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L‘importance de la protection indirecte des cultures par le renouvellement de la fertilité des sols

CHAPITRE I – L‘AVÈNEMENT HISTORIQUE DE LA PROTECTION DES CULTURES EN FONCTION

1. Protéger les culturels dans les systèmes agricoles d‘autosubsistance et d‘autofourniture

1.3. L‘importance de la protection indirecte des cultures par le renouvellement de la fertilité des sols

Il s‘ensuit que la protection des cultures, en tant que protection directe des plantations et que lutte frontale contre leurs bioagresseurs, existe bel et bien dans l‘histoire des systèmes d‘agriculture préindustrielle. Et pourtant, l‘histoire des pratiques agricoles entre le Néolithique et la première moitié du XIXe siècle n‘est pas jalonnée par les innovations dans le domaine des insecticides, fongicides et herbicides. En effet, dans les systèmes agricoles ménagers, on observe que la principale ressource pour protéger les plantations consistait à garantir les conditions de fertilité des sols. L‘épuisement des terres exploitées, après une ou plusieurs récoltes, apparaissait comme le principal danger pour les plantes et par suite pour des sociétés agraires sédentarisées. C‘est pourquoi l‘histoire de l‘agriculture a été marquée par l‘introduction des pratiques visant à prendre soin du sol.

1.3.1. Une histoire de l‘agriculture en fonction des pratiques de protection du sol

C‘est ainsi que la révolution agricole accomplie au Néolithique est caractérisée en tant qu‘« agriculture temporaire sur abattis-brûlis », tandis que la révolution agricole qui a touché l‘Europe antique est présentée comme des « systèmes à jachère et une culture attelée légère », alors que la révolution survenue lors du Moyen Âge européen est définie en tant que « systèmes à jachère et culture attelée lourde » (Mazoyer et Roudart, 2002, p. 411). La place centrale de l‘aménagement des sols cultivés dans l‘histoire mondiale de l‘agriculture se manifeste également

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dans l‘expression de « civilisations hydroagricoles (Nil, Mésopotamie, Indus) », qui ont réglé leurs agroécosystèmes en fonction des crues des fleuves et de l‘inondation temporaire des terres exploitées, processus qui assurait le renouvellement de leur fertilité. Quant à la première révolution agricole des Temps modernes, qui s‘est développée notamment dans l‘Europe du Nord, elle est définie par l‘établissement de systèmes dits « sans jachère » où les périodes de jachère des rotations triennales et biennales ont été remplacées soit par des prairies de graminées ou de légumineuses fourragères, soit par des plantes sarclées, comme le navet (Mazoyer et Roudart, 2002, pp. 411-464).

Graphique sur la progression de la population humaine, en relation avec le développement des systèmes agraires de par le monde.

Source : Mazoyer et Roudart (2002, p. 87).

1.3.2. Quelques pratiques pour protéger les sols dans les systèmes agricoles ménagers

L‘entretien et rétablissement de la fécondité des terres exploitées se trouve indiscutablement au centre des systèmes agricoles ménagers. Les animaux herbivores ont été activement associés à cette entreprise, car ils fournissaient la force de traction pour le labour et du fumier pour enrichir

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les sols. Ainsi, pendant la première révolution des Temps modernes, la mise en place d‘un labour de qualité par un bétail sélectionné a contribué à doubler les rendements agricoles, puisque les racines des plantes cultivées pour le fourrage et/ou l‘alimentation humaine pouvaient s‘étendre en largeur, certes, mais, surtout en profondeur assurant ainsi une meilleure cohésion des sols, un lessivage moindre des terrains et une absorption de plus grandes quantités de minéraux fertilisants (Mazoyer et Roudart, 2002, pp. 420-423).

Un autre élément dans la sauvegarde de la fertilité a été l‘essor de systèmes hydrauliques perfectionnés afin de faire face aux aléas climatiques et aux risques de sécheresses, d‘inondation et d‘érosion, ce qui est illustré par le développement de l‘hydroriziculture en Chine, en Inde, en Asie du sud-est. Cette maîtrise des systèmes hydrauliques a été également constatée dans l‘Amérique précolombienne chez les Olmèques, les Mayas, les Aztèques ainsi que chez les Incas (Mazoyer et Roudart, 2002, p.261). Nous allons nous référer à l‘agriculture inca pour fournir un exemple de système agricole ménager en-dehors de la sphère occidentale. En tant que système agricole ménager, l‘agroécosystème inca est caractérisé par sa diversité et son adaptation optimale aux contraintes bioclimatiques et topographiques, de manière à tirer profit des atouts des zones géographiques très différentes sur lesquelles s‘étendait la population d‘un empire dans la frontière septentrionale s‘étendait jusqu‘au sud de la Colombie. Selon Mazoyer et Roudart (2002, p. 260-264), l‘écosystème hétérogène inca se composait :

 de terres irriguées au niveau des oasis de la plaine côtière ;

 en moyenne altitude, de cultures irriguées ou non, certaines aménagées en terrasse ;

 des zones de friches, au-dessus de 4200 m, rendues possibles par les apports en eau venus de la fonte des neiges ;

 des pâturages pour les troupeaux de lamas ;

 et, sur les versants boisés du côté amazonien, des cultures sur abattis-brûlis, notamment.

La prospérité des plantations et du bétail était assurée par l‘aménagement des terrasses, l‘utilisation de techniques d‘irrigation et de réservoirs artificiels, ce qui était le résultat d‘une gestion organisée des ressources en eau et l‘organisation collective des travaux hydrauliques et agricoles.

Concernant la protection des sols, outre les aménagements hydrauliques visant à éviter les risques de sécheresse, inondation et érosion par ruissellement, les incas utilisaient les fumures,

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les légumineuses fourragères et le haricot en tant que plante associée, et la rotation des cultures pour contribuer au rétablissement de la fertilité azotée des sols cultivés. Le guano, produit minéralisé de décomposition des déjections et squelettes d‘oiseaux marins, accumulé pendant des siècles sur la côte pacifique, était aussi exploité comme source d‘engrais minéral, ainsi que les déjections de lamas, dans une moindre mesure (Mazoyer et Roudart, 2002, p. 262).

À propos de la première révolution agricole des Temps modernes ou la dernière révolution de l‘agriculture ménagère ou préindustrielle, Regnault-Roger affirme qu‘elle « n‘a pas engendré un bouleversement de la protection de cultures. Il s‘agit d‘une évolution sans point de rupture insigne » (2012, p. 101). Il faudrait même aller plus loin et avancer que la protection directe des cultures, en tant que lutte frontale contre leurs bioagresseurs, existait sans pour autant être un trait caractéristique des systèmes de culture ménagers qui recourent, principalement à des pratiques de protection indirecte, visant à restaurer la fertilité des sols ou à prévenir des aléas climatiques, grâce à des aménagements hydrauliques. Ce caractère secondaire attribué à la lutte contre les bioagresseurs des plantations est à rattacher à un autre trait essentiel de l‘agriculture préindustrielle, à savoir qu‘il s‘agit d‘un système de la polyproduction végétale et animale. C‘est par la suite avec l‘avènement de systèmes agricoles basés sur des monocultures, dissociées de l‘élevage, que la lutte visant à l‘extermination des insectes phytoravageurs, des agents phytopathogènes et des adventices est devenue, en raison de leurs effets rapides et nuisibles, voire dévastateurs, une préoccupation prépondérante dans les pratiques agricoles de l‘Occident industrialisé.

2. L’agriculture issue de la première révolution industrielle : la mise à l’épreuve par ses

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