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Le 20 décembre 1760, le camp de La Chapelle reçoit la visite de M. de Clignancourt, enseigne en second de Beaujeu333. Averti par des Amérindiens de la présence du jeune officier dans les parages, M. de Beaujeu envoie cet officier pour le contacter et lui demander son aide. Selon le rapport de La Chapelle, Beaujeu se « trouvant dans la plus grande misère, n’ayant plus de vivres, la maladie avait déjà fait beaucoup de ravages parmi les hommes, plusieurs étaient morts et le découragement causait des désertions334. » Acceptant d’aider son confrère d’armes, le jeune officier confie le commandement du fort Ottawa et de ses occupants au sergent Berthier335.

329 HENRY, L’Attaque de 1763…, p. 64.

330 Le 30 septembre 1761, Leslie somme les habitants de rendre leurs armes : « soit fusils, Mousquets,

Carabines, pistolets, ou épées de quelle nature qu’elles puissent être, sans quoi tous ceux qui seront d’hors et avant découvert d’avoir des armes ches eux seront punis rigoureusement. » La rigueur militaire au fort n’empêchera pas l’endroit, bien entendu, d’être la scène du fameux massacre au début de la guerre de Pontiac en 1763. Newberry Library, Chicago. Box Ayer MS.511. William Leslie à Langlade. À Michilimackinac, le 30 septembre 1761.

331 Il sera accompagné de deux marchands anglais, un interprète français, un sergent, un caporal, et quinze

soldats. « Lieut. James Gorrell's Journal », WHC, Vol. I, 1855, pp. 25-48

332 Ibid., p. 26.

333 Nommé en 1759. ANOM, Colonies, D2C 59, F°62. Liste des Officiers Civils et militaires en Canada. 334 PASSERAT DE LA CHAPELLE, Passerat de La Chapelle..., p. 14 et Annexe A, p. 154.

335 Théoriquement, un capitaine doit être secondé par un lieutenant et un enseigne, non un sergent. Toutefois,

cette dérogation obligée de la norme est acceptable à la limite puisque la fonction et les longues années de service du sergent font en sorte qu’il est considéré comme étant « l’ame d’une compagnie sur qui tout le petit detail roule ». Le sergent Berthier n’a probablement pas atteint le grade de capitaine pour la simple raison que sous l’ancien régime, ce grade de sergent est le plus haut que peuvent espérer atteindre les membres du tiers ordre. Seuls les membres de la noblesse ont accès au titre de Capitaine, malgré le même degré d’expérience. En pratique, comme le démontrent toutefois les sources, les brigades composées de miliciens et de soldats des

81 À la tête d’un convoi formé d’une soixantaine d’hommes, La Chapelle ne tarde pas à traverser la trentaine de lieues qui les séparent du camp de Beaujeu à la rivière à la Roche. À son arrivée, La Chapelle découvre effectivement un détachement démoralisé par le froid, la fatigue, le manque d’équipement, et « ouvert à tous les vents » sous de pitoyables abris de roseaux et de « barques tirées à terre ». Nulle tente n’est à leur disposition336.

En ce début d’hiver, la survie dépend de bien plus qu’une simple toile. Avec l’apport d’une « importante quantité de viande et de poissons boucanés », on peut imaginer la gratitude que devrait avoir Beaujeu. Pourtant, c’est le contraire que reçoit le jeune officier : le lendemain de Noël, alors qu’il se prépare à rejoindre son convoi qu’il vient d’envoyer sur le chemin du retour vers le fort Ottawa, il se fait surprendre par Beaujeu qui, accueillant jusque-là, lui impose soudainement et sans explication d’aller porter un message au fort de Chartres. Réticent et lui rappelant qu’il est sous les ordres de M. de Belestre de se rendre à La Nouvelle-Orléans et qu’il est responsable du bien-être de ses soldats et de ses miliciens, La Chapelle est néanmoins contraint d’y aller après de sévères menaces337. Ne se contentant pas de lui imposer cette tâche, Beaujeu lui interdit également d’être accompagné par ses propres miliciens restants ni d’en avertir le fort Ottawa338. Ravalant sa colère, La Chapelle accepte et quitte immédiatement, accompagné d’un caporal et de deux soldats de Beaujeu.

Après quatre jours de marche, La Chapelle est surpris de se faire rejoindre par deux de ses miliciens accompagnés de deux Amérindiens. Ceux-ci l’informent qu’à son départ, ses miliciens avaient tous été mis sous garde. En apprenant que Beaujeu envoyait La Chapelle au fort de Chartres pour le distraire afin de réquisitionner le fort Ottawa et ses occupants,

troupes de la marine sont dirigées par plus d’un type d’officier. CASSEL, « Troupes de la marine... », pp. 51-

53.

336 D’ailleurs, Jay Cassel observe qu’aucune tente ne figure sur les listes d’équipement entre 1683 à 1751.

Outre la couverte fournie à chaque homme, Versailles s’imagine que les soldats peuvent s’improviser des abris grâce à l’abondance de bois et de feuillage au Canada. Ce n’est qu’en 1756 que l’intendant Bigot insiste qu’on fournisse des tentes aux officiers, et des canonnières, ou petites tentes sans murs, aux soldats. Toutefois, les demandes sur papiers ne se concrétisent pas toujours. De plus, les tentes qui arrivent au Canada sont sans doute réservées pour les militaires sur le champ de guerre, et non ceux des postes éloignés du front comme le sont Beaujeu et ses hommes. La Chapelle, quant à lui, ne mentionne pas plus la présence de tentes. CASSEL, « Troupes de la marine... », pp. 404-405.

337 Entre autres, Beaujeu menace de le « [ficeler] comme un saucisson ». PASSERAT DE LA CHAPELLE, Passerat de La Chapelle..., pp. 15-16 et Annexe A, p. 156.

338 Au sujet de ses soldats : « Après deux jours de repos donnés à mon convoi, le lendemain de la fête de

Noël, je mis dès avant l’aube mon convoi en route pour le Fort Ottawa, je comptais le rejoindre dès que j’aurais pris congé de M. de Beaujeu; j’avais gardé avec moi quelques miliciens et deux sauvages pour me servir d’escorte et de guides ». Ibid.

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ces miliciens s’étaient échappés pour l’avertir. Curieusement, malgré l’âpreté de son ancien hôte, La Chapelle n’en croit rien et continue son chemin en renvoyant les quatre hommes.

Le jeune officier arrive enfin aux Illinois339 le 12 janvier 1761 après un pénible trajet à pied. Nous imaginons que le fort impressionne La Chapelle : complété l’année précédente, ce fort est la seule construction militaire française de pierre à l’ouest du fort Niagara. Même les observateurs britanniques s’entendront que cette construction, faisant environ 500 pieds de longueur, est le fort le plus spacieux et le mieux construit en Amérique du Nord340. La cour intérieure contient les demeures du commandant et du munitionnaire, un fournil, le corps de garde, le magasin du Roy, une prison et deux casernes341. Un premier fort de Chartres avait été érigé en 1720, près de ce qui est aujourd’hui Prairie du Rocher, en Illinois. Au fil du temps, la région voit la construction successive de quatre forts, car la proximité des berges du Mississippi rend ces derniers vulnérables à l’érosion et aux inondations342. Le fort de Chartres devient rapidement le principal comptoir de traite et le centre d’approvisionnement du Pays des Illinois, défendant par le fait même la population française locale, la plus grande trouvée entre les Grands Lacs et La Nouvelle-Orléans343. Le fort lui-même abritait, en 1752, près de 280 personnes, le tiers étant des esclaves344. Le commandant du fort est Pierre-Joseph de Neyon de Villiers. Nommé capitaine à la Louisiane en 1750, il est major commandant en 1759 et fait chevalier de Saint-Louis la même année345.

La Chapelle arrive au fort en pleine période de misère. M. de Macarty, le prédécesseur de Neyon, informa Vaudreuil l’été précédent de l’état de la place forte : l’échec à Niagara en 1759 lui avait coûté « l’elite de son monde ». De plus, les liens qui retiennent les nations

339 Nom également donné au fort de Chartres.

340 « It is generally allowed that this is the most commodious and best built fort in North America » Philip

PITTMAN, cité dans René CHARTRAND, The Forts of New France: The Great Lakes, the Plains and the Gulf Coast, 1600-1763, Oxford, Osprey Publishing, 2010, pp. 41 et pp. 43-44.

341 Ibid., pp. 43-44.

342 Ce dernier fort, dont le début de la construction date de 1752, ne fera pas exception : les Britanniques

l’abandonneront en 1771 après de nombreuses années à combattre la malaria et les dépenses de rénovation excessives, toutes deux liées aux inondations.

343 Carl J. EKBERG,French Roots in the Illinois Country: The Mississippi Frontier in Colonial Times, Urbana

et Chicago, University of Illinois Press, 1998, p. 1.

344 Guy FRÉGAULT, Le Grand Marquis : Pierre de Rigaud de Vaudreuil et la Louisiane, Montréal, Fides,

1952, p. 129.

345 ANOM, Colonies, D2C 59, Liste des Officiers Civils et militaires en Louisiane, F°4 et JosephWALLACE,

« Fort de Chartres–Its Origin, Growth and Decline », dans Transactions of the Illinois State Historical Society

83 Illinois alliées sont devenus fragiles à cause la « dizette […] de marchandises »; Vaudreuil craint d’ailleurs un changement d’allégeance si jamais ils acceptent l’invitation des Britanniques de traiter avec eux à la rivière à la Roche dans la vallée de l’Ohio346. La peur d’être attaqué par les Britanniques est d’autant plus vive puisque selon Vaudreuil, « les gazettes angloises [font] question d’un puissant armement contre la Louisiane et suivant les lettres interceptées le général Monckton s’est porté sur la belle riviere347 ». La rumeur circule partout, même au cœur du Pays d’en Haut. Le père Du Jaunay écrit : « On Nous assure que le Mississippi Va avoir le même Sort que le fleuve St. Laurent348. » L’ardeur du bruit d’une conquête imminente est sans doute intensifiée du fait que le nouveau commandant du fort de Chartres vient d’apprendre la capitulation du Canada :

Copie de La Lettre Ecrite a M. de Neyon Comd.t aux illinois Par M. de Belletre dattée du detroit Le 23 Nobre 1760

Monsieur

j’ay recu hier aprés midi un Embassadeur anglois pour me prevenir que la capitulation faite en canda [Canada] renfermant ce poste, il alloit arriver une garnison angloise pour En prendre possession Le commandant de ce detachement est chargé de la capitulation, et une Lettre de M. de Vaudreuil pour moy, Je l’attends aujourd’huy pour Me conformer aux ordres de M. Le général.

Je ne puis que vous marquer qu’ils se preparent â aller vous attaquer le printemps prochain c’est a cet Effet qu’ils ont fait un fort a la chutte trés considerable; Si la paix ne va a Notre Secours, il est a craindre que vous ne sucombiéz; Je Souhaite quelle vous parvienne assés a temps pour pouvoir vous tirer de leurs mains, Je vous souhaite un meilleur sort que le mien, et je suis avec tout le respect possible, Monsieur votre trés humble et trés obeissant Serviteur Signé Picotté de Bellestre.

Je Certifie La presente Conforme a l’original Signé Neyon de villière

Pour Copie349

Ce message, daté de la fin novembre, atteint de Neyon avant l’arrivée de La Chapelle puisque le 3 janvier, le commandant envoie une lettre au gouverneur de la Louisiane lui transmettant la nouvelle350.

L’accueil de Neyon n’est pas plus chaleureux que la réception de Beaujeu. Après avoir lu la lettre de ce dernier que lui apporte La Chapelle, il accuse promptement le jeune

346 Aujourd’hui la rivière Great Miami près du lac Érié. ANOM, Colonies, C11A 105, F°77-78v. Vaudreuil de

Cavagnial au ministre. À Montréal, le 24 juin 1760.

347 Ibid.

348 Père Du Jaunay au père Saint-Pé. À Saint-Ignace, le 7 mai 1761, cité dans JOHNSON, The Papers of…, Volume 3, pp. 412-414.

349 ANOM, Colonies, C13A 42, F°70. Copie Belestre à Neyon. À Détroit, le 23 novembre 1760.

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officier d’avoir, entre autres, déserté son poste à la venue des Britanniques, d’avoir construit un fort sans son consentement351, et d’avoir usurpé le titre de représentant du roi. La Chapelle s’oppose à ces accusations, demeurant ferme dans sa défense qu’en quittant le Canada, il ne savait pas qui gérait la région. D’autant plus que la construction du fort avait été entreprise par nécessité puisque sa responsabilité première était d’assurer la survie de ses hommes pendant l’hiver, même si cela voulait dire créer une alliance temporaire avec les Amérindiens locaux. Bref, l’urgence de la situation l’avait obligé de faire fi « des niaiseries de politesse352 ».

Qu’importe, le commandant des Illinois lui ordonne de retourner voir Beaujeu avec une lettre et les provisions que celui-ci demande. Afin de se séparer de son hôte, La Chapelle fait semblant d’acquiescer, ayant la ferme intention de retourner au lieu au fort Ottawa. Il quitte de Neyon le 13 janvier 1761. Ne tenant toutefois pas à abandonner Beaujeu, il prévoit rejoindre ses hommes d’abord et faire envoyer les biens qui lui sont destinés à partir du fort Ottawa. Heureusement, La Chapelle a l’occasion de les confier plutôt au lieutenant La Vatterie353, un subordonné de Beaujeu qu’il rencontre en chemin le 27 janvier sur la rive sud de la rivière des Illinois.

Le retour de La Chapelle au fort Ottawa révèle rapidement la complicité entre Beaujeu et de Neyon. Les autres miliciens qui avaient accompagné La Chapelle à la rivière à la Roche s’étaient enfuis du camp de Beaujeu pour avertir leurs confrères au fort Ottawa de ses plans. Selon eux, Beaujeu cherche à obliger tous les occupants du fort à reprendre les armes, faute de quoi ils seront expulsés de celui-ci. De plus, Beaujeu reconnaît l’importance stratégique de ce fort sur la rivière des Illinois qui peut donc protéger l’entrée de la Louisiane d’une invasion britannique. En guise de confirmation de leurs dires, M. de Clignancourt s’était présenté à nouveau devant le fort le 21 janvier pour les sommer de se soumettre aux ordres de Beaujeu. En réponse, tous firent valoir à l’enseigne qu’ils étaient exclusivement sous les ordres de La Chapelle et que les miliciens seraient libérés dès le printemps. Devant l’entêtement de M. de Clignancourt, les miliciens faillirent le blesser sinon le tuer en se jetant sur lui n’eût été de l’intervention de plusieurs soldats.

351 Il faut se rappeler que tout fort construit dans un gouvernement doit répondre au gouverneur. BALVAY, L’Épée et la Plume..., p. 73.

352 PASSERAT DE LA CHAPELLE, Passerat de La Chapelle..., p. 17 et Annexe A, p. 157. 353 Écrit « Watterie » dans le rapport de La Chapelle.

85 L’officier secoué, mais indemne, retourna donc à la rivière à la Roche avec le message clair des Canadiens et des métis qui menaçaient, en cas de persistance de la part de Beaujeu, d’aller aussi loin que de se servir des sauvages pour attaquer son camp.

Ouvrons ici une parenthèse sur la question de la relation entre militaires et miliciens. Au risque de devancer le récit de Beaujeu, il est quand même important de noter ici que le fait qu’il soit Canadien n’affecte pas nécessairement l’allégeance des miliciens, Canadiens eux aussi. Pour comprendre, il faut d’abord réexaminer l’image traditionnelle du milicien bagarreur. Les écrits d’Eccles sont un exemple qui illustre bien l’ancienne tendance historiographique opposant le milicien canadien, supposément entrainé à la guerre depuis l’enfance, contre le Français étranger ou l’Américain plutôt habitué à l’agriculture354. C’est une image qui a perduré jusqu’à tout récemment, avant d’évoluer grâce à un second regard d’historiens comme Louise Dechêne :

De tous les stéréotypes qui marquent l’histoire de la Nouvelle-France, celui qui souligne l’esprit guerrier et la combativité naturelle des Canadiens est le plus durable, le plus présent. Initiés aux arts martiaux dès l’enfance, ayant parfaitement assimilé les pratiques indigènes, ce sont de féroces et redoutables soldats. Piètres agriculteurs et ouvriers, ils préfèrent la guerre à toute autre occupation, d’où les victoires répétées remportées contre les colons britanniques trop absorbés par la réussite de leurs entreprises pour se défendre.355

Il faut se méfier également de l’idée des allégeances d’origine. Même si Bougainville écrit que,

Les Canadiens et les Français, quoiqu’ayant la même origine, les mêmes intérests, les mêmes principes de religion et de gouvernement, un danger pressant devant les yeux, ne peuvent s’accorder; il semble que ce soit deux corps qui ne peuvent s’amalgamer ensemble. Je crois même que quelques Canadiens formaient des vœux pour que nous ne réussissions pas, espérant que toute la faute retomberait sur les Français.356

il faut se rappeler qu’il s’agit ici de l’élite de la colonie, et non du simple soldat ou du milicien. Au contraire, tout semble indiquer que ces deux derniers s’accordent bien. Eccles, malgré le stéréotype qu’il véhicule au sujet du milicien, reconnaît effectivement qu’à la différence de la rivalité entre Montcalm, Vaudreuil et leurs officiers, les relations vont assez bien entre les soldats français et les Canadiens (Montcalm permet même à plusieurs

354 W. J. ECCLES, The Canadian Frontier: 1534-1760, New York, Holt, Rinehart and Winston, 1969, p. 173. 355 DECHÊNE, Le Peuple, l’État et la Guerre…, p. 58.

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soldats de se marier avec de jeunes Canadiennes)357. Dechêne confirme : « [...] les miliciens côtoient, semble-t-il sans trop de heurts, des soldats nés en France358. » Cette relation va même trop bien selon le témoignage de Bougainville : « Le soldat, corrompu par la quantité d’argent qu’il a ici, par l’exemple des Sauvages et des Canadiens, respirant un air imprégné d’indépendance, travaille mollement359. » Compte tenu de l’influence des Canadiens sur les Français, il n’est donc pas étonnant que La Chapelle panique vis-à-vis le sort de sa compagnie alors que ses miliciens proposent à ses soldats de déserter. Il écrit d’ailleurs que la plupart de ses soldats sont de mauvais sujets. Effectivement, la majorité des soldats qui participent à cette guerre sont jeunes et souvent coupables de mauvaise conduite360. Les désertions sont déjà courantes, grâce surtout à une justice plutôt laxiste. Arnaud Balvay décrit le phénomène :

Les soldats qui rejoignent «la profondeur des bois» ou les colonies anglaises risquent en principe soit les galères perpétuelles soit la peine de mort. Lorsqu’ils désertent à plusieurs, les autorités sont censées effectuer un tirage au sort pour savoir lequel d’entre eux sera exécuté tandis que les autres sont condamnés aux galères. Mais dans la réalité, les sanctions sont rarement appliquées. Dans tous les cas, les déserteurs sont plus utiles vivants que morts et les amnisties sont courantes au vu des nombreuses ordonnances rendues à ce sujet.361

Bien que l’état-major ait eu recours au pardon des déserteurs à plusieurs reprises, il ne faut pas faire l’erreur de leur attribuer une mansuétude sans borne : les exécutions pour désertion sont tout de même nombreuses, tant chez les Français que chez les Britanniques. L’exemple doit être illustré à tout prix. Toutefois, l’offre que font les miliciens aux soldats de La Chapelle semble supplanter le risque :

Les miliciens firent partager leur colère aux soldats du détachement, en leur insinuant que M. de Beaujeu se vengerait sur eux de l’injure faite par eux à son lieutenant. Il les brimerait durement; M. de Beaujeu avait l’intention de rester toute sa vie en Louisiane, puisqu’il n’avait plus d’attache en France étant canadien. Il garderait les hommes du détachement avec lui, en Louisiane; que, dès à présent, les soldats pouvaient dire adieu à la France qu’ils ne reverraient jamais; qu’ils seraient maintenus dans les Forts du Haut-Mississipi; qu’ils mourraient par une balle anglaise ou scalpés par les sauvages; qu’ils n’avaient plus qu’une ressource : c’était de gagner les colonies espagnoles ou de se solidariser avec eux contre M. de Beaujeu; qu’ils allaient, quant à eux, prendre leurs