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EXAMEN PRELIMINAIRE DES RECENSEMENTS

a - la carrière des cohortes après l’âge de 40 ans

Une première indication de la cohérence des recensements est donnée par la confrontation entre les cohortes ayant 40 ans et plus au moment du recensement et le nombre de décédés, appartenant à ces cohortes, dans le département. Les décès sont comptabilisés jusqu’au 1.1.1991 ; les survivants de la cohorte, présents dans le département au 1.1.1991, y sont ajoutés. Les décès par âge ont été utilisés sans correction préalable. Ils peuvent contenir des erreurs, notamment au XIXe siècle. Le rapport entre effectifs recensés et effectifs éteints est perturbé par la migration intervenue entre la date de recensement et l’extinction de la cohorte. Par conséquent, le tableau n’est qu’une indication, parmi d’autres, du degré de cohérence/incohérence entre les recensements publiés et l’état civil enregistré.

0.6 0.7 0.8 0.9 1 1.1 1.2 1.3 R51 R61 R72 R81 R91 R01 R11 R26 R36 R51 R61 R71 R81 fem 70+ fem 60+ hom 70+ hom 60+

Graphique 1. Effectifs éteints/effectifs recensés. Rapport entre cohortes éteintes dans le département, ou présentes en 1991, et celles recensées aux dates indiquées.

Commençons par la partie la plus récente du graphique 1946-1986. La migration est la perturbation principale durant cette période. Elle diminue avec l’âge, de sorte que les courbes des femmes et hommes de 60 ans et plus se situent au dessus de celles des femmes et hommes de 70 ans et plus. L’observation terminant en 1991, l’effet de la migration diminue quand on se rapproche de cette date. Avant 1946, le dessin est tout autre en 1881 et 1886, l’immigration apparente féminine aux âges élevés est si importante, que nous devons conclure à une erreur administrative. C’est l’information principale du graphique 1.

De 1872 à 1911, l’immigration féminine âgée semble constamment très élevée de 10 à 20 % de l’effectif recensé au delà de 60 ans. Il s’agit peut-être d’une erreur à la déclaration. Les aînées se sont rajeunies, ou elles ont été sous-enregistrées. Cette observation ne correspond pas avec celle de Bourgeois Pichat (1951, p. 639) pour la France entière, qui a trouvé une tendance au sur-enregistrement, ou au vieillissement, des classes âgées. L’absence du phénomène aux recensements de 1851 à 1866 plaide contre cette hypothèse. S’agit-il d’une erreur administrative répétée ?

En 1856, 1866, 1872 et 1881, puis de 1901 à 1911, les recensements des hommes montrent également une migration apparente peu probable, mais l’écart - environ 10 % - et sa forte fluctuation pourraient être interprétés comme des imprécisions statistiquement aléatoires. D’autres indicateurs de fiabilité sont nécessaires.

b - la présence des groupes d’âge avant 40 ans

Un deuxième examen des recensements concerne les groupes d’âge de 0 à 39 ans. L’étude de la part relative des grands groupes d’âge révèle plusieurs irrégularités.

0.27 0.28 0.29 0.3 0.31 0.32 0.33 0.34 0.35 0.36 R51rec R61 R72 R81cor R91 R01 R11 0-19 sm 20-39 sm 0-19 sf 20-39 sf

Graphique 2. Parts des grands groupes d’âge dans la population totale, sexes séparés.

Le nombre élevé des hommes de 20-39 ans au recensement de 1886, dont on ne trouve la trace aux recensements suivants, fait pendant au déficit avant 20 ans. Elle confirme l’incohérence du recensement de 1886, constatée pour le sexe féminin auparavant.

Les recensements de 1856 à 1872 se caractérisent par une diminution rapide des 0- 19 ans et par une croissance des 20-39 ans. Aucune fluctuation de la natalité n’est là pour expliquer ce phénomène. L’apparition progressive et la disparition abrupte sont à l’opposé des perturbations de type épidémiques ou crises majeures, qui apparaissent brusquement pour disparaître progressivement. On pense plutôt à une erreur administrative, apparaissant en 1856, s’accentuant en 1861-1872.

c - l’attrait des âges ronds

Nous pouvons suivre la qualité des recensements par un troisième indicateur l’attrait des âges ronds. Il se produit à la déclaration et ne doit rien aux méthodes de dépouillement ni au traitement administratif. Nous pouvons l’observer aux recensements dont les résultats sont publiés par année d’âge en 1851, 1856, 1861, 1866, 1901 et 1911. Nous rappelons que l’arrondissement “Montpellier” est obtenu par soustraction des récapitulations des trois arrondissements conservés de la récapitulation départementale.

RP1851 RP1856 RP1861 RP1866 RP1901 RP1911 départ. H -1% 12% 4% -1% 14% 7% F -6% 18% 4% -2% 18% 13% Arr Béziers H 2% 22% 21% F 2% 26% 11% Arr Lodève H 42% 15% 30% F 53% 15% 40% Arr "MTP" H 6% -23% -48% F 31% -24% -30% Arr St-Pons H 23% 17% 19% F 20% 22% 22%

Tableau 1. Sur-effectif moyen aux âges ronds entre 30 et 70 ans relatif à l’effectif des quatre années d’âge entourantes (voir le chap. 1.2 pag. 30 pour la définition de la mesure d’attrait A). Les récapitulations au RP de 1851 n’ont pas été retrouvées ; celles de 1901 et 1911 n’ont jamais été réalisées. Les autres recensements n’ont pas publié de récapitulation par année d’âge.

L’attrait des âges ronds dont les recensements de 1901 et 1911, a priori fiables, donnent la mesure, est absent des récapitulations départementales de 1851 et 1866, et très faible en 1861. Nous savons que la récapitulation départementale en 1851 est fictive.39 Ceci explique cela. Le recensement de 1861 et 1866 ont probablement connu le même sort. Les récapitulations départementales sont fictives, même si - comme nous verrons plus loin - la fiction est plus vraisemblable qu’en 1851. Les valeurs négatives de l’arrondissement “Montpellier” en 1861 et 1866 donnent la clé non seulement les récapitulations de l’arrondissement de Montpellier sont perdues, elles n’ont probablement jamais existé. En tout cas, la récapitulation départementale a été réalisée sans elles. La récapitulation départementale a été estimée sur la base des trois arrondissements disponibles (d’où leur plus grande vraisemblance qu’en 1851), mais sans reproduire l’attrait des âges ronds, dont on n’avait pas conscience. L’arrondissement “Montpellier” compense donc l’attrait des âges ronds des autres arrondissements, ce qui résulte en un sous-effectif important aux âges ronds.40 Nous retrouvons la dégradation progressive entre 1856 et 1866, constatée au graphique 2.

d - le sous-enregistrement aux jeunes âges

Le graphique 3 montre le rapport entre les effectifs recensés et ceux estimés par les naissances et décès publiés (sous l’hypothèse d’une migration nulle entre 0 et 15

39 L’attrait des âges ronds existe bel et bien dans les récapitulations communales. Nous ne pouvons le calculer de la même façon qu’aux récapitulations départementales, car nous disposons des récapitulations des communes rurales par groupe d’âge seulement. L’impression que nous donnent les communes urbaines est celle d’un attrait des âges ronds du même ordre qu’en 1856.

40 D’autres éléments permettent de mettre en doute la fiabilité des récapitulations. Les effectifs du plus grand arrondissement (Béziers) en 1866 ont été, au moins, arrondis : 34 % des valeurs finissent par “0” ; 11 % même par “00”.

ans). La période a connu une immigration quasi-ininterrompue. Le déficit des 0-4 ans aux recensements, permanent de 1851 à 1921, ne peut donc être attribué à la migration des familles, au contraire.

0.5 0.75 1 1.25 RP1851rec RP1866 RP1881 RP1896 RP1911 RP1931 0-4 5-9 10-14

Graphique 3. Rapport entre effectifs recensés et estimés sur la base de l’état civil, trois groupes d’âge.

Analysons le rapport entre effectifs recensés et estimés aux recensements de 1921 à 1936. Les effectifs recensés à 0-4 ans correspondent bien aux effectifs attendus ; ceux à 5-9 ans sont légèrement supérieurs, et les effectifs à 10-14 ans le sont davantage. Ceci est le profil normal en période d’immigration.41 Les trois courbes en superposition auraient dû être observées sur l’ensemble de la période 1851- 1936, car l’immigration a été dominante durant toute la période. Nous constatons, par contre, qu’elles partent en 1851 d’un niveau de 15 à 20 % plus bas.

Il existe une hypothèse capable d’expliquer le sous-enregistrement apparent celle de la mise en nourrice extra-départementale. Pour que l’hypothèse tienne, il aurait fallu qu’en 1851 un sixième des enfants nés dans l’Hérault soit en nourrice en dehors du département, au moment du premier recensement (à l’âge moyen de 2,5 ans) ; il aurait fallu, en plus, que ces enfants ne reviennent que très progressivement, entre l’âge de 5 à 14 ans. Cette hypothèse ne paraît pas vraisemblable.42

Une autre hypothèse peut paraître plus plausible celle du sous-enregistrement des décès aux très jeunes âges. Pour que cette hypothèse explique la totalité de l’écart, plus d’un sixième des enfants nés et enregistrés aurait dû décéder, sans qu’on enregistre leur décès. Mais les mortalités infantiles et juvéniles enregistrées sont

déjà élevées entre 1851 et 1881, les quotients 1q0 et 4q1 ont été respectivement

0,18 et 0,19. Elles correspondent à la table-type de Coale Sud niveau 8 (espérance de vie 37,5 ans). La mortalité aux autres âges correspond aux niveau 10 ou 11 (espérance de vie 42,5 à 45 ans). La mortalité infantile est donc déjà élevée par rapport à la mortalité aux autres âges. Dans ces conditions, on n’imagine pas une mortalité infantile de 34 % (18 enregistré plus 16 non enregistrés). En plus, un héraultais sur six ferait ainsi partie des “décès perdus”, ce qui est hors de proportion pour la deuxième moitié du XIXème siècle. Il faut se rappeler que depuis le début des années 1850, le taux de mortinatalité est au-delà de 4 % et son enregistrement peut donc être jugé (proche de) complet. Il n’est pas vraisemblable que la mortalité infantile soit mal enregistrée, quand la mortinatalité l’est de façon satisfaisante. Sans exclure la possibilité d’un sous-enregistrement des décès aux jeunes âges, avant 1871, l’essentiel reste inexpliqué.

Si on tirait une droite pour chaque courbe de 1851 à 1921, on trouverait tous les recensements très proches de ces lignes, à l’exception des 4 recensements déjà suspects 1861, 1866, 1872 et 1886. Comme si le sous-enregistrement se résorbait lentement et régulièrement.

e - conclusion

Plusieurs indices concordants mettent en cause les recensements de 1851, 1861, 1866, 1872, 1881 (sexe féminin) et 1886. Nous les écarterons de l’observation. Pour les autres recensements (1856, 1876, 1891, 1896 et suivants), nous avons constaté trois erreurs significatives à la déclaration le rajeunissement (ou sous- enregistrement) aux âges élevés notamment pour les femmes, le sous- enregistrement aux âges jeunes, et l’attrait des âges ronds. Ce dernier n’exige aucune correction si on a l’objectif de reconstituer la population par groupes d’âge, comme nous l’avons démontré au chapitre I.2. Il reste à vérifier la mortalité et les migrations de la population Héraultaise.