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Étude du débit sanguin cérébral (DSC)

III.1 Premiers résultats de localisations de fonctions cérébrales en TEP

III.1.2 Étude du débit sanguin cérébral (DSC)

A la fin des années 1980, l’eau (H2O) marquée a été développée en tant que radio traceur afin

d’étudier le débit sanguin cérébral (DSC) ; (Kanno et al., 1987). En effet, l’eau est une molécule particulièrement intéressante pour l’étude du fonctionnement cérébral dans la mesure où elle est présente en grande quantité dans le corps, s’échange quasi librement entre les compartiments vasculaires et tissulaires et sa quantité est proportionnelle au DSC (Raichle, 2000). Par ailleurs, l’eau est simple à synthétiser et le noyau d’oxygène possède un isotope radioactif émetteur de positons, l’oxygène-15 (15O) (Raichle, 2000). Plus important encore, la

demi-vie de l’H215O est très courte (123 sec), permettant d’obtenir une carte de DSC très

rapidement et de façon répétitive, ce qui est adapté aux études d’activation. De ce fait, la mesure du DSC par la technique TEP- H215O est devenue une technique de choix pour l’étude

de l’activation cérébrale lors d’une tâche donnée et est considérée comme la norme de référence pour étudier le DSC régional (rDSC) (Kudo et al., 2003; Grüner et al., 2011).

76 Dans les études d’activation, les participants réalisent une tâche donnée en alternance avec des périodes de repos dans un scanner. Afin d’avoir suffisamment de mesures en TEP, il est nécessaire de faire répéter plusieurs fois la même tâche à un même sujet, avec un maximum de 12 injections. Les images acquises pendant la tâche sont ensuite comparées à des images acquises lors d’une condition contrôle. Ainsi, les régions cérébrales qui auront un débit sanguin plus élevé lors de la tâche que lors de la condition contrôle seront considérées comme ayant été activées par cette tâche (Otte et al., 2014). Il devient ainsi possible de repérer les zones d’un cerveau in vivo activées lors d'un mouvement de la main, de la lecture d’un mot, de l’audition d’une phrase ou de la résolution d’un problème mathématique.

Jusqu’à l’arrivée de l’IRM, la TEP- H215O était l’outil principal pour la recherche en neuroscience

sur l’homme (Cowell and Code, 1998). Dans l’étude princeps publiée en 1988 par Petersen et ses collègues, la TEP- H215O a été utilisée pour identifier les bases neurales sous-tendant les

différents niveaux de traitement impliqués dans la lecture. Les auteurs ont rapporté des activations différentes pour les tâches auditives et visuelles : le traitement auditif des mots serait effectué dans le cortex temporo-pariétal gauche et le traitement visuel dans le cortex occipital. Petersen a conclu que cette région occipitale médiane antérieure, proche du gyrus lingual, devait être l'aire correspondant au lexique orthographique, fournissant un nouveau modèle du traitement lexical (Petersen et al., 1988).

Une autre grande découverte des bases fonctionnelles du processus cognitif réalisée grâce au TEP- H215O a été celle de Damasio et al. en 1996. Les auteurs ont montré que les connaissances

77 s'étendant au-delà des aires classiques du

langage (Damasio et al., 1996). De plus, un pattern différent d’activation a été observé pour chaque catégorie sémantique. Ainsi, lors de tâches concernant la dénomination de personnes, une activation a été observée au niveau du pôle temporal alors que lors de tâches de dénomination d'animaux, une activation a été observée au niveau de la partie antérieure du lobe temporal inférieur et de la jonction occipito-

temporo-pariétale (Figure 18) (Damasio et al., 1996).

Au début des années 1990, un grand nombre d’études en TEP- H215O se sont intéressées à la

base cérébrale de la perception visuelle humaine. Les premiers résultats montrant une spécialisation fonctionnelle du cortex visuel pour construire une représentation du monde avaient été obtenus par différentes méthodes pour les singes (Livingstone and Hubel, 1988). Avec l'avènement de la TEP- H215O, il a été possible d'étendre ces études au cortex visuel

humain et de mettre en évidence les zones V1, V2, V3, V4 et V5 préalablement décrites chez le macaque. En outre, il a été possible de délimiter les zones visuelles corticales spécialisées dans la couleur ou le mouvement (Corbetta et al., 1991; Zeki et al., 1991). Enfin, les résultats des études en TEP ont contribué à la consolidation de l’hypothèse de deux voies du traitement Figure 18. Découverte des bases fonctionnelles des connaissances sémantiques réalisée par TEP- H215O. Un pattern différent d’activation pour chaque catégorie sémantique: les personnes, les animaux et les outils (Damasio et al. 1996)

78 de l’information visuelle : la voie ventrale (la voie du « quoi ? ») et la voie dorsale (la voie du « où ? ») (Zeki et al., 1991; Watson et al., 1993; de Jong et al., 1994; Dupont et al., 1994). Des grandes avancées dans notre compréhension des bases cérébrales de la mémoire de travail ont également été permises par la méthode TEP- H215O (Salmon et al., 1996). Ces

études ont confirmé les postulats neuropsychologiques des études lésionnelles antérieures distinguant deux types de mémoires : la mémoire sémantique (se référant à un savoir générique sans contexte comme le nom et la couleur d'une banane) et la mémoire épisodique (se référant à une information liée à un contexte spécifique et propre à un individu telle que « j'ai mangé une banane au déjeuner »). Ainsi, au fonctionnement de chaque type de mémoire correspond une activation différente en TEP-H215O (Andreasen et al., 1995; Wheeler et al., 1997; Wiggs et al., 1999).

Malgré les avancées qu’elle a apportées, la méthode TEP présente plusieurs inconvénients : la production des traceurs doit être effectuée avec un cyclotron immédiatement avant leur utilisation, elle est coûteuse, techniquement exigeante et rarement présente en dehors des unités hospitalières spécialisées. Enfin, elle est inadaptée aux études sur les enfants car il n’est pas possible de faire des injections radioactives à des enfants sains, ce qui rend impossible la comparaison de groupes de patients à des groupes contrôles sans pathologie.