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2). L’imagination et la relation aux éléments chez Bachelard

a). Les imaginations

Il existe un matériau philosophique important sur le rapport des hommes à ce qui les entoure. Il s’agit de la synthèse effectuée par Gaston Bachelard sur les différents éléments : l’eau, l’air, la terre et le feu. Les ouvrages sur les trois premiers éléments sont utiles afin de saisir les relations qui existent entre eux et les hommes, et qui ont été exprimées dans la littérature. L’enjeu est alors d’observer dans quelle mesure il est possible de retrouver ces relations dans les cultures des visiteurs. Les éléments sont ce qui est à la base, au fondement de. Ils constituent la substance. On retrouve donc avec eux une incarnation de la nature, avant une composition paysagère, avant une relation environnementale ou mésologique. Mais ils sont ce qui permet ces relations. « Les quatre éléments semblent toujours bénéficier, dans

notre société marchande et urbaine, d’une forte symbolique malgré le processus de désenchantement du monde qui les affecte »546. Cette présentation soulève un paradoxe : à la fois une coupure du monde par rapport à ce qu’il avait d’enchanteur, et en même temps la persistance de la symbolique des éléments. Ceux-ci développent-ils alors d’autres rôles vis-à-vis de l’homme ? L’hypothèse évoquée ici est plutôt celle de la symbolique que des ressources matérielles. A priori, elle correspond au cadre de la visite. L’individu fonde son attirance pour l’espace visité en terme de représentation symbolique, et non en terme de recherche d’éléments matériels nécessaires à la vie. Néanmoins, il faut être attentif aux conditions qui provoquent un retour à cette recherche des éléments vitaux dans certaines circonstances de la visite. On pense à l’eau, par rapport à la sensation de soif lors de certains parcours, ou de l’air, que l’on souhaite plus frais. Au-delà, on peut aussi se demander si les expressions de la terre comptent dans la satisfaction de besoins primaires, ou si elles n’interviennent que dans un apport symbolique par rapport à l’homme.

Pour Bachelard, l’imagination n’est pas la faculté de former, mais « de déformer les

images fournies par la perception, elle est surtout la faculté de nous libérer des images premières, de changer les images »547. Le débat sur la préséance de la réalité du monde ou de sa représentation par rapport à l’espace touristique548 et de visite serait donc clos par cet énoncé. Il faudrait d’abord passer par l’expérience du monde perçu pour que puisse agir

546

: YOUNES C., T. PAQUOT, 2002, Ouverture, Philosophie, ville et architecture La renaissance des quatre

éléments, Paris, La Découverte, p. 9.

547

: BACHELARD G., 1943, L’Air et les Songes Essai sur l’imagination du mouvement, Paris, José Corti, p. 5.

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l’imagination à partir des images de la perception, à moins que l’on considère aussi comme perception ce qui est réception des images avant le départ vers la destination. Ainsi, il y aurait alors un premier processus de déformation des images, celles qui nous sont transmises par les médias avant notre départ, puis un second processus de déformation, cette fois à partir de la réalité de la perception de l’espace effectivement visité. Cela met en avant que, s’il y a bien une influence de ce qui nous est présenté avant le départ, cette influence ne reste pas intact, nous la transformons nous-mêmes. Bien plus, Bachelard remet en cause le processus de perception des images, pour lequel les philosophes réalistes et les psychologues pensent que la perception précède l’imagination549. A l’inverse, Bachelard avance que « l’image perçue et

l’image créée sont deux instances psychiques très différentes et il faudrait un mot spécial pour désigner l’image imaginée », aussi qualifiée comme étant une « imagination créatrice »,

par comparaison et par opposition à l’imagination « reproductrice »550. Cette création est une sublimation de la réalité.

Le classement en deux types d’imagination, effectué par Bachelard, permet d’affiner l’appréhension de ces phénomènes. L’imagination formelle et l’imagination matérielle « coopèrent. Il est même impossible de les dissocier complètement »551. Néanmoins, à partir de là, on peut supposer que l’imagination formelle agit plus spécialement dans la phase imaginaire se nourrissant des représentations médiatiques et de l’espace vécu, surtout dans une société contemporaine de l’image, alors que l’imagination matérielle dispose d’un champ d’exercice plus approprié dans la phase imaginaire de l’expérience de visite. Pour Bachelard, au contraire, le paysage ne peut se contempler que si cet acte est précédé chez l’individu d’une « zone de rêveries matérielles »552. Où se place cette zone ? Correspond-elle à l’espace du chez-soi, préalable à la visite, parce que s’y élabore le projet de visite ? S’inscrit-elle dans le déplacement vers l’espace de visite, parce que cet espace traversé est intermédiaire, où le contact avec la matérialité de la nature est mis entre parenthèses par le caractère artificiel du mode de transport ? Ou bien devient-elle seulement effective dans l’espace des abords, justement parce qu’il ouvre le contact entre l’individu et la matérialité de la nature ? Il est aussi probable que plusieurs de ces espaces soient le cadre de ces rêveries matérielles, dans un emboîtement d’échelles spatio-temporelles. Ainsi, le chez-soi, le déplacement comme le seraient alors les espaces où se déroulent les rêveries de l’ensemble des espaces récréatifs, le lieu de vacances permet la manifestation des rêveries des espaces de visite, et les abords forment l’espace où se développent plus spécialement les rêveries de la destination de visite. « On ne regarde avec une passion esthétique que les paysages qu’on a d’abord vus en

rêve »553. Oui, mais cela semble montrer que Bachelard se situe dans la conception moderne de la nature, avec l’homme posé face à la nature. La post-modernité peut développer d’autres rapports à la nature que l’esthétique paysagère. Ces rapports ne nécessitent alors peut-être plus la phase préalable des rêveries matérielles, ou bien alors cette phase se maintient, à la fois parce que la modernité des rapports à la nature se superpose à la post-modernité et parce que les rêveries matérielles dépassent le cadre des rapports historiques à la nature.

D’autre part, Bachelard insiste aussi sur l’aspect dynamique de l’imagination. Celle-ci ne doit donc pas se concevoir comme un processus se déroulant dans un espace-temps

549

: BACHELARD G., 2004 [1948], La Terre et les rêveries du repos, Paris, José Corti, pp. 8-9.

550

: Ibid., p. 9.

551

: BACHELARD G., 1942, L’Eau et les Rêves Essai sur l’imagination et la matière, Paris, José Corti, p. 7.

552

: Ibid., p. 11.

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particulier, anticipant un autre espace-temps, mais aussi comme un processus plus continu. L’imagination dynamique est particulièrement appropriée à la pratique de mobilité : « Il faut

recenser tous les désirs de quitter ce qu’on voit et ce qu’on dit en faveur de ce qu’on imagine (…) Imaginer c’est s’absenter, c’est s’élancer vers une vie nouvelle »554. Le caractère onirique de la matérialité implique aussi que le visiteur ne saisisse pas toutes les images qui traversent son esprit, et donc qu’il ne puisse toutes les restituer. Cela est une donnée qui pourra expliquer le fait que le visiteur ne rende pas bien compte de ce qu’il a imaginé. En tout cas, à partir d’une réflexion globale sur les imaginations, on arrive à cerner l’imagination qui nous intéresse et qui est effective dans le cadre de la visite : une imagination matérielle, dynamique, créatrice, qui s’adapte au contexte d’espace-temps de la visite et/ou, peut-être même, qui le rend possible.

b). L’eau

Comme pour les autres éléments, Bachelard étudie l’eau à travers ce qu’en ont dit les écrivains et les poètes. D’une part, ce qu’il rapporte et analyse peut constituer un éclairage sur ce que des individus n’exprimeront peut-être pas. D’autre part, il s’agit aussi d’un recueil onirique sur lequel il faut se garder de porter une synthèse, et encore moins une présentation exhaustive, des rapports de l’homme aux éléments. Néanmoins, des clés d’observation de ces rapports sont fournies, et serviront en partie à saisir ce qui se passe entre l’individu et l’élément liquide dans différentes configurations : un plan d’eau à destination, ou des « eaux courantes » dans l’espace des abords. Déjà, cette géographie associe la nature, la topographie, et l’activité humaine. Le déterminisme n’est pas loin : les lieux de visite sont ceux où l’eau est présente de façon stable. On peut s’y baigner, la regarder, et y percevoir le paysage environnant à sa surface. L’eau courante suit un cheminement, comme l’homme en suit un, parallèle, pour atteindre la destination. Pourtant, l’eau courante est aussi une attraction. L’eau donne d’abord lieu à des « images qui matérialisent mal […], des images qui jouent à la

surface de l’élément, sans laisser à l’imagination le temps de travailler la matière »555. Les images relatives aux « eaux claires », aux « eaux printanières » et aux « eaux courantes » sont « fugitives, elles ne donnent qu’une impression fuyante »556. En rapport avec cette opinion, il faut aussi faire référence à la biographie de Bachelard, qui resta attaché jusqu’à la trentaine d’années à ses eaux continentales champenoises, avant de découvrir la mer. Cela permet d’expliquer sa réflexion, mais offre aussi et surtout une ouverture pour établir que des individus ayant d’autres cultures des espaces possèdent d’autres rapports aux éléments et s’en forgent d’autres réflexions. La fuite des eaux courantes est un handicap pour Bachelard. L’élément ne reste pas en place, il n’est pas fixe et ne peut donc produire des images profondes. Lorsque « l’eau s’alourdit, s’enténèbre, s’approfondit, elle se matérialise »557. Qu’est-ce qui importe pour l’individu en visite ? Est-il marqué par la densité des eaux stagnantes, ou par la vigueur, l’éclairage, l’éclaboussement des eaux courantes ? Les sports d’eau vive ont notamment tendance à construire et, à la fois, à refléter une culture des eaux courantes primant sur les eaux stagnantes. Il reste aussi à cerner la réponse à l’enjeu

554

: BACHELARD G., L’Air et le Songes, p. 8.

555

: BACHELARD G., L’Eau et les Rêves, p. 18.

556

: Ibid., pp. 29-30.

557

géographique de ces goûts et de ces potentiels imaginaires : qu’est-ce que cela implique en terme de rapport entre ce qui attire et ce qui est destination ?

Les plans d’eau calmes disposent d’atouts spécifiques. Ainsi, « le lac a fait le jardin.

Tout se compose autour de cette eau qui pense »558. Ici, l’eau calme a un pouvoir centrifuge. Un déploiement d’espace humain, un aménagement se place autour du plan d’eau. D’autre part, « le lac, l’étang, l’eau dormante nous arrête vers son bord. Il dit au vouloir : Tu n’iras

pas plus loin »559. On retrouve ici un pouvoir centripète, associé à une faculté d’arrêter, afin que cette qualité centripète soit pleinement réalisée. Mouvements centrifuge et centripète s’articulent en fait entre eux. Le mouvement vers l’eau crée les abords du plan d’eau par la station des visiteurs, et en même temps la connaissance ou la supposition de ces abords péri-aquatiques rendent possibles l’attraction et la destination. L’eau dans laquelle se reflète notre image donne aussi lieu à « un narcissisme idéalisant »560. L’eau permet de se regarder, de se percevoir. En outre, et c’est là que peut s’expliquer l’organisation de l’espace, l’image de Narcisse « est le centre d’un monde. Avec Narcisse, pour Narcisse, c’est toute la forêt qui se

mire, tout le ciel qui vient prendre conscience de sa grandiose image […]. On verra le monde se dessiner d’autant mieux qu’on rêvera immobile plus longtemps »561. L’eau calme, ici, sert à la représentation du monde dans une position de repos. Il s’agit aussi de concevoir que le mouvement, la turbulence puisse suggérer, évoquer. Donne-t-elle des représentations du monde, davantage en entier, ou offre-t-elle des images d’ailleurs plus localisées ? Ainsi, à partir du postulat de Bachelard, on n’oppose pas légèreté, fuite et inconsistance imaginaire d’une part, lourdeur, fixité et puissance d’imagination matérielle d’autre part. Les cultures contemporaines ne sont-elles pas celles là même qui mettent en avant le spectaculaire (cf. la Serre), la vitesse et la vivacité ? En admettant que les deux types d’eau soient à l’œuvre des représentations des espaces, il s’agit de montrer à quelles échelles et vers quelles qualités d’espace se portent les images dues aux eaux courantes d’une part, aux eaux calmes d’autre part, et, finalement, d’évaluer en quoi ces projections imaginaires importent, à petite échelle, dans le choix des espaces de visite, et, à grande échelle, dans leur organisation. Enfin, en terme de genre, l’eau se rapporte à la féminité : « les formes féminines naîtront de la

substance même de l’eau »562.

Bachelard met enfin en évidence l’apport de la pureté de l’eau en terme de valorisation. Ce n’est pas une valorisation seulement liée à la qualité matérielle de l’eau, mais « une valorisation des rêveries inavouées, des rêveries du rêveur qui fuit la société »563. L’eau est-elle toujours perçue comme un élément de pureté dans l’espace visité ? Si elle apparaît polluée, n’est-ce pas néanmoins encore la référence de la pureté, perdue à cause d’une dégradation humaine.

c). L’air

L’élément aérien est à considérer au sens large. Bachelard le présente comme un élément dont la manifestation varie entre deux pôles aussi contradictoires, sinon plus, que

558 : Ibid., p. 42. 559 : Ibid., p. 39. 560 : Ibid., p. 33. 561 : Ibid., p. 35. 562 : Ibid., p. 145. 563 : Ibid., p. 153-154.

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l’eau courante et l’eau dormante : « Les images de l’imagination aérienne, ou bien elles

s’évaporent, ou bien elles se cristallisent, et c’est entre les deux pôles de cette ambivalence toujours active qu’il nous faut les saisir »564. L’air n’est pas comme l’eau un élément que l’on perçoit, puis qui nous fait imaginer. C’est un élément dans lequel on se trouve a priori, et dont l’imagination produite se rapporte directement à notre mode de présence dans l’espace, et à la façon dont on le pratique. Ainsi, « il faudrait inscrire au compte du vol onirique certains

rêves de marche glissante, d’ascension continue »565. L’élément n’est plus dans la réalité, une réalité qui conduit à l’imaginaire. Il est dans l’imagination, et il lui sert de vecteur pour concevoir, certes des rêves, mais aussi des projets de parcours, de traversée de l’air tout en restant au sol. L’air contient l’idée de hauteur, d’élévation. Par exemple, « Shelley se laisse

attirer par le ciel infini, en une aspiration lente et douce »566. Le mouvement de l’air permet aussi la lenteur et la douceur, ce que n’offrait pas l’eau courante. L’homme n’a pas la difficulté de le suivre, puisque c’est ce mouvement qui vient à lui et l’accompagne. Sur le thème de l’ascension, cela rejoint d’autres réflexions concernant l’attraction des sommets567.

Outre le désir et le rêve d’ascension, l’air est aussi l’intermédiaire entre l’homme et le ciel. Les choses peuvent être déclinées en trois points à ce sujet. Tout d’abord, les conditions météorologiques varient selon le type de temps. Associé à cela, l’ambiance de l’atmosphère n’est pas non plus la même selon l’espace où l’on se trouve. Enfin, pour un même lieu et un même temps, les modes de perception et de représentation varient selon les individus. Quel challenge pour établir une géographie collective, regroupante, face à une telle diversité de données ! Ainsi, « sur ce seul thème du bleu céleste on pourrait classer en quatre classes les

poèmes »568. Il ne s’agit pas seulement de discerner des qualités différentes et nombreuses aux espaces.

« Nos sentiments, nos ébauches de sentiments, tous les états les plus

secrets et les plus profonds de notre être intime, ne sont-ils pas de la plus étrange façon enlacés à un paysage, à une saison, à une propriété de l’air, à un souffle ? »569.

La relation entre le caractère éphémère d’un paysage et le résultat sur l’homme est ici décrite d’une façon très explicite. L’imagination matérielle du ciel est aussi dynamique.

« Le bleu du ciel est d’abord l’espace où il n’y a plus rien à imaginer.

Mais quand l’imagination aérienne s’anime, alors le fond devient actif. Il suscite chez le rêveur aérien une réorganisation du profil terrestre, un intérêt pour la zone où la terre communique avec le ciel »570.

Les abords prennent une extension non explorée jusqu’ici, celle de l’espace aérien au contact de la terre. Le paysage est aussi composé de l’air et du ciel. L’individu peut exprimer cet air et ce ciel, peut les ressentir par différents moyens qu’il convient d’utiliser : on fait l’hypothèse que la photographie, la carte mentale les dimensionnent, mieux que le discours,

564

: BACHELARD G., 1943, L’Air et les Songes Essai sur l’imagination du mouvement, Paris, José Corti, p. 20.

565

: Ibid., p. 33.

566

: Ibid., p. 205.

567

: Cf. notamment BOZONNET J.-P., 1992, Des monts et des mythes L’imaginaire social de la montagne, Presses Universitaires de Grenoble, 294 p.

568

: BACHELARD G., 1943, Op, cit., p. 209.

569

: Ibid., p. 223.

570

qui les qualifient. Ensemble, ils montrent la valorisation géographique que l’homme leur attribue dans le paysage.

Le ciel est spécialement composé de constellations et de nuages. Bachelard montre bien que ces derniers ne sont pas seulement des éléments physiques qui favorisent ou inhibent des pratiques, mais que celles-ci sont en outre influencées par les représentations, positives ou négatives, que les nuages convoquent dans l’esprit des individus : « pour rendre compte de la

sensation d’étouffement que donne le ciel bas, il ne suffit pas de lier les concepts de bas et de lourd. La participation de l’imagination est plus intime »571. Il en est ainsi, par exemple, lors d’un orage où les nuages assombrissent franchement l’ambiance, et où il est tout de suite question de fin du monde dans la bouche de certains observateurs. Bachelard l’explique par le mouvement naturel du nuage, qui est la montée. La finalité du nuage est de disparaître. Le but de l’arbre est bien plus important, d’après Goblet d’Alvrella : « il semble que l’arbre tienne la

terre entière dans la poigne de ses racines, et que son ascension vers le ciel ait la force de soutenir le monde »572. L’air est donc aussi une étendue, un contenant dans lequel des objets de la nature s’inscrivent et composent le tableau et le sens que nous percevons du paysage. Comme l’arbre, c’est par l’élévation vers les sommets que l’homme exprime et concrétise sa volonté d’être en face d’un paysage qui fait le lien avec le monde, un point de vue qui offre un horizon, l’intermédiaire entre la perception humaine du paysage et le signe du globe, ou, mieux, un panorama, hérité de la Serre, qui permet de tendre vers un soutien du monde par le fait que l’on puisse alors s’y représenter au centre.

d). La Terre

Avec l’eau et l’air, l’homme se place dans une recherche de la matière et de son image. Les images de la Terre sont plus saisissables. D’un autre côté, « on ne voit guère

comment on peut donner corps à des rêveries touchant l’intimité de la matière »573, c’est-à-dire que ce qui est donné d’emblée est moins malléable à l’imagination. Le premier rapport avec la matière terrestre se fait sous l’angle de la résistance, entre le dur et le mou. Il s’agit aussi d’étendre l’application de la résistance à l’espace de visite tout entier. A l’échelle de la pierre, du bois, le dur peut attirer, afin qu’il soit touché. Mais il existe aussi une résistance qui s’instaure entre l’individu et l’espace visité, ce qui s’exprime par le terme de rugosité de la