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À l’été 1760, le fort Détroit se prépare à se défendre contre une éventuelle attaque britannique. Toutes les garnisons des postes de la Belle Rivière ont reçu l’ordre de s’y diriger. Au printemps, Détroit avait 700 soldats (la plupart provenant de Niagara), 150 miliciens arrivés du Mississippi avec des provisions et 600 miliciens stationnés dans la région. Les Français ne sont pas seuls à attendre les Britanniques : 150 Hurons, 200 Outaouais, 100 Potawatomies et 100 Chippewas, un total de 550 guerriers, sont sur le qui- vive206. Le 24 juin, Vaudreuil écrit au sujet de ces alliés : « Je ne pense pas [que les Anglais] aillent au detroit[.] [I]l pourroit leur en Couter très cher parce que toutes les

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nations [indiennes] sont disposées [à] se reunir aux françois207 ». Dans cette même lettre, il spécifie que le commandant du fort de Chartres, M. Macarty208, a fait passer des vivres à M. de Belestre, le commandant de Détroit. Effectivement, depuis la perte du fort Niagara aux Britanniques l’année précédente, l’accès direct entre Détroit et Montréal est coupé. La rivière des Outaouais devient donc la seule voie navigable les reliant sur un parcours difficile de 40 jours209. En conséquence, le fort de Chartres, approvisionné par La Nouvelle-Orléans, devient le seul centre capable de ravitailler le Pays d’en Haut sans crainte immédiate d’une interception britannique.

Néanmoins, la perte de Niagara ne dissuade pas Détroit d’envoyer des renforts à Lévis qui se prépare à affronter l’armée d’Amherst devant Montréal, le futur théâtre qui déterminera le sort du Canada. Le 2 septembre 1760, La Chapelle reçoit l’ordre de lui porter secours en y dirigeant deux-cents soldats des troupes royales, « dont cinq sergents et six caporaux, prélevés sur la garnison du Fort Détroit210 ». La Chapelle n’offre aucun détail précis sur cette partie de son voyage. Le peu qu’il nous dit sur cette question semble indiquer qu’il emprunte le lac Érié, la voie la plus rapide vers Montréal en temps normal. Toutefois, la péninsule de Niagara est occupée par l’ennemi. Si La Chapelle choisi ce chemin, c’est une stratégie risquée qui nécessitera un détour discret par voie terrestre. Nous reviondrons sous peu sur ce point.

Après avoir parcouru « environs cent lieues » vers Montréal211, La Chapelle doit changer ses plans : il apprend que Vaudreuil vient de capituler. Confronté par la nouvelle que toutes les troupes doivent être faites « prisonnières sans condition », le jeune officier réfléchit sur sa situation. Que peut-il faire? S’avouer vaincu sans même être arrivé à destination, sans même avoir affronté l’ennemi? Il écrira plus tard : « En présence de cette

207 ANOM, Colonies, C11A 105, F°74-76. Vaudreuil de Cavagnial au ministre. À Montréal, le 24 juin 1760. 208 Jean-Jacques Macarty Mactigue occupe le poste de commandant des Illinois de 1750 jusqu’en 1760. Il se

fait remplacer par Pierre-Joseph Neyon de Villiers.

209 Amherst notera dans son journal l’arrivée d’un officier et ses hommes qui, ayant quitté Détroit, ont

emprunté cette voie pour arriver le 13 septembre à Montréal avec leurs pelleteries. AMHERST, The Journal of

Jeffery Amherst…, p. 251.

210 Contrairement au cas des hommes de Beaujeu, nous n’avons pas pu retracer une liste des soldats sous son

commandement. PASSERAT DE LA CHAPELLE, Passerat de La Chapelle..., p. 9 et Annexe A, p. 149.

211 Cette distance représente plus ou moins celle entre Détroit et la péninsule de Niagara. La distance entre les

55 situation, je décidais d’opérer une retraite vers la Nouvelle-Orléans pour conserver ma troupe au Service du Roi, plutôt que de me rendre aux Anglais212 ».

Dans son mémoire de 1779, La Chapelle explique que sa retraite est entreprise spécifiquement pour secourir la Louisiane213. Bien que tout au long de son récit il ne cesse de justifier sa décision pour une question d’honneur, il ne faut pas oublier que d’autres motivations peuvent tout aussi bien le pousser à entreprendre un tel périple. En refusant à Vaudreuil de conserver les honneurs de la guerre, Amherst voue les officiers de la colonie à ne plus servir dans l’armée pour le restant de la guerre et à ne recevoir que la moitié de leur solde. C’est un coup d’autant plus difficile que les officiers sont responsables des soldes de leurs hommes214. Ainsi, en rejoignant la Louisiane, La Chapelle conservera en théorie son service et sa paye. D’autre part, n’oublions pas que Beaujeu l’accusera de vouloir rejoindre la « Nouvelle Orléans, dans le but de s’embarquer clandestinement pour la France215 »… Toutefois, rien dans les actions et la correspondance du jeune officier ne soutient cette accusation. Au contraire, le fait qu’il acceptera de revenir servir dans le Pays des Illinois après s’être rendu à La Nouvelle-Orléans démontre sa fidélité à son service.

La Chapelle, donc, s’engage à rejoindre la Louisiane, mais non sans prendre le temps d’acheter des approvisionnements. Ce qu’il écrit à ce sujet révèle la panique des gens qui réagissent à la capitulation (nos italiques) :

Je pus, grâce à l’obligeance des R.P. Jésuites, acheter à très bon compte, — les gens

vendaient tout ce qu’ils possédaient pour ne pas être pillés par les anglais, — des

chevaux, mulets, des vivres, du matériel, et divers articles de traite, ces dernières pour faire des échanges avec les sauvages ou payer leurs services, pour une somme de 43.131 livres, laquelle somme fut payée par moi en plusieurs traites tirées sur mon père […] administrateur de mes biens. Les R.P. Jésuites avalisèrent le paiement de ces traites.216

La Chapelle écrira dans son mémoire de 1779 qu’il dut « sacrifier ses propres esclaves217 », les vendant pour défrayer une partie de ses dépenses. Leur vente sera éventuellement

212 PASSERAT DE LA CHAPELLE, Passerat de La Chapelle..., p. 9 et Annexe A, p. 150. 213 ANOM, Colonies, E 331, Passerat de La Chapelle…, p. 146.

214 ANDERSON, Crucible of War, p. 797.

215 PASSERAT DE LA CHAPELLE, Passerat de La Chapelle..., p. 51 et Annexe A, p. 173. 216 Ibid, pp. 9-10 et Annexe A, p. 149.

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remboursée en 1767218. Aucune référence à leur sujet ne nous éclaire sur leur identité. Nous reviendrons néanmoins sur la question des esclaves dans la vie de La Chapelle au cinquième chapitre.

Une fois prête, sa compagnie revient sur ses pas. De peur de rencontrer des forces britanniques, La Chapelle coupe par la terre afin de rejoindre la rive nord du lac Sainte- Claire219. De là, il procède à une reconnaissance du fort Détroit, qu’il craint être déjà occupé par l’ennemi. Un sergent, envoyé à cet effet, revient avec cette lettre de la part du commandant du fort :

J’approuve entièrement, monsieur, votre détermination de conduire le détachement dont je vous ai confié le commandement, à la Nouvelle-Orléans, pour ne pas être contraint de vous rendre aux Anglais, et pour conserver cette troupe au service de Sa Majesté. Vous entreprenez là une bien pénible tâche, pleine de périls et de dangers. Je vous says brave, hardy, énergique et homme de grande ressource dans l’adversité, vous savés commander et vous faire obéir. Mais la conduite d’un détachement de 200 hommes vers une destination aussy lointaine, à travers un pays peu hospitalier et inconnu de vous, sans guide et sans être secondé par aucun officier n’est pas une chose facile, vous aurez à vaincre bien des difficultés, l’hiver approche. Mes meilleurs vœux vous accompagnent, malgré les misères que vous allez avoir à supporter, votre sort est plus heureux que le mien. Car je vays avoir honte de rendre le Fort et sa garnison aux anglais et de me constituer leur prisonnier. Triste fin de carrière!... Plaignez-moi, bon courage et à la grâce de Dieu

« BELLESTRE »220

Maintenant muni de l’approbation de son supérieur, La Chapelle procède avec son plan, mais pas avant d’apprendre de son sergent qu’un groupe de miliciens, composé de « 32 canadiens et 78 métys Ottawais », vient d’être libéré de leurs devoirs par Belestre. Ceux-ci se dirigent également vers la Louisiane, question d’attendre que la poussière retombe avant de revenir chez eux. Le jeune officier, connaissant ces hommes, leur offre de se joindre à son parti. Munis de vivres seulement pour trois jours, ils acceptent de se soumettre à son

218 Il recevra 20 034 livres, payées en fonction de « la subsistance qu’il a fournie à un détachement de 200

hommes et pour les fournitures, faites à cette occasion, au service de plusieurs postes du Canada ». ANOM, Colonies, A 11, F°123.

219 « Je pris avec mon détachement, la route par terre vers l’ouest, pour gagner le nord du Lac Saint Clair.

Après avoir dépassé ce point j’obliquais vers le sud, pour me rapprocher du Fort-Détroit » Encore une fois, ceci semble indiquer qu’il avait emprunté la voie du lac Érié. Sans doute rejoint-il le lac Sainte-Claire en traversant le point le plus étroit entre le lac Érié et cette dernière. PASSERAT DE LA CHAPELLE, Passerat de La

Chapelle..., p. 10 et Annexe A, p. 150. 220 Ibid., p. 10 et Annexe A, p. 150.

57 commandement. En échange de cette allégeance, La Chapelle leur promet la liberté dès leur arrivée à destination221.

Sauf pour quelques noms cités ça et là, le rapport de La Chapelle ne nous révèle pas l’identité de ses soldats. De surcroît, notons qu’il est surprenant de constater le nombre d’hommes sous son commandement : maintenant à la tête de 310 hommes, La Chapelle est responsable d’une compagnie qui dépasse largement la moyenne habituelle de 50 soldats et qui s’approche plutôt de la taille d’un bataillon. On pourrait également s’étonner que les Britanniques ne remarqueront jamais l’absence à Détroit d’un corps d’homme aussi important. Après tout, l’armée britannique garde un décompte plus ou moins exact des soldats retrouvés dans chaque fort. Toutefois, il faut se rappeler que cette liste est théorique, basée sur les chiffres indiqués par l’état-major français. Les hommes se faisaient souvent permutés entre les divers postes soit pour combler un besoin de main-d’œuvre ou pour anticiper une bataille. Comme démontré plus tôt, tel est le cas du fort Détroit en 1760. Le gouverneur Vaudreuil écrit le 24 juin 1760 que toutes les garnisons des postes de la Belle Rivière se retirèrent à Détroit avec « autant de vivres, d’artillerie, de munitions et de Marchandises qu’il pût contenir sur les bateaux, le surplus [donné] aux Sauvages222 ». Après la Conquête, toutefois, le gouverneur admet ne pas savoir s’il reste des hommes dans les postes du Pays d’en Haut223. Les Britanniques, eux, noteront que Belestre n’aura plus que 29 hommes sous son commandement au moment de la reddition du fort224.

La question de l’identité des miliciens qui suivent La Chapelle est plus complexe, voire confuse. Bien que l’officier mentionne l’existence d’une liste nominative de ces derniers, elle ne figure malheureusement que dans son journal original. Tout ce que nous savons à leur sujet est qu’ils font partie de « la compagnie de milice d’Ottawa225, en garnison au Fort Pontchartrain », et qu’ils sont « 110 hommes dont 32 canadiens et 78 métys Ottawais,

221 Ibid, pp. 10-11 et Annexe A, p. 151.

222 ANOM, Colonies, C11A 105, F°74-76. Vaudreuil de Cavagnial au ministre. À Montréal, le 24 juin 1760. 223 PRO, War Office 34, Vol. 8, F°57-58 (deuxième copie F°59-59v), Copy of a Lettre from the M.is of

Vaudreuil to M.r de Belêtre Commandt of the Detroit: being Orders for the Execution of the Capitulation.

Montreal 9.e September 1760. The same Letter wrote to M.r Beaujeu Commandant at Michillimakinac.

Originals sent to Brig.r Monckton 12.th September. Copy Enclosed to M.r Secretary Pitt 4.th October.

224 Si le commandant Belestre s’était joint à La Chapelle, les Britanniques auraient été immédiatement sur le

qui-vive comme ils le seront pour Beaujeu. Comme nous le verrons plus tard, Belestre est particulièrement redouté par Amherst. PRO, War Office 34, Vol. 8, F°72v-75. État des Officiers et Soldats de la marine employés lors de la Capitulation, soit à Montréal, aux trois Rivières et dans les différents postes d’en haut. Le 18 septembre 1760.

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presque tous ces derniers ―coureurs des bois‖ »226. Impossible de deviner leurs origines précises. Dès 1759, plusieurs groupes de miliciens, originalement stationnés aussi loin que le fort Duquesne, hivernent à Détroit227. Les Canadiens et les métis sous La Chapelle ne représentent d’autant plus qu’une petite partie des miliciens et Amérindiens présents au fort : les Britanniques mentionnent à leur arrivée la présence de sept à huit-cents miliciens et mille-cinq-cents autochtones228. Donc, dans cette mêlée, pas étonnant qu’une centaine d’hommes aient pu se sauver sans que les Britanniques remarquent leur absence229. Mais qui sont donc ces Canadiens? Et qui sont ces métis? Bien que La Chapelle les distingue clairement l’un de l’autre, il ne nous explique pas ce qui les différencie selon lui. Après tout, il va constamment identifier la somme des deux groupes comme « les miliciens ». Bien que La Chapelle identifie les métis d’Outaouais, il faut mettre un bémol : au cours du XVIIe siècle, la présence importante d’Outaouais dans le commerce des fourrures fait que leur nom devient un terme générique pour identifier n’importe quel groupe autochtone du Pays d’en Haut230. Impossible donc de savoir si La Chapelle remarque cette différence. Cette distinction ne semble pas lui importer de toute façon, car nulle part ne fait-il allusion que ces métis sont des Amérindiens à part entière. Bien au contraire : il traitera tous les miliciens, Canadiens et métis confondus, comme des Français (ce qui mène aussi à supposer que le nom de la compagnie n’en est qu’un parmi d’autres, et non la désignation d’un groupe composé d’Autochtones)231. Selon nous, il est très probable que La Chapelle qualifie de Canadiens ces miliciens qui proviennent de la vallée du Saint-Laurent, et de métis ceux qui habitent le Pays d’en Haut. À leur sujet, il faut se rappeler que les autorités françaises font la différence entre les « métis bâtards » et les « métis légitimes ». Il n’est pas question ici de l’état conjugal des parents, mais bien de différencier entre ces métis qui adoptent les mœurs amérindiennes (« bâtards ») et ceux qui adoptent plutôt les mœurs

226 PASSERAT DE LA CHAPELLE, Passerat de La Chapelle..., pp. 10-11 et Annexe A, p. 151.

227 Sans doute que La Chapelle y hiverne cette même année aussi. ANOM, Colonies, C11A 105, F°259-263v.

Observations sur certains mouvements de la Nouvelle-France (1760).

228 Richard Shuckburgh à William Johnson. À New York, le 2 février 1761, cité dans JOHNSON, The Papers of…, Volume 3, pp. 323-324.

229 De plus, ce que La Chapelle et ses hommes ne savent pas encore, c’est que l’état-major britannique ne

s’intéresse pas aux miliciens à qui ils ont donné la permission de rentrer chez eux. Dans le cas de La Broquerie, par exemple, Amherst permet à ses 200 miliciens de rentrer chez eux. AMHERST, The Journal of Jeffery Amherst…, p. 261.

230 Richard WHITE, The Middle Ground. Indians, empires, and republics in the Great Lakes region, 1650- 1815, Cambridge, Cambridge University Press, 1991, pp. 105-106.

59 françaises (« légitimes »). Il ne faut penser qu’à Langlade, le second de Beaujeu, pour trouver un exemple d’un métis outaouais qui s’identifie aux Français. Bref, nous croyons que par la manière que La Chapelle traite ces métis, il est acceptable de supposer qu’ils sont justement de ces « métis légitimes » qui habitent le Pays d’en Haut232. Comme les Canadiens qui espèrent retourner chez eux dans la vallée du Saint-Laurent, ces métis attendront de recevoir des nouvelles d’une paix ou tout au moins d’une trêve pour pouvoir rentrer chez eux, dans la région des Grands Lacs.

La Chapelle et sa compagnie augmentée se retirent donc discrètement à la faveur de la confusion qui règne. Tant et aussi longtemps que La Chapelle est bien fourni en réserves, la présence des miliciens ne lui est pas nuisible. Bien au contraire, les métis « coureurs des bois » sont particulièrement utiles en navigation et en transport. Comme l’écrit Jay Cassel, la majorité des soldats français ne savent pas agir comme voyageurs. Ceci explique la taille de la plupart des expéditions : depuis toujours, la milice a surtout aidé au transport des soldats français233. Bien qu’au XVIIIe siècle le Canadien n’est plus le milicien belliqueux de légende234, il a néanmoins d’autres utilités comme ouvrier et pagayeur. De plus, les métis servent d’interprètes et de guides. Tout au long de son parcours, le jeune officier louera l’utilité de ses miliciens métis comme « sentinelles et éclaireurs » dans un pays hostile où ils seront souvent harcelés par des partis amérindiens. En tant que métis outaouais, ces hommes connaissent sans doute le territoire mieux que les miliciens canadiens de la vallée du Saint-Laurent qui n’ont, pour la grande majorité, jamais mis les pieds dans le Pays d’en Haut.

La Chapelle poursuit vers le lac Michigan avec ses hommes. Bien que l’officier ne spécifie pas la date à laquelle il quitte la région de Détroit, il nous est quand même possible de l’estimer. Normalement, le trajet entre les forts Détroit et Niagara prend une dizaine de jours235. Dans le cas de la compagnie, elle ne rejoint pas tout à fait la péninsule de Niagara et revient sur ses pas pour ensuite emprunter une voie terrestre jusqu’au lac Sainte-Claire.

232 « […] métis legitimes invariably became French in outlook, culture, and loyalty. […] To keep the villagers loyal, French commanders depended, too, on the métis legitimes and on the Frenchmen who had intermarried and traded among the Indians. […] The French deployed the métis legitimes in their attemps to restore order in the pays d’en haut, but in the end neither the efforts of the métis nor the economic reforms archived the French goals. » WHITE, The Middle Ground, pp. 214-215.

233 CASSEL, « Troupes de la marine... », p. 277. 234 DECHÊNE, Le Peuple, l’État et la Guerre…, p. 58. 235 Selon les Relations des Jésuites.

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À pied et sans obstructions, une compagnie peut se déplacer 25 kilomètres par jour. 236 Étant donné que la distance la plus étroite entre la rive nord du lac Érié et la rive sud du lac Sainte-Claire est d’environ 24 kilomètres, il n’est pas difficile de s’imaginer que la compagnie de La Chapelle ne met pas plus que quelques jours à rejoindre le nord du lac. Donc, une vingtaine de jours tout au plus sépare son départ vers Montréal le 2 septembre et son retour à proximité de Détroit. Bref, il se dirigerait vers La Nouvelle-Orléans vers la fin de septembre.

Les détails de la première partie du parcours de La Chapelle sont toujours nébuleux. Lui-même admet qu’il ne sait pas trop comment se rendre à sa destination. Sans carte, il dirige ses hommes à pied « dans la direction ouest légèrement sud, pour atteindre [la rive est du] Lac Michingan237 ». Dès leur arrivée sur la rive, ils consacrent quelques jours au repos et à la construction de « barges et [de] radeaux » pour le transport des vivres, des hommes, et des animaux238.

Louis Phelps Kellogg, dans sa traduction du texte de La Chapelle, situe la prochaine étape de son déplacement sur la rivière Saint-Joseph pour emprunter le portage de Kankakee239. Il faut mettre un bémol à cette affirmation. La Chapelle écrit seulement qu’il « [navigue] jusqu’à l’extrême sud du Lac […]. Du sud du Lac, [il reprend] la route terrestre, direction sud-ouest pour rejoindre la Rivière des Illinois240 ». Comment interpréter ce passage? Les deux voies qui s’offrent à lui sont soit celle proposée par Phelps Kellogg, ou le portage de Chicago. Certes, bien que la rivière Saint-Joseph soit appréciée