• Aucun résultat trouvé

Introduction I Les métaux lourds en biologie

1.2 Effets des métaux sur le vivant

1.3.1 Entrée, devenir et sortie des métau

♦ Entrée Les procaryotes utilisent deux types de systèmes servant à l’entrée des métaux lourds à l’intérieur des cellules. Le premier est un système passif. Constitutif de la cellule, il est de faible affinité et rapide. Il est emprunté par une grande variété de substrats. Il est constitué principalement par des protéines de la famille MIT (Metal Inorganic Transport) et est emprunté par la plupart des cations pour entrer à l’intérieur des cellules (Mn2+, Co2+, Ni2+, Zn2+, Fe2+, Cd2+…). Il utilise généralement l’énergie du gradient osmotique à travers la membrane plasmique des bactéries. Ce système n’étant pas spécifique d’un ion particulier, n’importe quel ion peut entrer dans la cellule, en particulier dans le cas où il est présent en très grande concentration : c’est pourquoi les ions métalliques deviennent toxiques (Nies, D. H. 1999). Le second système de transport est un système actif, de haute affinité pour le substrat. Il est plus lent, et utilise souvent l’hydrolyse de l’ATP comme source d’énergie. Il est inductible et produit par les cellules dans des conditions limitantes en ions métalliques ou dans une situation métabolique particulière. Il regroupe les ATPases de type P (telles que CopA pour le transport du Cu(I) chez E. hirae (Odermatt, A. et al. 1993), les ATPases de type A pour le transport de l’arsenic, et les transporteurs ABC (ATP-binding cassette) spécifiques du Mn2+, Zn2+, Ni2+… (Nies, D. H. 1999 ; Gatti, D. et al. 2000)

Afin de maintenir l’homéostasie des métaux, la plupart des organismes utilisent une combinaison des deux systèmes. L’import d’un ion peut être régulé soit par inhibition de la machinerie d’import, soit en rendant le métal indisponible à l’absorption. A ce jour, aucun de ces deux systèmes de régulation n’est connu chez les procaryotes. En revanche, chez les mammifères, le taux de fer est par exemple partiellement régulé, lors de la transcription, par le contrôle de la concentration en récepteurs membranaires de la transferrine, protéine de transport du fer. De son côté, le champignon Neurospora crassa semble pouvoir chélater les métaux dans le milieu extérieur grâce aux polysaccharides présents à la surface de la cellule (Dameron C. T. et Harrison M. D. 1998).

♦ Devenir Comme les ions métalliques ne peuvent pas être dégradés ou modifiés comme les composés organiques toxiques, les systèmes de résistance aux métaux lourds ne peuvent utiliser que trois mécanismes possibles : la complexation, la réduction et l’efflux (Nies, D. H. 1999).

* La formation de complexes

Dans une cellule, les ions métalliques semblent n’être pratiquement jamais à l’état d’ions libres (Rae, T. D. et al. 1999 ; Outten, F. W. et al. 2001). La complexation permet le stockage temporaire des cations appelés « sulfur lovers » par des composés soufrés, comme les groupements thiols de certaines enzymes. Chez les bactéries gram-négatives, la formation de complexes met en jeu le glutathion et les thiorédoxines (Eide, D. J. 2001), deux systèmes réducteurs des thiols dans les cellules. Le glutathion est un assemblage de trois acides aminés : un acide glutamique, une cystéine et une glycine. Sa concentration peut varier de 0,5 à 10 mM selon le type d’organisme. Le glutathion peut s’assembler en chaînes et constituer les phytochélatines, d’abord décrites chez les végétaux (Grill, E. et al. 1987) mais également présentes chez les animaux (Cobbett, C. S. 1999). Leur structure est (γ-Glu-Cys)n-Gly avec n variant de 2 à 11. Ces phytochélatines forment des complexes avec le cadmium, l’argent et le cuivre in vivo et avec le plomb, le mercure et l’argent in vitro.

Les métallothionéines (MT) jouent également un rôle essentiel dans la complexation des métaux comme Cd(II), Zn(II), Cu(I). Ce sont des petites protéines, de faible masse moléculaire (4 à 8 kDa). Elles sont généralement riches en cystéines (environ 30 %), sans histidine ni acide aminé aromatique, et sont constituées de deux domaines α et β, chacun présentant un cluster métal-thiolate. Des motifs Cys – X – Cys, où X est un acide aminé autre que la cystéine, ou Cys – Cys sont impliqués dans la liaison d’ions métalliques divalents (Fig. 2). Les MT sont présentes chez l’homme, les bactéries et les plantes. Chez l’homme, elles sont codées par au moins 10 gènes. Elles joueraient plusieurs rôles tels que la détoxication des métaux non essentiels comme Cd ou Hg, la détoxication et le stockage des métaux essentiels, en excès, comme Cu ou Zn (Presta, A. et Stillman, M. J. 1997 ; Tapia, L. 2004), la séquestration des radicaux et des espèces réactives de l’oxygène, agents alkylants ou peroxynitrite, et le transfert ou le transport des métaux lourds essentiels. Tous ces rôles biologiques s’expliquent par l’existence de la liaison soufre-métal. Des métallothionéines régulent par exemple la concentration intracellulaire en zinc (Robinson, N. J. et al. 2001 ; Blindauer, C. A. et al. 2001). Le mécanisme de complexation des métaux lourds chez les plantes fait intervenir les métallothionéines et les phytochélatines (Cobett, C. S. 2000). Enfin,

dans la levure Saccharomyces cerevisiae, la métallothionéine codée par le gène cup1 est induite quand le cuivre est présent en excès dans le milieu de culture (Jensen, L. T. et al. 1996).

Figure 2 : Représentation schématique d’une métallothionéine eucaryote. Les deux domaines de la protéine

(fragments α et β) lient respectivement 4 et 3 atomes de cadmium.

Cependant, le coût énergétique de la complexation étant très élevé, la formation de complexes n’est une voie efficace de détoxication que dans le cas de cellules procaryotes exposées à des métaux lourds en faible concentration. Par exemple, la détoxication d’un ion cadmium par la formation d’une molécule de CdS nécessite 16 molécules d’ATP (1 ATP pour la prise en charge du sulfate, 3 ATP pour la formation de PAPS (Phosphoadénosine-5’- phosphosulfate), 3 ATP pour sa réduction en sulfite et enfin 9 ATP pour la réduction du sulfite en sulfure CdS) ! Pour comparaison, l’efflux d’un ion Cd2+ ne coûte, en énergie, qu’une seule molécule d’ATP (Nies, D. H. 1999).

* La réduction

Un procédé, utilisé par divers micro-organismes pour éliminer les métaux, est la réduction du métal jusqu’à un état d’oxydation moins toxique. Pour être réduit, le métal doit posséder un potentiel redox compris entre celui des couples hydrogène/proton (-421 mV) et oxygène/hydrogène (+808 mV) ; ceci représente l’échelle physiologique redox pour la plupart des cellules aérobies. Ainsi, le mercure (II) (+430 mV), l’arsenate (+139 mV) et le cuivre (-268 mV) peuvent être réduits dans la cellule alors que ce n’est pas le cas pour le zinc (-1180 mV), le cadmium (-824 mV), le cobalt (-701 mV) et le nickel (-678 mV). Dans le cas idéal du mercure, Hg(II) est réduit en Hg(0) volatil. La plupart des produits de réduction sont soit insolubles (Cr3+), soit encore plus toxiques (AsO2-) que les espèces non réduites. Ainsi, la réduction est nécessairement couplée à la séquestration de l’ion réduit, qui l’empêche de nuire, ou à l’efflux qui élimine le composé réduit (Nies, D. H. 1999).

♦ Sortie Enfin, des systèmes d’efflux permettent de réduire l’accumulation intracellulaire de métaux lourds. Par exemple, il existe, chez la levure, une pompe à cadmium codée par le gène ycf1 (Li, Z. S. et al. 1997). La surexpression de ycf1 permet la croissance de la levure jusqu’à une concentration en cadmium de 500 µM. Ce transporteur, situé dans la membrane de la vacuole, permet d’extraire le métal du milieu cytoplasmique. Ce mécanisme de détoxication est également largement utilisé chez les procaryotes. Il fait intervenir des ATPases de transport à zinc, cadmium, plomb, cuivre, argent ou arsenic…