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L’IMPLANTATION GEOGRAPHIQUE

LA TRANSITION RECONSTITUEE

L’IMPLANTATION GEOGRAPHIQUE

Le département de l’Hérault occupe le flanc méridional du massif central, entre la Méditerranée et la ligne de partage des eaux atlantiques-méditerranéennes. Celle-ci est à peu près parallèle au littoral, orientée du Sud-Ouest au Nord-Est, les courbes d’altitude suivant approximativement la même orientation (voir la carte 1). Le territoire départemental passe d’un plateau situé à 800 mètres d’altitude à la mer au Sud-Est. Ce profil n’est pas régulier. Il prend la forme d’un toboggan avec une bosse de freinage descente rapide au départ, de 800 à 200 mètres environ, remontée légère jusqu’à 400 mètres, puis reprise de la descente jusqu’à la mer.

Altitude en mètres 0 - 100 100 - 400 400 - 800 > 800 Méditerranée

Ligne de partage des eaux Atlantique-Méditerranée

Béziers

Sète

Montpellier

Carte 1. Département de l’Hérault, paliers d’altitude

Le peuplement est largement déterminé par ce dénivelé en forme de toboggan accidenté. Sur le plateau “atlantique”, car situé au delà de la ligne de partage des eaux, se trouve un peuplement épars, se consacrant traditionnellement à l’élevage. Marginal du point de vue de la surface occupée comme de celui de la population (voir le tableau 1), ce peuplement est atypique dans l’ensemble départemental, comme nous aurons l’occasion de le constater à de multiples reprises.

Surface Population 1801 1851 1901 1954 1990 Altitude en mètres : % % % % % % 700+ 5 2,5 2,4 1,3 0,6 0,3 600-700 0,9 0,2 0,2 0,1 0 0 500-600 2,3 0,6 0,5 0,3 0,1 0 400-500 2,3 1,2 1,1 0,6 0,3 0,1 300-400 9,4 5,3 5,1 2,6 2 0,9 200-300 14,8 7,5 7 4,9 4,1 2,2 100-200 20,8 17,4 18,8 13,4 11,3 7,4 0-100 44,4 65,3 64,9 76,9 81,6 89 total 100 100 100 100 100 100

Tableau 1. Territoire et population par paliers d’altitude, en % du total départemental. Sources INSEE, SGF.

L’isolement du plateau est encore renforcé par la quasi-inexistence d’un espace habité entre 400 et 700 mètres d’altitude. Celui-ci correspond à la partie rapide du toboggan, parfaitement identifiée par les routes qui “montent” sur le plateau du Larzac (la RN 9 reliant Lodève et Le-Caylar par le Pas de l’Escalette, la D 9 reliant Montpeyroux et La-Vacquerie) ou sur les Monts du Somail (la D 14 reliant Olargues et Fraisse-sur-Agout, la D 907 reliant St-Pons-de-Thomières et La- Salvetat-sur-Agout). Ces pentes sont trop raides pour permettre un peuplement plus important que quelques petits villages nichés sur de mini-plateaux à mi-flanc (Pégairolles-de-l’Escalette, St-Julien, ou St-Vincent-d’Olargues).

800 m.

Le peuplement épars est une des particularités du plateau atlantique. Si dans la plaine et le piémont, le peuplement est du type aggloméré et fortifié, sur le plateau atlantique il est majoritairement épars. La carte 2, lissée55, montre bien le poids relatif de la population éparse au delà de 800 mètre d’altitude. Pourtant, le haut plateau n’est pas un pays vide en 1801. La campagne y est plus peuplée qu’ailleurs de 30 à 50 habitants par km² pour la seule population éparse, c’est-à- dire trois à cinq fois la densité de la population éparse départementale. La densité de la population éparse du haut plateau se rapproche de la densité départementale totale, qui s’élève à 62 hbts par km² en 1801.

En bas de la pente, à 100-400 mètres d’altitude, se trouve le premier creux du toboggan. Une ceinture de villes a depuis toujours su tirer profit de la position au pied de la montagne - de la descente rapide d’une multitude de cours d’eau - pour développer l’industrie, le textile notamment. Ainsi se trouvent sur une même ligne Sud-Ouest - Nord-Est St-Pons-de-Thomières, Olargues, Villemagne, Bédarieux, Villeneuvette, Clermont-l’Hérault, Lodève (légèrement décalé de la ligne) et Ganges (voir la carte 4). La ligne se poursuit au delà des limites départementales vers St-Hippolyte-du-Fort, Anduze et Alès. Au Sud-Ouest, la ligne se poursuit vers Labastide et Mazamet, mais là on entre dans l’univers “atlantique”.

Entre ce premier creux et la plaine littorale se trouve ce que nous appellerons la “bosse”, les “avant-monts” de 400 à 600 mètres d’altitude le Minervois (avec la Forêt Domaniale des Avant-Monts), le pays de St-Chinian, les Monts Faugères, la Montagne de la Séranne et le massif du Pic St-Loup (carte 4). Entre la vallée d’un côté et la plaine de l’autre, ce pays ne fut jamais très peuplé. Son faible peuplement, les larges espaces naturels, à proximité de la plaine et des centres urbains en font l’arrière-pays préféré pour les promenades du dimanche et les week-ends à la campagne.

Les avant-monts ne forment pas une chaîne fermée d’un bout à l’autre du département. Entre les Monts Faugères et la vallée de l’Hérault, la plaine communique librement avec la vallée de la Lergue, c’est-à-dire jusqu’au piémont Lodévois. Dans ce chaînon manquant s’est installé la ville de Clermont l’Hérault, véritable pont entre le Lodévois et la plaine de l’Hérault.

Vient, ensuite, la plaine. Sur un peu moins de la moitié du territoire départemental (44,4 %), elle réunissait 65 % de la population durant la première moitié du XIXe siècle, près de 90 % en 1990. Elle concentre la plupart des activités économiques la vigne, les transports et le commerce (les ports d’Agde et de Marseillan, relayés par celui de Sète ; le canal du Midi, le canal du Rhône à Sète, plus tard les

55 Le lissage cartographique que nous appliquons à certaines cartes communales est géographique : la valeur communale lissée est la moyenne des valeurs originales de la commune et des comunes limitrophes, pondérées par la population totale des communes concernées. Ainsi, nous éliminons les valeurs excessives notamment des communes de très faible population. Nous réduisons également l’influence des valeurs erronées, plus ou moins fréquentes selon la nature des données.

principales lignes du chemin de fer et l’autoroute), l’industrie et tous les services caractéristiques des centres urbains (administrations, CHU, formations supérieures, centres de recherche etc).

Jusqu’au milieu du XXe siècle, le peuplement est resté à quelque distance de la mer. Montpellier, Béziers, Agde, Pézenas, tout comme Nîmes dans le Gard, Narbonne dans l’Aude et Perpignan dans les Pyrénées Orientales, se situent à une dizaine de km de la mer, toujours sur la même ligne allant du Sud-Ouest vers le Nord-Est. Ce n’est pas seulement pour s’écarter des côtes marécageuses et malsaines, mais aussi pour trouver des terres non-submersibles par l’eau salée de la mer.56 Néanmoins, l’accès à la mer a toujours été capital pour le commerce. D’où l’acharnement séculaire pour créer un grand port maritime, et surtout pour le préserver de l’ensablement. On connaît les échecs de Lattes et d’Aigues-Mortes (en dehors du territoire départemental, mais directement lié à Montpellier). Agde, tirant à la fois profit de l’embouchure de l’Hérault et de l’abri du Mont St-Loup, n’a pas su assurer la profondeur nécessaire aux bateaux du XIXe siècle, cédant la place à Sète, port construit de toutes pièces sur ordonnance royale à la fin du XVIIe siècle, à l’abri du Mont St-Clair, mais qui, lui, n’a pas su s’adapter à temps aux bateaux à vapeur, puis aux pétroliers. On notera que les ports ayant réussi le mieux, Agde et Sète, se situent là où une langue des “avant-monts” se projette jusqu’à la mer, créant ainsi un dénivelé bénéfique à l’installation d’un port. Cette langue a d’autres conséquences pour le peuplement départemental, comme nous le verrons avec l’étude des bassins fluviaux.

Une première grille de lecture du territoire départemental est ainsi proposée par les paliers d’altitude accroissement de la densité de peuplement allant du Sud- Ouest au Nord-Est, du plateau atlantique à la Méditerranée L’accroissement n’est pas régulier, il connaît deux temps forts une première population, minoritaire ( 30 % en 1801, plus que 11 % en 1990), au pied de la montagne ; une deuxième, majoritaire (65 % en 1801, 89 % en 1990), dans la plaine. Les deux populations étant séparées par une ceinture de collines basses, très peu peuplées.

a - les bassins fluviaux

Le département de l’Hérault regroupe trois bassins fluviaux (l’Orb, l’Hérault et le Lez) et deux bassins d’affluents (le Jaur se jette dans l’Orb, la Lergue se jette dans l’Hérault) - cf. carte 2. En 1990, la population départementale se trouve à 97 % dans ces bassins et, inversement, près de 99 % de la population des bassins se trouve à l’intérieur du département.

56

LEZ

HERAULT LERGUE

JAUR

ORB

Carte 3. Hérault, bassins fluviaux.

Comme le montre la carte, les lignes de partage des eaux découpent le département dans le sens Nord - Sud principalement. Le tracé exact des lignes de partage importe peu pour notre étude, car, à l’intérieur des bassins fluviaux, la population se concentre aux rives des fleuves les communes traversées par les trois fleuves et les deux affluents nommés ci-dessus, sans prendre en compte d’autres affluents, ni les fleuves-frontières du département (le Vidourle à l’Est, l’Aude à l’Ouest), contiennent 55 % de la population départementale en 1801, 53 % en 1901 (après un minimum de 52,1 % en 1872) et 58 % en 1990 (après un maximum de 64 % en 1975). Les communes traversées par les lignes de partage entre le Lez et l’Hérault, et entre l’Hérault et l’Orb, ne comptent que 3 % de la population départementale en 1801, moins de 2 % en 1990. Autrement dit, les cinq rivières nommées sont les nerfs du peuplement départemental. Nous retrouvons ici à l’intérieur du département le rôle fondamental des fleuves, que Le Bras (1993) a décrit à l’échelle nationale “La géométrie physique [sert] de support à la croissance avec les vallées des grands fleuves, les rivages et les frontières ; la géométrie administrative guide à son tour la décroissance l’éloignement du chef- lieu de département, en fin du vingtième siècle, est encore la meilleure explication à la dépopulation.” (p. 166) En ce qui concerne l’Hérault, la géométrie administrative est, elle aussi, largement physique elle suit généralement les lignes de partage des eaux entre bassins fluviaux. Celles-ci constituent, en quelque sorte, des zones naturellement désertiques dont l’administration se sert, et s’est toujours servie, pour découper le territoire départemental.57

Parmi les lignes de partage séparant les bassins fluviaux, celle entre le Lez et l’Hérault est sans conteste la plus importante. Véritable désert vert (elle réunit 1,3 % de la population départementale en 1801 et 0,7 % en 1990, ce qui revient à une densité environ six fois moins élevée que la moyenne départementale), la ligne Montoulieu-Loupian sépare l’Est de l’Ouest Héraultais, qui occupe environ trois quart du territoire (carte 4). Aux marges, quelques communes, appartenant

administrativement à l’arrondissement de Montpellier, se situent au delà de cette ligne le canton de Ganges vers le Nord, la commune d’Aniane vers l’Ouest, celle de Mèze et de Sète au Sud-Ouest. Toutes ont un comportement démographique atypique pour l’arrondissement (voir les graphiques correspondants en annexe II.7.1).58

A l’Ouest de la ligne Montoulieu-Loupian, les bassins de l’Orb et de l’Hérault forment une seule plaine. Il fut logique que les diocèses d’Agde et de Béziers aient été réunis en un seul arrondissement.

Les deux vallées d’affluents (Lergue et Jaur) ont donné naissance aux arrondissements de Lodève et de St-Pons. Le dernier s’est vidé de sa population au cours du XIXe et XXe siècle, et a été rattaché à l’arrondissement de Béziers en 1926. L’arrondissement de Lodève n’a jamais pu être délimité clairement face au bassin fluvial de l’Hérault, dont il fait partie. Lui aussi a été supprimé, en 1926, et rattaché, au delà de la ligne désertique Montoulieu-Loupian, à l’arrondissement de Montpellier. Mais la greffe n’a pas pris, et l’arrondissement de Lodève fut remis dans ses anciennes limites dès 1946.

Une deuxième grille de lecture du territoire départemental est ainsi proposée par les bassins fluviaux, dont les lignes de partage des eaux découpent le département dans le sens Nord-Sud. La principale des lignes de partage est celle de Montoulieu à Loupian, isolant l’Est du département du reste.

La carte du peuplement en 1801 (carte 4) permet de confirmer la lecture du peuplement départemental. On y perçoit d’abord la densité croissante quand on descend des “hauts cantons”, c’est-à-dire la ligne Nord-Ouest, vers la mer au Sud- est. On voit également la ceinture de villes moyennes de St-Pons à Ganges, coupée de la plaine par la “bosse” - entrecoupée là où la Lergue rejoint l’Hérault - plus élevée et moins peuplée. Ce passage entre le Lodévois et la vallée de l’Hérault est occupé par le pays de Clermont-l’Hérault. Enfin, on voit comment la population se concentre autour des fleuves, laissant les lignes de partage des eaux (la “bosse” en est une, mais aussi, et surtout, la ligne Montoulieu-Loupian) très peu peuplées.

58 Le contraste entre l’est et l’Ouest héraultais a été remarqué de multiples fois (Dugrand 1963, Ferras 1979, Cholvy 1993). Presque toujours, on définit comme frontière “la vallée du fleuve qui a donné son nom au département” (Ferras, in Cholvy 1993, p. 12). Jamais la ligne de partage des eaux entre l’Hérault et le Lez, qui, à notre avis, est beaucoup plus séparative.

L’opposition Est-Ouest est considérée, par Robert Ferras, comme un nouveau découpage du territoire départemental, ayant succédé au découpage piémont-plaine : “Les vieux manuels perpétuent à l’infini le vieux schéma de gradins sur la mer ... Mais l’organisation spatiale de l’Hérault est tout autre ; ... la géographie de l’Hérault révèle en fait un agencement Est-Ouest et non plus Nord-Sud...” (Ferras in Cholvy 1993, p. 17). “une nouvelle redistribution des espaces intra- départementaux. Les vieilles divisions déterministes, fondées sur le relief, sont mortes et bien mortes... Aux vieux degrés, descendant de la montagne vers la mer, a succédé une partition entre Ouest et Est.” (Ferras in Cholvy 1993, p. 410) Ainsi, Ferras propose deux grilles de lecture successives, là où nous proposons une double grille simultanée.

•bosse• •bosse• ligne de partage Montoulieu-Loupian St-Pons Lodèv e Ganges Montpellier Béziers Sète

Carte 4. Population communale en 1801.

En 1801, le département porte bien son nom. La vallée de l’Hérault est au coeur du peuplement. Vers l’Ouest, elle forme avec la basse vallée de l’Orb une vaste plaine densément peuplée. Vers l’est, par contre, elle est coupée du montpelliérais par la ligne de partage des eaux Hérault-Lez. Le bassin du Lez n’est pas comparable à celui de l’Hérault ou de l’Orb. Montpellier est entouré d’un pays très faiblement peuplé. La ville de Montpellier, contrairement à Agde et Béziers, est une création “récente”, du XIe-XIIIe siècle, répondant à une logique de commerce international, relais financier et port de transit (par Aigues-Mortes) entre le marché “français” (les foires de Champagne) et l’Italie, voire le Levant. Montpellier n’est pas issue de son arrière-pays immédiat. En cela, Montpellier ressemble plus à Sète qu’à Béziers, Narbonne ou Nîmes.

Au delà de Montpellier, à l’extrême Est du département, on rentre dans le bassin fluvial du Vidourle, dont le département ne couvre que la rive droite.