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L’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf)

Peu de temps après le développement de la TEP- H215O, Ogawa et al. ont pu montrer sur

l’animal que la dés-oxyhémoglobine paramagnétique pouvait être utilisée en IRM comme un agent de contraste (Ogawa et al., 1990, 1992). Ogawa a intitulé sa découverte le signal blood oxygen-level-dependent (BOLD) et noté que ce signal fournit des mesures « TEP-like » liées à

79 l’activité neuronale régionale. En effet, par l'effet BOLD, l’IRMf permet de détecter les régions cérébrales impliquées dans un processus donné. En utilisant des images BOLD, on peut indirectement détecter une augmentation de l'activité neuronale lorsqu'un sujet passe du repos à une tâche particulière.

Dans une étude typique d'IRMf, les sujets effectuent une série de tâches cognitives avec des événements d'intérêt et des événements contrôles, pendant que les images BOLD sont collectées. Chaque changement de signal est statistiquement testé, permettant de détecter des modifications du signal dans des zones cérébrales corrélées au comportement.

Étant donné que le signal BOLD a initialement été décrit chez l’animal, une course a été lancée pour produire les premières images fonctionnelles en IRM chez l’homme au début des années 1990. En 1991, deux groupes avaient des résultats d’IRM fonctionnelle prêts à être publiés : Ogawa et ses collègues à l'Université du Minnesota et Ken Kwong et ses collègues à l'hôpital du Massachusetts. Dans une grande précipitation, les manuscrits ont été soumis à Nature (groupe de Minneapolis) et Science (groupe de Boston) et ont été rapidement rejetés. Selon l'avis des deux journaux, ces études ne présentaient rien de nouveau (Raichle, 2000). Finalement, les travaux des deux groupes sont parus ensemble en 1992 dans Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS) (Kwong et al., 1992; Ogawa et al., 1992). Ainsi, un nouveau chapitre de l'imagerie cérébrale fonctionnel avait commencé.

Depuis son introduction, l'IRMf a été largement utilisé dans les études en neurosciences cognitives, en psychiatrie et en neurologie (460 000 articles dans PubMed), dominant ainsi la recherche en imagerie cérébrale. En effet, l’IRMf est devenue une technique courante aussi bien dans les études cliniques que dans la recherche fondamentale en neurosciences

80 cognitives. L’IRMf est également très utilisée pour évaluer l’efficacité d’une thérapie (Richards and Berninger, 2008) ou d’un traitement pharmacologique (Wise and Preston, 2010). Grâce à l'IRMf, une modélisation de plus en plus sophistiquée des réseaux cérébraux est devenue possible et a permis d'accéder à de nouveaux niveaux de compréhension du cerveau humain. La popularité de l'IRMf résulte de sa disponibilité (dans la mesure où elle peut être effectuée sur une IRM clinique 1.5T), du fait qu’elle est non invasive (dans la mesure où elle ne nécessite pas l'injection d'un radio-isotope ou d'un autre agent pharmacologique), qu'elle représente un coût relativement faible et présente une bonne résolution spatiale (Glover, 2011). En outre, l’IRMf présente un meilleur rapport signal/bruit (SNR) puisque contrairement à la TEP, pour laquelle les mesures doivent être répétées douze fois, un protocole bloc en IRMf permet d'alterner les périodes de repos et de tâche très rapidement (toutes les 30 à 40 secondes). Ainsi, dans les années 1990, un passage progressif s’est produit de la méthode TEP à l’IRMf pour l’étude du fonctionnement du cerveau. Plusieurs études multimodales couplant les deux techniques ont été réalisées afin de confirmer que les réseaux mis en évidence par la TEP étaient bien retrouvés en IRMf, ainsi que l’étude de la relation entre les variations du signal BOLD et du DSCr. En effet, la bonne reproductibilité des résultats de la TEP par l'IRMf a été démontrée (Sadato et al., 1997; Joliot et al., 1999; Votaw et al., 1999).

Cependant, ces deux mesures ne sont pas identiques ; alors que la TEP fournit une information directe sur l’activité neurale, le signal BOLD fournit des informations sur la localisation de l’activité par rapport à une condition contrôle. Cela est dû au fait que contrairement au signal TEP, le signal BOLD est une mesure indirecte de l’activité neurale et son interprétation précise reste controversée (Toga, 2015). En effet, le signal BOLD dépend non seulement des

81 changements de DSC mais du volume sanguin et de la consommation d’oxygène. De ce fait, l’IRMf mesure finalement des changements de signal entre deux conditions, puisque des images de contraste sont indispensables au calcul du signal. Par conséquent, les études en IRMf-BOLD ne peuvent pas fournir des informations sur le niveau physiologique d'activité de base (baseline) du cerveau à l'état de repos. Ainsi, même si le passage de l’utilisation de la méthode TEP à celle de l'IRMf-BOLD pour l’étude du fonctionnement du cerveau a entraîné l’abandon des mesures du fonctionnement cérébral au repos, celles-ci gardent leur importance dans la compréhension du fonctionnement cérébral.

Au cours des dernières années, nous avons pu observer un regain d’intérêt pour l’étude du cerveau à l’état du repos. Au repos, le cerveau représente 20 % de la consommation totale d'oxygène du corps (Clark et al. 1999), alors qu'il ne représente que 2 % du poids corporel. La raison pour laquelle le cerveau consomme autant d'énergie à l'état de repos suscite de nombreuses questions (Gusnard and Raichle, 2001). Une explication plausible procède d'observations indiquant que près de 50 % de cette consommation d'énergie est consacrée aux aspects fonctionnels de la transmission synaptique (Mata et al., 1980; Logothetis et al., 2001), ce qui implique une activité significative à l'état de repos (ou à la baseline) (Gusnard and Raichle, 2001). Cela souligne l'importance capitale de l’étude de l'état de repos passif, puisqu’il représente la baseline physiologique du cerveau, défini en termes de métabolisme et de circulation (Gusnard and Raichle, 2001).

Des études utilisant la technique de l'IRMf-resting state (IRMf-rs) ont essayé de répondre aux questions sur le fonctionnement cérébral au repos depuis le début des années 2000. L’IRMf- rs repose sur les mesures de fluctuations synchronisées de basses fréquences du signal BOLD

82 au repos dans des régions éloignées du cerveau (Raichle et al., 2001; Lowe, 2012), ce qui fournit un indice de la connectivité fonctionnelle de base entre les régions. Des études en IRMf-rs se sont largement développées dans les années 2000 et cette technique reste très répandue pour les études de connectivité fonctionnelle, à la fois chez les individus sains et chez les individus atteints de maladies psychiatriques (comme la schizophrénie (Kim et al., 2010) ) ou neurologiques (comme la maladie d’Alzheimer (Greicius et al., 2004)). Toutefois, bien que l’IRMf-rs analyse des mesures au repos, elle ne fournit pas de mesure physiologique quantitative du cerveau à l’état de repos mais une mesure des corrélations d’activation entre différentes régions.

Très récemment, une nouvelle séquence d’IRM – la séquence Arterial Spin Labeling (ASL) – a permis de revenir sur des mesures directes du DSC au repos. Cette méthode utilise l'eau artérielle en tant que traceur endogène permettant de ne pas recourir aux injections de traceurs exogènes radioactifs (Toga, 2015). L’ASL permet ainsi d'effectuer des mesures directes du DSC au repos, en tant qu’indice direct du fonctionnement synaptique.