• Aucun résultat trouvé

L’homéostasie du cuivre : absorption, distribution aux protéines cibles et détoxication

Introduction I Les métaux lourds en biologie

2.4 Le métabolisme du cuivre chez l’être humain et ses dérèglements

2.4.1 L’homéostasie du cuivre : absorption, distribution aux protéines cibles et détoxication

Bien que le cuivre soit essentiel à la vie et au fonctionnement de nombreuses enzymes d’intérêt en neurobiologie (tyrosinase, céruloplasmine, cytochrome c oxydase…), une mauvaise distribution ou une élévation de la concentration en cuivre dans la cellule et l’existence d’une liaison Cu(II)-protéine incorrecte sont à l’origine de stress oxydatif pathologique dans de nombreux troubles neurodégénératifs.

Le corps d’un homme d’environ 70 kg en bonne santé, contient moins de 97 mg de cuivre. La majorité de ce cuivre se situe dans les os (en particulier la moelle osseuse : 46 mg), les muscles (26 mg), le foie (10 mg), le cerveau (8,8 mg), et le sang (6 mg). L’apport journalier recommandé en cuivre chez l’adulte est de 0,9 mg, la dose maximale au-dessus de laquelle l’apport en cuivre devient dangereux se situe à 10 mg/jour. Le maintien de la teneur physiologique en cuivre de l’organisme est assuré par un équilibre entre l’absorption intestinale et l’excrétion biliaire. La voie d’entrée du cuivre fait intervenir les cellules polarisées de l’intestin par lesquelles 40 % du cuivre alimentaire est absorbé. Le cuivre traverse la paroi apicale par le transporteur membranaire hCtr1 également présent dans les autres types de cellules où il assure le transport du cuivre à haute affinité grâce à son extrémité extra-cellulaire riche en résidus méthionine et histidine (Puig, S. et Thiele, D. J. 2002) (Fig. 13). Le cuivre est alors séquestré par la métallo-chaperonne Atox1 qui le délivre à une ATPase localisée dans les membranes de l’appareil de Golgi (Hamza I. et al. 2000). Cette ATPase est dénommée protéine de Menkes. Elle est codée par le gène atp7a (Chelly, J. et Monaco, A. P. 1993 ; Mercer J. F. et al. 1993). Lorsque la concentration intracellulaire de cuivre devient trop élevée, l’ATPase de Menkes migre à la membrane basolatérale (Petris, M. J. et al. 1996). Elle permet ainsi l’expulsion du cuivre dans la circulation sanguine où il est principalement lié à l’albumine.

Figure 13 : Homéostasie du cuivre dans une cellule intestinale (d’après Peña, M. M. et al. 1999). L’absorption du cuivre est assurée par le transporteur Ctr1 et son transfert dans la circulation sanguine par l’ATPase de Menkes (MNK)

Sous cette forme, le cuivre est capté par les cellules hépatiques qui le restituent à l’organisme selon ses besoins : le foie constitue donc l’organe central de l’homéostasie du cuivre. Dans les hépatocytes, l’ATPase de Wilson (homologue de l’ATPase de Menkes) codée par le gène atp7b (Tanzi, R. E. et al. 1993) est une protéine transmembranaire, dans la membrane de l’appareil de Golgi et qui joue un rôle crucial dans le métabolisme du cuivre. Le cuivre lui est apporté par l’intermédiaire de la métallo-chaperonne Atox1, comme précédemment décrit pour la protéine de Menkes. L’ATPase de Wilson catalyse alors le transport du métal du cytosol vers le compartiment cellulaire trans-Golgien, où le cuivre est intégré à diverses enzymes comme la céruloplasmine. Cette dernière assure la distribution du métal aux tissus périphériques. Elle est secondée par l’albumine et la transcupréine (Hellman, N. E. et Gitlin, J. D. 2002).

Par ailleurs, le foie assure une fonction de détoxication du cuivre lorsque la concentration devient trop élevée. Ce mécanisme implique une migration de la protéine de Wilson, des membranes de l’appareil de Golgi vers des vésicules qui fusionnent avec la région de la membrane plasmique en contact avec le canalicule biliaire (Terada, K. et al. 1999 ; Lutsenko, S. et Petris, M. J. 2003). L’excès de cuivre est alors éliminé par voie biliaire. Ainsi, la distribution du cuivre aux enzymes cibles dépend d’un système faisant intervenir au moins trois métallochaperonnes : (a) Cox17 libère le cuivre dans les mitochondries pour distribution ultérieure à la cytochrome oxydase ; (b) une chaperonne à cuivre (CCS) délivre le cuivre à la superoxyde dismutase (SOD) dans le cytoplasme ; (c) Atox1 ou HAH1 distribue le cuivre à

ATP7A dans l’appareil de Golgi pour l’incorporation ultérieure au sein d’autres protéines à cuivre comme la céruloplasmine.

Le cuivre peut aussi intervenir dans les métallothionéines (Fig. 14).

Figure 14 : Modèle du transport du cuivre dans un hépatocyte

(d’après Shim, H. et Harris, Z.L, 2003).

Figure 15 : Etapes déficientes du métabolisme du cuivre

dans les maladies de Wilson et de Menkes (d’après Mercer, J. F. B. et al. 2001)

Par conséquent, les ATPases de Menkes et de Wilson jouent un rôle essentiel dans l’homéostasie du cuivre (Lutsenko, S. et Petris, M. J. 2002). Partout où elles sont exprimées, ces deux protéines sont responsables de l’acheminement du cuivre à l’intérieur de l’appareil de Golgi, un des lieux de maturation des protéines. Leurs fonctions dépendent du type cellulaire dans lequel elles sont exprimées. Ainsi, la protéine de Menkes assure l’absorption du cuivre alimentaire au niveau de l’intestin et le distribue rapidement dans le cerveau. A l’inverse, la protéine de Wilson, qui assure la détoxication du cuivre, se trouve essentiellement dans les cellules hépatiques et dans les neurones où elle délivre le cuivre à la céruloplasmine (Yatsunyk L. A. et Rosenzweig, A. C. 2007). Des mutations au niveau des gènes codant pour les ATPases de Wilson (ATP7B) ou Menkes (ATP7A) sont à l’origine de deux maladies génétiques dont les symptômes et la gravité diffèrent selon l’ATPase déficiente (Fig. 15).

La maladie de Wilson

Décrite en 1912, la maladie de Wilson, appelée aussi dégénérescence hépatolenticulaire progressive, est liée à une anomalie congénitale du métabolisme du cuivre. Le gène responsable de cette maladie a été isolé et séquencé en 1993. La maladie de Wilson est

Intestin grêle Feces Vène porte Cuivre alimentaire Cerveau Tissus/Organes Sang Céruloplasmine Foie Cu [Cu]

Bile Maladie de Wilson

transmise selon le mode autosomique récessif et sa prévalence est d’environ 1/30000. La fonctionnalité altérée de l’ATP7B se caractérise par un défaut d’incorporation du cuivre à la céruloplasmine couplé à une absence d’excrétion du cuivre par la bile (Fig. 15). Elle s’accompagne de divers symptômes principalement dus à une surcharge de cuivre hépatique non maîtrisée (manifestations hépatiques, neuropsychiques et de pigmentation particulière de la cornée) (Gaggelli, E. et al. 2006).

La maladie de Menkes

La maladie de Menkes a été décrite pour la première fois en 1962. En 1972, un scientifique du nom de Danks remarque que de jeunes enfants atteints de cette maladie ont des cheveux décolorés similaires à la laine des moutons élevés en Australie sur les sols carencés en cuivre. C’est de cette manière que le rôle du cuivre a été découvert et que cette maladie a été associée à un défaut d’absorption intestinale du métal. Ce dysfonctionnement met en jeu l’ATP7A (Fig. 15). La transmission de cette maladie se fait suivant le mode gonosomique récessif et elle touche une naissance sur 250 000. La fonction de nombreuses enzymes à cuivre est perturbée, ce qui entraîne des phénomènes de lésion diffuse comme l’hypothermie, la pigmentation des cheveux et de la peau, la déminéralisation du squelette. Cette grave maladie est incurable et l’espérance de vie des patients reste limitée à 10 ans, voire 6 ans (Gaggelli, E. et al. 2006).