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1 LA FECONDITE DEPARTEMENTALE

ETAPES ET GEOGRAPHIE DE LA TRANSITION SANITAIRE

1 LA FECONDITE DEPARTEMENTALE

La fécondité est une des composantes de la transition démographique le passage

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Initiée par Nadeau (1931), la fécondité a occupé une place centrale dans les études de l’INED (1957), de Dugrand (1963, 1968) et de Ferras (1979). Suivant le tempérament de l’auteur, la même analyse est formulée avec plus ou moins de diplomatie. Sauvy, dans INED 1957, p. 17 : “Une étude attentive de ces phénomènes nous conduit cependant à penser que la région du Languedoc- Roussillon serait aujourd’hui plus riche, plus vivante et animée, si elle avait fait confiance davantage à l’avenir, en donnant la vie avec moins d’appréhension.” Dugrand 1963 : "La situation démographique ... est particulièrement grave. Exode rural prononcé, émigration urbaine sans cesse accrue, croît naturel d'après-guerre limité et en baisse marqué, vieillissement prononcé” (p. 531), “une mentalité profondément malthusienne que le statut du vin, entièrement basé sur l'idée de restriction à tout prix de la production, accentue encore” (p. 488). Ferras 1979, p. 96 : “Aucun signe de reprise [démographique] ne se dessine en Languedoc, aucune trace du <baby boom>”.

d’un régime de fécondité élevée et de forte mortalité à celui d’une fécondité faible et d’une mortalité basse. L’ensemble de la transition, dans laquelle la mortalité et la migration jouent les deux autres rôles majeurs, fera l’objet du chapitre II.5 (voir infra). Ici, la fécondité sera analysée de façon indépendante, comme la mortalité l’a été au chapitre précédent.

La reconstitution permet d’exprimer la fécondité générale départementale par l’indice de fécondité générale If de Coale79. Cet indice rapporte le nombre total de

nés vivants aux femmes présentes dans les groupes d’âge de 15-19, 20-24, 25-29, 30-34, 35-39, 40-44 et 45-49 ans, pondérées selon la fécondité maximale constatée historiquement à ces âges, qui est celle de la secte Hutterite aux Etats-Unis au début du XXe siècle.

0 0. 05 0. 1 0. 15 0. 2 0. 25 0. 3 0. 35 18 14 18 34 18 54 18 74 18 94 19 14 19 34 19 54 19 74 0 20 00 40 00 60 00 80 00 10 00 0 12 00 0 14 00 0 If_ Coale NÚs viv . If Né s vivants

Graphique 1. Fécondité générale (indice de Coale If ) et nombre de nés vivants, Hérault.

Contrairement à l’espérance de vie (voir pour comparaison le graphique 1 du chapitre II.2), la fécondité générale ne dessine pas très clairement une transition. Le plateau pré-transitionnel est hors-champs, le “plateau” post-transitionnel est plus qu’accidenté. On a l’impression d’une baisse linéaire, de 1814 à 1936, se transformant brusquement en une courbe conjoncturelle de grande amplitude. Un plateau pré-transitionnel a dû exister avant 1800, car la chute n’a pu être éternelle. A quel niveau, on ne saurait le dire. Comment, alors, départager les hypothèses de Leroy-Ladurie et de Van de Walle80? Le premier date le début de la

79 Le calcul se fait selon la formule :

If = NV / (0,3F15-19 +0,55F20-24 +0,502F25-29 +0,447F30-34 +0,406F35-39 +0,222F40-44 +0,061F45-49)

où NV = nombre de nés vivants, et Fi-i+4 = effectif de femmes d’âge i-i+4.

80

“décadence” (c’est ainsi que qualifie Le Roy Ladurie la maîtrise de la fécondité, p. 394) en 1790-1800 “La décennie révolutionnaire paraît bien marquer le tournant

décisif à partir duquel s’accélère progressivement le déniaisement des populations, seulement amorcé sous l’Ancien Régime” (p. 398). Selon les calculs

de Le Roy Ladurie, le taux de natalité aurait baissé de 3,7 % en 1784-1789 à 3,3 % en 1813-1820, soit une baisse de 11 %. Van de Walle, de son côté, ré-évalue les naissances du début du siècle et ne fait débuter la baisse qu’après 1810.

Aux chapitres précédents, on a démontré que la ré-évaluation de Van de Walle reposait sur les recensements de 1856, 1861 et 1866, dont la non-fiabilité n’avait pas été relevée. L’hypothèse de Le Roy Ladurie semblerait donc a priori plus plausible. Mais la baisse observée de 11 % est tributaire de plusieurs estimations, dont notamment celle de la population totale avant 180081.

La baisse de la fécondité départementale a été un processus régulier, dont le départ est situé vraisemblablement aux alentours de 1800. On peut considérer que la baisse prend fin au milieu des années 1930. Elle se déroule par conséquent sur environ 135 ans, au milieu de la baisse de la mortalité qui, elle, a démarré bien avant (on a supposé la date 1740) et ne se terminera pas avant le XXIe siècle.

a - les fluctuations

Une deuxième particularité différencie les évolutions de la fécondité et de l’espérance de vie. Cette dernière est partie d’un plateau élevé, à grandes fluctuations, pour arriver sur un plateau stable, très peu fluctuant. La fécondité, au contraire, part d’un niveau peu fluctuant pour entrer dans des variations conjoncturelles fortes.

Déjà observé par A. Sauvy, dès les années 1950, le bas niveau de la fécondité a très fortement augmenté son potentiel de fluctuation. La période post- transitionnelle “n’est pas caractérisée par une fécondité constante, mais plutôt par

une succession de vagues” écrit J. Bourgeois-Pichat (1979, p. 294). Les moyens de

contraception modernes permettent aux couples de programmer les grossesses selon la situation familiale particulière, bien sûr, mais aussi selon une sorte de météo de fécondité générale. A ce sujet, une étude de la fécondité régionale par trimestre (D. Blanchet, 1981) est intéressante. Blanchet y constate une

“simultanéité de toutes les évolutions” déconcertante. “Tout se passe comme si de mystérieuses pulsations parcouraient la France déterminant partout, en même temps, la fécondité” (p. 817). L’étude démontre donc l’existence d’une micro-

81 Dénombrement du Languedoc 1788 (A.D. C 38-39). Si les dossiers mêmes n’ont été conservés que partiellement, les résultats ont été repris par l’intendant Ballainvilliers dans son Mémoire sur le Languedoc divisé par diocèses et subdélégations, 1788. Voir Motte 1989. Notre reconstitution a démontré que le sous-enregistrement au dénombrement de 1801 a été significativement plus élevé que celui au dénombrement de 1820. Si, en 1788, il était comparable à celui de 1801, la seule

conjoncture trimestrielle, incompatible avec des théories diffusionnistes, dans lesquelles un comportement est censé être lancé par des groupes précurseurs, puis imité à travers des chemins de diffusion plus ou moins longs. La micro- conjoncture ne correspond pas à ce modèle, car les évolutions y sont simultanées. Changeant d’échelle, la macro-conjoncture de fécondité post-transitionnelle a montré une même simultanéité internationale quant aux début et fin du baby boom. Là aussi, les “pulsations” semblent “mystérieuses”.

Noël Bonneuil (1989) a tenté de formaliser l’intégration des deux conjonctures selon un système temporel bi-stable, où le passage d’un niveau macro-conjoncturel à l’autre serait provoqué par la micro-conjoncture à un moment précis de son cycle. Les pulsations n’en restent pas moins mystérieuses. D’autres auteurs ont proposé des hypothèses explicatives. Parmi eux, R.A. Easterlin (1968, 1987) a formulé celle des perspectives de revenu pour le groupe d’âge de 15 à 34 ans ; plus généralement, du rapport numérique entre les 15-34 et les 35-64 ans, car de ce rapport dépendraient les perspectives de carrières des jeunes adultes. Or, le rapport entre les deux groupes d’âge dépend lui-même notamment de la fécondité passée. Selon Bourgeois-Pichat, la fécondité post-transitionnelle dessinerait “une

succession de vagues, qui résultent elles-mêmes des variations de la fécondité”

(1979, p. 294) Easterlin a vérifié la correspondance entre ce rapport et la conjoncture de la fécondité post-transitionnelle aux Etats-Unies. H. Leridon (1978) l’a confirmée pour la France de 1940 à 1975.

0 0.5 1 1.5 2 1801 1826 1851 1876 1901 1926 1951 1976 0 100 200 300 400 If * 1000 Rapport 15-34 / 45-64 ans année R If

Graphique 2. Rapport 15-34 / 45-64 ans et indice de fécondité générale de Coale (If) ; Hérault.

Le graphique 2 montre les deux phénomènes pour le département de l’Hérault. Pour la seule période “post-transitionnelle”, c’est-à-dire de 1936 à 1990, le rapport est clairement négatif plus le nombre de jeunes adultes augmente par rapport aux adultes âgés, plus la fécondité est faible (r = - 0,75). Pour la période de 1961 à 1990, la corrélation est même parfaite r = - 0,98. Mais le graphique montre également un rapport positif au cours de la phase transitionnelle r = + 0,87 de

1801 à 1935, et pour la seule période de 1901 à 1935 r = + 0,91. Autrement dit, si les perspectives de carrière des jeunes adultes sont censées déterminer le niveau de fécondité du moment au cours de la phase post-transitionnelle, il faudra expliquer pourquoi elles n’agissaient pas de même au cours de la phase transitionnelle.

Chesnais (1983) infirme la corrélation pour la phase post-transitionnelle d’un grand nombre de pays occidentaux, reléguant le cas des Etats-Unies, de la France et de quelques autres pays au statut d’exception “Il n’existe pas d’explication

simple et généralisable de la fécondité ses ressorts échappent, pour partie, à la rationalité” (p. 385).

Les pulsations n’ont donc pas encore livré tout leur mystère. Le moment venu, nous ne résisterons pas à la tentation de tester l’hypothèse d’Easterlin aux sous- populations héraultaises (voir infra). Pour l’instant, nous nous limitons à l’examen de l’évolution départementale (voir le graphique 1). En vain on y cherche l’influence de la crise de 1848 sur la fécondité ; celle de 1871 est certes visible, mais ne dépasse pas 15 %. En 1914, la baisse approche 50 %. Ensuite, on ne saurait plus parler de baisse ou de hausse, car toute référence stable a disparu. Néanmoins, le niveau moyen de 1944-1964 est environ 40 % plus élevé que le niveau des vingt ans précédents et des vingt ans suivants. Comme “trace” de baby boom, on pourrait difficilement la souhaiter plus visible82. Il est important de reconnaître que le baby boom n’a pas été un accident exceptionnel, mais plus vraisemblablement le début d’une conjoncture à forte amplitude.

C’est une caractéristique nouvelle et durable du monde post-transitionnel la conjoncture du mouvement naturel n’est plus celle de la mortalité mais celle de la fécondité. Ses conséquences n’en sont que plus accusées, car, contrairement à la conjoncture de la mortalité, celle-ci produit un enchaînement de générations pleines et creuses, dont l’expérience des 50 dernières années a démontré les effets sociaux et économiques83.

b - indice de Coale et l’Indicateur Conjoncturel de Fécondité

Comme l’a démontré récemment Sardon (1995), l’indice de fécondité de Coale (If)

et l’indicateur conjoncturel de fécondité (ICF) sont deux moyens différents de mesurer la fécondité en tenant compte du nombre de femmes en âge de procréer. L’indice de Coale (If) utilise un calendrier fixe de la fécondité maximale par âge,

82

Ce sont des fluctuations d’une ampleur inconnue avant le XXe siècle. Actuellement, elles sont du même ordre (de 30 à 50 %) dans plusieurs pays de l’Europe de l’Est, où la mortalité ne fluctue que de quelques points.

83

La forte demande générée par la population croissante a duré trente glorieuses années, ensuite l’insertion des générations nombreuses dans l’activité a posé les difficultés qu’on connaît et dont on ne sortira pas avant que ces générations nombreuses arrivent à l’âge de la retraite, mais alors elles

et rapporte le nombre total de nés vivants au nombre maximum que la population féminine, compte tenu de sa structure d’âge, aurait pu atteindre84. L’indice devient ainsi la mesure de la maîtrise de la fécondité. Il a le grand avantage de ne pas avoir recours au classement des nés vivants par âge de la mère, un classement qui n’est que rarement disponible avant le XXe siècle, et qui ne l’est toujours pas à l’échelle sub-départementale.

L’indicateur conjoncturel de fécondité (ICF) rapporte le nombre d’enfants nés de mères d’une classe d’âge à l’effectif des femmes de cette classe d’âge. En cumulant ce rapport à tous les âges féconds, l’ICF définit le nombre de nés vivants qu’une femme aurait si le taux par âge restait constant. Le calcul de l’ICF exige le classement des nés vivants par âge de la mère. Pour l’Hérault, ce classement est disponible depuis 1907 seulement.

L’ICF de la population Hutterite (If = 1) est de 12,44 enfants par femme. On ne

peut, toutefois, exprimer l’indice de Coale en nombre d’enfants par femme, par le multiplicateur 12,44, car le calendrier d’une population donnée n’est pas obligatoirement celui des femmes Hutterites et l’effectif des femmes n’est pas le même à tous les âges féconds. Le graphique 3 compare l’ICF calculé en ayant recours à l’âge de la mère, à l’If exprimé en enfants par femme.

1 1.5 2 2.5 3 1900 1910 1920 1930 1940 1950 1960 1970 1980 1990 ICF ICF_estimÚ

enfants par femme

Graphique 3. Indicateur Conjoncturel de Fécondité (ICF) et Indice de Coale exprimé en enfants par femme (ICF_estimé) ; département de l’Hérault

Le premier écart dépassant 1 % apparaît en 1947-48, puis à chaque retournement de tendance. Au plus fort, l’écart atteint 4 % à la fin des années 1970. Si, durant la première moitié du XXe siècle, le calendrier des héraultaises est resté proche de celui des Hutterites, depuis 1945 il semble s’en être écarté. On peut en avoir la

84

confirmation en regardant les taux de fécondité par âge. 0 20 40 60 80 100 1900 1910 1920 1930 1940 1950 1960 1970 1980 1990 <20 20- 4 25- 9 30- 4 35- 9 40- 4 taux pour 100 femmes

Graphique 4. Taux de fécondité par âge ; femmes héraultaises.

De 1907 à 1940, les taux de fécondité par âge évoluent ensemble, selon un mouvement parallèle ; dès 1941, ce n’est plus tout à fait le cas. Le calendrier de la fécondité subit des altérations sans cesse. Les raisons en sont connues la naissance est devenue une décision et non plus imposée par le hasard ou par la norme sociale. Mais malgré ces grandes modifications de calendrier, l’approche de If est

satisfaisante, aussi pour la période récente. Pour la période avant 1940, elle est même excellente. On pourra exprimer l’indice de Coale If en nombre d’enfants par

femme85.

c - fécondité légitime et nuptialité

Selon la théorie de la transition démographique, le contrôle de la fécondité se serait accrû dans un premier temps par le recul de la nuptialité (relèvement de l’âge au mariage et du taux de célibat définitif). Après seulement, le contrôle se serait déplacé à l’intérieur des mariages, en limitant la fécondité légitime. La dernière phase verrait la nuptialité se relever, et même totalement se libérer86. Pour

85

Pour retrouver la valeur originale de If, il suffit de diviser la valeur indiquée par 12,44. La

traduction en nombre d’enfants par femme ne change en rien le mode de calcul de If, ni sa capacité

examiner la nuptialité et la fécondité légitime de l’Hérault, à l’échelle départementale, nous avons dû reconstituer les femmes par état matrimonial et par âge. L’annexe II.3.1 présente la méthode de reconstitution utilisée.

0.5 0.55 0.6 0.65 0.7 0.75 0.8 1840 1860 1880 1900 1920 1940 1960 1980 2000 année Im moyenne mobile

Graphique 5. Indice de nuptialité de Coale (Im) et sa moyenne mobile sur 5 périodes ; Hérault 1851-1990.

Il n’est pas facile d’interpréter la fluctuation que montre la nuptialité de 1851 à 1962. Si le recul enregistré en 1921 et 1946 est logiquement l’effet du retard pris par la nuptialité durant les années de guerre, celui de 1886-1896 est plus difficile à expliquer. Le phylloxéra, a-t-il agi comme le feront les guerres au XXe siècle ? Au total, la nuptialité n’a guère évolué pendant 110 ans, elle a fluctué autour de la valeur 0,6 et ne s’en écartant rarement plus de 5 %. La vraie rupture se situe entre 1962 et 1968. C’est là que le contrôle de la fécondité “libère” réellement la nuptialité. La rechute après 1975 ne pourrait tromper l’observateur, il s’agit d’un recul du nombre de femmes mariées, non pas du nombre de femmes vivant en couple, “maritalement”.

0 0. 1 0. 2 0. 3 0. 4 0. 5 0. 6 18 50 18 60 18 70 18 80 18 90 19 00 19 10 19 20 19 30 19 40 19 50 19 60 19 70 19 80 année Ig

Graphique 6. Indice de fécondité légitime de Coale (Ig) ; Hérault 1851-1990.

La fécondité légitime ne montre pas du tout la même fluctuation (ce qui confirme la réalité de la fluctuation de la nuptialité). Après un plateau durant la période 1851-1866, la baisse de la fécondité légitime est régulière jusqu’en 1936. Seules les périodes 1894-98 et 1924-28 montrent une reprise passagère due à la fin de la crise phylloxérique et à celle de la guerre87. Les deux phénomènes ensemble peuvent être représentés sur un graphique, qui retrace le parcours du département dans l’espace nuptialité-fécondité légitime. Cet espace est également celui de la fécondité générale approximative (If*), si on néglige la composante de la fécondité

illégitime (1 à 2 % de la fécondité générale, jusqu’à récemment).

La fluctuation de Im autour de la valeur 0,6 apparaît sur le graphique comme un

grand chiffre 3, dont les extrémités gauches sont 1851, 1896 et 1921, et celles de droite 1876 et 1906. Deux cycles sont ainsi dessinés de 1851 à 1876, la nuptialité s’élève et la fécondité légitime baisse ; de 1876 à 1896, la nuptialité revient à son niveau antérieur et la fécondité légitime interrompt sa baisse. Le cycle est terminé. De 1896 à 1921, il se répète. Chaque fois, hausse de la nuptialité et baisse de la fécondité vont la main dans la main. La période 1866-1881 et, dans une moindre mesure, celle de 1896 à 1911 ont été décisives pour ce que Le Bras a appelé “la

course à la baisse de fécondité” (1988, p. 386). Les périodes 1851-1866 et 1886-

1896, par contre, se démarquent par une quasi-stabilité. La dernière est une pause, entre crise phylloxérique et la loi protectionniste de 1892, qui a privé Sète de son activité d’importation. La première, avant 1870, pourrait être le plateau pré- transitionnel, mais on n’oserait l’affirmer.

0.1 0.15 0.2 0.25 0.3 0.35 0.4 0.45 0.5 0.55 0.55 0.6 0.65 0.7 0.75 0.8 Im Ig 1851 1876 1896 1921 1936 1946 1968 1975 If* = 0,3 If* = 0,1 If* = 0,2

Graphique 7. Indice de fécondité légitime (Ig) en fonction de l’indice de nuptialité (Im) ; Hérault, 1851-1975 ; les indices on été calculés sur la période quinquennale autour de l’année indiquée.

Après 1921, nuptialité et fécondité légitime commencent une troisième boucle vers le bas, mais celle-ci est interrompue en 1936. Au lieu de poursuivre sa baisse, la fécondité légitime retrouve, dès 1946, le niveau qui était le sien en 1901-1911. Elle conservera ce niveau, du moins approximativement, jusqu’en 1968. La nuptialité, par contre, restera à son niveau de 1936 jusqu’en 1962, pour ensuite réaliser sa “transition” au cours de la période 1962-1968. Depuis 1968, les indices de nuptialité et de fécondité légitime ne sont plus appropriés pour rendre compte de ce qui nous occupe ici le comportement de la fécondité départementale.

d - le renouvellement des générations

“Il existe une interaction puissante entre la mortalité et la fécondité”, écrivent

Desplanques et Chesnais (1988, p. 324). Même si la France en général, et le département de l’Hérault en particulier, ont suivi un parcours de transition démographique inhabituel (voir infra, chap. II.5), l’interaction est évidente. Entre la fécondité générale et l’espérance de vie à la naissance, on relève, au cours de la période 1801-1935, une forte corrélation r = - 0,81. Une corrélation qui tombe à - 0,25 au cours de la période 1936-1990.

Il est possible de mesurer la fécondité en fonction de la mortalité par le taux net de reproduction des générations Ro. (Ro = 1 quand la génération de mères est

remplacée par une génération de filles du même nombre, compte tenu de la mortalité du moment). Le graphique 8 représente l’évolution de Ro.

0.4 0.5 0.6 0.7 0.8 0.9 1 1.1 1.2 1.3 1800 1825 1850 1875 1900 1925 1950 1975 2000 année Ro

Graphique 8. Taux net de reproduction des générations (Ro) ; Hérault.

On constate que le taux net de reproduction des générations est descendue, de façon plus ou moins régulière, de 1870 à 1940, et ce malgré la baisse de la mortalité, qui, elle aussi, s’amorce dans les années 1870. Le relèvement de 1945 à 1970 paraît d’autant plus spectaculaire qu’il cumule une hausse de la fécondité avec une baisse rapide de la mortalité. Il retombe aussi vite qu’il fut monté. Le renouvellement devient déficitaire une deuxième fois en 1973-1990.

Le graphique 9 montre que le va-et-vient de Ro autour de la valeur 1 en réalité

s’est effectué autour d’une mortalité en baisse rapide. La fécondité a suivi le mouvement de la mortalité. Dans un certain sens, on peut dire qu’elle l’a précédé sur une bonne partie de la période transitionnelle.

0 1 2 3 4 5 6 20 30 40 50 60 70 80

espérance de vie à la naissance, sexe féminin nés viv. / femme

Ro = 1

Graphique 9. Fécondité générale (If, en enfants par femme) départementale en fonctions de l’espérance de vie du moment 1801-1990 par périodes quinquennales. En trait continu, le nombre de naissances nécessaire au renouvellement des générations selon le niveau de mortalité du moment.

LA FECONDITE DES SOUS-POPULATIONS AU XIXe SIECLE Il existe une grande diversité de théories apportant des explications partielles de la chute de la fécondité (pour une description du débat voir, parmi d’autres, R. Leboutte 1987). Le modèle démo-économique, où l’on fait prévaloir la logique entre la baisse de la mortalité, la pression démographique et la baisse de la fécondité, a été décrit depuis fort longtemps (Landry 1934, Notestein 1945). Il continue à être enrichi par des travaux portant notamment sur les pays en voie de développement (voir par exemple Chesnais 1986). Il l’est également par un déplacement de la logique vers des mécanismes micro-économiques. Suite à la disparition des entreprises familiales et à l’activité salariale des femmes,

“l’économie de la fécondité est inversée, car, au lieu de participer à l’augmentation du revenu domestique, l’enfant contribue à sa diminution”.