ni la joie ni la tristesse. » 741

Ces deux approches de la simplicité correspondent à deux façons d’appréhender la relation de création, qui implique aussi bien rapport de similitude que rapport de dépendance et déficience. Lorsque saint Bonaventure affirme que Dieu ne communique la simplicité à aucune créature, il rappelle que les créatures ont un être limité, dépendant et reçu. En revanche, quand il défend l’existence de degrés de simplicité parmi les anges, il évoque leur proximité et leur similitude avec Dieu. La Summa theologica d’Alexandre de Halès rencontre la même difficulté et

738 CS, I, d. 8, p. II, a. un., q. 2, arg. 1 : « « Ab uno non procedit nisi unum » et a vero non procedit nisi verum ; sed unitas et simplicitas eandem rationem habent in Deo : ergo sicut ab uno unum, ita a simplici simplex. » L'axiome « de l'un ne procède que de l'un » est présent chez Al-Ghazali (Metaphysica, tr. V, « ab uno non provenit nisi unum », cité par D. Chardonnens, L’homme sous le regard de la providence. Providence de Dieu et condition humaine selon l’Exposition littérale sur le livre de Job de Thomas d’Aquin, Paris, Vrin, 1997, p. 56 note 4), voir aussi Avicenne, Métaphysica, IX, 4.

739 CS, I, d. 8, p. II, a. un., q. 2, ad 1 : « Ad illud ergo quod obiicitur, quod ab uno non est nisi unum etc. ; dicendum, quod simplex non est conditio generalis entis sicut unum. Nam simplicitas dicit modum unitatis nobilissimum, quem Deus nulli communicat creaturae ; quia creatura non potest recipere, cum esse eius sit limitatum, sit mixtum, sit etiam esse dependens et aliunde datum. »

740 Voir CS, II, d. 3, p. I, dub. 2. : « etsi dicat privationem, non tamen pure privationem, quia aliquid ponit ; et ideo potest recipere magis et minus. »

741 Collationes in Hexaëmeron, IV, 12 (Opera omnia, éd. Collegii S. Bonaventurea, Quaracchi, t. V, 1891, p. 351) : « Quinta divisio est in simplex et compositum ; et hic etiam sunt multi errores, ut dicere, quod aliqua creatura sit simplex ; quia tunc esset purus actus, quod est solius Dei ; et attribuere quod est Dei creaturae periculosum est. Minus ergo est periculosum dicere, quod Angelus sit compositus, etiam si verum non sit, quam quod sit simplex ; quia hoc ego attribuo Angelo, nolens ei attribuere quod est Dei, propter pietatem, quam habeo ad reverentiam Dei. Sed secundum veritatem sic videtur, quia dicit Boethius : « Forma subjectum esse non potest » : ergo Angelo nihil accideret tunc, nec laetitia nec tristitia. »

distingue ces deux approches sous les noms de via similitudinis et via dissimilitudinis. La composition est causée par Dieu, bien qu’elle lui soit dissemblable ; à l’objection suivante : « Puisque le Premier est simple, la composition n’est pas causée par lui, parce qu’elle n’a pas de similitude avec lui », la Summa répond : « bien que le Premier soit simple, néanmoins la composition vient cependant de lui ; mais selon cette raison, ce n’est pas par voie de similitude, mais par voie de dissimilitude. »742 Cette dissimilitude est fondée sur la relation de dépendance causale propre à la créature. En effet, à l’objection, « le simple doit procéder du simple pour la même raison que l’un procède de l’un », la Summa répond :

« La condition de « l’un » n’est pas contraire à la créature ; mais la condition de « simple » y est contraire selon un mode, de sorte qu’aucune créature n’est dite simple selon ce mode ; c’est le mode selon lequel est dit simple ce qui ne dépend pas d’un autre par la causalité : en effet être créé et ne pas dépendre causalement d’un autre sont incompatibles. »743

Les créatures, parce qu’elles sont telles, c'est-à-dire secondes et dépendantes, sont composées. A ce titre, la simplicité ne leur est pas accessible et la voie de dissemblance s’impose pour penser simplicité et composition. Cependant, la Summa envisage au sein même de la composition une certaine similitude avec Dieu, grâce au concept d’unité :

« bien que le composé en tant que tel, ait une dissimilitude par rapport au Premier, qui est absolument simple, il a cependant une similitude dans la mesure où il possède la raison d’« un » et où plus il est véritablement un, plus il approche en similitude du Premier, tandis que moins il est véritablement un, moins il s’en approche ou plus il s’en éloigne. »744

Les créatures sont plus ou moins semblables à Dieu, et pour le penser, la Summa évoque des degrés d'unité, là où Bonaventure propose des degrés de simplicité. Toutefois, cette divergence n'est qu'apparente, puisque la Summa suggère, dans l'argument 1 ci-dessus, que la simplicité se dit selon différents modes, tandis que Bonaventure affirme dans d'autres passages, comme on l'a vu, que la simplicité est « le mode le plus noble de l'unité, que Dieu ne communique à aucune créature ».

742 Alexandre de Halès, Summa theologica, inq. I, tract. II, q. II, tit. II, m. 2, c. 1, arg. 1 : « Cum ergo Primum sit simplex, compositio non causabitur ab eo, eo quod non habet similitudinem cum ipso » et ad 1 : « licet Primum simplex sit, nihilominus tamen est compositio ab ipso ; sed secundum hanc rationem non est per viam similitudinis, sed per viam dissimilitudinis. »

743 Alexandre de Halès, Summa theologica, inq. I, tract. II, q. II, tit. II, m. 1, arg 1 : « Unitas et simplicitas sunt rationes causae ; qua ergo ratione ab uno procedit unum, eadem ratione a simplici debet procedere simplex » et ad 1 : « Conditio enim ‘unius’ non repugnat creaturae ; conditio vero ‘simplicis’ uno modo repugnat, ut nulla creatura simplex dicatur secundum illum modum secundum quem dicitur simplex quod non dependet causalitate [sic] ab alio : non enim possunt simul stare quod sit creatum et non dependeat causaliter [sic] ab alio. »

744 Alexandre de Halès, Summa theologica, inq. I, tract. II, q. II, tit. II, m. 2, c. 2, ad 2 : « licet compositum, in quantum huiusmodi, dissimilitudinem habeat respectu Primi, quod est omnino simplex, habet tamen similitudinem secundum quod tenet rationem ‘unius’, et secundum quod magis vere unum est, magis appropinquat similitudine ad Primum, secundum vero quod minus vere unum est, minus appropinquat vel magis elongatur. »

« Le genre de la simplicité est en effet multiple »745. La simplicité a un sens privatif et un sens positif. Le sens privatif en a lui-même plusieurs, selon les parties que l'on écarte. Si la simplicité signifie l'absence de toute composition, elle est propre à Dieu, en tant que Créateur incréé, seul dénué de parties essentielles ou substantielles. Si elle désigne seulement la privation de parties quantitatives, elle est commune à toutes les substances spirituelles – Dieu, les anges et les âmes rationnelles – et est leur principale différence d'avec les substances corporelles. Son sens positif permet ensuite d'établir une hiérarchie au sein de ces substances spirituelles. Dieu est

summe simplex, suprêmement simple, et les anges sont plus ou moins simples selon leur degré de

proximité avec Dieu. La simplicité évoque alors la noblesse de la forme, sa finesse (tenuitas). Mais comment unifier ces différents sens de la simplicité ? Pourquoi un même terme