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DEUX ALTERNATIVES DE RECONSTITUTION

Deux méthodes nous permettent de remplacer les années éliminées. D'abord (méthode A) elles peuvent être estimées utilisant la distribution des décès des années environnantes. Pour cela, le total des décès doit être accepté ou ré-estimé. Cette solution est indiquée pour les années 1876-1877 ; pour 1856-1866, elle prendrait la forme d'une extrapolation, ce qui serait plus discutable.28

Ensuite (méthode B) on peut répartir le total de décès, qui à nouveau doit être correct, selon les âges à l'aide de tables-types. Pour cela, nous serons obligés de faire confiance soit aux pyramides estimées par lissage, soit aux pyramides reconstituées après estimation de la migration par âge.

La suite de la reconstitution dépend de l'option prise parmi les suivantes

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L'ensemble de données dont nous disposons nous permettra de trancher en faveur du deuxième scénario. Pour le besoin du développement de la méthode, nous nous en tenons pour l'instant aux seules données publiées.

Scénario

Méthode I II

A IA IIA

B - IIB

Tableau 1. Options de reconstitution suivant le scénario et la méthode choisis.

Les options IA et IIA permettent une estimation des décès par âge avant celle de la migration. L'option IIB nécessite une estimation de la migration avant celle des décès par âge. Dans le cas des reconstitutions communales, où nous ne disposons pas des décès par âge, la méthode B sera employée systématiquement. Mais ici, où nous disposons de décès par âge cohérents sur un grand nombre d'années, l'application de la méthode A peut être justifiée, surtout dans le cas du premier scénario.

Option IA

Après le remplacement des décès par âge des années 1876-1877, sur le modèle de la distribution observée en 1874-1875 et 1878-1879, nous disposons pour la période 1856-1905 d'une pyramide finale supposée correcte, et d'une série de naissances et de décès par âge supposée fiable. Nous avons également une estimation des effectifs par âge en 1856, 1861, ... 1901, mais ces effectifs-ci sont jugés erronés. Leur correction est l'objectif premier de la reconstitution.

La problématique de la reconstitution peut maintenant être ramenée à une estimation de la migration par âge. Le tableau 2 donne les valeurs constatées. A priori, les valeurs par âge sont erronées dans la mesure où les recensements le sont. Les SMiP sont également sujets à caution. Ils représentent entre -1 et +2 % de la population totale recensée, qui, elle, connaît une marge d'erreur au moins du même ordre.29 Ils accumulent également les changements de méthode de recensement, de définitions employées, etc.

Les SMiC sont, au contraire, des valeurs relativement fiables, car elles ne dépendent que des naissances vivantes et de la pyramide finale. Mais ils ne sont connus que pour 12 cohortes, puisque la reconstitution ne porte que sur 55 ans. Plus la période reconstituée est longue, plus les valeurs des SMiC seront une aide à l'estimation de la migration par âge.

29 Vangrevelinghe (1963) et Coeffic (1993) concluent à une erreur de 1,5 à 2 % sur le dénombrement en 1962 et 1990. Il est probable que cette erreur fut plus importante aux recensements du XIXe siècle.

1856-60 1861-65 1866-70 1871-75 1876-80 1881-85 1886-90 1891-95 1896-00 N/0-4 -2622 -4431 -5626 -740 -3961 -5769 -660 -1816 -1120 0-4/5-9 3177 2042 2442 3275 802 3784 5838 2002 1770 5-9/10-4 -876 -1204 -1285 2216 -243 2023 -1481 522 408 10-4/15-9 2595 2733 2766 6014 584 5224 -85 2604 2719 15-9/20-4 3682 3407 5411 5182 1142 11211 2835 4117 3496 20-4/25-9 -2078 -1062 540 -1913 -2685 -3777 -10107 -4018 -127 25-9/30-4 1028 3019 2485 -1018 630 108 2072 1480 2034 30-4/35-9 1150 780 -169 -1426 1508 154 136 1565 1143 35-9/40-4 660 1369 -1266 -1999 299 -2225 -125 748 120 40-4/45-9 -17 225 -1616 -276 302 -667 2260 1017 -228 45-9/50-4 1710 1298 -271 414 -458 -524 883 342 -253 50-4/55-9 78 876 220 327 -1795 -766 501 -168 -612 55-9/60-4 -1337 -225 -1709 -2414 -741 -509 1280 249 443 60-4/65-9 -285 -1131 -2057 -388 314 -1105 1123 -44 -305 65-9/70-4 -1321 -843 -802 149 -188 376 229 -77 150 70-4/75-9 -637 -173 13 472 37 -85 208 645 265 75-9/80-4 87 315 309 358 794 -705 874 520 268 80-4/85-9 -28 -19 -377 84 336 -161 1493 270 40 85-9/90-4 72 23 -36 101 182 -25 224 145 106 90-4/+ -19 -15 -32 -57 -17 -89 26 -79 -94 SMiC 4883 4129 2941 5265 3647 4216 4189 1591 -472 SMiP 5019 6984 -1060 8361 -3158 6473 7524 10024 10223 1901-05 1906-10 -1599 -601 704 -92 368 -56 1528 1269 1182 911 -265 -276 -841 -530 -165 116 -466 -375 -130 57 481 -258 -912 -937 -166 518 34 233 74 -112 -71 220 218 474 187 343 169 202 -85 -67 -1691 -601 245 1039

Tableau 2. Migration apparente par âge et par période intercensitaire, constatée sur la base des naissances, des décès corrigées et des pyramides brutes ; Solde Migratoire des Cohortes (SMiC) en 1911 ; Solde Migratoire des Périodes (SMiP).

Malgré l'incertitude des valeurs par âge, celles-ci nous permettent quelques observations générales. D'abord, il y a une émigration apparente entre la naissance et le premier groupe d'âge, pour toutes les cohortes, suivie d'une immigration apparente entre le premier et le second groupe d'âge. Trois explications sont possibles la mise en nourrice avec retour cinq ans plus tard (hypothèse peu probable en raison du retour à 100 % dans 5 cohortes sur 11, et en raison de la forte mortalité infantile observée) ; le vieillissement à la déclaration (également peu probable, car il devrait être suivi d'une émigration apparente entre le deuxième et le troisième groupe d'âge) ; le sous-enregistrement des 0-4 ans. Nous retiendrons l'hypothèse du sous-enregistrement du premier groupe d'âge.

Ensuite, nous constatons une émigration entre les groupes d'âge 20-24 et 25-29 ans (10 cohortes sur 11). Cette émigration intervient après 10 ans d'immigration (toutes les cohortes) et avant 10 ans d'immigration (8 cohortes sur 11). Les explications possibles sont les mêmes que pour l'émigration entre la naissance et le premier groupe d'âge, en remplaçant "mise en nourrice" par "départ en mariage" et "vieillissement" par "rajeunissement". Mais ici, nous n'arrivons pas à départager

les 29 ans qui déclarent avoir 30 ans (voir le graphique 1). L'hypothèse du rajeunissement des 25-29 ans est généralement retenue par les auteurs (par exemple, Bonneuil et par Van de Walle) ; elle peut paraître crédible. Mais l'hypothèse d'une émigration réelle à l'âge du mariage l'est tout autant. L'émigration vers 25 ans, au milieu d'une immigration plus jeune et plus âgée, est une caractéristique de la démographie actuelle de l'Hérault et rien ne nous interdit de penser qu'il en était de même au XIXème siècle.

Enfin, malgré la grande variation des valeurs calculées, nous constatons que la migration cumulée entre 30-34 ans et 100 ans, sur l'ensemble des 11 périodes intercensitaires, est de -745 femmes (-5 en moyenne par groupe d'âge et par période inter-censitaire), tandis que la migration cumulée entre la naissance et l'âge de 30-34 ans s'élève à 52 417 femmes (donnant une moyenne de 681). La migration semble donc se concentrer avant l'âge de 30 ans, principalement entre 10 et 30 ans.

En somme, l'analyse du tableau 2 nous a donné quelques indications sans surprise le sous-enregistrement des 0-4 ans est probable ; la migration se concentre vraisemblablement entre 10 et 30 ans ; et rien ne nous permet de départager un réel mouvement de retour à l'âge de 25 ans d'un rajeunissement à la déclaration.

Avec la correction des valeurs par âge, nous touchons aux limites des possibilités de reconstitution. Aucune table-type, aucun profil-type ne reconstitue la variété réelle des migrations par âge. Rien ne nous permet même d'affirmer avec certitude que les valeurs constatées sont erronées ou non. Mais laisser les migrations par âge libres consisterait à accepter les recensements publiés quelle que soit leur qualité. Il faut donc introduire des contraintes. Nous avons formulé les contraintes suivantes

1) le profil migratoire doit être constant sur toute la période 1856-1911 ;30 2) la migration se concentre entre les âges de 0 et 60 ans ;

3) les Soldes Migratoires par Période (SMiP) sont considérés corrects, éventuellement après lissage.

Sous ces contraintes, nous avons cherché le profil de migration qui reconstitue le mieux les Soldes Migratoires des Cohortes (SMiC).31 Le profil ne constitue pas exactement les SMiC. On ne pourra donc respecter entièrement à la fois les naissances vivantes enregistrées en 1856-1910 et la pyramide finale en 1911. Nous avons privilégié les naissances. Les cohortes nées en 1856-1910 ont été vieillies jusqu'en 1911 ; les cohortes nées avant 1856 ont été rajeunies, à partir des

30 Pour la reconstitution définitive du département et celle des arrondissements et communes, nous introduirons un deuxième profil, dit de "reflux", pour les périodes isolées de migration inverse. Nous utiliserons toujours des profils transversaux, pour les commodités de calcul. Les reconstitutions qui s'étendent sur de longues périodes pourraient tirer profit d'un profil longitudinal. Il faudrait résoudre le problème des deux triangles, en haut à gauche et en bas à droite, du diagramme de Lexis, où la carrière migratoire des cohortes est tronquée.

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effectifs recensés en 1911 (à 55 ans et plus). Le problème des derniers groupes d'âge n'existe pas, car nous disposons des décès et des migrations en effectifs réels, et non sous forme de quotients.

Option IIA

La démarche est la même que pour l'option IA. Seuls les décès en 1856-1866 ne sont pas les mêmes. Le profil de migration - unique pour la période 1856-1910 - est identique à celui trouvé pour l'option IA, car les SMiP et les SMiC observés sont quasiment identiques. Les pyramides reconstituées sont assez proches de celles sous IA, à l'exception de la cohorte née en 1856-1860, qui subit les plus importantes conséquences des différentes estimations concernant les décès en 1856-1866.

Option IIB

Ici encore, de 1872 à 1906, les décès et les migrations par âge sont les mêmes. La particularité de la méthode IIB ne concerne que les décès de la période 1856-1866. Nous employons toujours le même profil de migration, car celui-ci s'accorde le mieux à la période 1872-1911. Les SMiP en 1856-1860, 1861-1865 et 1866-1870 acceptés, nous disposons donc d'une estimation de la migration par âge avant d'estimer les décès par âge à l'aide des équations suivantes

Dt,t+1 = Pt - Pt+1 + SMiPt,t+1 + Nt,t+1 (1)

Pt+1 = Σ (pi,t ( Ei,t + 0,5SMi,t)) + 0,5 SMiPt,t+1 ( i = -5, 0, 5, ... 85) (2)

où Dt,t+1 est le nombre total des décès entre t et t+1, Pt la population totale en t, Pt+1 la population totale en t+1, SMiPt,t+1 le solde migratoire entre t et t+1, Nt,t+1

le nombre de naissances vivantes entre t et t+1, pi ,t la probabilité de survie entre t

et t+1 d'âge i,i+5 à i+5,i+9 déduite des tables-types Ledermann (p-5 est la

probabilité de survie entre la naissance et l'âge 0-4 ans), Ei,t l'effectif à l'âge i,i+4

en t (E-5 est le nombre de Naissances vivantes), et SMi,t le solde migratoire entre

l'âge i,i+4 en t et i+5,i+9 en t+5 .

Puisqu'il s'agit de trois périodes seulement, nous avons préféré la rétro-projection à partir de 1872, après estimation des derniers groupes d'âge en 1866 et 1861.32 La méthode IIB sera employé - avec d'autres tables-types - pour la reconstitution communale sur l'ensemble de la période 1801-1962, mais en projetant en avant, à partir d'une pyramide stable en 1801.

de l'incertitude inhérente à la reconstitution provient de l'estimation de la migration par âge. Or, ce serait une illusion de penser qu'une reconstitution, quelle que soit la méthode utilisée, puisse retrouver les véritables fluctuations de la migration par âge et par période. Nous pouvons seulement estimer et situer l'incertitude le SMiC départemental égalant environ 15 % des cohortes, on peut penser que les immigrants arrivaient surtout entre 10 et 30 ans. Entre ces âges, on peut donc mésestimer les effectifs de 5 à 10%. Aux autres âges, l'erreur ne devrait pas dépasser les 5%.

Gardant ces réserves à l'esprit, le graphique 8 compare la correction des différentes reconstitutions aux recensements de 1856 à 1872.

0.6 0.8 1 1.2 1.4

Bonneuil VdWalle IA IIA IIB

0.6 0.8 1 1.2 0.6 0.8 1 1.2 0.6 0.8 1 1.2 0- 4 5- 9 1 0- 4 1 5- 9 2 0- 4 2 5- 9 3 0- 4 3 5- 9 4 0- 4 4 5- 9 5 0- 4 5 5- 9 6 0- 4 6 5- 9 1856 1861 1866 1871

Curieusement, on constate que les reconstitutions, utilisant les méthodes aussi diverses que celles de Bonneuil, Van de Walle et les nôtres, se retrouvent le mieux là où on aurait attendu le plus de différence : entre 15 et 35 ans.

A part l'excentricité de la reconstitution de Bonneuil en 1856 (qui est entièrement à mettre au compte de l'influence du recensement fantaisiste de 1851 sur le lissage des cohortes), les plus grands écarts entre les reconstitutions se trouvent avant l'âge de 15 ans, essentiellement dus au choix des tables-types.

Nous ne choisirons pas entre les trois scénarios de notre méthode. Ils illustrent la marge d'incertitude qui reste liée à la reconstitution des femmes de l'Hérault de 1856 à 1906, si l'on dispose des données publiées seulement, comme ce fut le cas pour Van de Walle et Bonneuil. La reconstitution que nous allons faire sera encore différente, car nous disposons d'un grand nombre de statistiques démographiques non publiées, que nous avons collectées, aux Archives Départementales de l'Hérault. Elles nous permettent une analyse plus fine des données et une reconstitution vraisemblablement plus fiable. C'est à cette tâche qu'est consacrée la deuxième partie.

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COMMUNES ET SOUS-POPULATIONS

DEPARTEMENTALES

Nous étudions la démographie héraultaise à l'échelle la plus fine où nous pouvons l'observer, c'est-à-dire celle des communes. Au cours des deux derniers siècles, certaines d'entre elles ont subi des modifications de territoire, d'autres ont connu une population trop réduite pour permettre des mesures statistiques. Nous définissons donc, dans un premier temps, des communes dites "stables", dont le territoire peuplé est resté inchangé de 1801 à 1990. Ensuite, nous fixons un seuil minimum du nombre d'habitants et regroupons celles qui ne l'atteignent pas.