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Gestion des risques

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Academic year: 2022

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Texte intégral

(1)

Gestion des risques

Productrice de richesses et source de bien-être, l’entreprise est aussi devenue une menace. La prise en compte de l’ensemble des risques qu’elle court et qu’elle fait courir par et pour l’entreprise elle- même, ses salariés ou la collectivité est devenue indispensable et indissociable des instruments de gestion traditionnels.

Mieux percevoir ces risques, puis réduire écono- miquement leurs impacts potentiels constituent un véritable système de management tant l’art de gérer une entreprise est celui de savoir ne prendre que les risques qui en valent la peine !

Cet ouvrage s’adresse donc en premier lieu aux dirigeants qui souhaitent, par une prise en compte précoce et dynamique de leurs risques, améliorer leurs performances, réduire leurs responsabilités civiles et pénales et accroître la valeur de leur entreprise. Sans faire d’eux des experts, il leur montrera que les risques d’entreprise ne sont pas une fatalité, mais peuvent, grâce à une méthodologie générale, être identifi és et réduits économiquement.

Ils utiliseront avec plus d’effi cacité les différents instruments de la prévention, de la protection et du transfert fi nancier, en calculant le retour sur investissement des diverses solutions envisagées.

Ce livre permettra aussi aux spécialistes de la prévention des risques d’inscrire leur mission dans le processus de gestion globale de l’entreprise, en particulier grâce à la réconciliation de la sécurité et du profi t.

Cette deuxième édition, augmentée, donnera aussi au citoyen des éclaircissements bien utiles sur les sujets tant galvaudés que sont la protection de l’environnement ou le développement durable et sensibilisera les étudiants à des thèmes trop rarement abordés lors des formations initiales.

Bernar d BARTHÉLEMY Philippe COURRÈGES

Bernard Barthélemy a couvert, au cours de son cursus, la plupart des fonctions de l’entreprise : ingé- nieur de l’École Centrale, Master of Sciences, il a été ingénieur de recherches, diplomate, directeur de sociétés industrielles et de services ou encore directeur d’usine.

Philippe Courrèges, de formation universitaire en environnement et sécurité industrielle, a été responsable d’activité dans un organisme de contrôle avant de devenir directeur du département environnement, sécurité et santé dans une société de conseil. Il travaille aujourd’hui au sein d’une direction sécurité et santé d’un groupe industriel international.

Bernard

BARTHÉLEMY

Philippe

COURRÈGES

Gestion

des risques

À la fois vulnérable et dangereuse,

l’entreprise est aussi responsable

- Un système de management pour ne prendre que les risques bien rémunérés

- Une méthode générale de mesure et de réduction économique des risques

- Des applications aux risques les plus importants

- Un guide d’autodiagnostic

- Des éclaircissements sur la protection de l’environnement dans le cadre de la responsabilité de l’entreprise

- Un guide pour conduire des évaluations de la facilité d’usage des produits, systèmes techniques et services.

M É T H O D E D ‘ O P T I M I S A T I O N G L O B A L E

2

e

édition

Code éditeur : G53041 • SBN : 2-7081-3041-2

-:HSMHKI=VXUYV]:

40 €

53041_Barthelemy.indd 1

53041_Barthelemy.indd 1 12/02/04 12:02:4912/02/04 12:02:49

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Gestion des risques

Productrice de richesses et source de bien-être, l’entreprise est aussi devenue une menace. La prise en compte de l’ensemble des risques qu’elle court et qu’elle fait courir par et pour l’entreprise elle- même, ses salariés ou la collectivité est devenue indispensable et indissociable des instruments de gestion traditionnels.

Mieux percevoir ces risques, puis réduire écono- miquement leurs impacts potentiels constituent un véritable système de management tant l’art de gérer une entreprise est celui de savoir ne prendre que les risques qui en valent la peine !

Cet ouvrage s’adresse donc en premier lieu aux dirigeants qui souhaitent, par une prise en compte précoce et dynamique de leurs risques, améliorer leurs performances, réduire leurs responsabilités civiles et pénales et accroître la valeur de leur entreprise. Sans faire d’eux des experts, il leur montrera que les risques d’entreprise ne sont pas une fatalité, mais peuvent, grâce à une méthodologie générale, être identifi és et réduits économiquement.

Ils utiliseront avec plus d’effi cacité les différents instruments de la prévention, de la protection et du transfert fi nancier, en calculant le retour sur investissement des diverses solutions envisagées.

Ce livre permettra aussi aux spécialistes de la prévention des risques d’inscrire leur mission dans le processus de gestion globale de l’entreprise, en particulier grâce à la réconciliation de la sécurité et du profi t.

Cette deuxième édition, augmentée, donnera aussi au citoyen des éclaircissements bien utiles sur les sujets tant galvaudés que sont la protection de l’environnement ou le développement durable et sensibilisera les étudiants à des thèmes trop rarement abordés lors des formations initiales.

Bernar d BARTHÉLEMY Philippe COURRÈGES

Bernard Barthélemy a couvert, au cours de son cursus, la plupart des fonctions de l’entreprise : ingé- nieur de l’École Centrale, Master of Sciences, il a été ingénieur de recherches, diplomate, directeur de sociétés industrielles et de services ou encore directeur d’usine.

Philippe Courrèges, de formation universitaire en environnement et sécurité industrielle, a été responsable d’activité dans un organisme de contrôle avant de devenir directeur du département environnement, sécurité et santé dans une société de conseil. Il travaille aujourd’hui au sein d’une direction sécurité et santé d’un groupe industriel international.

Bernard

BARTHÉLEMY

Philippe

COURRÈGES

Gestion

des risques

À la fois vulnérable et dangereuse,

l’entreprise est aussi responsable

- Un système de management pour ne prendre que les risques bien rémunérés

- Une méthode générale de mesure et de réduction économique des risques

- Des applications aux risques les plus importants

- Un guide d’autodiagnostic

- Des éclaircissements sur la protection de l’environnement dans le cadre de la responsabilité de l’entreprise

- Un guide pour conduire des évaluations de la facilité d’usage des produits, systèmes techniques et services.

M É T H O D E D ‘ O P T I M I S A T I O N G L O B A L E

2

e

édition

Code éditeur : G53041 • SBN : 2-7081-3041-2

-:HSMHKI=VXUYV]:

40 €

53041_Barthelemy.indd 1

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(3)

GESTION DES RISQUES

Méthode d’optimisation globale

(4)

Éditions d’Organisation 1, rue Thénard 75240 Paris Cedex 05 www.editions-organisation.com

Le code de la propriété intellectuelle du 1er juillet 1992 interdit en effet expressé- ment la photocopie à usage collectif sans autorisation des ayants droit. Or, cette pratique s’est généralisée notamment dans l’enseignement, provoquant une baisse brutale des achats de livres, au point que la possibilité même pour les auteurs de créer des œuvres nouvelles et de les faire éditer correctement est aujourd’hui menacée.

En application de la loi du 11 mars 1957, il est interdit de reproduire intégralement ou partielle- ment le présent ouvrage, sur quelque support que ce soit, sans autorisation de l’Éditeur ou du Centre Français d’Exploitation du Droit de copie, 20, rue des Grands-Augustins, 75006 Paris.

© Éditions d’Organisation, 2000, 2004 ISBN : 2-7081-3041-2

(5)

Bernard Barthélemy et Philippe Courrèges

GESTION DES RISQUES

Méthode d’optimisation globale

Deuxième édition augmentée

(6)

Les auteurs

Le cursus de Bernard Barthélemy couvre la plupart des fonctions de l’entreprise.

Ingénieur de l’Ecole Centrale, Master of Sciences, il a été ingénieur de recherches, diplomate, directeur de sociétés industrielles et de services, ou encore directeur d’usine.

Auteur de plusieurs ouvrages, il a en particulier publié aux Editions d’Organisation un ouvrage sur la Gestion des Risques en Entreprise.

De formation universitaire en environnement et sécurité industrielle, Philippe Courrèges a été responsable d’activité dans un organisme de contrôle avant d’être directeur de département environnement, sécurité et santé dans une société de con- seil.

Il travaille aujourd’hui au sein d’une direction sécurité et santé d’un groupe industriel international.

« One of the most fruitful insights of psychology is “prospect theory”, wich predicts that people are more hurt by losses than they are uplifted by gains of a

corresponding size »

The Economist, March 4th 2000

(7)

© Éditions d’Organisation

SOMMAIRE

Introduction

. . . 1

1. Un monde meilleur : droit du citoyen ? . . . 1

2. Un monde meilleur : enjeu des entreprises ? . . . 2

3. Un monde meilleur : un nouvel art de gérer l’entreprise ? . . . 4

4. Sécurité et management . . . 5

5. Risques d’entreprise et sécurité . . . 8

De la fatalité à la gestion

. . . 9

Chapitre 1 – Risques : réalité et perception

. . . 11

1. De quoi parle-t-on ? . . . 11

2. Une petite histoire du risque . . . 12

3. Panorama des risques aujourd’hui . . . 13

Chapitre 2 – Risques : le facteur humain

. . . 17

1. L’homme, acteur central du risque . . . 17

2. Un facteur complexe . . . 20

3. Contrôler le comportement . . . 27

Chapitre 3 – La gestion des risques : pourquoi, comment ?

. . . . 33

1. Le champ d’application de la gestion des risques . . . 33

2. Une réelle nécessité . . . 34

2.1. Compétitivité . . . 34

2.2. Pérennité . . . 35

2.3. Image . . . 36

3. Une source de profit . . . 36

4. Une méthodologie en 3 étapes . . . 46

4.1. Identification et quantification des risques . . . 47

4.2. Réduction, prévention et protection . . . 49

4.3. Financement . . . 53

Première partie

SOMMAIRE

(8)

Gestion des risques

© Éditions d’Organisation

5. Les changements, source de risques . . . .58

5.1. La prise de décision . . . .59

5.2. Les risques du projet . . . .60

Les risques dans l’entreprise et l’industrie

. . . .69

Chapitre 4 – Les atteintes aux actifs matériels

. . . .71

1. Les sources de risque . . . .71

2. L’identification et la mesure des dommages potentiels . . . .72

3. La prévention des actifs matériels . . . .78

4. La protection des actifs matériels . . . .78

4.1. Les dispositifs techniques de protection . . . .79

4.2. Le plan de survie . . . .85

4.3. Intrusion, fraude et malveillance . . . .87

Chapitre 5 – Les risques de l’activité professionnelle

. . . .91

1. Très bref historique . . . .91

2. Les risques du travail, de l’accident à la maladie professionnelle . . . . .91

3. Les enjeux pour la société . . . .94

4. Les enjeux pour les entreprises . . . .98

4.1. Quand la prévention devient économique . . . .98

4.2. Quand la non prévention devient pénalement réprimée . . . .99

5. Une nécessité : l’analyse des risques de la vie professionnelle . . . .110

5.1. Identification des dangers . . . .110

5.2. Evaluation des risques . . . .112

5.3. Quelques risques à ne jamais oublier . . . .115

5.4. La « construction » d’un accident . . . .172

5.5. À quoi sert l’évaluation des risques ? . . . .173

6. Comment contrôler les risques professionnels ? . . . .175

6.1. Objectifs . . . .175

6.2. Moyens d’action . . . .177

6.3. Les systèmes de gestion de la sécurité . . . .178

6.4. Audits . . . .209

Chapitre 6 – Les risques industriels majeurs : une menace qui nous concerne tous

. . . .215

1. De quoi parle-t-on ? . . . .215

2. Le cadre juridique . . . .218

2.1. La directive SEVESO II . . . .218

2.2. Transposition de la directive SEVESO II en droit français . . . .220

2.3. La réglementation ICPE . . . .224

Deuxième partie

(9)

SOMMAIRE

© Éditions d’Organisation

3. Comment maîtriser les risques industriels ? . . . 225

3.1. L’étude d’impact . . . 227

3.2. L’étude de dangers . . . 232

3.3. La notice Hygiène et Sécurité . . . 262

3.4. POI / PPI . . . 262

3.5. Evolution de la réglementation ICPE . . . 265

3.6. Les transports dangereux . . . 267

4. La maîtrise de l’urbanisation autour des sites à risques . . . 268

5. Le droit à l’information sur les risques majeurs . . . 271

Entreprise, environnement et société

. . . 273

Chapitre 7 – Entreprise et société : quelles responsabilités ?

275 1. La responsabilité environnementale : une composante du management de l’entreprise . . . 275

1.1. Les enjeux . . . 275

1.2. L’organisation de la protection de l’environnement . . . 280

1.3. Les principaux textes réglementaires en matière d’environnement . . . 281

1.4. Le traitement technique de la pollution . . . 287

2. Le développement durable . . . 295

2.1. Enjeux . . . 299

2.2. Normes, lois et critères de notation . . . 301

2.3. Etat présent et tendances . . . 304

2.4. La communication et les rapports de développement durable . . . 306

2.5. Actions pratiques . . . 307

Chapitre 8 – Catastrophes naturelles : un risque croissant ?

309

1. Les catastrophes naturelles : tous concernés . . . 309

1.1. Les séismes . . . 311

1.2. Les avalanches . . . 319

1.3. Les inondations . . . 328

1.4. Les mouvements de terrain . . . 331

1.5. Les volcans . . . 335

1.6. Les feux de forêt . . . 337

1.7. Les tempêtes et les cyclones . . . 340

1.8. Les effets du réchauffement climatique . . . 348

2. L’indemnisation : qui paye ? . . . 350

Chapitre 9 – Alimentation et santé : des risques nouveaux ?

. . 353

1. Quand s’alimenter devient un risque . . . 353

Troisième partie

(10)

Gestion des risques

© Éditions d’Organisation

2. Les enjeux de la sécurité alimentaire . . . .358

2.1. Les intoxications alimentaires . . . .359

2.2. Méthodes de contrôle . . . .361

3. Quand se soigner devient un risque . . . .362

4. Les risques biotechnologiques : vrai ou faux problème ? . . . .363

4.1. Applications des biotechnologies . . . .365

4.2. Risques liés aux biotechnologies . . . .375

4.3. La prévention des risques liés aux biotechnologies . . . .380

Chapitre 10 – Comment gérer les crises ?

. . . .383

1. Le plan de gestion des crises . . . .383

2. La veille de crise . . . .384

3. L’organisation de crise . . . .385

3.1. Le manuel de gestion des crises . . . .385

3.2. L’autorité de gestion de la crise . . . .386

3.3. Les équipes de gestion de crise . . . .387

3.4. Le PC de gestion de crise . . . .387

4. Le personnel . . . .387

4.1. Information préalable . . . .387

4.2. Alarmes et évacuation . . . .388

5. Les moyens pour limiter les dégâts . . . .388

6. Les ressources financières . . . .388

7. La communication . . . .388

8. Nouveaux paysages de la crise . . . .389

Chapitre 11 – Sécurité et responsabilité

. . . .393

1. Evolution de la responsabilité . . . .393

2. Responsabilité civile . . . .393

3. Responsabilité civile du fait des produits . . . .395

Conclusion

. . . .399

Annexes

. . . .401

Impact de la sinistralité sur les flux de trésorerie

. . . .403

Etude de cas

. . . .407

Présentation . . . .407

Analyse des risques . . . .409

(11)

© Éditions d’Organisation

Introduction

1. Un monde meilleur : droit du citoyen ?

Le monde est désormais entré dans le « Troisième âge de la Responsabilité ».

Avant l’ère chrétienne, les malheurs de l’humanité étaient causés par les dieux.

Ceux-ci gouvernaient implicitement les évènements de la vie quotidienne. De leurs humeurs dépendaient la fécondité, les bonnes récoltes ou les orages. Il ne s’agissait alors que de s’assurer leurs bonnes faveurs en leur rendant hommage par le sacrifice de quelques agneaux ou de quelques vierges. Ils n’étaient ni bons ni mauvais. Leurs colères n’avaient pas pour objet de punir l’homme. Elles ne fai- saient qu’exprimer le caractère très humain que nos aïeux leur prêtaient. Le sen- timent de culpabilité collective était faible.

Puis vint le Dieu unique. Infiniment bon, celui-ci ne manifestait sa colère que pour châtier l’homme de ses fautes. La peste ne s’abattait plus au gré de l’humeur divine, mais punissait un comportement humain contraire aux précep- tes divins. Vint alors le temps des repentances collectives, des pénitents et des processions. Bien sûr, on brûlait encore quelques sorcières ou quelques héré- tiques, mais la collectivité endossait la responsabilité de ses fautes.

Il fallut attendre le XVIIIe siècle pour que la connaissance se libère de la tutelle religieuse. Le Siècle des Lumières fit exploser le savoir. La nature livrait ses

Introduction

(12)

Gestion des risques

© Éditions d’Organisation

secrets. L’homme commençait à comprendre. Bientôt il saurait agir. L’industrie naissait, et avec elle une grande espérance d’un monde meilleur totalement aux mains de l’homme. Dieu se cantonnerait au secours des âmes. Le bonheur terres- tre apparaissait possible. Bientôt il deviendrait un droit.

Deux siècles et deux conflits mondiaux plus tard, l’optimisme n’est plus de mise.

Ce savoir qui devait conduire l’humanité au bonheur l’a conduit dans une impasse. L’industrie source de bien-être est devenue une menace. Elle est dange- reuse. Elle pollue. Ses produits ne sont pas sûrs. Enfin elle est machiavélique. Son objet se réduit au profit de ses actionnaires. Ses salariés sont méprisés. La préca- rité de l’emploi alimente la méfiance. La consommation est ainsi doublement remise en question.

Mais Dieu n’est plus responsable. L’homme est éduqué. Il sait qu’il est seul res- ponsable de ses malheurs. Il ne peut plus implorer la clémence divine. Mais ce fardeau est trop lourd pour la collectivité. Il faut trouver des boucs émissaires.

Les animaux sont malades de la peste. Les industries hier encore porteuses de rêves apparaissent soudain cyniques et dangereuses. Exploitant la vindicte populaire, les lobbies les montrent du doigt, soutenus par les gouvernements trop heureux de cette cible alternative, les systèmes politiques étant de plus en plus tétanisés face à des risques émergents sur lesquels la culture bureaucratique est impuissante.

C’est ainsi que nous sommes aujourd’hui entrés dans le « Troisième âge de la Responsabilité », où paradoxalement le risque individuel et choisi est porté aux nues alors que le risque collectif subi est intolérable. L’homme recherche le fris- son des sports extrêmes mais s’indigne qu’un yoghourt industriel puisse le ren- dre malade ou que le four à micro-ondes ne puisse sécher son chien !

Les entreprises sont ainsi devenues, face aux dissensions des politiques (cf. Som- mets de Kyoto et de la Haye) et sous la pression populaire organisée par les lob- bies et les médias, les garantes et les responsables du monde sûr et sain qu’elles nous avaient hâtivement laissé entrevoir il y a deux siècles.

La justice suit le mouvement. Son enjeu n’est plus de punir mais d’indemniser un préjudice. La loi et la jurisprudence élargissent le champ des responsables possi- bles afin d’y trouver le payeur qui saura indemniser (principe de la « Deep Pocket »).

2. Un monde meilleur : enjeu des entreprises ?

Les entreprises réagissent. Elles n’ont plus le choix. Hier encore uniquement sou- cieuses de qualité et de productivité, elles intègrent désormais les contraintes sociétales dans leurs systèmes de management.

(13)

INTRODUCTION

© Éditions d’Organisation

Qu’on ne se méprenne pas ! Il ne s’agit pas là de la résurrection de « l’entreprise citoyenne ». Cette idée, née il y a une dizaine d’années, a du mal à s’imposer dans une économie libérale où l’entreprise n’a fondamentalement pas de voca- tion sociale. Son objectif est le profit et la création de valeur. Mais la recherche du profit se fait dans un contexte d’aspiration sociale et éthique, de développe- ment durable, traditionnellement traduit par un cadre légal dans lequel l’entre- prise doit inscrire son objectif de profit.

Ce qui change aujourd’hui, c’est que le cadre légal ne reflète plus les aspirations du consommateur et du citoyen. Les législateurs s’essoufflent derrière le progrès.

Les revendications directes du citoyen, amplifiées, voire déformées par la caisse de résonance des médias, créent de nouvelles contraintes auxquelles les entre- prises doivent se soumettre, de peur de perdre la confiance de leurs partenaires, clients ou actionnaires.

C’est ainsi que des entreprises, totalement conformes aux lois en vigueur, se trou- vent accusées – responsables mais non coupables – et doivent assumer les con- séquences de n’avoir pas suffisamment pris en compte le droit à la sécurité et à la santé de ceux que l’on nomme les « parties prenantes », c’est-à-dire les indivi- dus concernés directement ou non par les activités de l’entreprise.

Le respect de l’environnement, le développement durable, les droits de l’homme, la santé et la sécurité, l’éthique voire même le politique deviennent ainsi des objectifs économiques. A ce titre, ils prennent leur place dans les pré- occupations des dirigeants, et s’insèrent dans les systèmes de gestion et de com- munication de l’entreprise.

Cette évolution forcée plus que volontaire, n’est pas sans contraindre l’entreprise à un grand écart entre le savoir-faire et le faire savoir.

Qu’importe-t-il en effet ? Faut-il être bon ou seulement faire croire qu’on l’est ? Sur le court terme, pour des risques à fréquence faible, il peut être tentant de faire du « window dressing », surtout lorsque l’on pense qu’un bon plan de com- munication de crise permettra de circonscrire les effets du sinistre. Bien mis en œuvre, cet écran de fumée peut faire illusion. Une charte signée du président, un budget raisonnablement important affecté à des actions médiatisées, de belles photos de fleurs ou d’enfants sur le site Internet, une fondation à but humani- taire, de bonnes relations avec les médias, les lobbies et les politiques influents, quelques procédures habilement organisées pour ressembler à un système de management, voire une certification...et le tour est joué !

Attention cependant, car si le citoyen est crédule, il est revanchard. Un accident majeur balayera demain ce château de cartes. Une entreprise au-dessus de tout soupçon, bardée de diplômes et de certificats, sera jugée responsable d’une atteinte impardonnable à la sécurité de l’homme et de son environnement.

(14)

© Éditions d’Organisation

L’opprobre s’abattra alors sur toutes les entreprises, les bonnes comme les mau- vaises. Un tanker coule, et les pétroliers sont tous de cyniques profiteurs. La sal- monellose contamine un plat cuisiné, et c’est toute la filière alimentaire qui est bannie. Face au risque, les multinationales sont des colosses aux pieds d’argile : leur force n’est que celle de leur maillon le plus faible, lequel est souvent celui dont la contribution économique est la plus faible.

Le court terme est suicidaire. Une vision prospective, imposant comme objectif une maîtrise raisonnable et transparente des risques, doit aujourd’hui s’imposer.

Entendons-nous bien : le risque nul n’existe pas. La sécurité absolue est une uto- pie technique et économique. Ce qui est en jeu, c’est d’atteindre un niveau de risque accepté, « as low as reasonably acceptable », ce qui impose une totale transparence sur les actions engagées.

Les maîtres mots de l’intégration prospective des risques de société dans les sys- tèmes de gestion de l’entreprise sont donc :

• Volonté, car rien ne se fait si on ne le veut pas vraiment ;

• Connaissance, car on n’agit que sur ce que l’on connaît ;

• Mesure, car le traitement dépend de la gravité ;

• Concertation, car seul le risque jugé acceptable peut être accepté ;

• Transparence, car la dissimulation est pire que l’imperfection.

Nous voilà bien loin des chartes déontologiques et de ces prétendues panacées que sont les normes de management. Car les problèmes à traiter sont complexes, et peu de dirigeants y sont préparés. Rien à voir avec le déterminisme – au moins apparent – de la problématique technico-économique de l’entreprise. La maî- trise des enjeux de société, avec ses dimensions humaines, sociales, politiques, sort du domaine traditionnel de l’ingénieur ou du gestionnaire.

Mais n’est-ce pas là une bonne occasion de définir le manager du début du XXIe siècle ?

Le problème est donc posé : il faut le résoudre avec bonne volonté, transparence et humanité. Les dividendes seront au rendez-vous, car la fortune sourit à ceux qui satisfont les besoins réels. Or les aspirations ont changé. Trente ans après les hippies et le « Flower Power », on redécouvre que quiétude, tranquillité, sécurité, santé pour nous et nos enfants valent mieux qu’un nouveau réfrigérateur !

3. Un monde meilleur : un nouvel art de gérer l’entreprise ?

Alors comment faire ?

Il ne s’agit pas de coller un peu d’écologie ou d’éthique sur un management tra- ditionnel. La fleur ne pousse pas sur le béton ! Il faut que les objectifs sociétaux

(15)

© Éditions d’Organisation

soient à ce point intégrés à la vie de l’entreprise que plus rien ne les distingue.

L’entreprise humaine est celle qui cesse de clamer qu’elle l’est !

Difficile ? Non ! Il faut pour cela mettre en œuvre les cinq mots clés énoncés ci- avant : volonté, connaissance, mesure, concertation et transparence. Il importe aussi que le pilote de l’entreprise accueille de nouveaux instruments de naviga- tion – les cadrans des risques – et se forme à ce nouvel art de pilotage qu’est le

« doute constructif », puisque par essence les facteurs du risque sont incertains.

Ainsi, dans son processus de gestion comme dans celui de décision, le chef d’entreprise sera-t-il naturellement amené à mesurer ses résultats à l’aune de la sécurité en sus de celle de l’économie. Ses choix intègreront simultanément l’ensemble de ces objectifs.

Un système de management, fondé sur le principe de la

« Roue de Deming » (Planifier, Faire, Contrôler, Réagir) est une bonne base, sous réserve que ce système soit adopté par l’ensemble de la hiérarchie.

Il n’est cependant pas suffisant, car il repose sur une vision déterministe de l’entreprise : l’utilisation contrô- lée d’un outil sécurisé.

Dans cette vision, l’homme n’est qu’un mal nécessaire.

Il n’est pas fiable. Il faut donc réduire son espace de liberté. L’opérateur n’est qu’une « ressource humaine ». Acceptable, sinon humainement justifiable en ce qui concerne le dictat économique, cette vision réductrice ne tient plus lorsque l’on vise des objectifs sociétaux, car l’homme y est à la fois source de risque (producteur), cible potentielle (consommateur), et juge du risque acceptable (citoyen).

Le système de management global se doit donc d’intégrer l’homme dans ces trois dimensions. Il n’est plus la ressource imprévisible que l’on rêve de roboti- ser, mais l’acteur responsable et le juge des objectifs sociétaux de l’entreprise.

4. Sécurité et management

Voyons comment intégrer nos cinq mots clés (volonté, connaissance, mesure, concertation et transparence) dans le système de management de l’entreprise.

La volonté doit se traduire dans une politique, signée au plus haut niveau de l’entreprise, dans laquelle se trouvent affirmés ses objectifs de maîtrise des ris- ques sociétaux. Il s’agit là d’un engagement ferme, dont les résultats mesureront le respect. Les objectifs doivent donc être réalistes. Le risque nul n’existant pas, afficher un objectif de sécurité absolue est une utopie ou un mensonge.

(16)

© Éditions d’Organisation

La politique fixant des objectifs de maîtrise des risques, la connaissance de ces derniers est un préliminaire incontournable. L’entreprise devra donc se donner les moyens d’identifier, puis de mesurer et hiérarchiser ses risques dans toutes ses fonctions (conception, achats, installation, production, maintenance, expé- dition, etc.) et pour tous ses produits. Elle devra pour ce faire utiliser des métho- des participatives fiables et s’appuyer sur le retour d’expérience (incidents, accidents). La concertation de tous les acteurs – internes et externes – est nécessaire, à la fois pour la pertinence et l’exhaustivité de la démarche, et pour l’acceptation commune du niveau de risque résiduel. L’analyse des risques doit permettre de passer de l’utopie de la sécurité absolue à une culture commune du risque au sein de l’entreprise, et plus généralement envers ceux qui sont con- cernés (clients, riverains, autorités). Une communication transparente est indispensable.

Les résultats de l’analyse des risques – complétés par la connaissance des exi- gences fixées par la loi – permettent de bâtir un plan d’action qui transforme les objectifs de la politique en cibles concrètes à court terme. C’est dans l’élabora- tion et la mise en œuvre de ce plan d’action que la volonté de la direction doit se manifester. Des responsables doivent être nommés, des moyens doivent être alloués, des hommes doivent être formés, des techniques doivent être amé- liorées, des machines doivent être modifiées. Le risque nul n’existant pas, l’entre- prise doit intégrer dans son plan d’action les mesures et les moyens requis dans les situations d’urgence.

La mise en œuvre du plan d’action sera ensuite contrôlée et les performances seront mesurées. Toute déviation sera immédiatement corrigée.

Enfin, la direction examinera les résultats obtenus, communiquera en toute transparence sur ceux-ci, et décidera d’un nouveau plan d’action.

Le nouveau plan d’action prendra en compte les résultats déjà obtenus, les pro- grès à faire, ainsi que de nouveaux objectifs à court terme découlant des analy- ses de risques déjà conduites ou devant être conduites compte tenu des changements de l’entreprise.

Cette démarche récurrente (roue de Deming) permet d’inscrire la sécurité au cœur du management de l’entreprise. Largement connue des qualiticiens – elle sous-tend les normes ISO 9000 – elle s’applique généralement à l’ensemble des risques de l’entreprise. Déjà à la base de la norme environnementale ISO 14001, elle structure les standards généraux (tel que l’OHSAS 18001) en matière de sécurité et santé au travail. D’autres standards en gestation, couvrant des domai- nes plus vastes tels que le Développement Durable (SA 8000) reposent sur le même principe.

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La démarche illustrée par la Roue de Deming est séduisante. En effet, elle repose sur une démarche logique :

on analyse ce que l’on doit faire et on décide ce que l’on veut faire ;

on se donne les moyens de le faire ;

on contrôle les résultats ;

on modifie en conséquence son plan d’action.

Elle est aussi séduisante car elle transforme le problème éminemment complexe de la sécurité et la santé en un système documentaire beaucoup plus facile à constituer et à mettre en application.

On peut cependant se demander si cette transformation n’altère pas le problème original. La qualité absolue est-elle obtenue par le respect des normes ISO 9000 ? Cesse-t-on de polluer ou d’être potentiellement pollueur si on a une certification ISO 14001 ? Les objectifs fondamentaux en matière de sécurité et de santé (ten- dre vers le zéro accident et le zéro maladie professionnelle) seront-ils atteints via un système de management conforme à un référentiel ?

En fait, tous les spécialistes des systèmes de management savent que ces derniers ne sont pas une garantie totale, car il n’y a pas équivalence entre le problème ori- ginal et sa modélisation organisationnelle. Des facteurs non déterministes, et en particulier le comportement humain, ont disparu dans cette simplification.

Cette différence pose deux questions majeures :

Comment réintégrer ces facteurs pour tenter de réduire le risque qu’ils génèrent ?

Comment faire comprendre après un accident – en particulier aux médias et à l’opinion publique – qu’un risque résiduel perdurait malgré un certifi- cat de conformité à une norme de management ?

Revue par la direction

Audits Traitement des anomalies

Suivi et mesures

Analyse des risques Exigences légales

Objectifs (court terme) Plan d’action

Moyens et responsabilités Communication et formation Mise en œuvre

Documentation associée

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Il est malheureusement trop tard pour répondre à la seconde question. Les systè- mes de management et leur sanction par un certificat de conformité, ont été lar- gement présentés comme la panacée par les entreprises qui les possèdent, malgré la prudence des organismes certificateurs dans le libellé de ces certificats et dans la restriction des champs couverts. Limiter leur portée conduirait à dégra- der leur image, au risque de détruire tout le système. Il n’est cependant pas trop tard pour des risques pour lesquels ce système ne s’est pas encore imposé, en particulier la sécurité et la santé.

Il importe donc de tenter de répondre à la première question. Il en va de la cré- dibilité des entreprises certifiées et des organismes normatifs et certificateurs.

5. Risques d’entreprise et sécurité

La société impose à l’entreprise de mieux contrôler les risques qu’elle lui fait subir. Les sources de ces risques sont des dysfonctionnements techniques, orga- nisationnels et humains dont les impacts sur les ressources de l’entreprise (objets de risques) peuvent aussi altérer la profitabilité de l’entreprise.

La pression de la société est ainsi une formidable opportunité d’identification systématique des risques. Non seulement ceux qui peuvent atteindre l’homme et l’environnement, mais aussi ceux qui peuvent nuire à la profitabilité de l’entre- prise, voire mettre son existence en péril. La contrainte sociétale devient une opportunité, d’autant plus intéressante que l’entreprise d’aujourd’hui est très vul- nérable, souvent sur des marchés étroits et volatils, à la merci de fournisseurs ins- tables et de clients capricieux, dans un contexte économique et légal évoluant très rapidement. La récession survient en pleine croissance. Des empires s’effon- drent du jour au lendemain.

La gestion des risques sociétaux ouvre donc la porte à une nouvelle façon de gérer l’entreprise, par l’identification systématique de tous les risques et la seule acceptation des risques les mieux rémunérés. C’est la gestion par les risques, et non plus seulement la gestion des risques se superposant à une gestion détermi- niste traditionnelle. C’est la reconnaissance de l’incertitude de tous les facteurs sur lesquels le dirigeant fonde ses décisions. C’est le doute constructif.

Sources de risques

Objets de risques

Impacts sur la sécurité

Impacts sur la profitabilité

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De la fatalité à la gestion

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Risques : réalité et perception

De quoi parle-t-on ?

Le risque est un concept bien mal défini et encore plus galvaudé ! On utilise – et ce n’est pas le seul fait des médias – ce même mot pour désigner une situation domma- geable, tout ou partie des causes de cette situation, ses conséquences, voire la vic- time potentielle.

On dira ainsi :

Il y a un risque d’orage (situation) ;

La machine risque une surcharge électrique (cause) ;

Je risque la perte de mon investissement (conséquence) ;

Cette usine est un risque majeur pour ses assureurs (victime).

Il importe donc d’adopter une définition précise, qui se démarque des différen- tes acceptions du langage courant. Nous dirons qu’un risque est une situation (ensemble d’événements simultanés ou consécutifs) dont l’occurrence est incertaine et dont la réalisation affecte les objectifs de l’entité (individu, famille, entreprise, collectivité) qui le subit. Certains risques pourront avoir des effets positifs. Ce sont ceux que l’on recherche, et que l’on appelle « chance » ou

« opportunités ». D’autres auront assurément des effets négatifs. Ce sont ceux que l’on craint.

Nos activités génèrent directement certains risques. On les qualifiera d’endogè- nes. D’autres naissent dans notre environnement et nous affectent par contre- coup. On les appellera exogènes.

Un risque se caractérise donc par deux grandeurs :

Sa probabilité d’occurrence, ou fréquence f.

Ses effets, ou gravité G.

Un risque se mesure par le produit de ces deux grandeurs, sa criticité C :

La connaissance d’une seule de ces deux grandeurs est évidemment insuffisante pour complètement caractériser un risque. Cette évidence est cependant peu

C = f x G

1

Petit Larousse : « Danger, inconvé- nient possible ».

Robert : « Danger éventuel, plus ou moins prévisible » ou « Le fait de s’exposer à un danger, dans l’espoir d’obtenir un avantage ».

Littré : « Péril dans lequel entre l’idée de hasard ».

Chapitre

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partagée, y compris dans la réglementation qui adopte souvent une approche déterministe. L’existence d’un danger, quelle que soit sa probabilité, suffit à déclencher des exigences de prévention parfois disproportionnées. L’applica- tion en France de la directive SEVESO II de prévention des risques d’accidents majeurs est une illustration de cette approche, qui repose sur le refus total du ris- que résiduel. Compréhensible bien que discutable dans le cas des risques de catastrophes, l’ignorance de la probabilité est évidemment absurde dans le cas de risques moins importants, et conduit à prendre des mesures dont le coût est excessif par rapport au risque qu’elles prétendent réduire. D’autres pays euro- péens ont adopté depuis longtemps une approche probabiliste, permettant de définir à partir de quel moment des exigences supplémentaires en matière de prévention deviennent superfétatoires, voire dangereuses. Il est toutefois clair qu’une telle approche présuppose une plus grande maturité dans la communica- tion sur le risque en direction des populations.

Nous verrons plus loin que la Gestion des Risques se définit justement comme l’art de prendre en compte rationnellement les deux composantes du risque, fré- quence f et gravité G.

Une petite histoire du risque

Dire que le risque est inhérent à la vie est une évidence. Ceci dit, la perception du risque a longtemps été celle d’une fatalité attribuable aux dieux, sans la moin- dre notion de mesure. Les anciens ne savaient pas parler de chances, au sens moderne du terme, c’est-à-dire celui des probabilités. N’oublions pas que ce n’est qu’au milieu du XVIIe siècle que Fermat et Pascal ont jeté les premières bases de la prédiction mathématique du hasard en résolvant le problème posé deux siècles auparavant par le moine italien Luca Paccioli1.

Ce n’est que dans la première moitié du XVIIIe siècle que Bernoulli découvrit la loi des grands nombres et formula sa théorie de la décision, introduisant le pre- mier la notion de criticité (fréquence x gravité). Enfin la fameuse loi de Gauss n’a même pas 150 ans, un instant en regard de notre histoire !

Ce n’est donc qu’à partir du XVIIIe siècle que le risque a commencé de rempla- cer la notion mystique de fatalité, non seulement grâce aux nouveaux outils mathématiques, mais aussi sous la pression de l’industrie naissante, et de la com- plexité croissante des modes de production et des relations commerciales. Les accidents devenaient alors plus complexes que ceux auxquels le monde rural avait à faire face, et donc plus difficiles à réparer. Ils impliquaient en chaîne plu-

1. Il s’agit du « problème des points », où comment diviser les gains entre deux joueurs alors que la partie est interrompue avant sa fin.

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sieurs acteurs économiques, et leurs conséquences devenaient plus lourdes à supporter, voire dramatiques.

La conscience que le risque n’est pas une fatalité, mais la résultante d’une com- binaison d’événements fut aussi le moteur de la notion d’entreprise, tant il est vrai qu’entreprendre est savoir prendre des risques, ce qui ne pouvait que favori- ser le développement industriel, domaine privilégié de la prise de risque volon- taire et rationnelle.

Le XIXe siècle verra ces facteurs se conjuguer dans la spirale de notre monde moderne : la conscience de la logique déterministe du risque, qui justifie qu’on

« tente sa chance » au travers du système industriel capitaliste, la complexité du risque créé par ce même système, enfin les modèles mathématiques permettant la prédiction sur la base des observations, fondements de l’assurance. Les entre- preneurs, soutenus par la prise de risque du capital, développent grâce aux scientifiques la machine industrielle sous la protection de l’assurance qui garan- tit que seul restera le risque de gagner ! La synergie entre l’esprit d’aventure, qui projette dans l’avenir, et la peur de l’échec, qui impose anticipation et assurance, permettront le formidable développement du monde moderne.

On voit bien qu’au moment où ils comprenaient qu’un événement est le résultat d’une chaîne d’évènements antérieurs, complexe mais déterministe, nos pères ont intuitivement séparé les chances de gagner, qu’ils ont jugé être le fruit de l’esprit d’entreprise, de celles de perdre, qu’ils ont confiées aux assureurs. Cette dichotomie, pour ne pas parler de schizophrénie, persiste encore aujourd’hui : l’entrepreneur se juge maître des risques qu’il veut prendre, et n’hésite pas à bâtir des « arbres des causes » complexes pour atteindre ses objectifs, mais refuse de faire la même analyse pour les risques négatifs, car ce sont pour lui des échecs qu’il refuse d’envisager, mais aussi parce que l’assurance en fait son affaire...ou tout au moins le lui laisse croire !

Ainsi s’explique que la Gestion des Risques ait autant de mal à émerger, alors que jamais elle n’a été aussi nécessaire qu’aujourd’hui, les risques croissants pour l’entreprise comme pour la société, et l’assurance réduisant chaque jour la réponse qu’elle peut y apporter.

Panorama des risques aujourd’hui

Les risques sont une composante incontournable de la vie. Sans risque, il n’y a pas de vie. Cependant, la vie moderne fait peser sur le citoyen des risques qu’il ne maîtrise pas, qui lui font peur, et qu’en règle générale il refuse en fonction de l’analyse intuitive qu’il fait entre risque et bénéfice, analyse qui dépend statisti- quement de nombreux facteurs, tels que l’âge, le sexe, le niveau d’éducation, etc.

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Il a conservé – réminiscence de son cerveau reptilien – la peur ancestrale des catastrophes naturelles (tempêtes, incendies, inondations, tremblements de terre...), d’autant plus qu’il sait que l’homme en est parfois partiellement respon- sable, mais il craint aussi les catastrophes industrielles.

Il craint aussi les effets secondaires néfastes du progrès : pollutions, bruit, intoxi- cations, rayonnements électromagnétiques, stress, « trou » de la couche d’ozone, réchauffement de la planète ...

Il veut que les produits et services que le monde moderne met à sa disposition soient sans risque ou effets secondaires : pour autant, les affections nosocomia- les, les risques thérapeutiques, les intoxications alimentaires, la légionellose, l’encéphalite spongiforme bovine (ESB ou « maladie de la vache folle »), le sang contaminé, etc... viennent contredire cette volonté.

Il ne supporte pas non plus que sa vie professionnelle lui fasse courir des risques d’accidents ou de maladie. En ce sens, le vieil adage syndical « ne pas perdre sa vie à la gagner » prend tout son sens.

Enfin, il a peur des guerres et du terrorisme...

En bref, l’homme moderne est schizophrène : il veut à la fois progrès et qualité de vie – si possible en travaillant le moins possible – et refuse les risques inhé- rents à l’innovation. Il veut avoir le niveau de vie le plus élevé, mais refuse l’ins- tabilité politique mondiale (fracture Nord/Sud) qui en est partiellement la conséquence. Cette schizophrénie est d’ailleurs double : l’homme accepte le ris- que qu’il prend lui-même (le tabac en est le meilleur exemple), mais refuse celui que d’autres lui font subir, oubliant qu’il est lui-même cet « autre » qu’il met en accusation.

Ainsi en est-on aujourd’hui arrivé au fameux « principe de précaution », issu du

« Vorsorge » allemand de la fin des années 60. Il s’agissait à l’époque de réduire la pollution atmosphérique et plus précisément le phénomène des pluies acides.

Le principe de précaution – inscrit dans le traité de Maastricht constitu- tif de l’Union Européenne – est une règle de décision politique en l’absence de certitudes scientifique- ment établies sur les conséquences d’une action nouvelle. Selon ce principe, des actions de prévention sont légitimes et doivent être prises sans délai lorsqu’il parait justifié de limiter, encadrer ou empêcher cer- taines actions potentiellement dan- gereuses, sans attendre que leur Les mots clés du principe de précaution :

Précocité : l’absence de certitudes ne doit pas retarder l’adoption de mesures

Efficacité : les mesures ne doivent pas seu- lement rassurer

Proportionnalité : il faut agir en proportion de la gravité des dommages anticipés

Cohérence : il ne faut pas faire pour un ris- que potentiel, plus que pour un risque avéré de même gravité

Révisabilité : les mesures prises sont provi- soires et doivent pouvoir être révisées en fonction des progrès de la recherche

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danger éventuel soit scientifiquement établi de façon certaine. Il ne s’agit donc pas – comme certains le prétendent – de bloquer toute action, mais de prendre des actions préventives proportionnées à l’incertitude et aux risques que cette dernière peut générer. Il s’agit, en mettant en place les concertations nécessaires, de juger si le risque peut être assumé collectivement compte tenu des connaissances du moment et des bénéfices attendus de l’action considérée.

Il est cependant à craindre que la peur du risque, la démission des politiques, et l’activité – pas toujours aussi objective et désintéressée qu’elle paraît de prime abord – des ONG et autres groupes de pression, ne conduisent à une application stricte du principe de précaution qui conduit soit à l’immobilisme, soit au rejet de la faute sur celui qui aura pris le risque. Ainsi que nous l’avons vu en introduc- tion, rien ne fait plus peur aujourd’hui que de devoir prendre une décision ou assumer collectivement un risque : il nous faut toujours un coupable, ou tout au moins un responsable que l’on pourra accuser de tous nos maux et condamner à indemniser les victimes.

Le refus de la responsabilité collective et la démission du politique s’accompa- gnent en outre de la faillite du système d’assurances : les risques sont trop impor- tants (ou jugés tels), et trop spécifiques pour que les trois principes de l’assurance (risque aléatoire, quantifiable, mutualisable) s’appliquent encore.

Ainsi les risques d’atteinte à l’environnement, ou la responsabilité civile profes- sionnelle ne sont-ils plus que très difficilement assurables. On constate donc qu’après s’être opposés à la gestion technique des risques, les assureurs – et sur- tout les courtiers – encouragent désormais leurs clients à identifier et traiter leurs risques afin de mieux connaître et réduire la part qui leur est transférée.

La justice est elle-même victime de ces évolutions de nos sociétés : s’appuyant sur une évaluation a posteriori – et donc forcément négative – de l’événement passé, elle recherche de plus en plus la mutualisation des responsabilités.

L’application du principe de précaution est donc inéluctable. Elle est la consé- quence logique du « Troisième âge de la responsabilité » évoqué en introduc- tion. Les cataclysmes ne sont pas entièrement naturels par leur cause et l’homme est le principal auteur des maux qui l’affectent. Il faut cependant espérer que le politique n’adopte pas une application restrictive et frileuse de ce principe con- sistant à s’abstenir de toute action lorsque le mal est apparemment plus impor- tant que le bien.

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Risques : le facteur humain

L’homme, acteur central du risque

La qualité et la sécurité d’une opération, qu’elle soit ou non industrielle, et donc de ses produits, repose sur trois éléments :

•Des équipements pertinents, fiables et sûrs ;

•Des modes opératoires efficaces et sûrs ;

•Des opérateurs compétents, motivés et fiables.

De grands progrès ont été faits dans le premier domaine, celui des ingénieurs, par lequel la maîtrise des risques a démarré à la fin du XIXe siècle, en plein machinisme industriel. A cette époque, on maîtrisait mal les risques générés par les nouveaux modes de production. Les causes directes de nombreux accidents étaient alors facilement attribuables à des procédés techniques peu fiables, à des machines sans protections, à des techniques mal maîtrisées.

Les études de sûreté de fonctionnement, les asservissements des outils, et les contrôles qualité ont considérablement amélioré la fiabilité des équipements et la qualité des produits finis. Des normes de référence toujours plus précises et complexes sont régulièrement publiées, notamment en ce qui concerne la fiabi- lité et la sécurité des équipements électroniques (norme CEI 61508 par exemple).

Dans le domaine pourtant souvent décrié de l’agroalimentaire (plus de 3 fran- çais sur 4 pensent que les produits alimentaires industriels sont « trafiqués ») les progrès ont été spectaculaires et la majorité des toxi-infections résulte de la con- sommation de produits artisanaux ou familiaux (conserves et salaisons non sté- riles) et non pas de produits industriels. Ces progrès s’expliquent notamment par la généralisation de l’utilisation de méthodes spécifiques d’analyse des risques (méthode HACCP : Hazardous Analysis and Critical Check Points). Ces métho- des ont permis d’identifier les endroits où une contamination était possible et donc de définir les mesures de prévention correspondantes.

1

Toute tâche qui peut être accomplie d’une manière incorrecte, peu importe que la possibi- lité en soit faible, sera un jour accomplie de cette manière. (Loi de Murphy)

Technique Organisation

Comportement Technique

Sécurité

Comportement

Organisation

Chapitre

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La sécurité des travailleurs a elle aussi été considérablement améliorée grâce aux progrès de la conception et de la maintenance des outils industriels. Là encore, aucun angélisme : le but initialement recherché visait essentiellement à l’amélioration de la disponibilité des outils industriels et à l’augmentation de la productivité. L’amélioration de la sécurité qui en a résulté, s’est imposée comme un but en soi, au fur et à mesure que l’exigence de sécurité devenait celle de notre société dans son ensemble.

Cette évolution technologique a conduit à l’automatisation et l’informatisation, mais aussi à la prééminence des tâches de contrôle, de surveillance, de mainte- nance. Par ailleurs, la complexité des systèmes s’est accrue, soit par l’augmenta- tion du nombre d’interactions, soit par l’augmentation du degré de dépendance d’un élément par rapport à l’autre. Paradoxalement, les systèmes de sécurité eux-mêmes (c’est-à-dire les systèmes destinés à avoir un rôle de protecteur con- tre les défaillances connues), sont devenus les points faibles des systèmes com- plexes. Cette surenchère des barrières défensives rend ces systèmes non seulement fragiles, mais aussi, de plus en plus difficiles à comprendre, et donc difficilement maîtrisables. En période « normale », le système peut dans le meilleur des cas, être géré de façon automatisée. Mais certains dysfonctionne- ments, et surtout s’ils sont rares, vont trouver un opérateur ayant perdu son expertise, un opérateur peu informé sur les déroulements antérieurs, et qui doit, de plus, prendre une décision dans l’incertitude et sous contrainte temporelle : toutes les conditions sont alors réunies pour augmenter l’apparition d’une

« erreur humaine ». La maîtrise purement technique de la sécurité conduit à une impasse.

Le second domaine de contrôle des risques, apparu dans les années 50, est celui des « managers ». Née avec le besoin de contrôler la qualité, l’organisation rationnelle du travail a elle aussi considérablement fait progresser la sécurité, d’abord pour les travailleurs, puis pour les consommateurs ou utilisateurs de pro- duits finis. L’automobile et l’aéronautique en sont les exemples les plus frap- pants.

Reste le troisième domaine, qui est aussi le plus complexe, celui du comporte- ment humain. La ressource humaine possède une caractéristique unique : elle s’autodétermine. Sauf dans les ouvrages de science-fiction, où l’on voit l’homme perdre sa capacité de jugement et d’action individuelle, celui-ci est à tout moment capable d’agir selon son propre chef, quelles qu’en soient les consé- quences. Instable, distrait, colérique, malveillant, courageux, l’homme est dan- gereux, volontairement ou non.

La concentration requise pour percevoir et analyser les informations parfois mal transmises, peu claires, trop fugitives, est parfois surhumaine, et ne tolère aucun relâchement.

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L’opérateur doit souvent décoder l’information : elle ne lui est pas fournie sous une forme immédiatement traduisible en terme d’action (voir ci-après les tâches routinières non répétitives).

L’information, peut-être déjà mal comprise, est souvent aussi mal transmise, ce qui est dû au transmetteur, mais aussi au receveur, voire parfois au canal de transmission lui-même.

L’habitude, la sous-estimation des risques (il ne s’est jamais rien produit, ça ne doit donc pas être dangereux) conduisent au laxisme et au non-respect des con- signes. Parfois aussi, le risque est trop difficile à imaginer (scénario improbable), ou encore les impacts de changements sont-ils ignorés.

Les erreurs humaines (relâchement, compréhension insuffisante, mauvaise transmission et enfin réaction tardive ou non adéquate) contribuent donc large- ment aux risques, en particulier aux risques de gravité dont les fréquences sont faibles mais dont les conséquences sont énormes..

Cette caractéristique rend les données pertinentes (heureusement) rares. Leur exploitation statistique est donc quasi impossible.

En outre, on peut s’interroger sur la validité du retour d’expérience, du fait que la vitesse du progrès technologique (en particulier informatique) dépasse large- ment la capacité d’adaptation humaine et que par conséquent se creuse entre l’homme et la technique un fossé d’incompréhension source de multiples erreurs. Il est à cet égard symptomatique que les premières études conduites sur ce thème l’aient été dans une logique de fiabilité humaine, c’est-à-dire l’étude des critères à prendre en compte pour que l’homme élément d’un système com- plexe, n’en soit pas uniquement le maillon le plus faible. Avec toujours le même corollaire : si l’homme n’est pas intrinsèquement fiable, pourquoi ne pas tenter de le supprimer complètement pour le pilotage des systèmes complexes ? La situation est paradoxale. Les domaines les plus étudiés sont aujourd’hui les moins importants en terme de sécurité. La fiabilité et la sécurité des équipements fait l’objet d’études importantes et sophistiquées. Les ingénieurs rivalisent de compétence et d’ingéniosité pour traquer le moindre risque de défaillance. On met en œuvre des modes opératoires, des techniques d’inspection et de mainte- nance très élaborés. Mais on ne fait presque rien pour tenir compte du compor- tement humain. Et pourtant toutes les analyses d’accident mettent en exergue une défaillance de l’opérateur, et lorsqu’elles sont conduites avec suffisamment de ténacité et de transparence, une insuffisance du management.

Enfin, dans la plupart des entreprises occidentales, il paraît difficile d’améliorer à un coût raisonnable la sécurité technique, ou de sécuriser davantage les modes opératoires. L’amélioration des résultats passera donc nécessairement par l’introduction du facteur humain.

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Un facteur complexe

Mais alors pourquoi le facteur humain est-il si peu pris en compte, alors que son importance relative ne peut que croître avec la sophistication des systèmes ? Il faut dire que le problème est complexe, et échappe à la science de l’ingénieur ou à la pratique du management, lequel d’ailleurs a souvent tendance à totale- ment oublier que ses décisions seront mises en œuvre par des hommes ! Nous sommes là dans le domaine des sciences « molles », domaine dans lequel le scientifique et le gestionnaire sont peu formés, voire domaine que leur culture les amène parfois à mépriser.

L’identification a priori des risques de défaillance humaine étant difficile et fasti- dieuse, on a tenté de réduire son rôle dans la chaîne du risque, en réduisant son espace cognitif entre des machines fiables et automatisées et des méthodes de travail rigoureuses et détaillées.

On a ainsi obtenu des systèmes « fool proof » techniquement et économique- ment utopiques. Plus grave, le comportement machinal que l’on attend de l’opé- rateur sur ces systèmes ne lui permet plus de réagir sainement aux signaux de dysfonctionnement éventuels. Il est comme les habitants de la caverne de Platon : le comportement de sa machine ne lui apparaissant qu’au travers d’une instrumentation symbolique, il ne peut croire à la réalité des signaux inhabituels de son dysfonctionnement.

Voici donc le dilemme : soit concevoir des systèmes pour lesquels une opération machinale est suffisante, mais alors ces systèmes doivent être infaillibles car l’uti- lisateur ne saura pas réagir au dysfonctionnement, soit laisser une large marge à son comportement cognitif, mais alors risquer sa défaillance ! Comme toujours, la vérité se situe entre ces extrêmes : des modes opératoires doivent permettre l’opération d’un système raisonnablement sécurisé, mais l’homme doit

Taux de fréquence des accidents

Amélioration technique

Amélioration organisationnelle

Zone « chaotique » (facteur humain) 35

30 25 20 15 10 5 0

2

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« comprendre » le système qu’il utilise et donc être capable d’analyser des situa- tions exceptionnelles et d’inventer des réactions d’urgence non prévues.

Le plus grand enjeu en matière de prévention – tout au moins dans les entrepri- ses les plus avancées dans ce domaine – demeure la maîtrise de ce que l’on appelle la prise de risque dans le travail. Dans certains secteurs d’activité, cette prise de risque peut témoigner d’un déni du risque. Mais dans la majorité des cas, il convient de se rappeler que la prise de risque est très souvent valorisante, quand elle n’est pas tout simplement valorisée (même de manière involontaire) au sein d’une entreprise. Il s’agit d’une évidence pour les fonctions d’entrepre- neur au sens étymologique du terme, mais également pour d’autres fonctions : recherche, vente... La maintenance constitue un autre exemple frappant en illus- trant toute l’ambiguïté qui pèse sur ce thème au sein des entreprises : une chaîne de production commence à montrer des signes de dysfonctionnement. Quel peut être alors le comportement de l’opérateur de maintenance ? Soit il consigne l’installation, répare ou règle avec l’ensemble des énergies coupées pour ensuite redémarrer l’installation en ayant perdu disons deux heures de production. Soit il intervient installation en fonctionnement, en n’ayant quasiment pas de perte de production. A votre avis, quelle est la solution préférée au sein de la majorité des entreprises ?

N’oublions pas non plus que s’il n’y a pas d’accident lors de telles phases, l’opé- rateur de maintenance sera considéré comme ayant effectué correctement la tâche pour laquelle il est payé. En revanche, s’il y a accident, il y a fort à parier que des voix vont s’élever pour dénoncer une fois de plus le non respect par le personnel des consignes définies.

Il s’agit donc en fait de « positiver » la prise de risque. En effet, cette dernière n’est pas que l’écart – supposé dangereux – entre le comportement effectif et le com- portement idéal spécifié par les modes opératoires ; c’est aussi la réactivité posi- tive face à une situation de danger. On ne parle jamais que des « défaillances humaines » ayant conduit à des accidents parfois dramatiques. On oublie que bien souvent, des réactions humaines rapides et adaptées ont permis d’éviter des catastrophes. Il est donc dangereux de laisser les ingénieurs imaginer des disposi- tifs techniques ne laissant aucune marge cognitive à l’homme. Au contraire, cette marge doit être maintenue, sous réserve que l’utilisateur ait la capacité d’analyse lui permettant de l’utiliser à bon escient et au contraire ne puisse en faire – volontairement ou non – un usage dangereux pour lui-même, la communauté ou l’environnement. On ajoutera enfin que cette marge de manœuvre est aussi signe d’une reconnaissance du salarié, propice à exciter son intérêt au travail.

Toutefois, cette même marge doit être évaluée en tenant compte de la pression du temps sur les actions de chacun au sein d’une organisation. Autant un top manager peut disposer de plusieurs mois à plusieurs semaines pour prendre une

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décision, un agent de maîtrise de plusieurs minutes à plusieurs heures, autant un opérateur n’aura souvent que quelques secondes pour réagir. On passe donc le plus souvent d’une logique de réflexion à une logique du réflexe. Le bon sens commun identifie bien là toute la difficulté : qu’est ce qui sépare le bon du mau- vais réflexe ? Bien souvent seule la réussite de l’action permettra de classer le réflexe dans l’une ou l’autre des catégories.

Plutôt que de bloquer les systèmes pour éviter les erreurs, il faut en concevoir qui rappellent l’opérateur à l’ordre, mais ne l’empêchent pas d’agir en contradiction avec les procédures si les circonstances l’exigent. La fonction est ainsi valorisée et la procédure mieux respectée puisqu’elle n’est plus imposée mais soumise à l’approbation de l’opérateur. Parallèlement, l’opérateur doit pouvoir analyser la situation, ce qui bien souvent implique de lui donner des informations et une for- mation adaptées, et de maintenir ses compétences.

Reste le problème du management. Le retournement de la plate forme d’explo- ration pétrolière Alexander Kielland et l’explosion de la plate forme Piper Alpha en Mer du Nord, le naufrage de la P 36 au Brésil, mais aussi la plupart des acci- dents ferroviaires ou encore l’explosion de la navette Challenger ou le naufrage du Herald of Free Enterprise sont autant d’exemples pour lesquels une défaillance du management a été identifiée comme cause première du désastre.

Il y a fort à parier que dans bien d’autres cas – peut être moins médiatisés – la conclusion aurait été la même si le management avait bien voulu laisser les investigations se poursuivre ! Il est souvent plus facile de blâmer le lampiste que d’accepter que la direction se soit montrée incompétente, ou pour le moins téméraire. Non seulement ce refus d’endosser la responsabilité est-il souvent injuste, mais encore prive-t-il la communauté du retour d’expérience qui lui serait bien utile pour mieux comprendre puis prédire l’impact humain sur la sécurité. Il est en effet démontré (Rasmussen) que dans ces catastrophes, cha- que acteur (de la conception à l’opération) a cherché à optimiser son rapport coût/efficacité, sans avoir de vision globale du système, en supposant que des barrières existent entre les sous-systèmes étudiés. Un des problèmes est que, lors- que ces défenses sont construites, la violation localement d’une de ces défenses n’a pas toujours d’effet immédiat et visible. Dans cette situation, les limites d’un comportement sûr d’un acteur particulier dépend des violations possibles des autres acteurs. C’est ce qui peut expliquer que dans ce cas les défenses elles- mêmes dégénèrent, dérivent avec le temps, en particulier quand existe la pres- sion du management visant à augmenter l’efficacité et à diminuer le coût.

Résumons nous : le comportement professionnel d’un individu est influencé par de multiples facteurs précurseurs, que l’on peut regrouper en quatre familles :

1.La personnalité, qui regroupe les éléments intrinsèques relativement sta- bles (sexe, aptitudes physiques et intellectuelles, émotivité, compétences,

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