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III.1 Premiers résultats de localisations de fonctions cérébrales en TEP

III.1.1 Étude du métabolisme cérébral

L’investigation des corrélats neuraux des comportements humains en TEP a commencé par l’étude du métabolisme du glucose dans le cerveau avec le traceur 18F-2-désoxy-2-fluoro-D- glucose (18F-FDG). Le 18F-FDG permet de mesurer la consommation de glucose car il s’agit d’une molécule dont les aspects physiologiques sont presque identiques.

Le 18F-FDG diffère du glucose par un groupe hydroxyle qui remplace un atome d'hydrogène, provoquant l’arrêt de sa métabolisation. Ainsi, le 18F-FDG est piégé dans les tissus jusqu’à sa désintégration radioactive (Teune et al., 2013). L’activité neurale d'une région du cerveau s’accompagne d’une augmentation de sa consommation de glucose. En conséquence, et dans la mesure où le 18F-FDG est un indice de l'absorption du glucose, sa distribution permet de refléter l’activité fonctionnelle du cerveau (Syrota, 1990). Dans les études standards en TEP- FDG, les images ont été acquises lorsque les individus étaient au repos, c’est-à-dire sans tâche associée. Les images ont été comparées entre deux groupes de sujets. Le plus souvent, l’étude du fonctionnement cérébral au repos a été utilisée pour mettre en évidence certains dysfonctionnements cérébraux dans des pathologies neuropsychiatriques.

L’étude du fonctionnement cérébral au repos par les mesures du métabolisme en TEP-FDG a permis une meilleure connaissance des bases cérébrales de différentes pathologies neurologiques et psychiatriques. En effet, l’utilisation de la TEP-FDG au repos a été fondamentale pour la psychiatrie moderne car elle a permis d'acquérir de nouvelles

72 connaissances sur les mécanismes cérébraux qui sous-tendaient de nombreux troubles neuropsychiatriques.

L'un des premiers exemples de perturbation de l’activité neurale dans une maladie neurologique mise en évidence par les mesures TEP-FDG au repos est la maladie d’Alzheimer (Ferris et al., 1980). Ferris et al. ont mis en évidence une diminution significative du taux de consommation de glucose dans toutes les régions du cerveau (temporal, frontal, caudé et thalamus) chez les patients atteints de démence par rapport aux témoins. En outre, ils ont observé des corrélations entre la consommation régionale de glucose et les performances cognitives (la sévérité de la démence).

Ces résultats ont été largement répliqués par la suite et la mesure de l'hypo-métabolisme par TEP-FDG au repos, principalement localisé au niveau des cortex cingulaire et pariéto-temporal postérieur, est devenu aujourd’hui l'un des critères recommandés pour le diagnostic clinique de la maladie d’Alzheimer (Figure 16) (Dubois et al., 2010; Bloudek et al., 2011; McKhann et

al., 2011; Marcus et al., 2014).

La TEP-FDG a également permis de mettre en évidence des anomalies du métabolisme du glucose chez les patients avec schizophrénie. En effet, un « hypo-métabolisme frontal » a été décrit dans cette pathologie au début des années 1980 (Buchsbaum et al., 1982, 1984). Depuis, un grand nombre d'études en TEP-FDG au repos ont mis en évidence différents

Figure 16. Exemple d’images TEP-FDG chez un individu avec un vieillissement normal et chez un patient atteint de la maladie d'Alzheimer, montrant une réduction du métabolisme du glucose dans les régions temporales et pariétales

73 patterns métaboliques cérébraux anormaux chez les personnes atteintes de schizophrénie, ainsi que des différences entre les types de schizophrénie et les profils de symptômes (Gur, Resnick, Alavi, et al., 1987; Gur, Resnick, Gur, et al., 1987; Zakzanis et al., 2000; Soyka et al., 2005).

Dans le cadre des troubles obsessionnels compulsifs (TOC), les études en TEP-FDG ont largement soutenu l’hypothèse qu’un dysfonctionnement du circuit cortico-striatal-thalamo- cortical serait à l'origine de cette pathologie (Aouizerate et al., 2004). L’équipe de Baxter et al. a comparé un groupe de patients avec TOC avec un groupe contrôle et ont mis en évidence un hyper-métabolisme bilatéral du cortex orbitofrontal (OFC) ainsi qu’un hyper-métabolisme du noyau caudé (Baxter et al., 1988). Depuis, de nombreuses études en PET-FDG ont reproduit ces résultats, en rapportant un hyper-métabolisme au niveau du cortex préfrontal dans les TOC (Baxter et al., 1988; Nordahl et al., 1989; Swedo et al., 1989; Kwon et al., 2003).

D’autres études se sont intéressées aux bases cérébrales de la dépression, à la fois primaire et associée à des maladies neurologiques telles que la maladie d’Alzheimer. Ces études ont mis en évidence l'implication des lobes frontaux dans le développement de la dépression, indépendamment de l'étiologie de la maladie. En effet, Baxter et al. ont démontré que les patients dépressifs présentaient un hypo-métabolisme du glucose dans le cortex préfrontal et que la sévérité de la dépression y était corrélée (Baxter et al., 1989). Un hypo-métabolisme frontal, en particulier au niveau des cortex préfrontal et para-limbique a été rapporté par d’autres études de façon concluante (Cohen et al., 1989; Martinot et al., 1990; Cummings, 1993; George et al., 1993; Hirono et al., 1998). Certaines études suggèrent que l'on peut

74 remédier à la plupart de ces

anomalies après un traitement efficace de la dépression (Figure 17) (Baxter et al., 1989; Bench et

al., 1992; Videbech, 2000).

De la même façon, chez les patients aphasiques, un hypo-métabolisme

du glucose dans l’hémisphère gauche a été rapporté ainsi qu’une corrélation entre le métabolisme au repos et l'évolution des troubles du langage (Cappa et al., 1993).

L’étude du fonctionnement cérébral au repos par les mesures en TEP-FDG a également fourni des informations intéressantes pour l’étude de patients en état végétatif. En effet, lorsque les cartes du métabolisme au repos de sujets en état végétatif et de sujets témoins volontaires sains ont été comparées, une diminution de l’activité métabolique au repos au niveau des cortex cingulaire postérieur, occipito-pariétal, temporal et préfrontal des patients en état végétatif a été mise en évidence (Laureys et al., 1999). Par ailleurs, les auteurs ont suggéré qu’une récupération de la conscience serait accompagnée d'une restauration de la fonction de ces zones (Laureys et al., 1999, 2002).

Grâce à toutes ces études pionnières, l’imagerie par TEP-FDG au repos est devenue un outil clinique pour le diagnostic et le suivi de patients présentant différents troubles neurologiques et psychiatriques. Ainsi, en routine clinique, la TEP-FDG permet d'identifier des tumeurs apparaissant sous forme de zones hyperactives, de mettre en évidence des zones d'hypo- métabolisme dans le cadre d'un diagnostic de démence et de dépression ou d’observer

Figure 17. (A) Exemple d’images TEP-FDG chez un patient présentant une dépression majeure (B) Image TEP-FDG du même patient six semaines plus tard, après un traitement efficace par un antidépresseur (Baxter et al., 1989)

75 l'évolution du métabolisme de zones lésées dans le cadre d'un suivi de troubles aphasiques (Houdé et al., 2002).

Cependant, la TEP-FDG présentait une limite importante ; l’obtention d’une carte du métabolisme cérébral demandait un temps d'acquisition très long (généralement entre 30 et 40 minutes), ce qui rendait difficile la cartographie fonctionnelle du cerveau lors de la réalisation d’une tâche (Raichle, 2009). Pour réaliser des études d’activation cérébrale (Kanno

et al., 1987), une vitesse d'acquisition et une reproductibilité des mesures ont été

indispensables (Raichle, 2009).