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2.1.2 L’illustration du héros positif et du héros négatif

du culte de la personnalité du dictateur albanais, Enver Hoxha, dont l’image était présent partout, c’est-à-dire dans les chansons, les œuvres littéraires, les films, de nombreux tableaux, qui contribuent à la perception de son image en tant que leader mondial.

LA PHASE ALBANAISE : La rupture politique avec la Chine, à la fin des années 1970, a

été exploitée comme un mouvement visant à défendre les idées face à un pays qui a trahi “le marxisme-léninisme”. Au cours de ces années on a prôné l’idée de la construction du socialisme en comptant sur ses propres forces. Durant cette période nous avons une politisation totale, non pas seulement sous l’aspect social. Cette politisation s’est étendue aussi dans de petites cellules, y compris aussi la famille. On a recours à l’image de la lutte contre les traîtres du socialisme. On a également recours à la propagande pour accroître la confiance aux réformes économiques, comme p.ex. la collectivisation des troupeaux, etc. On assiste à un accroissement de la confiance du Parti vis-à-vis de l’art et de la culture, ce qui témoigne clairement de la soumission de ces derniers. Il y a des dizaines et des centaines de créations qui reflètent “la joie” et “l’enthousiasme” des masses dans la société socialiste albanaise. C’est la période où l’image créée contribue sensiblement à l’invention d’une fausse réalité48.

2.1.2- L’illustration du héros positif et du héros négatif

« Le héros positif » c’est l’homme ou le personnage pris comme exemple, comme modèle. Il

est la démonstration parfaite de l’aspect illustratif de la propagande communiste qui recourait à l’image du héros positif. C’est lui qui se sacrifie, il est le premier au travail, celui qui se fait distinguer dans la lutte contre les manifestations étrangères. Il est une figure presque parfaite même sur le plan de l’image. Il est l’ouvrier robuste, beau, propre, présenté comme un personnage héroïque. Il est parfait, il ne se trompe jamais, il agit toujours correctement, et lorsqu’il tombe dans l’erreur il se corrige au fur et à mesure. De la part du Parti et de l’image du Parti communiste, le héros positif est généralement présenté comme un personnage parfait. Il a également une apparence physique parfaite, un visage et un corps idéal. Le héros positif est ponctuel dans ses actions, qui sont conformes aux codes de l’esthétique communiste. Il est beau et d’une certaine façon il parvient à devenir un exemple, une source d’inspiration pour

les autres. C’est le héros qui sera suivi par toute la société, ou bien l’exemple qu’on doit suivre. Même lorsque le héros positif est une femme , un enfant, ou une vielle femme, il tourne toujours autour des mêmes codes, et on le présente d’une façon très naturelle comme étant caractérisé par les meilleurs traits, sous tous les aspects.

D’habitude chez le personnage féminin nous avons un élément intéressant: il reflète la lutte contre la féminité et la décadence, présentant la femme seulement au travail, en mission, dans la guerre de partisans ou dans l’exercice militaire où elle s’entraîne pour être prête à tout instant à défendre vaillamment sa patrie. Ces aspects sont illustrés au mieux par les arts visuels qui reflètent une femme avec un visage aux traits rudes et non pas aux traits délicats. Normalement la femme devrait être présentée à travers les éléments féminins comme: son côté esthétique, son habitude de se bien vêtir, de prendre soin d’elle-même et de son apparence, - qui devraient en fait caractériser la femme albanaise comme toutes les autres femmes. Mais, bien au contraire, dans l’image de la propagande communiste “l’héroïne positive” a renoncé à la vanité féminine et aux loisirs pour se soumettre au rythme imposé par l’époque, pour répondre à l’appel du temps, et elle est généralement présentée dans son lieu de travail, là où l’on défend la patrie, en fonction du sacrifice, parce que selon la propagande communiste toute la société socialiste est une société qui travaille pour l’avenir et cherche à braver le danger.

On peut établir ici un parallèle en ce qui concerne la façon dont le héros positif de la propagande communiste est projeté dans le marketing politique d’aujourd’hui. Même s’il y a une similarité entre les éléments d’autrefois de la propagande communiste et des éléments du marketing politique actuel, le changement est pourtant profond : même s’il y aurait une présence d’éléments de propagande, le marketing politique moderne tend vers le naturel, parce que le public cherche à y identifier le type de personne ordinaire, et dans l’effort de s’identifier, il cherche dans le marketing politique “son semblable”.

A titre d’illustration, nous pouvons apporter ici comme exemple “le beau type”, mais dans le marketing politique actuel on vise à une beauté d’une toute autre nature. Aujourd’hui on s’efforce à identifier le type ordinaire, le marchand de fruits, l’ouvrier, l’étudiant, le jeune ordinaire. C’est, donc, la métaphore de Joe le plombier, ce qui veut dire qu’on ne cherche pas aujourd’hui une figure parfaite, mais une figure parfaitement ordinaire. D’ailleurs dans le marketing politique actuel le leader aussi cherche à devenir ordinaire. Il cherche à se faire

présenter, sur le plan de l’image, au milieu des gens simples, sur le marché, sur son lieu de travail, en rencontrant les gens, en jouant avec eux, à savoir en agissant comme une personne ordinaire, comme vous, comme nous tous, comme s’il cherche à rappeler au public qu’il est l’un d’entre eux, que lui aussi il emmène les enfants au cinéma, au théâtre de guignol et ainsi de suite. Dans ce sens-là il y a une différence entre le « héros positif » de la propagande communiste et le « héros de nos jours ».

Le héros positif de la propagande communiste est également accompagné d’un élément qui a trait à la signification de l’action. Il est parfait du point de vue de la structure, mais il est aussi en train d’accomplir une action et cette action est héroïque, elle est épique, à tel point qu’elle est une source d’inspiration pour les autres. Il est en train de travailler en tenant d’une main la pioche, un livre sous son bras, et de l’autre le fusil pour défendre sa patrie.

Il est en train d’accomplir l’action illustrative pour avancer, pour faire avancer la société. En ce qui concerne la conception du héros positif et certains traits de l’illustration visuelle de cette figure dans la propagande communiste en Albanie, le critique Abaz Hado, indique:

« L’un des traits distinctifs de l’art socialiste c’est la création du héros positif qui s’est étendu dans tous les genres de l’art, comme le théâtre, le cinéma, la peinture, la littérature, la sculpture. Sa conception se fonde sur le contenu. Cette figure se place au centre du tableau. Il est un protagoniste dans le roman, un personnage principal dans un film, il a un rôle principal dans la dramaturgie, etc. Cela était indispensable pour se faire une idée concrète de l’homme en tant que porteur de l’idéologie communiste sous le régime socialiste. Ce héros sert de modèle dans cette époque, il doit servir de point de référence sur le plan idéologique et de source d’inspiration afin que nous puissions nous éduquer à l’instar de ses comportements et de ses exploits. Il est toujours fort, ses actions et ses prises de position sont toujours conformes aux principes, il est très “prédicateur”. En quelque sorte, il prêche des normes morales du communisme. Il est le miroir du socialisme où tous doivent voir la personne dont ils doivent apprendre et à laquelle ils doivent ressembler. Bref, c’est une fausse créature, une créature irréelle, fondée sur une perception politique et idéologique comme l’est d’ailleurs le socialisme lui-même. Une société fondée sur le mensonge et le schématisme49 ».

L’illustration du héros négatif :Le héros négatif représente justement le contraire du héros

positif. D’habitude il est sans valeur et il n’a pas les vertus du héros positif. Il est paresseux, donc il fait preuve de manifestations étrangères. Le héros négatif est vaniteux, il ne travaille pas, il se dérobe à ses obligations, au style de “développement” propre à l’époque. En quelque sorte le héros négatif est l’exemple qu’il faut mépriser et qui ne doit être suivi sous aucun aspect. Dans la galerie des héros négatifs, sous le régime communiste, on a obligatoirement un groupe de personnages qui ne sont jamais réhabilités ou qui étaient toujours négatifs. Ce héros négatif est présent dans les feuilletons télévisés, dans les productions cinématographiques, dans tous les éléments de l’aspect visuel de la propagande communiste.

Nous avons quelques figures prototypes du héros négatif, dont le prêtre, car sous le régime communiste la religion était interdite, mais aussi le bourgeois comme l’ennemi de classe ou la personne déclassée qui vient des classes sociales renversées du régime d’autrefois. Outre ce type qui fait preuve de manifestations étrangères, le héros négatif est stigmatisé, méprisé, les gens sont conseillés de l’éviter, et l’on fait appel au vaste public pour suivre les codes de valeurs ou d’éthique de l’autre partie de la société (des bons ), sinon ils connaîtraient le sort de ce héros négatif. En quelque sorte le héros négatif nous permet de voir comme dans un miroir le reflet de ce qui arriverait à un individu s’il suivait l’exemple de ce héros négatif, qui était au plus bas niveau de l’échelle sociale, qui était obligé de faire un travail pénible, ou qui était déporté, ou pire encore, qui finissait en prison.

Cet élément illustratif est très puissant et il représente une fonction de la propagande communiste et du régime consistant à créer la marginalisation du héros négatif et à en faire un exemple tellement mauvais et négatif en fonction de l’éducation des jeunes générations, en fonction de la correction du comportement de la majorité écrasante de la société, qui doit s’opposer aux codes et aux valeurs qui caractérisent le héros négatif.

Sur le plan de l’image, « le héros négatif” est laid, ou il a une déformation physique ou bien il bégaye. D’habitude il est un marginal, il n’apparaît que très peu sur la scène, il est au coin de la platebande visuelle, du film ou du tableau. Il reste dans la périphérie et il est dans une très mauvaise position par rapport à ce qui est positif, par rapport à ce qui est beau. Mais nous avons non seulement l’aspect anti-esthétique du héros négatif, mais aussi la stigmatisation de certains profils sociaux. Dans tout le système de l’image, cela exerce une fonction

illustrative très puissante, parce que d’après le système de base des droits reniés que ces

catégories avaient, ce n’était pas en vain qu’elles étaient qualifiées de “déclassées”. Le statut de cette partie est dans un niveau inférieur par rapport au reste de la population et dans l’Etat de la dictature du prolétariat elle était dans le collimateur du régime et était destiné à être stigmatisée.

Le régime communiste avait aussi quelques “héros négatifs”, qui n’étaient pas entièrement négatifs mais qui avait des défauts qui pouvaient être corrigés, comme c’était le cas du bureaucrate, du libéral, du flatteur, ou bien le cas de personnes qui avaient d’autres comportements considérées comme des manifestations étrangères , mais qui n’étaient pas , pour ainsi dire, aussi dangereux que le reste des ennemis comme: le prêtre ou le clergé en général, le koulak, l’agent de diversion, le saboteur ou l’agent de l’impérialisme occidental, qui exerçaient chez les autres une très puissante influence du point de vue de l’éducation. Ces catégories étaient critiquées, mais non pas totalement exclues du panorama social, même si la dictature du prolétariat les avait placées aux marges du statut social.

Quant à la conception du “héros négatif” et à quelques traits de l’illustration visuelle de cette figure dans la propagande communiste en Albanie, le critique de l’art Abaz Hado dit: Certainement, parallèlement au héros positif a été inventé aussi son antipode,, le héros

négatif. Ce personnage, souvent l’ennemi de classe ou celui qui porte des idées révisionnistes

et qui empêche le progrès du socialisme, est conçu comme un ennemi qui entrave le développement. Il est souvent l’objet d’attaques, non simplement dans la fable de la propagande, mais dans la vie réelle aussi. Dans ce cas, il paraît que le socialisme crée une règle pour montrer que si vous êtes comme ce personnage négatif, vous subissez le même sort. « Vous méritez un tel sort! » - telle est la moralisation sociale destinée au héros négatif. A mon avis l’existence du héros négatif était une nécessité vitale pour l’époque socialiste. Cet exemple-là c’est l’exemple négatif, donc, vous devez tourner le regard vers notre héros aux vertus sublimes, vers le “héros positif”. Telle est la morale de la fable50.

2.1.3 – L’évolution des années 1990

Une propagande totalement communiste, appuyée essentiellement sur “la parole comme moyen de propagande” et fortement illustrée par l’image respective, requise par le système de propagande, tel était l’héritage au début des années 90 sur le plan de

la communication politique. Entre-temps il faut dire que la communication politique à travers l’organisation de base du Parti, ou plus précisément à travers son organisation verticale que le régime avait, de fond en comble, dans chaque cellule de la société, s’affaiblit graduellement. Cette catégorie de propagande communiste, ce système de persuasion en faveur du régime à travers la “communication capillaire » des structures“ se désintègre. Il devient inacceptable par les codes culturels des larges masses et à la fin des années 80, avec une certaine libéralisation autorisée d’en haut et du régime lui-même, nous avons une sorte d’adoucissement de la sévérité du régime par rapport à cinq ans auparavant. Dans le système de la propagande nous avons une espèce de séparation par rapport aux pratiques dogmatiques de la propagande précédente. L’on commence à projeter certains films, présenter quelques oeuvres artistiques visuelles, quelques chroniques télévisées qui présentent une vie plus naturelle, reflétant un certain adoucissement par rapport aux principes rigides de la propagande communiste. Certaines critiques et une espèce de désacralisation du héros sont également tolérées.

Les événements se précipitent rapidement en 1990 dans toute l’Europe de l’Est et, à la fin de décembre 1990, le régime communiste se libéralise, il autorise la création du premier parti de l’opposition et quelques mois plus tard , le 31 mars 1991, nous avons la première campagne électorale pluraliste et les premières élections libres. Le changement est si grand, “une révolution démocratique” a eu lieu et au début des années 90, en fonction de la communication politique ou de la propagande politique, nous nous retrouvons dans un espace vide parce que comme avec un coup de crayon l’on voit tomber toute la symbolique sémantique de l’image. Ce qui reste c’est la parole. La scène s’appauvrit sur le plan de l’image, car le temps de la vérité est venu, le temps des grands débats au sein de la société, de la famille, dans les rues, à chaque bordure des rues, dans des meetings, où les gens commencent à dire la vérité.