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L’homme, acteur central du risque

Dans le document Gestion des risques (Page 27-30)

La qualité et la sécurité d’une opération, qu’elle soit ou non industrielle, et donc de ses produits, repose sur trois éléments :

•Des équipements pertinents, fiables et sûrs ;

•Des modes opératoires efficaces et sûrs ;

•Des opérateurs compétents, motivés et fiables.

De grands progrès ont été faits dans le premier domaine, celui des ingénieurs, par lequel la maîtrise des risques a démarré à la fin du XIXe siècle, en plein machinisme industriel. A cette époque, on maîtrisait mal les risques générés par les nouveaux modes de production. Les causes directes de nombreux accidents étaient alors facilement attribuables à des procédés techniques peu fiables, à des machines sans protections, à des techniques mal maîtrisées.

Les études de sûreté de fonctionnement, les asservissements des outils, et les contrôles qualité ont considérablement amélioré la fiabilité des équipements et la qualité des produits finis. Des normes de référence toujours plus précises et complexes sont régulièrement publiées, notamment en ce qui concerne la fiabi-lité et la sécurité des équipements électroniques (norme CEI 61508 par exemple).

Dans le domaine pourtant souvent décrié de l’agroalimentaire (plus de 3 fran-çais sur 4 pensent que les produits alimentaires industriels sont « trafiqués ») les progrès ont été spectaculaires et la majorité des toxi-infections résulte de la con-sommation de produits artisanaux ou familiaux (conserves et salaisons non sté-riles) et non pas de produits industriels. Ces progrès s’expliquent notamment par la généralisation de l’utilisation de méthodes spécifiques d’analyse des risques (méthode HACCP : Hazardous Analysis and Critical Check Points). Ces métho-des ont permis d’identifier les endroits où une contamination était possible et donc de définir les mesures de prévention correspondantes.

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Toute tâche qui peut être accomplie d’une manière incorrecte, peu importe que la possibi-lité en soit faible, sera un jour accomplie de cette manière. (Loi de Murphy)

Technique Organisation

Comportement Technique

Sécurité

Comportement

Organisation

Chapitre

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La sécurité des travailleurs a elle aussi été considérablement améliorée grâce aux progrès de la conception et de la maintenance des outils industriels. Là encore, aucun angélisme : le but initialement recherché visait essentiellement à l’amélioration de la disponibilité des outils industriels et à l’augmentation de la productivité. L’amélioration de la sécurité qui en a résulté, s’est imposée comme un but en soi, au fur et à mesure que l’exigence de sécurité devenait celle de notre société dans son ensemble.

Cette évolution technologique a conduit à l’automatisation et l’informatisation, mais aussi à la prééminence des tâches de contrôle, de surveillance, de mainte-nance. Par ailleurs, la complexité des systèmes s’est accrue, soit par l’augmenta-tion du nombre d’interacl’augmenta-tions, soit par l’augmental’augmenta-tion du degré de dépendance d’un élément par rapport à l’autre. Paradoxalement, les systèmes de sécurité eux-mêmes (c’est-à-dire les systèmes destinés à avoir un rôle de protecteur con-tre les défaillances connues), sont devenus les points faibles des systèmes com-plexes. Cette surenchère des barrières défensives rend ces systèmes non seulement fragiles, mais aussi, de plus en plus difficiles à comprendre, et donc difficilement maîtrisables. En période « normale », le système peut dans le meilleur des cas, être géré de façon automatisée. Mais certains dysfonctionne-ments, et surtout s’ils sont rares, vont trouver un opérateur ayant perdu son expertise, un opérateur peu informé sur les déroulements antérieurs, et qui doit, de plus, prendre une décision dans l’incertitude et sous contrainte temporelle : toutes les conditions sont alors réunies pour augmenter l’apparition d’une

« erreur humaine ». La maîtrise purement technique de la sécurité conduit à une impasse.

Le second domaine de contrôle des risques, apparu dans les années 50, est celui des « managers ». Née avec le besoin de contrôler la qualité, l’organisation rationnelle du travail a elle aussi considérablement fait progresser la sécurité, d’abord pour les travailleurs, puis pour les consommateurs ou utilisateurs de pro-duits finis. L’automobile et l’aéronautique en sont les exemples les plus frap-pants.

Reste le troisième domaine, qui est aussi le plus complexe, celui du comporte-ment humain. La ressource humaine possède une caractéristique unique : elle s’autodétermine. Sauf dans les ouvrages de science-fiction, où l’on voit l’homme perdre sa capacité de jugement et d’action individuelle, celui-ci est à tout moment capable d’agir selon son propre chef, quelles qu’en soient les consé-quences. Instable, distrait, colérique, malveillant, courageux, l’homme est dan-gereux, volontairement ou non.

La concentration requise pour percevoir et analyser les informations parfois mal transmises, peu claires, trop fugitives, est parfois surhumaine, et ne tolère aucun relâchement.

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L’opérateur doit souvent décoder l’information : elle ne lui est pas fournie sous une forme immédiatement traduisible en terme d’action (voir ci-après les tâches routinières non répétitives).

L’information, peut-être déjà mal comprise, est souvent aussi mal transmise, ce qui est dû au transmetteur, mais aussi au receveur, voire parfois au canal de transmission lui-même.

L’habitude, la sous-estimation des risques (il ne s’est jamais rien produit, ça ne doit donc pas être dangereux) conduisent au laxisme et au non-respect des con-signes. Parfois aussi, le risque est trop difficile à imaginer (scénario improbable), ou encore les impacts de changements sont-ils ignorés.

Les erreurs humaines (relâchement, compréhension insuffisante, mauvaise transmission et enfin réaction tardive ou non adéquate) contribuent donc large-ment aux risques, en particulier aux risques de gravité dont les fréquences sont faibles mais dont les conséquences sont énormes..

Cette caractéristique rend les données pertinentes (heureusement) rares. Leur exploitation statistique est donc quasi impossible.

En outre, on peut s’interroger sur la validité du retour d’expérience, du fait que la vitesse du progrès technologique (en particulier informatique) dépasse large-ment la capacité d’adaptation humaine et que par conséquent se creuse entre l’homme et la technique un fossé d’incompréhension source de multiples erreurs. Il est à cet égard symptomatique que les premières études conduites sur ce thème l’aient été dans une logique de fiabilité humaine, c’est-à-dire l’étude des critères à prendre en compte pour que l’homme élément d’un système com-plexe, n’en soit pas uniquement le maillon le plus faible. Avec toujours le même corollaire : si l’homme n’est pas intrinsèquement fiable, pourquoi ne pas tenter de le supprimer complètement pour le pilotage des systèmes complexes ? La situation est paradoxale. Les domaines les plus étudiés sont aujourd’hui les moins importants en terme de sécurité. La fiabilité et la sécurité des équipements fait l’objet d’études importantes et sophistiquées. Les ingénieurs rivalisent de compétence et d’ingéniosité pour traquer le moindre risque de défaillance. On met en œuvre des modes opératoires, des techniques d’inspection et de mainte-nance très élaborés. Mais on ne fait presque rien pour tenir compte du compor-tement humain. Et pourtant toutes les analyses d’accident mettent en exergue une défaillance de l’opérateur, et lorsqu’elles sont conduites avec suffisamment de ténacité et de transparence, une insuffisance du management.

Enfin, dans la plupart des entreprises occidentales, il paraît difficile d’améliorer à un coût raisonnable la sécurité technique, ou de sécuriser davantage les modes opératoires. L’amélioration des résultats passera donc nécessairement par l’introduction du facteur humain.

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Dans le document Gestion des risques (Page 27-30)